Contexte
Nous vivons de grands bouleversements qui affectent tous les tissus de la vie en société car, dit-on, les faits sociaux sont totaux et globaux ; par exemple, une crise économique peut déstabiliser la structure éducative, sécuritaire et peut compromettre le développement intégral, fondement de la paix. Ainsi devons-nous comprendre que parler d’éducation et de la culture de la paix revient à analyser le système éducatif hic et nunc et l’intégrer de manière efficiente à la formation des consciences, dans le respect des droits de l’homme, la promotion des valeurs qui garantissent la justice pour tous les peuples, et la création de conditions économiques stables pour tous. Bref, veiller au développement intégral pour prévenir les crises susceptibles d’enfreindre les initiatives de paix.
Nous rappelons quelques programmes éducatifs tels que L’éducation aux droits de l’homme et à la citoyenneté (EDHC) en Côte d’Ivoire pour faciliter la transition vers une culture de paix ; The Truth and Reconciliation Commission créé en 1996 par Nelson Mandela pour la promotion de l’Unité Nationale et la Réconciliation, en Afrique du Sud ; La Commission Vérité et Réconciliation (CVR) initiée pour le soutien à la paix et réconciliation, lors du dialogue inter-congolais en avril 2002 ; El Centro de Justicia para la Paz y el Desarrollo (CEPAD) créé en 2006, au Mexique (Jalisco), pour l’accès à la vérité, à la justice et l’accompagnement des victimes de torture et des familles des disparus. Ces programmes éducatifs ont certainement apporté une contribution remarquable pour la promotion de la paix et l’intégration sociale. Leurs champs d’actions cependant sont souvent restés limités en raison des contraintes politiques et économiques.
La culture de la paix en péril
Les foyers de tension dans le monde inquiètent et interrogent. L’éducation a-t-elle les moyens de faire face aux défis pour la promotion de la culture de la paix ? L’éducation est d’abord une formation qui offre des fondements pour le vivre ensemble, la justice pour tous, les possibilités pour tous, la résolution des conflits pour garantir l’harmonie dans les sociétés. Couplée à la vérité, l’éducation devient une ouverture aux réalités du monde pour une véritable praxis sociale. Malheureusement, le constat est que l’éducation s’apparente davantage à une culture de l’information dépourvue de critique constructive. En d’autres termes, l’éducation se résume à la formation de professionnels pour le marché de l’emploi, au détriment d’autres valeurs d’intégration sociale. Nous faisons face à une éducation essentiellement tournée vers la production, laquelle devient la mesure de la réussite. Une telle éducation dont l’objectif principal est le gain, aura difficilement contribué au développement intégral et à la protection de la culture de la paix.
Un autre facteur qui fragiliserait la culture de la paix, c’est la crise économique. Le manque de ressources et d’indépendance financières font peser sur plusieurs communautés un risque de déstabilisation et d’implosion, comme par exemple, le phénomène des réseaux de ravisseurs. Les médias nous rapportent chaque jour des nouvelles des familles dont les membres sont aux mains de ravisseurs. C’est une affaire en expansion dans notre contexte de mission et dans plusieurs autres parties du monde. La multiplication de ces ravisseurs est une conséquence de la crise économique, des frustrations et frictions sociales. Bref, les structures d’injustice sont souvent à la base de cette rupture, au point de rendre difficile toute promotion de la culture de la paix.
Mentionnons encore la crise migratoire. Le Mexique est un corridor que plusieurs migrants utilisent pour entrer aux Etats-Unis. Des milliers de réfugiés venant des pays de l’Amérique Latine et de Haïti, se déplacent à pied et en train poussant jusqu’aux derniers recoins les limites de l’effort humain pour arriver à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis. C’est une traversée périlleuse, parfois sans succès. Ces réfugiés, écrasés par la misère, sont souvent victimes des cartels de la drogue et d’autres organisations criminelles pour des fins économiques ou pour des recrutements massifs.
Construction de la culture de la paix
Après avoir dépeint le contexte suivi de l’analyse de quelques faits qui pourrissent les efforts pour l’impulsion de la culture de la paix, voyons à présent les quelques actions entreprises au niveau de l’Eglise locale, au travers des religieux et laïcs engagés. Au niveau de nos deux communautés au Mexique, nous avons de petites cellules pour accueillir des personnes désireuses de parler, en leur offrant un cadre d’écoute. Ils sont nombreux à désirer nous parler. Nos candidats sont orientés pour aider en ce sens, avec quelques religieuses et laïcs engagés dans les structures d’accueil des réfugiés. Cette présence de nos candidats fait partie du cursus académique pour la formation aux valeurs humaines de service gratuit, de porter assistance aux personnes en situation difficile, de respect de la vie humaine, etc. Une fois l’an, une marche à laquelle participent les confrères, est organisée par la Commission Justice et Paix comme expression d’interpellation pour une vraie paix et une justice pour tous.
Avec la promotion des calendriers missionnaires que nous faisons dans plusieurs paroisses du diocèse, à partir du mois d’octobre jusqu’au mois de janvier, nous portons un message incarnant une approche missionnaire centrée sur l’interculturalité comme expression de vouloir vivre ensemble. Il faut souligner que la paix est une culture universelle nécessitant des acteurs pour la transmettre d’une génération à l’autre, à travers une formation désintéressée fondée sur les valeurs profondes de vérité, de liberté, de justice pour tous, etc. “Quand les justes se multiplient, le peuple est dans la joie ; mais quand le méchant domine, le peuple gémit” (Pr 29,2). Malgré la complexité des structures qui occasionnent les mouvements de réfugiés, les conflits intercommunautaires et les remous sociaux, nous devons garder l’espérance, car l’action des hommes de bonne volonté à travers la formation holistique, constitue une petite semence porteuse d’espoir. Les grands enjeux demain se joueront sur le respect des droits de l’homme et la paix.
Par: Raphaël Muteba, M.Afr.