Dialogue ? Parlons-en simplement

Lorsqu’on parle de « dialogue », plusieurs l’entendent comme un néologisme forgé dans un cercle fermé, au sein de l’Église catholique, apparu presque concomitamment avec Vatican II. Et pourtant le dialogue est ce qui fait la spécificité de l’homme, sa caractéristique essentielle. Nous sommes fondamentalement dialogiques. Enlever le dialogue à l’homme, il n’y aura plus d’humain en lui. Comme élément caractéristique de l’homme, le dialogue se situe dans l’acte créateur de Dieu. Saint Augustin posait cette question fondamentale : Que faisait Dieu avant la création du monde ? (Quid facibat Deus ante creationem mundi ?) Il répondit : « il aimait » (amabat). C’est le mouvement de sortie de soi de l’amour de Dieu qui est à l’origine de la création. Or le chef-d’œuvre de la création de Dieu, c’est l’être humain. Ce dernier est capax Dei et capax amoris parce que créé par amour. Il est donc en permanence en dialogue avec le Créateur, avec ses semblables, avec lui-même et avec les autres créatures. Le dialogue constitue une sorte de toile dont l’homme est le centre agissant sur, et subissant l’action de l’environnement. Bien qu’étant en relation avec plusieurs instances, l’homme reste une unité indivisible, en même temps, humaine, croyante, chrétienne ou musulmane, citoyenne, artiste, etc.

L’enseignement actuel ayant tendance à la spécialisation, fait que les érudits considèrent chaque aspect de la toile. C’est ainsi qu’on est arrivé à parler de dialogue interreligieux, du dialogue social, du dialogue culturel, du dialogue interculturel, du dialogue de vie, du dialogue des œuvres, etc.

Avant Vatican II, l’Église avait un regard autoréférentiel. Elle se substituait au Royaume de Dieu, pendant qu’en son sein, plusieurs membres étaient laissés au bord du chemin. Le mérite du pape saint Jean XXIII fut d’amener la conscience de l’Église à reconnaître son enfermement et l’inviter à ouvrir ses portes et fenêtres. Son successeur, le pape saint Paul VI a invité l’Église à entrer dans le dialogue comme son action propre, afin de correspondre à son identité d’instrument de salut pour tous. Saint Paul VI voulait que l’Église redevienne le centre de la toile relationnelle en rétablissant le dialogue avec l’humanité en général, car tout ce qui est humain la concerne, mais aussi le dialogue avec les croyants monothéistes, le dialogue avec les tous les chrétiens et le dialogue en son sein même.

Qu’entendons-nous par dialogue interculturel et interreligieux ?

On entend par dialogue interculturel les attitudes suivantes :
-S’ouvrir à un monde pluriel : se considérer comme étant un élément parmi tant d’autres ;
-Avoir un regard positif sur l’autre différent de soi : se débarrasser des préjugés sur les autres et regarder les autres comme détenteurs de valeurs ;
-Accepter d’apprendre de l’autre : regarder les autres comme complémentaires à moi ;
+Respecter l’autre dans sa différence : laisser l’autre être lui-même, sans aucune volonté de vouloir qu’il soit comme je voudrais qu’il soit. L’autre devient un don à recevoir et non une menace.
Quant au dialogue interreligieux, il est essentiellement une recherche de la vérité. Cette dernière n’est possédée ni par moi, ni par mon interlocuteur. Elle s’impose à nous deux dans l’intersection de nos discours. La vérité, c’est Dieu lui-même : il n’est l’apanage d’aucune tradition religieuse, ni d’aucune théologie. Il se révèle à tous et de diverses manières que l’intelligence humaine ne peut soupçonner.

En tant que témoins de l’amour de Dieu, comment pouvons-nous aborder la question du dialogue interculturel et interreligieux ?

C’est en s’écoutant mutuellement que nous entrons davantage dans la connaissance du mystère. Comportons-nous sur le terrain du dialogue comme Moïse devant le buisson ardant : enlevons nos préjugés sur les autres et laissons-nous instruire par le Tout Autre. Pour mieux résumer le sens du verbe dialoguer, le pape François recourt aux verbes suivants : se rapprocher, s’exprimer, s’écouter, se regarder, se connaitre, essayer de se comprendre et chercher des points de contact (Fratelli Tutti, 198).

Comment promouvoir, à la lumière de l’évangile, des valeurs universelles transcendant les différences culturelles et religieuses ?

Jésus est le modèle pour entrer en dialogue. Il va à la rencontre même des païens et découvre en eux « une grande foi » qu’il n’avait pas trouvée chez ceux qui étaient sensé l’avoir. Le dialogue est un acte d’amour qui fait sortir de soi-même pour aller vers l’autre qui, au début, semble étranger et qui, à la fin, devient un frère. Le pape François dit : « Celui qui dialogue est bienveillant, reconnaît et respecte l’autre ». Une démarche allant du « nous et eux » vers un « nous » fraternel.

Comment pouvons-nous favoriser la création d’un environnement propice à la coexistence pacifique et à la collaboration entre diverses communautés ?

Le dialogue vise-t-il la recherche de la paix ? La paix est la conséquence de l’attitude de ceux qui recherchent la Vérité en vérité. Le dialogue est donc l’élément important qui favorise l’harmonie dans la création que Dieu a créée en la différenciant : jour et nuit, ciel et terre, terre ferme et mer, homme et femme, etc. Ces différences ne sont pas des contraires antagoniques mais des compléments. Le cardinal Lavigerie avait une vision claire sur la complémentarité des différences lorsqu’il mettait en garde les premiers novices : « Je ne garderais aucun de vous qui n’aurait pas le même amour pour tous les membres de votre Société, de quelque nationalité qu’il soit ». Ainsi, notre Fondateur a fait de notre Société un laboratoire du dialogue interculturel, un signe du Royaume.
Qu’il soit clair qu’on n’entre pas en dialogue avec un esprit dogmatique. L’on doit avoir une ouverture d’esprit qui donne son point de vue et qui accueille le point de vue de l’autre avec respect et, surtout, qui y décèle la valeur transcendante aux deux points de vue.

Par: Pascal Kapilimba, M.Afr.