Mon expérience de la pastorale paroissiale comme missionnaire d’Afrique (PE n° 1084)
Je vis la mission dans la paroisse sainte Thérèse de l’enfant Jésus-Dyou, diocèse de Sikasso au Mali, dans la province de l’Afrique de l’Ouest (PAO) il y a de cela 5 ans, c’est-à-dire depuis mon ordination sacerdotale. Le diocèse de Sikasso comprend 8 paroisses avec 25 prêtres diocésains, dont une seule est animée par les missionnaires d’Afrique depuis sa fondation le 14 janvier 1953. Seules deux congrégations masculines existent dans ce diocèse : les salésiens de Don Bosco avec leur centre de formation professionnelle ainsi que deux communautés missionnaires d’Afrique à savoir le Centre Sénoufo et notre communauté paroissiale. Notre présence apporte un peu de diversité dans la configuration diocésaine dans son approche pastorale.
La simplicité dans le contact : pour réellement se faire « tout à tous », l’investissement dans l’apprentissage de la langue locale m’a rendu très efficace dans la pastorale. Je peux librement prêcher, conseiller, faire des visites pastorales gratuites et loger dans leurs maisons sans chercher le confort. Toutes ces attitudes sont un grand témoignage qui évangélise nos interlocuteurs. Le fait de faire des tournées dans nos 23 villages en rotation nous permet d’entrer en contact avec la réalité vécue dans toutes les communautés. Chaque dimanche soir nous partageons nos joies et nos frustrations de la mission, tout en nous encourageant les uns les autres. C’est un moment de détente et d’enrichissement mutuel autour d’un verre fraternel. Quant au lundi soir, jour de notre repos, nous avons une messe pendant laquelle nous partageons nos expériences spirituelles en nous écoutant les uns les autres. C’est une activité qui me permet de présenter au Seigneur toute la communauté paroissiale avec ses joies et ses peines.

Je rêve d’une paroisse spécifiquement missionnaire où nous nous engageons solidement dans :
- la catéchèse pour approfondir la foi de nos fidèles chrétiens qui se laissent facilement ballotés par le train-train de la vie pourvu qu’ils aient une satisfaction. Il existe beaucoup de duplicités dans la plupart d’entre eux, c’est ce qui explique le manque d’engagement de certains… Je crois fermement que si ces derniers suivaient sérieusement la catéchèse et avaient une vie de prière, ils pourraient comprendre ce qu’est prendre sa croix. « Même la rose se trouve au milieu des épines » dit-on. Vivre sa foi dans un milieu fortement musulman sans peur ni aucun compromis devant les difficultés rencontrées.
- l’alphabétisation : la plupart de nos chrétiens sont des analphabètes, d’où il y a urgence de leur apprendre à lire et à écrire pour qu’ils soient capables de découvrir davantage les Ecritures à travers une lecture personnelle mais aussi à s’engager davantage dans les activités communautaires. Parfois, il n’y a personne qui sache lire dans certaines communautés et c’est au prêtre ou stagiaire de tout préparer ou de tout faire… Si les fidèles apprennent à lire et à écrire, ils pourront gérer leurs activités sans beaucoup de frustrations… et cela rendra tout le monde plus heureux dans la mission.
- les formations sur les activités d’auto prise en charge pour la vraie libération de la personne humaine c’est-à-dire les former et éduquer à être financièrement indépendants pour ainsi participer au fonctionnement de la paroisse. La plupart des chrétiens pensent et croient fermement que l’Eglise est là pour leur distribuer de l’argent, que l’Eglise est riche et n’attend rien d’eux. Nous travaillons d’arrache pieds pour leur donner une vraie image de l’Eglise en sachant qu’eux-mêmes en font partie, et ainsi les libérer progressivement de l’esprit de mendicité.
- les activités de sensibilisation sur Justice et Paix : nous vivons en zones d’orpailleurs. Il existe sur notre territoire beaucoup de sites miniers traditionnels et cela attire tout le monde. Le plus pénible est qu’on y trouve beaucoup de mineurs et de jeunes venus de toute la sous-région à la quête de l’argent facile. Ce qui est d’ailleurs un mythe, parce que seule une petite poignée parvient à s’en tirer positivement. A travers des soirées de sensibilisation nous voulons aider ces gens à comprendre les dangers qu’ils courent en travaillant sans aucune garantie ou protection. Mon rêve se recoupe avec celui du pape François exprimé dans son encyclique « Laudato Si » : tout le monde doit avoir le souci de garder et sauvegarder notre maison commune.

Ma plus grande observation est que j’ai été chanceux jusqu’à présent de me retrouver dans une communauté constituée de 3 confrères « semper tres », la règle d’or de notre vie communautaire avec aussi la présence de stagiaires missionnaires d’Afrique que nous aidons dans leur discernement à la suite du Christ Comme dans chaque communauté missionnaire, nous avons établi un projet communautaire qui nous aide à vivre spécifiquement notre idéal et pour nous insérer dans notre milieu de vie de première évangélisation (avec beaucoup d’influences de la religion traditionnelle et de l’islam…) comme quelqu’un aimait le dire : au Mali, il existe 85 % de musulmans, 15 % de chrétiens et 100 % d’animistes. Cela explique encore aujourd’hui la forte pression sociale de la religion traditionnelle africaine. Néanmoins, il existe une vraie tolérance religieuse dans ma région de mission et nous, leaders religieux, nous nous rencontrons souvent formellement et informellement en nous encourageant de veiller à prêcher la paix, la tolérance et le pardon. Le cœur de l’homme étant imprévisible, nous restons prudents dans notre manière de parler et de faire.
Cette pastorale m’excite beaucoup et me donne de la joie chaque fois que je rencontre une certaine réceptivité de la part de certaines personnes ; quand je pense à Jésus, saint Paul, Lavigerie et beaucoup d’autres apôtres qui ont rencontré des difficultés dans leur mission mais ont tenu mordicus grâce à la foi, à leur confiance indéfectible en Dieu et la consolation trouvée dans leur mission si petite soit-elle. Oui cette mission vaut la peine d’être vécue !
Joseph Kamwanga, M.Afr.
Ghardaïa en Algérie : une paroisse différente ou comme n’importe quelle autre ? (PE n° 1084)
Je me fâche quand des confrères semblent insinuer que la vie paroissiale dans les pays à prédominance non-chrétienne serait tronquée, amoindrie, voire inexistante. A Ghardaïa en Algérie, nous vivons comme les toutes premières paroisses des Actes des Apôtres, sinon comme les « sept paroisses » ordinaires du livre de l’Apocalypse. Notre paroisse ressemble aussi à celles de nos confrères missionnaires d’Afrique de la province de l’Afrique du Nord et de certaines paroisses du Mali et du Niger. Mais pourquoi la paroisse de Ghardaïa ne ressemblerait-elle pas à toutes les autres paroisses tenues par des communautés de missionnaires d’Afrique ? Même s’il y a des différences de gradualité, de fréquentation et d’accents.
Une paroisse vit le mystère du Christ dans ses assemblées saintes, surtout dominicales, dans sa vie religieuse et spirituelle, dans la formation et l’accompagnement des laïcs pour la mission de transformation graduelle de notre monde en Royaume des cieux ; bref, dans l’optique de «Justice et Paix», de dialogue et d’écoute du monde en quête d’absolu. Autrefois on nous enseignait qu’il y a ‘assemblée sainte’ à partir d’Abel, le juste : «Ecclesia ab Abele». Cela veut dire que là où il y a innocence meurtrie (oppression, esclavage, injustice, etc.), que là il y a déjà «Eglise» : l’assemblée de ceux qui suivent l’Agneau. Une paroisse comme la nôtre n’a qu’à se solidariser avec ces multiples «Abels en pleurs, en sang et en sueur» pour devenir de plus en plus «Eglise», avec les invités des places publiques et des carrefours.
Une bonne partie des fidèles de notre paroisse vit sa vie sacramentelle et spirituelle dans le cadre de sa propre communauté religieuse et missionnaire. Dans notre paroisse, ce sont les communautés des missionnaires d’Afrique et des Soeurs missionnaires de Notre Dame d’Afrique (Pères blancs et Soeurs blanches). L’évêque, père blanc et successeur d’ordinaires M.Afr. depuis le Cardinal Lavigerie, se joint à nos communautés eucharistiques et participe aux offices communautaires. Le vendredi, jour férié en Algérie, nous célébrons l’eucharistie partiellement en arabe. Plusieurs migrants chrétiens, libres ce jour, y assistent. Parfois l’arrivée plus tardive de migrants chrétiens et non-chrétiens nous pousse à trouver un autre moment de la journée pour rassembler les migrants chrétiens présents pour un office linguistiquement et sacramentellement adapté. Après cela nous ‘tartinons’, parce que le curé est hollandais !
C’est le dimanche surtout que notre paroisse apparaît dans sa plus grande diversité pour les chrétiens vivant sur le territoire d’une douzaine de kilomètres carrés. On trouve alors l’évêque, si présent, les pères blancs avec le(s) stagiaire(s) et parfois des étudiants africains des universités algériennes, les Soeurs blanches, les laïcs qui sont souvent des engagés de la Délégation de la Coopération Catholique (France) et les migrants africains chrétiens des environs.
Les paroissiens ne sont pas seulement les fidèles, habitant le territoire de la douzaine de kilomètres carrés autour de la cathédrale, mais aussi la diaspora mouvante de Noumérate (25 km), Metlili (35 km), Mansoura (70 km), Zelfana (65 km), Oued Nichou (25 km), Berriane (45 km), Oued Soudan (55 km), Djelfa (300 km) où l’on cherche les modalités d’établir une aumônerie d’étudiants chrétiens et où, dans ce cadre, l’on devrait pouvoir obtenir l’agrément pour un lieu de culte ; finalement Laghouat (195 km), où il y a un pied-à-terre du diocèse et où rien n’empêche la tenue d’offices chrétiens mensuels, tenant prudemment compte du caractère de clandestinité des migrants africains.
La paroisse n’est pas seulement une communauté autour d’un bénitier. C’est une communauté de communautés, animée par le désir de transformer lentement mais sûrement la vie du monde non-chrétien autour d’elle en monde régi par les Béatitudes en vue du Royaume des cieux, règne de justice et de paix.
Fait partie de la paroisse de Ghardaïa l’effectif des collaborateurs de l’administration du diocèse (dont l’évêque en premier lieu), qui s’investit dans toutes les paroisses et communautés religieuses et missionnaires du grand diocèse du Sud de l’Algérie, Laghouat-Ghardaïa, souvent sans ministres ordonnés. Apparemment le personnel administratif des bureaux diocésains ne s’occupe pas directement ni tangiblement de la grande mission de l’Eglise de transformer ce monde en Royaume des cieux ; que ferais-je moi-même pour la pastorale des migrants chrétiens et l’œuvre de conscientisation et d’« empowerment » des migrants africains sans le travail ingrat de tous ces collaborateurs rapprochés de l’évêque ? Mais de fait, ils portent bien la chaleur et le poids du jour. Ils participent aussi activement à l’œuvre culturelle, une des options prioritaires du diocèse dans le cadre du CCDS (Centre Culturel et de Documentation Saharienne), aux cours de soutien scolaire et même, dans le cadre de la coordination des initiatives, aux actions pour les migrants africains.
Font partie de la paroisse de Ghardaïa les migrants africains chrétiens, individuels et/ou en petits groupes. Ceux qui sont à distance du culte de l’Eglise sont actuellement au nombre de cinq, mais cela fluctue. Dans les succursales, pour le moment, j’évalue leur nombre entre 40 et 50. Mon grand regret c’est que nos structures de travail missionnaire traditionnel nous empêchent d’être pleinement au service sacramentel et spirituel de ces missionnaires laïcs (migrants africains chrétiens sur le terrain, missionnaires malgré eux) qui sont les premiers évangélisateurs du monde des migrants et du monde du travail dans le grand Sud de l’Algérie. La force des paroisses Père blanc a toujours été la transformation du laïcat en communautés évangélisatrices dynamiques : des communautés qui font la différence, où qu’elles soient, et qui recrutent par leur attirance.
Johan Miltenburg, M.Afr.
A visionner également :
https://youtu.be/XvaIjNh8w9o
La Paroisse : une nécessité pastorale incontournable (PE n° 1084)
Le mercredi 9 mai 2012, les missionnaires d’Afrique sont arrivés à Atakpamé, au Togo, pour y commencer la première insertion des missionnaires d’Afrique dans ce pays de l’Afrique de l’Ouest. L’objectif principal de cette fondation au Togo était de pouvoir mieux connaître et donc aussi de mieux accompagner les aspirants missionnaires d’Afrique, qui se présentaient car, jusque là, ils étaient visités d’une manière plus ou moins régulière par des animateurs venant de Ouagadougou, voire même de Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso voisin. C’était un gros investissement en temps et en fatigue pour l’animateur concerné, et un sérieux investissement financier de la part de la Province. Mais l’investissement et les fatigues en ont valu la peine, car nous comptons aujourd’hui six Togolais comme missionnaires d’Afrique, et deux seront ordonnés au mois de septembre de cette année 2017, ce qui fera au total alors huit missionnaires d’Afrique togolais. Comme la plupart des aspirants venaient du diocèse d’Atakpamé, c’est ce diocèse qui a été choisi comme lieu d’implantation.
Mais, nous ne voulions pas nous occuper uniquement de nos jeunes aspirants et de leur accompagnement. Nous voulions aussi mieux comprendre leur mentalité, connaître le milieu d’où ils provenaient, comprendre l’Eglise qui était la leur et, si possible, rendre service à cette Eglise. Nous ne voulions pas seulement recevoir de l’Eglise locale, mais nous voulions aussi lui donner quelque chose, et spécialement notre charisme missionnaire. C’est pourquoi, en négociant notre arrivée avec l’évêque du lieu, Mgr Nicodème Barrigah, nous lui avons demandé de nous confier une paroisse. Car, selon nous, la paroisse est le meilleur moyen de s’insérer dans un milieu, d’en connaître et d’en comprendre la mentalité, d’apprendre la langue et les us et coutumes de la population locale, de collaborer avec les prêtres diocésains et d’exercer notre charisme missionnaire. Ainsi, Mgr Barrigah nous a confié une localité du nom de Talo-Novissi, dans les faubourgs de la ville d’Atakpamé qui n’avait pas encore le statut de paroisse, mais qui était une communauté chrétienne qui avait vu le jour onze (11) ans avant notre arrivée. Depuis le 30 août 2013, Talo-Novissi a été érigé en paroisse sous le vocable de Notre-Dame d’Afrique.

Comme il s’agissait d’une nouvelle fondation, beaucoup de choses étaient à faire. Nous n’avions pas de maison. Pendant quatre ans, nous avons logé dans une maison louée à quelques kilomètres en dehors de la paroisse. Il a donc fallu construire une maison. Le seul bâtiment qui se trouvait sur le terrain de la paroisse était une petite chapelle, sans portes ni fenêtres et qui, au cours de la semaine, faisait aussi office d’école primaire. Répondant à ce besoin important que nous n’avions pas prévu, nous avons construit une école primaire complète de six classes et une école maternelle de deux classes. Actuellement, nous sommes en train de construire l’église paroissiale.
Tous ces soucis matériels importants ne nous ont cependant pas déviés de l’objectif de notre mission : construire une communauté chrétienne missionnaire. Nous ne sommes pas venus au Togo pour construire des bâtiments, aussi nécessaires que ces bâtiments puissent être, mais pour construire des communautés chrétiennes qui soient du levain dans la pâte de ce milieu, encore fortement sous l’influence de la religion traditionnelle, surtout le Vaudou, et harcelé par de nouveaux mouvements religieux.

Aussi, quelques mois après notre arrivée, et malgré des constructions déjà lancées, nous nous sommes mis à l’apprentissage de la langue locale, le éwé, outil pastoral indispensable. Puis, nous nous sommes engagés activement dans les Communautés Chrétiennes Catholiques de Base (CCCB) qui nous permettent chaque semaine de donner un éclairage sur les évangiles et la vie chrétienne. Malheureusement, beaucoup de chrétiens considèrent les CCCB comme une activité en plus, alors que tant d’autres mouvements et associations existent déjà. Dernièrement cependant, grâce à une meilleure sensibilisation, le nombre des participants aux réunions hebdomadaires a augmenté.

Dans nos prédications dominicales, nous n’oublions pas la dimension missionnaire de l’évangile et sa nécessité pour une authentique Eglise du Christ. Nous avons réorganisé la catéchèse de manière à pouvoir plus facilement suivre la progression de chacun et de chacune, et nous nous efforçons d’imprégner les catéchumènes, jeunes, enfants et adultes, d’un esprit vraiment chrétien et d’une conviction chrétienne et missionnaire.
Une caractéristique de notre paroisse, de notre diocèse, et de l’Eglise du Togo toute entière, c’est l’existence de toutes sortes d’associations laïques, connues ici sous le nom de « congrégations » (Ste.Rita, Notre-Dame du Perpétuel Secours, St Antoine de Padoue, et autres) avec chacune sa spécificité, et dont les principales activités consistent dans des prières, spécialement des triduums et des neuvaines. C’est une activité pastorale tout à fait nouvelle pour nous, et nous n’avons pas encore réussi à nous y intégrer vraiment, étant donné que leurs réunions ne sont pas des réunions comme les autres, mais des réunions de prière, avec des prières spécifiques, qui se tiennent en plus très tôt le matin, à 4h ou à 5h.

Nous accordons une attention particulière aux jeunes, garçons et filles, pour leur donner une formation chrétienne de base solide. Mais, comme ils bougent beaucoup pour poursuivre leurs études en dehors de notre paroisse, il n’est pas facile de les avoir sous la main pour longtemps. Grâce à notre insertion paroissiale, nous avons aussi la chance de pouvoir participer aux réunions pastorales diocésaines et décanales, ce qui nous permet d’avoir de bonnes relations avec le clergé local et de pouvoir également partager avec eux nos différentes expériences missionnaires et nos points de vue sur certaines questions pastorales. Nous avons l’impression qu’ils apprécient notre présence et notre apport pastoral.
Nous rêvons, dès que nos soucis matériels de construction auront diminué, de manifester encore plus clairement notre spécificité missionnaire en créant des succursales, des « stations secondaires » comme on les appelle ici. Nous avons grande envie à ce que nos activités pastorales et nos différents engagements débordent largement le cadre de notre paroisse actuelle. En attendant, nous ne regrettons nullement d’avoir choisi la paroisse comme terrain d’atterrissage dans ce nouveau milieu !
Au nom de la communauté M.Afr. de Talo
Theo Caerts, M.Afr.
La paroisse au cœur de nos activités missionnaires (PE n° 1084)
Un jour, des amis viennent me visiter. Je leur avais donné les indications pour se rendre chez moi, mais ils n’ont pas tenu compte de cette information, disant connaître le chemin pour s’y rendre. Une fois arrivés dans notre quartier de la ville, ils demandent la direction de la paroisse locale. A leur grande surprise, ils ne m’ont pas trouvé au presbytère. Le curé leur explique que je demeure dans un centre de formation et non pas à la paroisse. Celui-ci demande à un jeune homme de les conduire à notre maison. Cet événement banal montre comment beaucoup de personnes associent le missionnaire (prêtre, frère ou sœur) à un milieu paroissial. Beaucoup d’entre nous ont eu à répondre à la question : dans quelle paroisse travaillez-vous ? Si nous ne travaillons pas en paroisse, nous avons de la difficulté à expliquer quel est notre ministère. Il est vrai que notre ministère missionnaire ne se limite pas au contexte paroissial, mais la paroisse est un point de référence fondamental de nos activités. Le vécu chrétien est toujours en lien avec une communauté paroissiale.
Les orientations missionnaires des récents Chapitres peuvent donner l’impression que les paroisses ne jouent plus un rôle central dans les activités pastorales des missionnaires d’Afrique. Le dernier Chapitre nous rappelle que la paroisse n’est pas seulement un moyen de collaboration avec l’Église locale, mais c’est l’endroit où nous pouvons vivre notre charisme et le rendre visible et attractif. Dans le but de renforcer notre insertion dans le ministère paroissial, le Chapitre a présenté des lignes directrices concrètes. Lorsqu’une communauté de missionnaires d’Afrique dirige une paroisse, on retrouve les éléments suivants : première évangélisation, formation des laïcs, attention spéciale aux périphéries existentielles, recherche de la justice, de la paix et de la réconciliation, engagement à l’intégrité de la création (notre maison commune), dialogue avec les musulmans et les croyants d’autres religions.
La paroisse n’est pas seulement une entité géographique et canonique. Elle est tout d’abord une réalité humaine, sociale et ecclésiale : une communauté humaine et une communauté de disciples du Christ, une part du peuple de Dieu. La paroisse est un outil pastoral pour l’animation spirituelle et pastorale du peuple de Dieu. Chaque paroisse a ses propres éléments spécifiques dont on doit tenir compte pour avoir un ministère pastoral significatif. Ces éléments sont influencés par la situation géographique (milieu urbain ou rural), la présence de croyants d’autres religions parmi la population locale, le niveau d’évangélisation ainsi que les orientations pastorales du diocèse. Une approche pastorale saine visera sûrement à améliorer la foi de la communauté chrétienne, mais aussi les relations humaines entre les différents groupes sociaux et religieux qui composent la population locale. Il s’agit d’intégrer les valeurs évangéliques dans la vie de la communauté humaine.
Les différents groupes qui font partie de la paroisse (âge, genre, milieu socio-professionnel, langues parlées, etc.) ont un rôle à jouer dans la vie de la paroisse. Inspirés par l’attitude inclusive du Bon Pasteur, les responsables accueillent tout le monde dans le but de construire une communauté humaine fraternelle : celle de tous les enfants de Dieu.
Par conséquent, il devient urgent d’accorder une attention particulière aux personnes et aux secteurs de la paroisse qui ont des défis spécifiques. Dans cette perspective, le passage sur les disciples d’Emmaüs résume l’attitude pastorale requise : Jésus rejoint les deux disciples sur le chemin et dissipe leurs frustrations ; il leur explique les Écritures, ce qui éveille en eux le feu de la foi … leur cœur brûle en eux … ils deviennent à leur tour messagers de la Bonne Nouvelle de la résurrection … le feu de la foi se répand alors comme un feu de brousse. Le fait d’avoir une approche pastorale basée sur l’expérience des disciples d’Emmaüs permet d’accompagner les gens à partir de leurs expériences quotidiennes à travers les Écritures jusqu’à la joie et l’espoir de la résurrection, la rencontre avec le Christ ressuscité.
La vie d’une paroisse est organisée sur quatre piliers : les Écritures, la vie de prière, la célébration des sacrements et l’amour fraternel qui se manifeste aussi bien chez ses membres que dans la population en général. Les communautés ecclésiales de base (CEB), également connues sous le nom de petites communautés chrétiennes (PCC) ont développé leurs expériences chrétiennes basées sur ces piliers. Elles ont rendu la foi chrétienne vivante et attrayante à l’intérieur des structures de base de la paroisse. Le Pasteur accompagne donc les chrétiens dans leur recherche du Christ dans leur vie et les événements quotidiens.
Une communauté témoin des agents de pastorale est une bénédiction pour la croissance d’une paroisse. La collaboration dans le travail d’équipe est une des caractéristiques de notre approche missionnaire et a conduit la plupart de nos communautés à élaborer des projets apostoliques. Le projet apostolique décrit les objectifs et les moyens pour construire des communautés paroissiales dynamiques. Pour son succès, il est essentiel d’avoir une bonne communication entre les membres de la communauté. Un projet apostolique a l’avantage d’être un point de référence pour l’évaluation de la santé de la paroisse. Si une équipe pastorale paroissiale n’a pas été en mesure d’élaborer un projet apostolique pour le déroulement de la pastorale, il leur sera très difficile de savoir ce qui a bien fonctionné ou non, et plus encore ce qu’il faut corriger ou prioriser dans les années à venir. Le projet apostolique donne une vision commune au travail pastoral dans la paroisse. Cette approche est très importante aujourd’hui en raison de la grande mobilité des confrères. Un projet apostolique clair facilite la transmission de la paroisse à une nouvelle équipe pastorale. L’expérience a montré qu’un travail pastoral bien planifié et coordonné (que ce soit à la paroisse, au doyenné ou au diocèse) porte beaucoup de fruits. C’est la source d’un nouveau dynamisme missionnaire.
Le travail pastoral est élaboré en fonction des personnes ; il doit être flexible et tenir compte des situations socio-politiques, économiques et humaines du contexte particulier. Les pasteurs doivent pouvoir faire la lecture des signes des temps. Le conseil pastoral paroissial est un instrument important pour identifier les signes des temps. C’est un organe consultatif représentatif qui aide les pasteurs à prendre les décisions appropriées pour l’animation de la communauté. Il est d’une importance primordiale qu’un tel conseil soit composé de personnes de différents secteurs et groupes de la paroisse. Le but du conseil pastoral est de discerner les moyens appropriés en vue de vivre la foi chrétienne dans un contexte spécifique, tout en fournissant des solutions évangéliques aux aspirations légitimes du peuple. Un tel conseil est une grâce dans la vie d’une paroisse.
En résumé, une paroisse doit être une communauté d’amour et de prière qui rayonne les valeurs de l’Évangile par sa simple présence. L’Évangile doit avoir un impact sur la vie des gens. Les pasteurs s’efforcent d’amener le pouvoir transformateur de l’Évangile dans la vie des personnes. Dans un monde qui évolue très rapidement, il existe de nouveaux défis pastoraux qui nécessitent un esprit prophétique créatif dans notre ministère.
Ignatius Anipu,
Assistant Général