Nous vivons dans un monde marqué par diverses cultures et des croyances religieuses très diversifiées. A l’heure où nous sommes, l’humanité devient de plus en plus interculturelle et interreligieuse. L’on remarque actuellement que les sociétés humaines se sont développées dans différents sens : diverses cultures et, par conséquent, différentes manières de nommer Dieu et les choses. La prise de conscience du multireligieux et du multiculturel a été vite accentuée par la communication, la mobilité des populations et la croissante interdépendance entre les peuples. C’est cet éveil de la diversité qui provoque en nous, chrétiens, des questions, l’affirmation de notre foi, notre manière de vivre et d’entrer en relation avec ceux-là que nous considérons différents de nous. Le christianisme a, dès les origines, pris conscience de l’existence des communautés juives et d’autres confessions religieuses.
Les questions qui se posent aujourd’hui sont celles de savoir : Qu’entendons-nous par dialogue interculturel et dialogue interreligieux ? comment pouvons-nous aborder la question du dialogue interculturel et interreligieux ? comment promouvoir, à la lumière de l’évangile, des valeurs universelles qui transcendent les différences culturelles et religieuses et favoriser la création d’un environnement propice à la coexistence pacifique et à la collaboration de diverses communautés ?
Qu’entendons-nous par dialogue interculturel et dialogue interreligieux ?
De manière générale, j’entends par dialogue, une conversation où des personnes cherchent à entrer en relation malgré leurs différences. C’est un échange entre deux ou plusieurs personnes qui cherchent à partager leurs expériences de vie. Ceci se fonde sur le principe que l’homme est un être relationnel. Le dialogue interculturel sera alors entendu comme une conversation entre deux ou plusieurs personnes de cultures différentes. Le fait même de s’intéresser à apprendre la langue de l’autre constitue déjà un élément de dialogue interculturel. Nous cherchons à utiliser les mêmes mots pour nommer Dieu et les choses. Quant au dialogue interreligieux, c’est un échange de vie où des personnes de différentes confessions de foi cherchent à entrer en relation et à partager leurs expériences de vie malgré leurs différences religieuses.
En tant que témoins de l’amour de Dieu comment pouvons-nous aborder la question du dialogue interculturel et interreligieux ?
Partant de mon expérience de stage à Savelugu de 2009-2011, j’ai pu découvrir que pour aborder le dialogue interreligieux, il faut identifier un besoin humain. Dans l’évangile de Jean, au chapitre 4, 1-15, Jésus, l’homme de Nazareth et juif, est un exemple parlant. L’évangile nous dit que Jésus, pour entrer en dialogue avec la femme samaritaine, commence par exprimer un besoin : il a besoin d’eau. Ce dialogue a été possible parce que Jésus a pris l’initiative de s’adresser à la femme. Là, Jésus initie un dialogue à la fois interculturel et interreligieux. A Savelugu, j’avais besoin d’apprendre la langue. En prenant l’initiative d’entrer en contact avec les gens du milieu, j’ai été accueilli par une famille qui m’a logé pour une période de trois mois pour apprendre le dagbanili, la langue du milieu.
De nos rencontres quotidiennes est né le besoin d’avoir un terrain de football pour les jeunes. Ceci a davantage occasionné le dialogue entre la communauté des Missionnaires d’Afrique travaillant à Savelugu et les voisins. Aujourd’hui le terrain accueille beaucoup de jeunes venant d’autres communautés environnantes. Je trouve qu’en prenant l’initiative d’aller vers l’autre et en exprimant un besoin humain, on peut aborder le dialogue interculturel et interreligieux. Il faut entrer dans ce dialogue avec un esprit d’ouverture à l’autre, sans jugement. Une telle attitude aide à la préparation pour commencer le dialogue. Jésus a demandé de l’eau à une samaritaine ; il savait aussi les prohibitions sociales existant entre juifs et samaritains. Mais il adopte une attitude de liberté, allant au-delà de la culture et du genre. Il se montre libre des hostilités, tout en restant orienté vers l’essentiel : entrer en conversation avec la personne, ici la femme samaritaine.
Comment promouvoir, à la lumière de l’évangile, des valeurs universelles transcendant les différences culturelles et religieuses ?
En lisant les évangiles, un fait remarquable est que pour Jésus, c’est la personne qui compte. L’on voit sa lutte quotidienne pour le peuple, en particulier les marginalisés et les pauvres. Son ministère est toujours en relation avec une personne, les disciples comme la foule, les amis comme les ennemis. Jésus s’intéresse toujours à ceux qui ne sont pas Juifs,ceux donc qui ne font pas partie du peuple élu. Ses paraboles et ses rencontres avec les non-juifs devraient nous aider à promouvoir le dialogue avec d’autres personnes de traditions religieuses différentes. A travers la Bible, nous voyons Jésus qui s’entretien avec la samaritaine (Jn 4, 1-15) comme mentionné ci-dessus ; il admire la foi d’un païen (Mt 8, 10) ; il y a bien d’autres rencontres.
Comme nous l’avons souligné, nous sommes des disciples de Jésus qui cherchent à emboiter ses pas. Cette imitation de Jésus nous aide à aller au-delà des barrières religieuses qui se présentent à nous. En 1984, saint Jean-Paul II, alors pape, déclarait que « le dialogue (interreligieux) est fondamental pour l’Eglise qui est appelée à collaborer au plan de Dieu par des méthodes de présence, de respect et d’amour pour tous les hommes ». Comme chrétiens à la suite du Christ, l’exemple de la Trinité fonde l’exigence d’une Eglise qui soit en communion de dialogue. Nous comprenons que nous devons nous engager à présenter les louanges des hommes tout en nous engageant dans le dialogue avec d’autres confessions religieuses.
A l’exemple de Jésus de Nazareth, nous serons alors des personnes qui brisent les barrières, pratiquent la tolérance et la patience, s’engageant pour la libération de l’homme et réaliseant dans les faits la fraternité face à l’unique paternité de Dieu. Chacun gardant ses propres convictions religieuses, il faut entrer dans ce dialogue avec un esprit libre, sans critique négative pour arriver à une communion vraie ; car comme le dit Gustavo Gutierrez dans son livre Théologie de la libération, « l’homme est destiné à la totale communion avec Dieu et à la plus complète fraternité avec les autres hommes ». En ce sens, il nous faut l’écoute, donner place à l’autre. Il ne faut pas chercher à ramener l’autre à soi, mais reconnaitre et accepter les différences.
Par: Gaspard Cirimwami, M.Afr.