Roger Duvollet 1911 – 2016 (PE n° 1078)

Roger Duvollet est né le 27 août 1911 à Vesoul, dans l’est de la France. En 1921, il entre au Petit Séminaire de Luxeuil et continue ses études, au Grand Séminaire de Besançon. En 1933, il contacte les Pères Blancs et fait son Noviciat, à Maison Carré. Le 1er octobre 1935, (2 jours avant la fête de Ste Thérèse de Lisieux, car à l’époque elle se célébrait le 3 octobre), il prononce son serment, chez les Pères Blancs, Missionnaires d’Afrique, Il complète ses études de théologie à Carthage, près de Tunis. Le 29 juin 1936 il est ordonné prêtre, à Carthage. Le dimanche 12 juillet 1936, il célèbre sa première messe solennelle en France à Scey sur Saône (à 20 km de Vesoul). Le prédicateur était le Père Louis Groshenry, pb, qui deviendra Vicaire Apostolique de Bobo Dioulasso, d’où vient l’actuel curé de la paroisse de Scey sur Saône, qui nous accueille en ce samedi 8 octobre 2016, jour des funérailles du Père Duvollet. La boucle est bouclée !

Après son ordination, Roger repart à Tunis pour l’étude de la langue arabe, à l’IBLA, l’Institut des Belles Lettres Arabes. En septembre 1939, ses études terminées, il est nommé en Algérie. D’abord à El Goléa : c’est l’endroit où se trouve la tombe du Père Charles de Foucauld, dont on célèbre cette année 2016, le centenaire de la mort. Charles de Foucauld a été tué à Tamanrasset le 1er décembre 1916 mais son corps a été transféré le 26 avril 1929 à El Goléa, en raison des distances et de l’insécurité. (Tam est à 1000 km)

Le 3 septembre 1939, c’est la déclaration de la Guerre et le Père Duvollet est mobilisé en Tunisie. En octobre 1940, il sera à Géryville, El Bayadh de nos jours, sur les Hauts-Plateaux algériens. En septembre 1941, il sera à Alger. En octobre 1942, il est à nouveau mobilisé à Thibar en Tunisie. En novembre 1945, il est nommé à Colomb – Béchar (sud-ouest algérien), Béchar de nos jours. En juillet 1951, il fait sa grande retraite ignacienne de 30 jours à Mours et repart à Colomb – Béchar. Il est aumônier des scouts, des louveteaux, des jeannettes, qui rassemblent des jeunes : chrétiens, juifs et musulmans. En octobre 1959, il est à Biskra (est-algérien). En août 1961, il est à Djelfa sur les Hauts Plateaux, au climat très rude en hiver. N’en concluez pas qu’il est instable, bien au contraire, il est disponible pour aider ou remplacer les confrères absents, isolés ou malades.

En mars 1962, il est nommé à Ouargla, (sud-ouest algérien) avec résidence à Hassi-Messaoud (à 80 km), l’immense bassin pétrolifère de l’Algérie où il devient aumônier des « pétroliers ». Il y reste 11 ans. Il va sur les bases de vie des travailleurs qui sont d’origine algérienne, française ou autre. Il vient chaque semaine, le mardi matin, dans sa communauté de Ouargla, pour en repartir le mercredi après-midi. Il a toujours été fidèle à ce rendez-vous hebdomadaire. Il participait aux « exercices » communs de la communauté : messe, bréviaire et conseil. A table, il était très agréable, même si au premier abord il pouvait paraître un peu distant. Sa connaissance de la langue arabe était bien au-dessus de la moyenne. Il fréquentait les familles. Il était très intéressant dans ses conversations. Même si on pouvait ne pas être d’accord avec lui, avec ses opinions, il avait une connaissance du Sahara et de son histoire, qui captivait.

En avril 1973, le Père Duvollet va connaître une grande souffrance. Il va être expulsé d’Algérie. Cela demande une explication : certes le Père Duvollet avait une franchise créatrice. Mais la vie missionnaire subit souvent les répercussions des tiraillements politiques locaux et l’on devient un jour persona non grata, indésirable, et on vous signifie que vous devez quitter le territoire dans les plus brefs délais. La vie missionnaire et spécialement le dialogue islamo-chrétien nécessite de la patience, de l’abnégation, une acceptation des différences, de l’écoute et une certaine souplesse. Si le Père a souffert de ce départ, c’est parce qu’il avait tissé durant toute sa vie missionnaire de très nombreuses relations.

A son arrivée en France, après ce contrecoup, il doit se reposer, se soigner, et assumer ce changement. La disponibilité dans la vie missionnaire et sacerdotale ne vous laisse jamais indemne. Une fois rétabli, le Père Duvollet souhaite se rapprocher de sa famille. C’est ainsi qu’il vit au presbytère de Scey-sur- Saône où il rend service. En 1977 il va au collège Saint Georges, à Vesoul. Il assure la surveillance, le catéchisme, il suit aussi un groupe de Scouts de France à Dijon.

Le Père va entreprendre la publication d’une série de 24 volumes de Souvenirs de l’Afrique du Nord. Ces volumes réunis constituent 6 131 pages de proverbes arabes, de récits et de souvenirs, ainsi que 11.835 photocopies ou photographies de cartes postales et de dessins de l’Afrique du Nord. Toute la documentation de ces volumes lui vient, des nombreuses relations qu’il a entretenues avec les anciens d’Afrique du Nord : pieds noirs, sahariens, anciens élèves, scouts juifs et musulmans et des enfants de harkis qui travaillaient aux usines Peugeot à Vesoul. En 1998, il a 87 ans, il vient s’installer dans son village près de sa famille.

Les Pères Blancs expriment leur reconnaissance et leur admiration à tous ceux et celles qui l’ont accueilli, visité, soigné, écouté, lavé, nourri, veillé, parfois jour et nuit. « Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde…», « Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… ? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ? tu étais expulsé et nous t’avons accueilli ? … Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ? » Le Roi leur répondra : « Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.»

Certes nous tenons toujours à respecter les choix de nos confrères, mais à quel prix pour les familles. Elles sont missionnaires à leur manière. C’est une belle collaboration. Le Père Duvollet a continué de porter sa gandoura et son rosaire, l’habit des Pères Blancs, disant qu’il n’y avait aucune raison pour passer pour quelqu’un d’autre. La commune et la paroisse de Scey-sur-Saône ont fêté ses 100 ans. Le Pape François lui a envoyé sa bénédiction l’été dernier. Le Père a atteint le but à 105 ans : il a rejoint le Christ, après 80 ans de prêtrise.

Bernard Lefebvre, M.Afr.
Petit Echo n° 1078

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