Benoît XVI : Souvenirs
+ Michael Cardinal Fitzgerald, M.Afr.

J’ai eu plus à faire avec le Cardinal Joseph Ratzinger en tant que préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (CDF) qu’avec lui en tant que Pape Benoît XVI.
Selon les règles établies dans Pastor Bonus, la réforme de la Curie romaine sous le pape Jean-Paul II, tous les dicastères devaient avoir l’approbation de la CDF avant de publier tout document touchant à la théologie. Ce fut le cas pour Dialogue et Annonce, publié en 1991 par le Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux (PCID). Devenu aujourd’hui le Dicastère pour le dialogue interreligieux) en collaboration avec la Congrégation pour l’évangélisation des peuples (CEP). Cela impliquait des réunions tripartites entre les hauts responsables de la CDF, de la CEP et du PCID. Le cardinal Ratzinger était toujours bien préparé, avec des notes écrites. Il n’a jamais bluffé avec de nombreux mots en réponse à une question. Il était toujours précis et poli dans la présentation de son opinion.
Le cardinal Ratzinger, à la demande d’un de ses anciens étudiants qui avait été choisi comme évêque orthodoxe de Chambésy, en Suisse, est devenu un membre fondateur de la Fondation pour le dialogue interculturel et interreligieux basée à Genève. Avant d’être élu pape, il m’a demandé de le remplacer au conseil d’administration de la Fondation. Je le mentionne car cela montre qu’il avait confiance en moi. Lorsque, en 2006, donc pendant son pontificat, j’ai été envoyé en Égypte en tant que nonce, ce n’était pas parce que le pape Benoît était en désaccord avec mon attitude envers l’islam et les relations avec les musulmans, comme l’ont affirmé les médias sociaux de l’époque.
Ces mêmes médias ont affirmé que si j’avais été encore président du PCID, le pape Benoît m’aurait montré le projet de sa conférence à Ratisbonne en septembre 2006 et le conflit qui a suivi avec les musulmans aurait été évité. Je pense, bien que je n’aie aucun moyen de vérifier cette affirmation, que le pape Benoît n’aurait demandé l’avis de personne pour préparer une conférence à donner dans l’université où il enseignait.
Si j’avais été consulté, j’aurais dit que parler de Mahomet, c’est comme marcher sur une terre sainte, et qu’il faut donc avoir la délicatesse de se déchausser et de marcher légèrement. On peut comprendre la réaction des musulmans à la citation négative que le pape Benoît a utilisée dans son discours de Ratisbonne. Comme me l’a dit un dirigeant musulman à l’époque : “Si le pape Benoît avait dit “Je ne suis pas d’accord avec cela”, il y aurait eu peu de réactions, mais malheureusement, ce n’est que plus tard qu’il a été précisé qu’il n’était pas d’accord avec la citation.” (Sur toute cette question de la conférence de Ratisbonne, voir le dossier spécial dans Islamochristiana 32(20060) pp.273-297).
Pendant son pontificat, le pape Benoît ne recevait pas les Nonces en audience, ce qui est étrange puisque les Nonces sont les représentants personnels du Souverain Pontife. Cela signifie qu’entre 2006 et 2012, je n’ai eu aucune relation avec lui. Après ma retraite, j’ai obtenu une audience privée et j’ai constaté que le pape Benoît était bien informé sur l’Égypte et qu’il avait de nombreuses questions sur la situation dans ce pays. Il avait, après tout, présidé le Synode spécial des évêques pour le Moyen-Orient et publié l’Exhortation apostolique Ecclesia in Medio Oriente.
