En mémoire d'EUGENIO BACAICOA (PeBeFa N°32)

Eugenio aimait se souvenir et répéter avec un sourire malicieux les paroles classiques de toutes les grands-mères du monde et surtout les siennes : “Mon petit-fils est le plus beau du monde et le plus intelligent de sa classe à l’école”. Et la vérité est que tous ceux d’entre nous qui ont eu la chance de vivre avec lui en Afrique ou en Espagne peuvent dire qu’Eugène était un grand confrère et ami, optimiste et de bonne humeur, un pilier solide dans la vie communautaire, que nous pourrions définir avec amour comme “un fanfarrón humilde”. C’est pourquoi il est né à Puente la Reina !
Un prêtre burkinabé, qu’Eugène a amené au séminaire dans sa jeunesse, se souvient également de lui de cette façon : “Le père Bacaicoa était un grand missionnaire dans mon diocèse, un animateur de communautés chrétiennes, proche des gens, un pasteur de jeunes, un guitariste et chanteur, un apôtre courageux.
Eugène est né en 1941 à Puente la Reina, en Navarre. Si vous ne le saviez pas lorsque vous l’avez salué pour la première fois, vous l’auriez appris très vite, tellement il était fier de sa famille et de sa ville natale, une étape obligée sur le chemin de Saint-Jacques, avec ses églises et ses couvents anciens, et son beau pont romain qui ouvre la route de Compostelle.
Eugène avait suivi la formation classique des Pères Blancs de l’époque : Petit Séminaire et Philosophie au Séminaire de Pampelune, Noviciat à Gap, en France, et Théologie à Heverlee, en Belgique. Après son ordination sacerdotale en 1968, il s’est rendu en Haute-Volta, aujourd’hui appelée Burkina Faso, dans le diocèse de Diebugu. En 1972, Eugène est nommé conseiller provincial.
Peu après, il est nommé curé de la paroisse et fait partie de la dernière communauté de Pères Blancs de ce diocèse. Eugène disait que lorsqu’il rentrait en Afrique après les vacances, il s’enfuyait de la maison de son père au petit matin pour éviter de faire passer un mauvais quart d’heure à ses parents âgés !
En 1977, Eugène est nommé à la promotion de la mission en Espagne, plus précisément à Bilbao. Plus tard, la province d’Espagne lui demandera à nouveau son service en 1987 en tant que responsable de l’Africanum et du petit groupe d’étudiants du centre de formation.
En 1993, Eugène retourne en Afrique, dans un autre pays, le Tchad, et pour une nouvelle mission : une école de catéchistes, à Bendone, dans le diocèse de Doba. A la fin de son contrat avec l’évêque pour ce travail, Eugène retourne au Burkina Faso. Il y est nommé en 1999 à un poste de grande responsabilité : Supérieur régional de Ouagadougou (1999-2005), dans un très grand territoire s’étendant jusqu’à Zinder au Niger. Il aura dû faire bien des voyages et de nombreux kilomètres pour visiter et animer les communautés de confrères, encore nombreux à l’époque. Le Père régional du Burkina Faso se souvient de lui en ces termes : “Nous pouvons dire que la vie missionnaire de notre confrère Eugène Bacaicoa a été très riche en responsabilités importantes au niveau de la formation, du ministère paroissial, et dans les tâches de gouvernance de la Société, aussi bien en Espagne qu’au Tchad et au Burkina Faso.
Pendant toutes ces années, Eugène a gardé un secret que seuls ses amis connaissaient : le dimanche après-midi, il s’isolait dans son bureau pour suivre le journal sportif de la Radio nationale d’Espagne. Avec lui, nous devions nous réjouir ou souffrir suivant les résultats de ses deux équipes si pleines de fougue : Osasuna et Barça.
En 2005, Eugenio est rentré définitivement en Espagne en raison de la fragilité de sa peau, qui l’obligeait de se tenir à l’écart du soleil africain. Depuis sa résidence à l’Africanum de Madrid, désormais sans étudiants, il donnait un coup de main aux différents services d’animation de la province espagnole, principalement en collaboration avec le SCAM (Servicio Conjunto de Animación Misionera) et l’animation de groupes de prière de jeunes ayant un esprit missionnaire et s’intéressant à l’Afrique.
Après la fermeture définitive de l’Africanum, Eugène a offert son service pastoral au diocèse de Madrid, étant nommé coordinateur de la Mission du Vicariat I de Madrid et étant nommé curé de El Berrueco et de deux autres villages voisins dans les montagnes madrilènes. Il y vécu heureux pendant quelques années d’apostolat, de silence et de prière. Rêvant peut-être d’un des autres charismes des moines, il produisit une liqueur d’origine navarraise : le Pacharán. Il disait que c’était la meilleure des liqueurs et il la gardait pour ses visiteurs et ses amis.
Le dernier poste de sa vie de missionnaire fut Pampelune, en 2017. On dit que les éléphants reviennent mourir à l’endroit où ils sont nés. Au cours des derniers mois, l’état de santé d’Eugène s’est progressivement détérioré. C’est pourquoi il a été admis le 26 juin à la résidence Beloso Alto à Pampelune.
Les bons soins qu’il y a reçus n’ont pas suffi à lui permettre de reprendre une vie normale. Eugène s’est lentement effacé, et il s’est rendu discrètement à la maison du Père le 21 juillet 2020. Nous l’avons accompagné de nos souvenirs et de notre prière fraternelle. Qu’il repose éternellement dans la paix du Seigneur.
Juan Jose Osés