Jacques est né le 25 janvier 1923 à Saint-Josse (Bruxelles), dans une famille chrétienne et nombreuse. Son père était officier. Jacques fit les humanités gréco-latines à l’Institut Saint-Louis à Bruxelles. En septembre 1941 il entra chez les Pères Blancs à Thy-le-Château. Suivirent le noviciat à Varsenare et la théologie à Heverlee, où il fit son serment le 6 avril 1947 et fut ordonné prêtre le 29 mars 1948. Les professeurs de Jacques soulignent son caractère ferme, un peu militaire ; homme de volonté et très dévoué ; ce n’est pas un grand intellectuel. Ils signalent aussi qu’il est un peu blasé, fermé, un peu « sphinx ».
En septembre 1948, il part selon sa destination pour le ‘Ruanda-Urundi’. Il commence à Nyanza, rejoint ensuite Kabgayi où il est chargé des écoles. Les nominations se suivent : Mibirizi, Kinoni, Nyundo et, en 1955, Makamba au Burundi, où il restera trois ans. Le régional explique que sa rudesse et ses sautes d’humeur avaient rendu impossible sa mission auprès des Banyarwanda. Après son premier congé et la grande retraite à Mours, il retourne au Burundi, à Bururi, ensuite, après un conflit avec les moniteurs, à Kitwenge. Quelques mois plus tard nous le retrouvons à Giheta, où la population a failli le molester. Jacques retourne alors au Rwanda, à Byimana, où il reste près de trois ans. Suivent encore Rwankuba et Zaza avant son retour en Belgique. « Il peut être ours et agneau, écrit le père Severy, régional, mais il est beaucoup plus fréquemment ours »… Le même régional ajoute que Jacques « a une passion pour tous les nouveaux livres et lit énormément ».
Pendant son congé, en 1955, en effet, Jacques a rencontré la pensée de Pierre Teilhard de Chardin lors d’un séminaire international organisé en Belgique, juste après le décès de ce dernier. La rencontre est fulgurante et Jaques marqué profondément. Arrivé définitivement en Belgique en octobre 1966, Jacques est nommé à Thy-le-Château, qui, à ce moment, fonctionne comme maison de retraite pour jeunes et pour « la propagande ». Il se dit heureux. Il évolue. Il donne des retraites. Le père Plessers, provincial, note qu’il « est somme toute sympathique sous une écorce rude ». En juillet 1968, Jacques est nommé pour l’animation missionnaire à Bruxelles et au Brabant wallon. Il fréquente des groupes engagés pour le tiers-monde, prêche des retraites, accompagne des pèlerins à Lourdes et des jeunes au Maroc, donne un cours de recyclage sur saint Paul. Il est aumônier d’un groupe scout et d’un groupe de guides. Il collabore avec les animateurs d’autres instituts missionnaires et est en contact avec plusieurs paroisses.
En 1975 il suit plusieurs week-ends et une semaine internationale sur Teilhard en France. En 1977 il donne une conférence à Paris ‘Avec Paul et Teilhard, dire Christ aujourd’hui’, qu’il conclut avec ces mots : « Disant avec Paul et interprétant avec Teilhard : «… rendre chacun parfait en Christ. Et c’est bien pour cette cause que je me fatigue à lutter, avec son énergie qui agit en moi avec puissance » (Col 1, 28-29). Dans un rapport de 1979 Jacques signale qu’il participe à des réunions de groupes « Teilhard de Chardin » à Bruxelles, Lille et Paris. Entretemps il a rejoint l’Association des Amis de Teilhard de Chardin, où il collabore avec le père Pierre Noir s.j., et publie avec lui les fameux « Dossiers thématiques du Père Noir ». Début 1980 Jacques témoigne : « Il semble utile, dans une grande fidélité à l’Eglise, que certains s’attachent à bien connaître les écrits de Teilhard pour les partager avec des contemporains en recherche. » Lui-même avouera un jour : « Teilhard m’a sauvé ! » Teilhard deviendra la passion de sa vie, de sa foi. Néanmoins, Teilhard devra encore attendre un peu. Après la session-retraite à Jérusalem en 1982, Jacques est nommé en janvier 1983 à la Maison Généralice pour le service de la bibliothèque. Il y travaillera jusqu’au mois de mai 1985.
De retour en Belgique, Jacques est officiellement nommé par l’archidiocèse au « Centre Copernic sciences-société ». Il fait alors partie de notre communauté de la rue Milcamps. Son contrat spécifie : « Ses connaissances concernant Teilhard de Chardin pourront être mises à profit pour organiser la documentation concernant ce thème et établir des relations, au nom du Centre, avec les organismes et centres existant en France et en Belgique ». Jacques accepte en même temps d’aider comme vicaire la paroisse Sainte-Anne à Uccle. Malheureusement, au bout de trois ans à peine, le Centre Copernic est obligé de fermer, faute de locaux. Jacques perd son ‘emploi’, mais pas son enthousiasme pour Teilhard. Il multiplie, souvent avec le père Noir, les retraites, par exemple « Prier avec saint Ignace et Teilhard de Chardin ». Entretemps Jacques est devenu membre du Conseil d’administration de l’Association des Amis de Pierre Teilhard de Chardin, dont le siège se trouve à Paris. Il collabore à plusieurs éditions de ou au sujet de Teilhard, par exemple son « Journal intime » en 2001. En 2003 Jacques est chargé des retraites annuelles pour l’Association des Amis de Teilhard de Chardin, à la Basilique du Sacré-Cœur de Paris, dont la première sera publiée en 2004 sous le titre « 8 parcours spirituels d’après les notes de retraites de Pierre Teilhard de Chardin ». Il publiera ainsi 44 parcours… Des paquets de notes seront encore envoyés à Paris après sa mort…
Depuis 1995, Jacques fit partie de notre communauté de la rue Tombeur. En juillet 2008, sa santé lui causant beaucoup de soucis – il se déplaçait de plus en plus difficilement -, il rejoignit le home médicalisé Saint-Joseph à Evere. Les derniers mois il perdit sérieusement la tête et on dut le transférer dans la section protégée « Clivia », toujours à Evere.
Jacques pouvait être charmant et se couper en quatre pour rendre service. Ses écrits sur Teilhard révèlent sa foi solide et sa profonde spiritualité. Sa vie relationnelle a pourtant toujours été ombrageuse, même parfois violente. Toutes les personnes qui ont vécu avec Jacques en ont souffert. Et sans doute, lui le premier. N’est-ce pas pour cette raison qu’il a choisi pour son image-souvenir ce texte de Teilhard ? « Pourquoi, ce soir, sentè-je l’angoisse pour tous ceux que j’aime, et que j’ai perdus ou qui vieillissent, ou qui sont loin ? Ai-je assez fait pour eux ?… Je vous les confie et donne, Seigneur. En Vous, rapprochez-nous et vivifiez-nous, tous. » (Notes de retraite, éditions du Seuil, 1954, p.113). Mais si l’on arrivait à percer sa carapace, on découvrait le Jacques habité d’une grande sensibilité, d’une grande serviabilité, d’une grande attention aux pauvres ; il allait, en toute discrétion, rendre visite à des confrères seuls ou malades, à des personnes âgées, souffrant de solitude.
Samedi matin, 15 octobre 2016, le grand ‘teilhardien’ qu’était Jacques nous a quittés à l’hôpital Saint-Michel, où il avait été hospitalisé la veille. La célébration d’Adieu eut lieu le vendredi en la grande chapelle du home St-Joseph, suivie de l’enterrement à Varsenare.
Jef Vleugels