Charles Sarti, R.I.P.

Le Père Patrick Bataille, Délégué Provincial du secteur de France,
vous fait part du retour au Seigneur du Père

Charles Sarti


le 18 Juillet 2017 à Bry-sur-Marne (France)
à l’âge de 85 ans dont 59 ans de vie missionnaire
au Burkina Faso et en France.

Prions pour lui et pour ceux qui lui étaient chers.

Jalons de vie du Père Charles Sarti

Charles est né le 15 mai 1932 à Leggiuno-Sang (Italie), mais émigrera avec ses parents en France où il sera naturalisé et appartiendra au diocèse de Châlons. Entré à l’année spirituelle le 27 septembre 1954 à Maison-Carée (Algérie), il continua ses études de théologie à Carthage (Tunisie) où il prononça son Serment missionnaire le 2 février 1958 et fut ordonné prêtre le 18 juin de la même année.

18/04/1959VicaireDedougou,D.NounaHaute Volta
01/01/1963SupérieurDedougouHaute Volta
15/01/1965VicaireTionkuyHaute Volta
10/10/1966Stage de LangueGuilongou CELAHaute Volta
15/03/1967VicaireDedougouHaute Volta
01/08/1967VicaireToma,D.NounaHaute Volta
20/09/1969Grande RetraiteVilla CavallettiItalie
01/06/1975Conseiller RégionalHaute Volta
01/09/1977SupérieurDedougouHaute Volta
01/09/1979SupérieurTomaHaute Volta
03/06/1981Session-RetraiteJérusalemIsraël / Palestine
01/01/1983Conseiller RégionalHaute Volta
01/01/1987VicaireTomaHaute Volta
01/06/1988SupérieurParis,FriantFrance
01/07/1988Recyclage+Resp.Paris,FriantFrance
26/11/1990Elu cons. provincialFrance
01/06/1992VicaireSolenso,D.NounaBurkina Faso
01/11/2001Ouagadougou, Mais.PrBurkina Faso
14/10/2002Nommé ConseillerBurkina Faso
14/10/2005Nommé ConseillerBurkina Faso
02/04/2008Nommé Archiv+accueilParis,PrintempsFrance
26/05/2008Nommé (PE 07/08) PEPFrance
01/11/2010ResponsableTassyFrance
18/07/2017Retour au PèreBry-sur-MarneFrance

Notice nécrologique
Charles SARTI

Charles est né en Italie, le 15 Mai 1932, sur les rives du Lac Majeur, dans une humble famille profondément chrétienne. Son père était carreleur, et sa mère « femme au foyer » comme on dit pudiquement pour cacher une vie entièrement consacrée au service de ses trois enfants, deux garçons et une fille. C’est sa maman qui le marquera le plus et l’accompagnera jusqu’à l’autel, tandis que sa sœur elle l’accompagnera jusque sur son lit de mort.

Peu après sa naissance, toute la famille émigre en France, à Vitry le François, et c’est au petit séminaire de Chalons qu’il fera ses études secondaires, déjà titillé qu’il était par un désir profond de vie sacerdotale, envieux de son curé qu’il admirait. A vingt ans il se fera naturaliser Français, et s’engagera Outre-Mer pour tester et sa vocation, et sa santé, car entre temps il avait contacté et soigné une tuberculose tenace. C’est ainsi qu’il se trouve dans un premier temps au Camp Militaire d’Abidjan, avant d’être muté à Bobo-Dioulasso, fin décembre 1952. C’est un Père Blanc, le père Gille de Rasilly, alors aumônier militaire et directeur de l’enseignement catholique, qui le poussera après sa démobilisation à rester un peu plus au Burkina Faso (alors Haute-Volta) comme responsable du CM2 à Tounouma. C’est là qu’il attrapera « le virus Pères Blancs » qui le conduira tout naturellement vers une formation classique à l’époque: noviciat à Maison-Carrée en 1954, suivi logiquement d’une longue formation philosophique et théologique dès l’année suivante à Thibar puis à Carthage (formation interrompue six mois pour rappel sous les drapeaux). C’est à Carthage donc qu’il va prononcer son serment missionnaire le 2 Février 1958, pour y être ordonné prêtre le 18 Juin 1958.

Pendant ses années de formation, il fera l’unanimité auprès de tous ses formateurs pour ses qualités de futur « bon » missionnaire. Parmi tous les témoignages qui nous restent de cette époque, l’un d’entre eux peut les résumer tous : « Ce qui me frappe au premier abord, c’est son calme, son sérieux, sa mesure. On a pu constater ses qualités d’organisateur, son adaptation aux autres dans leur diversité, en même temps que son zèle dynamique et inventif. Poli, aimable, il est aussi franc et direct : il se caractérise par une simplicité qui va tout droit au but, sans détours inutiles. Très ouvert à ses supérieurs et à ses confrères, il se révèle spécialement apte au travail en commun. Homme de règle et d’obéissance, il a compris le sens et les exigences de sa vocation, et on le sent sincèrement donné à sa formation. Il est modeste, et prend des initiatives d’une grande délicatesse qu’il prend soin de cacher. Le Fr. Sarti est un de nos meilleurs sujets : pas un intellectuel, mais un homme intelligent et pratique, vraiment mûri, capable de penser son activité, d’une profonde vie spirituelle, fait pour la vie de communauté : bref, un bon Père Blanc sur toute la ligne. » Lequel de tous les confrères qui l’ont côtoyé tout au long de sa vie active ne le reconnaîtrait pas dans cette description ?

Sa première nomination le renvoie tout naturellement en Haute-Volta, à Dedougou, où son évêque lui demande d’étudier d’abord la langue locale, le bwamou. Laissons-le raconter lui-même, avec son humour et son autodérision qui lui seront propres toute sa vie, sa première expérience d’étude d’une langue africaine : « Dieu m’a doté de grandes oreilles, mais je ne sais guère distinguer les différents tons qui donnent des sens différents aux mots. Au bout de deux mois et demi, j’étais complètement découragé, et un après-midi je me suis retrouvé à pleurer toutes les larmes de mon corps devant le Saint-Sacrement. Jésus ne m’est pas apparu, il ne m’a pas parlé non plus comme dans les films de Don Camillo, mais je crois que c’est lui qui m’a inspiré ceci au fond de mon cœur : « Pour qui te prends-tu ? Moi, le Verbe de Dieu, la Parole du Dieu vivant, j’ai appris l’araméen avec Marie et Joseph et les gens de Nazareth pendant trente ans, et toi tu voudrais apprendre le bwamou en trois mois… Tu te crois plus malin que moi, ou quoi ? » Cette sorte de relation familière avec Dieu, empreinte d’une fois et d’une confiance très profondes, ne le quittera jamais plus de la vie. Charles était un « pauvre » !

Dès lors, les nominations vont se succéder. De 65 à 66, il sera économe au petit séminaire de Tionkuy. De 66 à 67, le voilà à l’école de langue de Guilongou pour apprendre le mooré, ce qui l’amène dans le secteur de Toma-Tougan-Kiembara auprès des nombreux mossis qui y vivent. Il s’autorise alors une halte spirituelle à Villa Cavaletti à Rome pour les grands exercices avec le P. Delteck. Dès 74 jusqu’en 79, il œuvre auprès des mossis toujours à Dedougou, et de 79 à 87, le voilà curé de Toma pour « l’africanisation » de la paroisse comme il aime à le dire. Que retenir de ces années pastorales-là, celles qu’il a, et de loin, préférées ? Son zèle pastoral en étonneront plus d’un, mais c’est surtout sa proximité intelligente avec ‘ses’ gens qui le feront aimer et de ses ‘ouailles’, et de ses responsables, et de ses confrères, pour sa faculté d’écoute, son attention aux autres religions, surtout animistes, avec un souci respectueux d’adapter les coutumes à l’évangile. Ses relations avec le clergé local diocésain seront aussi d’une telle qualité contre l’avis parfois de certains confrères, qu’il se sentira obligé de s’en expliquer à son évêque d’alors dans une lettre : « De 1967 à 1987, j’ai vécu et travaillé avec des prêtres du diocèse ; j’étais en symbiose avec eux à 100%. Je n’ai jamais approuvé ce repli sur soi des Pères Blancs. Pour moi, nous avons le même sacerdoce et nous sommes attelés à la même mission. Bien sûr, nos sensibilités et nos façons de réagir sont différentes, mais nous devons être capables d’aller au-delà. C’est en même temps un témoignage aux yeux de nos communautés chrétiennes, des musulmans, des animistes… Comment parler d’amour et d’unité si nous, consacrés par le même sacerdoce, nous faisons tous bande à part ? » Du Charles SARTI tout craché !

Pour mieux comprendre la proximité de Charles avec les gens, et surtout l’extrême délicatesse et compréhension qui marquaient ses contacts, il est bon de lire un petit livret qu’il écrira plus tard en France à la demande de son diocèse d’origine, intitulé : « Joies et peines d’un missionnaire ». Il le présentera d’ailleurs lui-même ainsi : « Il ne s’agit pas d’une biographie ni d’une réédition, revue et corrigée, des « Mémoires d’un âne » ; il ne s’agit pas non plus d’une page d’histoire de l’Eglise du Burkina Faso. Simplement quelques faits de vie d’un missionnaire d’Afrique, « père blanc moyen » : le vécu de ceux à qui il a été envoyé, et où il a discerné l’Amour de Dieu pour ces gens-là et pour lui-même. Celui qui sème n’est rien, celui qui arrose n’est rien, seul Dieu compte. Merci à Lui. »

Mais il faut bien souffler un peu, et de 87 à 88 il fera une année sabbatique à Rue Friant, dont il deviendra le responsable jusqu’en 1992. Mais l’Afrique demeure sa raison de vivre, et fin 92 c’est le retour au Burkina Faso, à Solenzo, comme vicaire jusqu’en 2001. Il est alors nommé à Ouagadougou à la maison Provinciale comme économe provincial, responsabilité et service qu’il va remplir scrupuleusement jusqu’en 2008. Ce ne fut pas son meilleur souvenir missionnaire, mais il était remarquable par sa délicatesse à l’égard de tous les nombreux confrères qui venaient le voir ‘pour des problèmes d’argent’, et par sa vie de communauté pleine d’humour, de simplicité et de sagesse pour arranger à l’amiable tous les petits conflits qui agitaient parfois la communauté. Quant à la pastorale il ne l’oubliera jamais, rendant de nombreux petits services soit aux paroisses, soit aux communautés religieuses. Personne n’oubliera sa mobylette asthmatique ni sa sacoche en cuir pourri qui lui permettait d’aller en toute sécurité à la Banque tous les matins. Un missionnaire comme on les aime, parce qu’il a marqué les esprits par sa simplicité et sa piété.

Mais la maladie (cancer de la peau au visage) va commencer à l’handicaper et le faire souffrir (même s’il ne se plaignait jamais) ; c’est pourquoi il devra rentrer définitivement en France en 2008, décision qu’il accueillit avec sérénité. Il faut dire que cette acceptation a été facilitée par son esprit légendaire d’obéissance comme il va le prouver à travers un mail qu’il a fait parvenir alors à son Provincial en France : « En tant que responsables, vous êtes mieux à même d’apprécier les priorités, moi j’obéis. C’est pour cela que j’ai fait le Serment d’obéissance. Vous savez comment je définis le ‘ Père Blanc moyen’ : pas très malin, mais discipliné ». Il demeurera une petite année rue Verlomme pour s’occuper des archives, puis rue du Printemps pour la gestion de l’économat de la maison et de « Voix d’Afrique ».

Mais les soins qu’il reçoit se révèlent de plus en plus contraignants et handicapants ; alors, c’est à Tassy, dans un premier temps, qu’il sera envoyé officiellement comme responsable de la communauté, mais surtout pour y recevoir des soins, et même les premières opérations au visage qui petit à petit vont le défigurer. Ce dernier poste de responsabilité, c’est avec un grand sens missionnaire qu’il va l’accueillir comme il l’expliquera à sa famille et ses amis dans une circulaire : « J’ai toujours eu beaucoup d’admiration pour ces ‘anciens’ qui ont sué le ‘burnous’ et qui se sont usés, durant des décennies en Afrique et au service des africains… d’Alger au Cap et de Dakar à Dar-es-Salaam. Je n’ai donc pas trop de peine à accepter ce nouvel envoi en mission. Priez l’Esprit-Saint pour moi : qu’il me donne suffisamment de délicatesse, de patience et d’écoute pour être au service de mes aînés… 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. » Le souvenir qu’il a laissé à Tassy restera profondément gravé dans le cœur de tous ses confrères, mais aussi de l’ensemble des résidents de l’EHPAD et du personnel ; il les comprenait : il subissait dans sa chair, mais en pire, les souffrances propres à toute fin de vie, d’autant plus que les opérations vont se succéder (16 au total), qui vont l’obliger à aller terminer sa vie à Bry sur Marne, car il était l’avant dernier Père Blanc encore résident à Tassy. C’est au début de 2017 qu’il rejoindra sa chambre du deuxième étage à l’EHPAD de Bry sur Marne où le Seigneur finira enfin (car il le suppliait chaque jour de le prendre) par l’appeler comme il l’avait appelé une première fois lorsqu’il était enfant.

Les derniers jours ont été pour lui un véritable calvaire, admirablement vécu grâce au chapelet qui ne quittait jamais son poignet ; et plus son visage ressemblait à celui du ‘Serviteur Souffrant’, plus son regard reflétait calme, paix et espérance en Celui qui l’a tout de même abandonné une dizaine de jours dans un semi comas avant de le prendre enfin dans sa demeure éternelle. On dit que ‘qui aime bien châtie bien’ ; personne ne pouvait imaginer que Charles était autant aimé de Dieu. La messe des funérailles fut toute simple comme il le souhaitait, lui qui disait « vouloir être enterré dans une natte et porté sur une charrette tirée par un âne ». Sa sœur était présente ainsi que quelques neveux et petits-neveux, donc entouré par sa famille dont il avait été si proche toute la vie. Nombreux aussi le nombre de confrères venus des environs, sans oublier quelques connaissances africaines qui ne sont pas près de l’oublier. La chapelle était pleine comme pour tout « père blanc moyen », et la lecture des « Béatitudes » ne détonnait pas dans le concert de louanges sincères qui l’ont accompagné jusqu’au cimetière des Pères Blancs, à Bry sur Marne.

« Heureux les pauvres de cœur, ils verront Dieu. »

Clément Forestier, MAfr

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