Nous l’aimions notre Marcel avec sa petite barbiche blanche, l’œil vif, le sourire interrogateur ; nous l’appelions « l’indigène », et combien il en était content ! Missionnaire exceptionnel, petit, costaud, râblé, il faisait tout sans se faire remarquer, sans paraître.
Marcel est né à Serres Castet au nord de Pau, 10 ans après ses quatre sœurs, à la joie de son père voyant déjà en lui le fils, futur successeur à la ferme familiale. Il grandit ainsi dans un cadre rural, ami de la nature et des plantes. A l’âge de sept ans, alors qu’il conduisait un attelage de bœufs, à la descente de la route de Serres Castet, la roue de la charrette lui écrase le bras gauche. Après un séjour à l’hôpital Marzet, bien opéré et soigné, il a toujours vu en cette épreuve une préparation à la vie missionnaire.
En mai 1928, Monseigneur Sauvant, Père Blanc, ancien évêque de Bamako, vient confirmer des collégiens et les interpelle pour la Mission. Marcel se dit : Pourquoi pas moi ? Ainsi est née sa vocation de Père Blanc. Malgré sa déception pour l’avenir de la ferme, son père qui avait connu les Pères Blancs en Algérie lui dit : « Tu seras heureux avec eux, et nous ici, nous trouverons une solution. »
Marcel commence les études en philosophie à Kerlois en Bretagne, en 1934. Pour payer son voyage, il part dans les bois environnants à la cueillette de champignons et revient tout heureux d’en avoir suffisamment ramassé pour payer son voyage. En gare Montparnasse, à Paris, il a la joie de rencontrer un autre jeune qui vient d’Alsace, en route comme lui pour le séminaire des Pères Blancs. Ils n’arrivaient pas trop à se comprendre avec le français parlé par chacun. Il aimait nous raconter cela en riant. Une préparation comme une autre à la vie internationale en Afrique.
Après le noviciat à Maison Carrée, en 1936, il est mobilisé dans un régiment de zouaves. Dans les chambrées, il vivait heureux au milieu des Berbères, d’Arabes, de Maltais et d’Italiens. Ainsi, Marcel a passé sept années dans l’armée.
50 ans après, il avait encore la capacité de lire les quatre évangiles en arabe. Ses confrères étaient éblouis de tant d’aisance.
A Thibar en Tunisie, en 1940, il commence sa formation en théologie. Il fait son serment missionnaire en 1946 et est ordonné prêtre en 1947.
Après sa première messe a Serres Castet, il est nommé en Haute Volta, le Burkina Faso d’aujourd’hui, en pays Liélé. Dans les différents postes où il a servi, Marcel apprenait la langue locale africaine en se promenant au marché sans prendre de notes. « Tu vas entendre 1.000 fois, mais c’est à la 1.001ème fois, que tu vas entendre avec la musique. »
Il parlait à tout le monde ; tout le monde le connaissait. Très près de la nature et des plantes, curieux, il se plaisait à s’entretenir, dans les cours, avec les mamans, des différentes plantes qu’elles utilisaient pour soigner avec les vieux ; il continuait à s’informer. Lui-même, à l’occasion de ses tournées, ramenait les médicaments trouvés en brousse pour les confier aux religieuses responsables du dispensaire, avec le souci de déterminer les doses nécessaires à donner à chacun. Marcel a laissé derrière lui un « Carnet de plantes médicinales d’Afrique de l’Ouest » devenu plus tard avec la collaboration d’un confrère (Charles Bailleul) un livre : « Richesses médicinales »
Marcel était le type même du paysan béarnais, futé et malin. Toute lecture laissait une trace profonde en lui. Curieux en tout, pas seulement en botanique, mais aussi pour dépanner les confrères en panne de voiture et en problèmes de toutes sortes.
Longtemps curé de paroisse, on lui confie dans la suite la direction de l’école des catéchistes à Koudougou en 1960 ; il participe à la fondation d’un poste vers Léo. Il y apprend une 3ème langue et comme il l’écrit : « Je n’ai plus vingt ans, mais cela ne va pas trop mal ! » Il y continue à étudier la pharmacopée. Lui même s’est toujours soigné avec les plantes, d’ailleurs avec succès, comme le prouve son grand âge.
En 1994, Marcel fait ses adieux à l’Afrique sur les conseils de ses supérieurs lui suggérant très fort d’aller prendre du repos. Il reste une année chez sa soeur près de Billère puis, en juin 1995, rejoint notre communauté à Billère où il s’est dit fort bien accueilli. Il fait un peu de ministère dans les environs. Toujours prêt à rendre service, il se monte en chambre « un atelier ambulatoire de dépannage » en tout genre. Il a suivi la construction de notre nouvelle résidence s’intéressant aux nouvelles techniques de construction et d’aménagement, ce qui lui permit d’en être ensuite le technicien secours pour la maison.
C’est dans cette résidence qu’il a vécu des jours agréables et paisibles, toujours heureux de rendre service. Il était l’homme du bon conseil pour beaucoup parmi nous…
Après avoir mentionné à plusieurs reprises qu’il ne voulait pas célébrer la fête de son centenaire en 2016, humble comme il était, iI nous a quittés quelques mois avant cette célébration. Un matin, après avoir préparé la machine à café, il nous a quittés discrètement, sans faire de bruit, étendu sur son lit.
Nous gardons le souvenir d’un bon confrère, discret, plein d’humour et de bon sens ; toujours souriant et énergique, il est resté vaillamment debout et actif jusqu’au bout.
Toute sa vie fut à l’image de l’humble vie de Jésus à Nazareth.
Merci, Marcel, pour ta présence parmi nous.
Tes confrères de Billère