Léopold est né le 3 septembre 1927 à St-Clet, dans le diocèse de Valleyfield (P. Québec). Après ses études primaires à l’école de sa ville natale, il fait ses études classiques au Collège Sainte-Marie à Montréal. Il entre au noviciat Saint-Martin de Laval le 1er août 1949 et part ensuite pour l’Europe pour étudier la théologie, d’abord pendant trois ans à s’Heerenberg aux Pays-Bas, et ensuite un an à Monteviot en Écosse où il fait son serment missionnaire le 9 juin 1954 et est ordonné prêtre le 4 janvier 1955.
Déjà, pendant ses années de formation, Léopold se distingue par son côté jovial et blagueur. Il aime bien amuser la communauté, ce qui le rend très populaire parmi ses confrères. Soulignons aussi ses aptitudes pour la parole en public et ses talents pour le théâtre et jouer la comédie, car il est doté d’une imagination créatrice et d’un grand sens de l’humour. Il sait cependant être sérieux quand il faut l’être. Généreux et charitable envers ses confrères, il aime le travail manuel et est toujours prêt à accepter les besognes qu’on lui confie. Il fait preuve d’une piété solide et personnelle et est très attaché à sa vocation missionnaire et à sa formation spirituelle et apostolique.
Le Père Lalonde a un tempérament nerveux. Les études lui imposent une certaine tension et fatigue dont il doit se libérer par des activités extérieures. Il n’est sûrement pas fait pour le travail administratif de bureau. C’est un homme de contact avec les gens, toujours à l’aise dans ses relations avec ses confrères et ses supérieurs.
Le 1er octobre 1956, le Père Lalonde arrive à Mambwe, dans le diocèse d’Abercorn (maintenant Mpika), en Zambie. Il y apprend le chimambwe, et pendant six ans exerce son ministère pastoral comme vicaire paroissial, tout en visitant les écoles de la région. Connaissant bien la langue locale, il est très à l’aise avec les gens et aime beaucoup aller à leur rencontre, les écouter et les encourager.
En janvier 1961, il est nommé Directeur intérimaire de l’Enseignement. C’est une fonction que Léopold n’accomplira que pendant quatre mois. Ce travail de bureau qui comporte beaucoup de correspondance officielle avec les autorités gouvernementales, ne lui convient pas du tout et le rend vite nerveux. Aussi notre confrère demande de retourner en paroisse, ce qui lui est accordé par le Supérieur régional.
Après un congé au Canada en 1962, le Père Lalonde revient en Zambie. Il est maintenant nommé à Isoka, une nouvelle paroisse qui vient d’être fondée dans le diocèse. C’est lui, Léopold qui doit faire face à ce nouveau défi. Dans ce grand district d’Isoka, situé au nord-est de la Zambie, tout près de la Tanzanie, on parle au moins quatre langues différentes. Et Léopold est celui que l’évêque désigne, avec deux autres confrères, pour relever le défi que représente cette nouvelle fondation. Dans ses visites des différents secteurs de son immense paroisse, il se fait accompagner par quelques catholiques, enseignants, policiers ou militaires, qui traduisent son message dans les diverses langues de ce district. Léopold veut ouvrir plusieurs succursales dans la paroisse et a besoin de la générosité de ces catholiques pour se faire comprendre des diverses ethnies de son territoire.
Le Père Lalonde, au sein de ses nombreuses tournées d’évangélisation, a le souci du développement intégral. Il trouve le temps de construire une école maternelle pouvant accueillir 400 enfants, ce qui lui gagne la confiance des gens. À Isoka, il bâtit un grand poulailler qui, par la vente des poulets et des œufs, permet à l’équipe pastorale d’être auto-suffisante financièrement. En 1976, le goût de la communication avec le monde extérieur le fait devenir radio-amateur. Il se procure un appareil émetteur et récepteur qui lui permet de communiquer avec tous les pays du monde. Mais, comme Léopold le dit lui-même : « Hélas ! Après deux ans de communication radiophonique, cette activité devient tellement captivante que je décide de l’abandonner complètement afin de garder ma vocation missionnaire… ». Après un autre congé au Québec, Léopold retourne à Isoka avec une ruche complète (sans les abeilles évidemment !). Il veut enseigner à ses paroissiens non seulement comment garder des abeilles mais surtout comment produire du miel pour leur propre consommation.
Le Père Lalonde passe 32 années à fonder et développer la mission d’Isoka. Quand il quitte Isoka en 1994, sa paroisse compte une trentaine de communautés chrétiennes, le long des frontières du Malawi et de la Tanzanie. Il doit maintenant reprendre des forces car sa santé commence à faiblir. Cela lui est difficile de quitter Isoka : ses paroissiens pleurent quand ils le voient partir.
S’il se dépense généreusement dans son ministère pastoral et dans ses activités de développement, Léopold garde toujours le souci de nourrir sa vie spirituelle et de se ressourcer. Il a depuis longtemps été en contact avec la spiritualité des Focolari. Aussi, sur le chemin du Canada en 1994, le Père Lalonde s’arrête en Italie où, pendant sept mois, il fait un stage à Loppiano chez les Focolari. Dans le récit qu’il fait de cette expérience de prière, Léopold écrit : « De toutes les expériences de ma vie, il n’y en a pas eu, je crois, de plus forte, de plus enrichissante que celle de Loppiano. Dieu m’a fait comprendre là, d’une façon sans équivoque, son amour infini, présent à chaque instant du jour et à chaque moment de la vie… J’ai découvert d’une manière concrète que la voie pour aller à Dieu, c’est de passer par le prochain… L’amour infini de Dieu que j’ai expérimenté durant ces quelques mois a changé ma vie. Il m’a fait connaître la lumière et la liberté et m’a fait passer de la crainte à l’amour ».
1995 représente un tournant important dans la vie missionnaire du Père Lalonde. Il est nommé aumônier de l’hôpital général de Kasama. C’est un ministère qu’il exerce pendant 15 ans, jusqu’à son retour définitif au Canada. Tous les matins, Léopold se rend à l’hôpital et, avant de quitter la mission, il demande au Seigneur de l’accompagner pour qu’il puisse trouver le bon mot qui réconforte, ou le geste délicat qui encourage.
À l’hôpital, Léopold prend le temps de saluer chacun et chacune des malades et ensuite, debout au milieu de salle commune, il les invite à prier ensemble. Puis il récite un proverbe ou une fable, entonne un chant ou même se lance dans une pauvre imitation de danse africaine qui fait bien rire les malades. Les médecins qui sont présents encouragent Léopold en lui disant : « Continuez ainsi Père! Vos plaisanteries et vos danses sont une excellente médecine pour nos malades. Ça représente au moins 50 % de leur guérison.»
Pendant ces 15 années de ministère pastoral à l’hôpital, Léopold est heureux dans ce contact quotidien avec les personnes souffrantes. Il se dépense beaucoup pour trouver des médicaments ou de l’équipement.
En novembre 2010, le Père Lalonde demande de revenir définitivement au Québec. Il aurait aimé continuer son ministère auprès des malades à Kasama. Mais, comme il l’écrit lui-même dans une lettre, il est à bout de souffle et même épuisé. Ses forces se sont détériorées au cours des derniers mois. Et son cardiologue lui conseille de rentrer au Canada.
Léopold trouve cette décision de quitter l’Afrique difficile. Mais, dans la prière, il accepte la volonté de Dieu et trouve la paix et la sérénité. Il quitte donc la Zambie en remerciant le Seigneur de lui avoir permis d’être son instrument pendant 55 ans de vie missionnaire en Afrique.
De retour au Québec en 2010, Léopold, à sa demande, prend résidence à Sherbrooke, tout en se mettant au service de cette communauté, selon ses possibilités de santé. Mais bientôt, ses forces diminuent et la maladie continue de faire son œuvre en lui. En 2014, le 22 août, Léopold reçoit calmement le verdict de son médecin : il a un cancer du système lymphatique. C’est cette terrible maladie qui l’emportera plus tard. Le 10 mars dernier, il décède, comme il le désirait, dans notre communauté, entouré de la prière et des soins attentifs de ses confrères et de notre personnel médical. Il était âgé de 89 ans, dont 62 ans de vie missionnaire en Zambie et au Canada. Les funérailles ont lieu, le 18 mars 2017, en présence de la dépouille, dans la chapelle des Missionnaires d’Afrique de Sherbrooke.
Je termine cette brève biographie de Léopold, en racontant cet évènement : le 24 octobre 2012, le jour de l’anniversaire de l’indépendance de la Zambie, le Président du pays a rendu honneur à plusieurs personnes pour souligner leur mérite éminent au service de la nation zambienne. Parmi ces personnes qui se voient attribuer la médaille nationale de la Miséricorde se trouve le P. Léopold Lalonde.
Cette récompense, nous dit le Président de la Zambie, a été accordée au P. Lalonde pour deux raisons principales :
- La première souligne le courage héroïque du Père Léopold. Encore jeune prêtre missionnaire, il a sauvé la vie de beaucoup de Zambiens, hommes, femmes et enfants, au temps de la révolte de 1964. Par ses interventions courageuses, Léopold a pu protéger et sauver de la mort un grand nombre de Zambiens.
- La deuxième raison pour laquelle Léopold reçoit cette distinction nationale, c’est sa générosité et son altruisme comme aumônier de l’hôpital général de Kasama. Pendant 15 ans, en plus d’apporter un soutien pastoral aux malades, le Père Lalonde leur a procuré des médicaments et des moyens de transport. À l’occasion de cette célébration, puisque Léopold n’était plus en Zambie, c’est le P. Jules Roy qui reçut la médaille au nom du Père Lalonde.
Écoutons la réaction du Père Lalonde, quand il apprit qu’il était le récipiendaire de cette médaille : « Je suis surpris de recevoir cette médaille et je me demande ce que j’ai fait d’extraordinaire pour mériter cet honneur ! J’ai tout simplement essayé d’être fidèle à ma vocation missionnaire. Quand je regarde la médaille de la Miséricorde, je revois toutes ces années passées dans la vigne du Seigneur, sans nostalgie et avec beaucoup de reconnaissance. Je remercie le Seigneur pour ces 55 années qu’il m’a permis de vivre avec le peuple zambien. La joie que je ressens aujourd’hui est le commencement de la récompense que Jésus a promise à nous tous. »
Maintenant, notre confrère Léopold jouit pleinement de cette récompense que Jésus accorde à son généreux et ardent missionnaire.
Michel Carbonneau