Normand est né le 2 décembre 1925 à Farnham, province de Québec. Après ses études primaires à Farnham chez les Frères de l’Instruction chrétienne, il fait ses études classiques au collège de St-Jean et la philosophie au séminaire de St-Hyacinthe. En 1947, il demande à être admis au Postulat des Pères Blancs à Everell, près de Québec. Dans sa lettre de demande d’admission au supérieur du Postulat, Normand, avec l’humilité et la générosité qui le caractérisent bien, écrit : « Depuis longtemps, j’ai désiré devenir un jour missionnaire dans la Société des Pères Blancs d’Afrique. Je sais bien que je ne suis pas digne d’un tel honneur. Mais comme témoignage de mon intention droite, je vous apporte aujourd’hui toute la bonne volonté dont je puis faire preuve. C’est avec impatience que j’attends votre réponse qui, j’en suis sûr, sera affirmative ». Ces mots expriment bien l’ardent désir de Normand de devenir Père Blanc et son attachement à la vocation missionnaire. Ainsi, quand il fait ses études classiques à St-Jean durant la Grande Guerre, il révèle aux autorités du collège son désir de devenir Missionnaire d’Afrique. Mais cela est mal reçu, sans doute parce qu’on a un grand besoin de prêtres diocésains. Normand se retire alors sur la pointe des pieds et termine ses études classiques au Séminaire de St-Hyacinthe par fidélité à la vocation qu’il croit profondément être la sienne.
Le 12 août 1948, Normand commence son noviciat à St-Martin de Laval. Il se distingue par son tempérament calme, son dévouement aux études et au travail manuel et sa discrète charité envers tous. Vers la fin du noviciat, il se porte volontaire pour faire ses études de théologie en Grande-Bretagne : « Quant aux sacrifices que ce départ me causerait, écrit-il au Père Maître, je les offrirai aussi généreusement que possible, en sachant que lorsqu’on s’est donné, il ne s’agit plus de se reprendre ». Cette requête n’est pas exaucée. Mais Normand est quand même heureux de faire ses études de théologie au scolasticat d’Eastview (province d’Ontario) qu’il rejoint quelques mois plus tard.
Au scolasticat, Normand continue de s’appliquer généreusement à ses études. Discret et agréable avec tous ses confrères, il sait s’oublier pour rendre service aux autres. Il fait son serment missionnaire le 23 juin 1951 et est ordonné prêtre le 27 janvier 1952. Le 22 août 1952, il est à Londres pour obtenir un diplôme en Éducation. Le 23 juin suivant, il se retrouve à la paroisse de Ilondola, dans le diocèse d’Abercorn (aujourd’hui Mbala) en Zambie, pour y apprendre la langue Bemba. À peine arrivé, sans avoir le temps de défaire ses valises, il est nommé Principal de l’école primaire supérieure d’Ilondola, et cela après seulement trois jours en Zambie ! On peut comprendre sa déception: « J’aurais préféré être nommé à un poste comportant moins de responsabilités, afin de pouvoir consacrer plus de temps à l’apprentissage de la langue locale. Après mon travail à l’école, je m’efforçais de visiter les gens dans les villages, et le soir j’étudiais les rudiments de la grammaire Bemba. Heureusement, j’ai réussi à passer l’examen de langue et obtenir la juridiction durant le carême ». En 1954, le Père Papineau est nommé au petit Séminaire de Kantensha. Il profite des vacances scolaires pour passer quelques jours dans chaque paroisse du diocèse, faire un peu de ministère paroissial, approfondir sa connaissance de la langue et, à l’occasion, rencontrer les parents de ses jeunes séminaristes. Ces deux premières nominations sont pour le Père Papineau le début d’une longue carrière de presque 40 ans dans l’enseignement et la formation, comme professeur et recteur de divers séminaires, avec cependant quelques pauses occasionnelles pour œuvrer dans le ministère paroissial.
Dans une lettre adressée au Supérieur général, Normand lui rappelle son ardent désir de passer quelques années dans le ministère paroissial et avoir ainsi plus de temps pour bien connaître les coutumes et les proverbes. En juin 1957 il reçoit une nomination, comme vicaire, dans la paroisse de Kayambi. Cependant, trois mois plus tard, l’évêque fait encore appel à la grande disponibilité de Normand pour qu’il devienne recteur du petit séminaire de Kantensha.
Après un congé au Canada, le Père Papineau revient en Zambie et a enfin le bonheur de se consacrer entièrement au ministère paroissial : d’abord à Chalabesa, puis à Chilonga et à Ilondola. Il écrit dans sa méditation du souvenir : « J’ai appris à aimer les Africains pour leur esprit d’hospitalité, le respect des personnes, l’amour des enfants, la politesse, leur gaieté malgré leurs nombreux problèmes économiques ou autres. En retour de l’amitié qu’ils m’ont accordée, j’ai essayé de les connaître en profondeur et de leur venir en aide dans leurs besoins spirituels et matériels. Ils m’ont tellement communiqué leur joie de vivre que je me suis fait la réputation du ‘Bon Père’ qui nous accueille toujours avec le sourire et qui est toujours à notre service ».
Dans sa longue carrière de formateur de séminaristes, un fait important marque la vie de Normand. En 1983, il est toujours au petit séminaire de Lubushi. Mais les choses ne vont pas très bien au grand Séminaire de Mpima. Des dissensions et divisions sèment la mésentente parmi les grands séminaristes. La conférence épiscopale demande alors à Normand d’accepter la responsabilité du rectorat de ce grand Séminaire. Avec sa modestie et sa disponibilité bien connue par tous, notre confrère accepte cette mission délicate. Et pendant trois ans, il dirige cette institution avec tact et sagesse. Le Père Germain Lafontaine, qui était alors en Zambie et connaissait bien Normand, eut cette réflexion très juste : « il fallait un homme d’une grande perspicacité et un artisan de paix, comme le Père Papineau, pour restaurer le bon esprit dans ce grand séminaire ».
En 1993, Normand revient définitivement au Canada. Depuis plusieurs années, il souffre des séquelles du paludisme et de sérieux problèmes d’estomac. Après s’être fait soigner, il accepte, l’année suivante, la responsabilité de la communauté de Moncton, au Nouveau Brunswick, où, avec deux autres confrères, il assume le service de la pastorale paroissiale et de l’animation missionnaire.
En 1999, le Père Papineau est nommé à Sherbrooke, comme Supérieur adjoint de notre communauté Pères Blancs. Il exerce cette responsabilité pendant trois ans avant de prendre une retraite définitive bien méritée dans cette même maison jusqu’en 2010.
Peu de temps plus tard, Normand est éprouvé sérieusement par une dégénérescence maculaire des yeux qui le rend partiellement aveugle. De plus, il faiblit rapidement et son état de santé exige une attention constante. Comme il a besoin d’un encadrement médical approprié, Il accepte alors d’être soigné à l’infirmerie des Pères Capucins à Montréal, où il décède le 18 décembre 2015. La messe de funérailles a lieu dans la chapelle des Missionnaires d’Afrique, à Sherbrooke, le 23 décembre. Il est ensuite inhumé au cimetière St-Antoine dans le lot des M. Afr.
Le Père Richard Dandenault, qui a bien connu notre confrère Normand Papineau, prononça l’homélie de la messe des funérailles : « Normand a été l’homme des petites vertus vécues au quotidien, sans prétention aucune et sans ostentation…Il se voulait comme une présence sacramentelle chaque jour, au milieu d’ennuyeux problèmes de santé, avec son quota permanent de souffrances. Ceux qui ont visité Normand ces derniers temps l’ont trouvé grabataire, pouvant peu communiquer. Il ne pouvait qu’offrir ce qu’il était : un témoin caché de la présence sacramentelle du Christ souffrant dans des situations non choisies. Il a toujours été missionnaire, vivant au meilleur de lui-même, l’Évangile du serviteur toujours en tenue de service, attendant le retour de son Maître (Lc 12,35-40). Au dernier moment de sa vie, il a pu entendre son Seigneur lui dire discrètement à l’oreille : « Viens Normand, bon et fidèle serviteur, entre dans la joie de ton Maître ».
En terminant, je tiens à citer les paroles mêmes de Normand concluant sa ‘méditation du souvenir’ par cette belle profession de foi et d’amour dans le Seigneur Jésus : « Chaque jour, je remercie le Seigneur de m’avoir fait comme je suis, et je sais qu’il m’aime avec mes qualités et aussi mes limites. Je continue à lui demander la grâce de le voir toujours vivant dans les personnes que je rencontre, dans les événements de ma vie qui me font vivre chaque jour sa Passion, sa Mort, et j’espère aussi un jour jouir avec lui de sa Résurrection, ensemble avec tous mes frères africains qui m’ont aimé, mes parents et amis, et tous mes confrères Pères Blancs ».
Michel Carbonneau