Dans l’esprit de Lavigerie, vivre simplement, avoir confiance en la Providence

Il y a des moments dans notre cheminement missionnaire où l’évangile nous appelle non seulement à prêcher avec des mots, mais aussi à parler avec notre vie. Pour moi, vivre la vocation missionnaire aujourd’hui signifie m’efforcer d’incarner l’héritage du cardinal Charles Lavigerie dans un monde très éloigné du sien, mais toujours profondément marqué par son esprit. Lorsque je réfléchis au thème « Vie matérielle et mission », je me retrouve sans cesse à revenir à un mot qui est devenu une pierre angulaire de notre Société : la simplicité.

Un mode de vie simple : la liberté de l’évangile

Lavigerie ne concevait pas les missionnaires comme de simples agents de charité ou de doctrine. Il les concevait comme des hommes entièrement donnés au Christ, libres de tout attachement mondain et enracinés dans le peuple qu’ils servaient. Pour lui, la simplicité n’était pas un statut économique, mais une orientation spirituelle, une liberté du cœur.

Pour moi, vivre simplement signifie discerner constamment : de quoi ai-je vraiment besoin pour servir la mission ? Il ne s’agit pas d’embrasser la pauvreté pour elle-même, mais d’aligner nos vies sur les valeurs du Royaume. Il s’agit de désencombrer nos cœurs, afin d’être plus disponibles pour l’Esprit et pour les personnes que nous servons.

La simplicité comme témoignage prophétique

Le consumérisme de notre époque n’est pas seulement économique ; il est aussi spirituel. Il alimente l’illusion que nous sommes autosuffisants, que le bonheur vient de l’accumulation, et que le confort est la mesure du succès. Dans un tel monde, notre choix de vivre simplement devient un signe prophétique.

J’ai souvent été témoin de la façon dont les communautés locales comprennent intuitivement quand un missionnaire partage véritablement leur vie. Elles ne l’expriment peut-être pas en termes théologiques, mais elles reconnaissent l’humilité, la présence et l’authenticité. Ce témoignage silencieux, plus que les mots, est ce qui attire les gens vers l’évangile.

Pauvreté et mission : maintenir la tension

Je dois toutefois avouer que ce n’est pas toujours facile. La mission nécessite des ressources. Les maisons de formation, les écoles, les dispensaires, les véhicules, tout cela nécessite des fonds. Comment concilier la pauvreté évangélique avec de tels besoins matériels ?

J’ai appris que la réponse ne réside pas dans le fait d’avoir moins, mais dans le fait de posséder moins, d’être des intendants et non des propriétaires. Comme l’a écrit Lavigerie, « nous ne devons avoir que ce qui est nécessaire à la mission, et rien de plus ». Il y a une liberté dans cette phrase. Elle permet de répondre aux besoins réels de la mission, tout en gardant notre cœur détaché et ouvert.

Entre autonomie et aide : le chemin de la communion

L’un des défis auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui est l’équilibre entre l’autonomie financière et la dépendance de l’aide extérieure. Notre fondateur a accepté le soutien généreux de bienfaiteurs européens, mais il était clair : la mission ne doit pas être façonnée par la main qui la finance.

À notre époque, je crois que nous devons cultiver un esprit de communion tant dans le don que dans la réception. Nous travaillons à une plus grande autonomie financière, non pas parce que nous voulons nous isoler, mais parce que nous voulons assumer la responsabilité de notre mission. Mais cette autonomie ne doit jamais nous faire oublier la grâce de l’interdépendance dans le Corps du Christ.

Bien gérer, faire pleinement confiance

Enfin, je crois que la clé réside dans une bonne gestion de nos ressources, mais toujours dans un esprit de confiance. La providence divine n’est pas une excuse pour une mauvaise planification, pas plus que la planification ne remplace la foi. Dans mon propre ministère, j’ai vu comment les initiatives nées de la prière, du discernement et de la collaboration fraternelle portent leurs fruits.

Je pense aux communautés qui ont installé des panneaux solaires, non seulement pour réduire les coûts, mais aussi pour respecter la création. D’autres ont créé des fonds de solidarité locaux pour soutenir les partenaires de mission dans le besoin. D’autres encore ont opté pour des logements simples et des moyens de transport limités, préférant la présence au prestige. Ce ne sont pas seulement des décisions budgétaires ; ce sont des choix spirituels.

Conclusion : revenir à l’esprit du fondateur

L’héritage de Lavigerie n’est pas une pièce de musée ; c’est un feu vivant. Sa vision pour notre Société était audacieuse, mais fondée sur la croix. Il voulait des hommes libres, libres de la peur, libres de la cupidité, libres pour aimer radicalement.

Je prie pour que, à notre époque, nous puissions retrouver cette liberté intérieure. Que notre mode de vie reflète non seulement la pauvreté du Christ, mais rayonne aussi de la joie de le servir d’un cœur sans partage. Que dans notre façon de gérer l’argent, les biens et la planification, nous puissions témoigner d’un Dieu qui pourvoit, qui envoie et qui soutient.

Par: Shiby Dominic, M.Afr.