Chers frères et sœurs en Christ,
Hier, alors que je réfléchissais à ce que je pourrais partager avec vous en ce jour si important, le jour où nous célébrons la vie de notre fondateur, le cardinal Charles Lavigerie, une notification est apparue sur mon téléphone. Quand j’ai vérifié, il s’agissait d’un avis concernant un coup d’État en Guinée-Bissau, une ancienne colonie du Portugal, située en Afrique de l’Ouest. Puis mon esprit a commencé à tourner autour d’événements de guerre, de violence et de destruction.
Étonnamment, en consultant le texte de l’évangile d’aujourd’hui (Lc 21, 20-28), j’ai constaté que les mêmes images de guerre, de violence et de destruction sont décrites et rejouées. J’ai cependant été réconforté par la dernière phrase du texte évangélique d’aujourd’hui : « Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche » (Luc 21, 28) : un message d’espérance de la part de Jésus lui-même.
Les paroles de Jésus ont soulevé une question dans mon esprit : « Annoncer le message d’espérance est-il encore pertinent pour l’Afrique et le monde africain ? » En d’autres termes, annoncer le message d’espérance est-il toujours « approprié au temps, à la période ou aux circonstances actuelles » que traverse notre bien-aimé continent africain ? Ou encore, si Lavigerie revient aujourd’hui, trouvera-t-il pertinent d’envoyer des missionnaires d’espérance en Afrique ?
L’Afrique fait face à des défis qui remontent à son histoire récente. Elle a souffert d’environ 400 ans[1] de traite d’esclaves, environ 100 ans de colonisation,[2] et plus de quatre décennies de guerre froide.[3] À l’heure où nous parlons, elle est déchirée entre les puissants du monde : les États-Unis, la Russie et la Chine qui veulent, par tous les moyens, extraire ses ressources naturelles, détruire sans pitié ses magnifiques rivières et forêts, sans négliger le nombre de femmes et d’enfants piégés dans le cycle sans fin de guerres économiques et géostratégiques imposées à l’Afrique. Dans de telles circonstances, annoncer le message d’espérance devient pertinent et le cardinal Lavigerie, sans aucun doute, nous recommanderait de continuer à le faire. Cependant, il serait plus pertinent que nous, filles, fils, enfants et petits-enfants de Lavigerie, nous nous intéressions à mieux comprendre ce qui arrive aujourd’hui à l’Afrique et au monde africain.
La plupart d’entre nous, ici aujourd’hui, avons souffert, je soutiens, les conséquences de la Guerre froide commençant par Patrice Lumumba et Kwame Nkrumah, passant par la période de Thomas Sankara, allant jusqu’à l’époque de Mouammar Gaddafi. Avons-nous essayé de comprendre ce qui est arrivé à ces hommes que je viens de mentionner, ainsi qu’à de nombreux autres fils et filles d’Afrique ? Si ce n’est pas le cas, il est grand temps que nous nous reconnections à notre propre histoire. De cette manière, nous pourrons annoncer le message d’espoir, pertinent pour les peuples africains et le monde africain. Nous serons capables de « nous tenir debout, de garder la tête haute », d’annoncer le message d’espérance et de véritable « libération » au peuple africain. Si nous sommes en contact avec nos racines, cela aura du sens de se tenir à l’ambon et de dire : « […] relevez la tête, car votre rédemption approche » (Lc 21, 28).
Quand on entend parler de coups d’État, de femmes et de filles violées en République démocratique du Congo, au Sud-Soudan, au Soudan ; de filles kidnappées et de chrétiens tués au Nigeria ; de migrants mourant dans le désert de Libye dans l’espoir d’atteindre de meilleures perspectives en Europe ; quand on entend tant d’autres atrocités que subissent les filles et les fils de l’Afrique, nous sommes saisis par la peur. Cependant, comme le prophète Daniel, nous devons savoir que, même dans la fosse aux lions, Dieu ne nous abandonnera jamais (Dn 6, 23).
Mes chers frères et sœurs en Christ, célébrer la vie du cardinal Lavigerie revient à raviver son héritage en nous. Il faut se rappeler que l’Afrique, que notre Fondateur aimait et chérissait tant, se bat encore pour sa véritable libération. Nous avons souffert de la Guerre froide ; la génération qui nous suivra, je me permets de l’affirmer, souffrira probablement davantage à cause de la confrontation actuelle entre les États-Unis, la Russie et la Chine. À moins que les jeunes missionnaires ne prennent le temps d’imaginer de nouvelles façons d’évangéliser qui renforcent davantage le peuple africain. Les jeunes missionnaires sont appelés à passer des « aides caritatives » à « l’équité ». En d’autres termes, l’apostolat missionnaire doit s’efforcer de remettre en question et de changer les systèmes – locaux, nationaux et internationaux – qui maintiennent dans la misère et le désespoir les bénéficiaires de l’évangélisation.
Unis au cardinal Lavigerie, par l’intercession de Notre-Dame d’Afrique, Reine de la Paix, demandons au Christ de faire de nous de véritables messagers de l’espérance : « Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche » (Lc 21, 28).
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[1] Cf. Clark, «Number of African Slaves Taken by Each Nation per Century 1501-1866», African slaves taken by each nation 1501-1866| Statista [accessed 27/11/2025].
[2] Cf. Afrikan History, «How Long Colonisation Lasted in Africa», How Long Colonisation Lasted In Africa [accessed 27/11/2025].
[3] Cf. Blakemore, «What Was the Cold War – and Are We Headed to Another One?», Cold War facts and information | National Geographic [accessed 27/11/2025].