Crise écologique (PE n° 1090 – 2018/04)

C’est un fait que la question de l’écologie concerne toute la planète vu que c’est un bien collectif. En fait, déjà son étymologie, «Ökologie» en allemand, ou “oίkoς” en grec, veut dire ‘maison’ (Terre Mère), nous donnant ce sens de communauté et de collectivité ! Notre responsabilité envers l’écologie s’étend donc aux générations futures.

Le réchauffement climatique n’est pas une histoire en l’air ; c’est une réalité à laquelle nous sommes exposés aujourd’hui, dans notre monde contemporain. Dans le livre de la Genèse, Dieu nous a donné pouvoir sur la création (cf. Gn 1,26-28), mais nous l’avons corrompue par le péché d’égoïsme et de cupidité. Au lieu de disposition, nous l’avons tournée en domination. «Nous en sommes venus à nous considérer comme ses seigneurs et maîtres, habilités à la piller à volonté. La violence présente dans nos cœurs, blessés par le péché, est aussi reflétée dans les symptômes évidents de maladies des sols, de l’eau, de l’air et de toutes les formes de vie» Laudato sí, n°. 2). La pollution, la déforestation, le démantèlement des sources naturelles d’eau, l’exploitation illégale et insensée des ressources naturelles, la manipulation génétique, la traite des êtres humains (qui est la troisième industrie lucrative, illégale et inhumaine, après l’industrie des armes et des stupéfiants), pour n’en mentionner que quelques-unes, font parties intégrantes des causes de la crise écologique.

Tout cela pose une question grave et urgente à notre style de vie aujourd’hui. C’est un appel à orienter nos styles de vie selon les principes de la sobriété, de la tempérance et de la discipline aux niveaux personnel et social. Il faut que les gens sortent de la mentalité de consommation et soutiennent des méthodes de production qui respectent la création, tout en garantissant les besoins de base pour tous. Ce changement de mentalité sera aidé par une plus grande conscience de l’interdépendance entre tous les habitants de la terre. La lettre encyclique du pape François sur le soin à donner à notre maison commune « Laudato si’ » (LS) indique la voie vers une solution de la crise écologique ! En effet, l’Eglise dans son ensemble parle avec une voix claire et forte sur la nature de l’homme (l’être humain) créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, et de sa place dans le monde, en passe de devenir une crise écologique. Clairement, Vatican 2 a marqué la réinsertion de l’Eglise dans l’histoire et la redécouverte du royaume de Dieu (malkuth shamayim) n’est pas étrangère à la réalité des choses terrestres.

En termes pratiques, cela signifie que la crise devient – si elle n’est pas déjà devenue – un des thèmes théologiques majeurs d’anthropologie théologique pleinement consciente de son rapport à Dieu. Il remet en question directement les rapports entre êtres humains (ce qu’est l’écologie sociale), et avec la nature (ce qu’est l’écologie physique). De ce point de vue, la crise écologique peut être perçue comme un aspect du gémissement de la création : « nous sommes bien conscients que toute la création, jusqu’à ce jour, a gémi dans les douleurs de l’enfantement » (Rm 8, 22). Ce gémissement est  déclenché par le péché d’égoïsme des individus et aussi de la société. L’harmonie et l’équilibre de la nature sont détruits ; elle n’est pas respectée selon l’ordre voulu par Dieu, la loi de Dieu : « cette sœur crie vers nous maintenant à cause du mal que nous lui avons fait par notre usage irresponsable et notre abus des biens dont Dieu l’a dotée» (LS, n° 2).

Au cours des décennies récentes, spécialement après Vatican 2, l’Église, théologiens aussi bien que philosophes, ont pris quelques initiatives pour remédier à cette chose grave qu’est la crise écologique. Par exemple, Alasdair MacIntyre a écrit «Après la Vertu» ; James Lovelock, «Gaia» et Stephen Hawking, «Une histoire brève du temps». Leur recherche et leurs écrits pour une solution à la crise écologique sont basés sur des modèles de développement enracinés dans une vision de relation, dans une attitude plus personnaliste et écologique envers le monde, envers la création. On en vient à réaliser qu’il y a un retour à la vérité de la vision biblique de l’humanité, à la compréhension de l’aspect relationnel de la réalité. Cette attitude relationnelle est une caractéristique structurelle de la vision chrétienne à tous les niveaux. L’être est relationnel.

Jardin des femmes avec le système «goutte à goutte» à Guéné-Goré, Mali

Cependant, dans l’Écriture, nous ne trouvons pas de définition de Dieu, de l’être humain ou du monde. Bien entendu, la bible n’est pas faite pour ça. Elle n’est pas un dictionnaire ! Mais il y a un certain nombre de récits où la multiplicité des relations entre Dieu, l’être humain et le monde est rapportée. Un être humain est compris comme étant un complexe de relations avec Dieu, avec ses semblables – hommes et femmes – et avec le monde, la création dont Dieu lui a demandé de se soucier. La nature est toujours vue en rapport à Dieu et à l’humanité. La vie de Dieu Lui-même est comprise comme vie de relations et source de relations. Dieu, comme Trinité, une communion de vie et d’amour, crée le monde comme ‘autre que lui’, comme une réalité distincte avec laquelle Il est en relation. En particulier, Il crée les êtres humains à son image. Cela laisse entendre que l’être humain n’est pas un individu, fermé sur lui-même ou elle-même, centré sur soi, mais une personne, comme un être de dialogue, qui atteint son épanouissement en relation avec les autres et avec la nature.

La dimension relationnelle exprimée dans les Écritures – entre Dieu et les êtres humains, entre Dieu et la création, entre les êtres humains et la création, et entre les êtres humains eux-mêmes – n’est pas limitée à l’esprit, mais est aussi manifestée dans sa corporalité. Le corps est le lieu de l’extériorisation de la communion, de la manifestation physique et spirituelle. La perspective biblique et écologique réduit à néant la théorie de la division, à savoir corps et âme, tête et esprit, êtres humains et monde, hommes et femmes, appréciée par quelques partisans, vieux et modernes, de l’individualisme. Cette perspective biblique et écologique récuse les frontières rigides entre être humain et nature, entre ce qui est «mien» et ce qui est «tien» ; l’esprit de «je, moi et moi-même» ; l’absolutisation de la propriété privée. L’esprit de « je me soucie de moi, je ne me soucie pas des autres», ‘à qui de droit’ !» Tout cela est source de crise écologique !

C’est précisément cette « corporéité » comme immersion dans le cosmos, qui révèle la dimension commune de solidarité humaine qui nous lie à la nature. En un sens, la nature est notre corps commun. Cela nous pousse à repenser notre attitude envers la création au sens de ‘Intégrité de la Création.’ Elle nous amène à entretenir des rapports avec elle (la création) en termes de réciprocité telle qu’elle est posée en termes de solidarité humaine. C’est ici que se trouve la grandeur de la vision de François d’Assise, adoptée par le pape François et clairement énoncée en «Laudato sí». Puisque tout est vraiment connecté, une écologie intégrale doit guider les décisions et les styles de vie de l’humanité et donc influencer la crise écologique à laquelle nous sommes exposés. Nous ne devrions pas oublier que, « nous sommes nous-mêmes poussière de la terre » (Gn 2, 7) : nos corps eux-mêmes sont faits de ses éléments, nous respirons son air et nous recevons vie et rafraîchissement  de ses eaux» (LS n° 2)

James Ngahy, M.Afr.

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