Jacques Huntzinger n’est pas un auteur très prolixe. Mais son CV est riche ayant été professeur de Droit, Haut Fonctionnaire et Ambassadeur. Nous avons déjà présenté son précédent livre, plus modeste en pages, intitulé « Les Printemps Arabes et le religieux ». Il existe de nombreux livres d’initiation à l’Islam. Nous y sommes très attentifs surtout quand ils sont écrits par des musulmans eux-mêmes. Mais ce livre garde une valeur indéniable et vaut le coup d’être lu. Pages après pages, on a toujours envie d’en connaître plus. On pourra apprécier l’enracinement historique de cette initiation à tel point que son titre plus complet pourrait être : « Initiation à l’Islam d’hier et d’aujourd’hui. ». Il y aurait beaucoup de choses à retenir de ce livre abondant. Nous en retiendrons principalement deux.
Dès qu’on parle d’Islam, il faut accepter la confrontation entre la Tradition religieuse et la science d’islamologie. Avec cette dernière, nous faisons face à une « déconstruction » de certaines données de la Tradition. C’est ainsi qu’il faut évoquer « le débat sur l’existence réelle de Mahomet. » (p.18). Il n’hésitera pas à questionner la réalité de la révélation islamique en écrivant : « Le premier islam prêché par Mahomet est une adaptation du biblisme au contexte spécifique qui est celui d’une tribu arabique polythéiste mais connaisseuse des monothéistes environnants. » (p.27) Des pages qui ne peuvent que secouer les croyants de l’Islam. Mais comme le souligne Jacqueline Chabbi, une autre islamologue : « L’historien n’a rien à dire à un théologien sur sa religion et surtout pas comment il doit croire. » Nous sommes donc face à deux domaines bien différents qui se confrontent mais aussi se complètent.
Le deuxième élément qui apparait tout au long du livre est la relation entre religion et politique au sein de l’Islam. Dès le début, Mahomet a dû faire l’union de toutes ces tribus bédouines/arabes habituées qu’elles étaient aux razzias et combat intertribaux de toutes sortes. C’est grâce à la notion d’Umma (communauté religieuse ou peuple de croyants) que Mahomet va les rassembler et essayer, tant bien que mal, de les garder ensemble. Après Mahomet, ils furent dirigés par les « califes bien guidés », cela ne dura pas longtemps avec l’expansion géographique de l’Islam. L’auteur souligne donc l’existence d’une structure triangulaire régulant les peuplades : Le calife – Les peuple des croyants – les Ulémas (p.117) Toujours, en tout temps et tout lieux il faudra donc tenir compte de ce peuple de croyants et préserver leur unité dès les premiers débuts, face aux hérésies, théologiens ou philosophes. Il faudra donc tenir compte tout autant de la foi de la masse que de la foi de l’élite (p.156). Et face aux islamismes ou salafismes en tous genres, on pourra distinguer l’islamisme venu d’en bas comme celui venu d’en haut (p.246). On le voit, il ne sera pas facile de faire évoluer les choses tout autant sur le plan religieux que sur le plan politique. Cela ne pourra qu’être une « lente évolution graduelle » grâce à une « déconstruction de la Sunna. » (p.302) Son livre se termine par 40 pages qui se veulent une introduction au Chiisme et 10 autres pour l’introduction au Soufisme.
Voilà donc un livre facile à lire et que l’on peut mettre entre toutes les mains. Malheureusement, ce livre n’est pas un outil de travail. L’auteur a réussi l’exploit de ne pas mettre une seule note de bas de page, tout au long des 356 pages de son livre. Il ne cite également aucune référence bibliographique. Enfin, si les faits « déconstruits » sont bien là et évoqués, ils peuvent être interprétés différemment. Il n’y a dans ce livre, aucune esquisse de débats entre islamologues. Tout ceci ne facilite pas un prolongement de ce que propose l’auteur. Mais cela ne diminue en rien l’intérêt de ce livre.
Jacques Huntzinger : Initiation à l’Islam
Cerf 2017 – 356 pages – ISBN 978-2-204-11291-8 – 24€
Gilles Mathorel, M.Afr.
A.R.C.R.E.