Nos confrères âgés (PE n°1090 – 2018/04)

Certains auteurs affirment que l’espérance de vie a augmenté ces dernières années et que nos vies sont plus sûres, plus heureuses, plus paisibles, plus stimulantes et plus prospères que dans le temps, non seulement en Occident mais dans le monde entier. Comme Société, nous pouvons être fiers de notre souci et du soutien continu porté à nos confrères âgés afin qu’ils puissent vivre heureux et épanouis, sachant que partout où nous sommes nous demeurons des missionnaires répondant à notre premier appel, et que nous sommes entourés d’amour et de soins.

Durant notre vie adulte, nous avons été engagés dans un grand nombre d’activités, nous étions presque invincibles avec de l’énergie à revendre. C’est pourquoi nous résistons à la pensée de vieillir et à l’idée que nous ne sommes pas éternels. Vieillissants, nous devenons plus conscients de nos limites en raison de notre âge, de notre santé, de nos forces, de la perte des gens que nous aimons et du statut que nous avions dans une communauté spécifique où nous avons œuvré. Quand nous étions plus jeunes, c’était comme si nous dansions dans la vie, malgré les obstacles et les nombreux défis auxquels nous étions confrontés dans notre apostolat missionnaire. Il est bon de se rappeler les paroles de Carl Jung : « l’après-midi de la vie humaine doit avoir une signification propre et ne peut être simplement un appendice pitoyable du matin de la vie ». Espérons que notre âge avancé signifie plus de profondeur et de maturité que durant notre jeunesse.

Ceci dit, c’est notre attitude face à nos limites qui déterminera la qualité de nos années comme aînés. Certains diront que nous devons pleurer nos pertes par un deuil qui est aussi une libération, qui nous amène à découvrir la capacité et la joie d’embrasser la vie comme nous l’avons toujours fait. Embrasser la vie afin qu’elle continue d’être une expérience intense et variée. Notre âge ne signifie pas que nous sommes mis à part et impuissants, ou que nous ne pouvons pas avoir d’influence dans la vie de notre Société, ou encore que nous sommes incapables de témoigner de la force de l’évangile. Nous ne devons pas être spectateurs de notre vie, mais nous y engager, car le temps est toujours présent.

De plus, le processus de vieillissement nous offre de nouvelles occasions de croissance. Les personnes âgées, autrefois dynamiques et indépendantes, apprennent maintenant une nouvelle dépendance vis-à-vis des autres. Les jeunes pleins d’énergie doivent trouver de nouvelles façons de servir la génération plus âgée. Ceux qui ont besoin de soins et ceux qui l’offrent peuvent grandir en tempérament. En tant que confrères âgés, nous avons quelque chose à offrir à nos communautés, à notre Société, à nos amis et à notre famille. Faisant écho au grand écrivain spirituel américain Thomas Merton, je crois que le seul véritable voyage dans la vie est le voyage intérieur – pas du tout centré sur l’ego, mais le voyage de la découverte de soi, du faux soi au vrai soi – c’est le voyage d’une prise de conscience que de tels changements dans notre vie ne sont pas tant des pertes que la récupération de ce qui est de plus profond, de plus original, de plus personnel en nous-mêmes. Espérons qu’en vieillissant, nous ayons plus de sagesse, de liberté, de souplesse, de franchise, d’honnêteté, tout en découvrant que la belle expérience de naître de nouveau n’est pas de devenir quelqu’un d’autre, mais de devenir pleinement nous-mêmes.

Je termine cet éditorial par une citation de Beyers Naude, le grand théologien sud-africain : « Chaque jour que je vis devient plus significatif, plus épanouissant et, pour moi, beaucoup plus enrichissant. J’ai découvert que la vie est trop courte pour toutes les révélations extraordinaires de l’amour reçu de Dieu, des nouvelles idées, nouvelles visions, nouvelles possibilités, nouvelles dimensions de la vie humaine, nouvelles relations avec les gens autour de moi, une plus grande profondeur avec des joies et des souffrances qui façonnent ma vie – oui, je peux vraiment le dire – cela est si profondément significatif que je suis impatient quand je me couche le soir de me réveiller le lendemain matin et dire : C’est un nouveau jour, une nouvelle vie, une nouvelle expérience de Dieu et de l’humanité. »

 

 

 

 

Francis Barnes,
1er Assistant général

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