Introduction
En pensant aux droits de l’homme à la lumière de l’Évangile, il me vient à l’esprit la rencontre de Jésus avec la femme adultère, relatée en Jean 8, 1-11. Jésus ne l’a pas jugée ni condamnée. Il s’est plutôt confronté aux systèmes coutumiers qui étaient aveugles sur les méfaits des hommes, mais durs pour les défauts des femmes. Il a opté pour la protection des droits de la personne, en particulier la vie et la dignité de la femme qui a été attrapée. L’idéal et l’attitude de Jésus restent importants pour notre société humaine contemporaine. La présente réflexion est guidée par quatre éléments : mon expérience personnelle, les causes des violations des droits de l’homme, le concept des droits de l’homme et ses défis modernes, et le rôle de l’Église dans la promotion des droits de l’homme.
Mon expérience personnelle des violations des droits de l’homme
Mon expérience des violations des droits de l’homme est existentielle. Étant né et ayant grandi dans la région des Grands Lacs, écrire sur le non-respect des droits de l’homme n’est pas un divertissement intellectuel. C’est une réalité existentielle. Depuis plus de deux décennies, la région mentionnée est confrontée à une guerre sans fin. Ses impacts ont touché directement ou indirectement chaque individu. Les cas de massacres sans précédent, de viols, de tortures et les images de corps mutilés sont indescriptibles. Je vois les violations des droits de l’homme dans les cris des femmes et des enfants qui sont constamment maltraités par des rebelles impitoyables. Je les vois dans les réfugiés dont les droits à la vie, à la liberté et à la propriété sont menacés. Cela m’interpelle toujours. Je me demande si ces atrocités humaines prendront un jour fin.
Actuellement, je suis confronté non pas aux violations des droits de l’homme en tant que telles, mais plutôt à des systèmes injustes. Les changements récents dans les cadres juridiques de la plupart des pays, la propagande médiatique et les idéologies populistes sont alarmants. À long terme, ils affecteront les droits des groupes les plus vulnérables, tels que les victimes de la traite des êtres humains, les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile politique. Le projet de loi britannique sur l’immigration clandestine, qui a débouché sur le slogan “Stop the boats”, est l’un des défis auxquels la plupart des défenseurs des droits de l’homme sont confrontés aujourd’hui.
Les causes des violations des droits de l’homme
Les causes des violations des droits de l’homme sont diverses. Mon observation est triple : sociale, économique et politique. L’organisation de la société opprime parfois les personnes vulnérables. Par exemple, certaines lois coutumières violent les droits des femmes et des enfants. Le droit à l’héritage n’existe que pour l’enfant de sexe masculin, qui finit par contrôler la richesse familiale. Bien que les femmes et les filles participent activement au secteur productif de la famille – du travail à la ferme au travail de bureau – elles ne contrôlent pas ce que la famille produit. Dans la plupart des cultures, il est difficile pour les femmes de posséder légalement des biens. Le titre de propriété doit porter le nom du mari. Une telle règle viole les droits fondamentaux de la femme à la liberté et à la propriété.
La politique – bien sûr, la mauvaise politique – est une autre cause de violation des droits de l’homme. La politique qui ne protège pas les droits naturels de la vie, de la liberté et de la propriété est mortelle. Elle piétine la dignité des citoyens. Récemment, le monde a vu des politiciens égoïstes mener des guerres inutiles pour des raisons économiques. On pense que les causes réelles de ces guerres sont gardées secrètes au sein du système économique mondial.
Les droits de l’homme : un concept fluide
Le concept de droits de l’homme devient de plus en plus fluide. Cette fluidité fait qu’il est difficile de le définir et d’en saisir la signification. Par exemple, les droits fondamentaux classiques de la vie, de la liberté et de la propriété sont en train de fusionner avec les droits sexuels. Les droits des LGBTQ+ défient les normes familiales traditionnelles et les croyances religieuses. Un autre défi est le non-respect explicite des droits de l’homme qui bénéficie d’un double standard moral dans les couloirs de la communauté internationale. Pour des raisons économiques et politiques, certains crimes contre l’humanité n’attirent pas l’attention de la communauté internationale. Les atrocités commises en Ukraine, à Gaza, au Sahel, dans la région des Grands Lacs et dans d’autres parties du monde ne suscitent pas la même réprobation. Pourquoi ? Tout d’abord, il y a un déclin remarquable de la fraternité humaine. Lorsqu’il s’agit de gains économiques et politiques, les humains se considèrent à peine comme des frères et des sœurs. Ce qui compte le plus, c’est la richesse et le pouvoir, pas la vie humaine.
Deuxièmement, le manichéisme politique – la politique des “bons” et des “méchants” – rend obsolète le concept des droits de l’homme. Ceux qui, dans le monde entier, sont connus pour être les “bons”, lorsqu’ils commettent des crimes, qui sont intrinsèquement des crimes contre l’humanité, sont rapidement disculpés et protégés par le droit international. Le tour des “méchants” est une toute autre histoire. Des sanctions sévères sont rapidement prononcées. Ce jugement partial souligne lui-même la nature fluide du concept de droits de l’homme.
Promouvoir les droits de l’homme : le rôle de l’Église
Pour faire face aux défis déjà mentionnés, l’Église doit revaloriser son identité – celle d’une figure d’autorité morale – qui ne commande pas, mais aide plutôt l’humanité à se réorganiser lorsqu’elle est confrontée à une impasse morale et à une confusion politique. Les vertus évangéliques de protection de la vie, d’amour et de fraternité (cf. Jean 8, 1-11 ; Luc 10, 25-37) devraient véritablement guider la mission évangélisatrice de l’Église.
En tant que témoins prophétiques, nous devons d’abord vivre et pratiquer l’amour du bon samaritain. Cet amour est pratique. Il ne s’agit pas d’un conte de fées imaginaire ; il s’agit de la vie. Nous devons aussi raviver l’esprit de fraternité humaine. Aimer et protéger la vie de notre prochain est impératif. Cela nous appelle à remarquer la situation désastreuse de nos frères et sœurs et à faire quelque chose pour y remédier. Le pape François le rappelle dans Fratelli Tutti (2020). Comme saint François, il exprime “l’essence d’une ouverture fraternelle qui nous permet de reconnaître, d’apprécier et d’aimer chaque personne, indépendamment de la proximité physique, indépendamment du lieu où elle est née ou vit” (FT, 1).
Conclusion
Jésus, par son attitude, a affronté des systèmes qui ne respectaient pas les droits humains fondamentaux. Il n’était pas aveugle ; il voyait la situation critique des personnes vulnérables au sein de la société humaine. Les réalités existentielles des violations des droits de l’homme ne sont pas loin de nous. Elles appellent des réponses prophétiques de notre part. Accroître notre prise de conscience et notre connaissance de ces violations sont les clés de nos efforts missionnaires dans la vie de l’Église.
Par: Prosper Harelimana, M.Afr.