Henri Valette 1929 – 2017 (PE n° 1083)

Henri Valette est né le 2 janvier 1929 dans une famille d’agriculteurs de la Bresse, au nord de Lyon. Il est l’aîné de onze enfants qui grandissent dans un milieu sain, empreint de valeurs chrétiennes. Toute sa vie il restera très attaché à sa famille. En quittant l’école primaire de son village, le jeune Henri est admis au petit séminaire de son diocèse. Sentant l’appel de la vie missionnaire, il y est encouragé par ses éducateurs qui le recommandent chaudement au Supérieur de notre séminaire de Kerlois. ll y arrive en 1947, à l’âge de 18 ans. ‘Travailleur consciencieux et surnaturel’, il s’y révèle ‘une bonne recrue pour les Pères Blancs’. Et c’est tout naturellement qu’en 1949 il prend le bateau pour le noviciat de Maison-Carrée ; l’année suivante il est nommé au scolasticat de S’Heerenberg (Pays-Bas) pour ses études théologiques qu’il terminera à Monteviot en Ecosse. Tout au long de ces années, bien qu’ils dénotent toutefois une certaine réserve, ses formateurs soulignent le sérieux qu’il apporte à toutes choses, que ce soit aux études, à la vie spirituelle, aux divers services ou à la vie de communauté. C’est donc sans problème que le 27 juillet 1953, il prononce son serment missionnaire, et est ordonné prêtre le 10 juin de l’année suivante. En fait, plus ou moins secrètement, il vit assez mal ses années de formation, trouvant les études trop abstraites, éloignées de la vie réelle, et souffrant d’un cadre de vie trop rigide, et d’une organisation trop traditionnelle de la vie spirituelle. Aussi c’est avec un grand espoir qu’il regarde en avant vers la vie de mission en Afrique.

C’est donc avec une grande déception qu’il reçoit sa nomination pour faire des études d’histoire à l’université de Strasbourg. Il y retrouve une vie sclérosée de maison de formation. Et la vie universitaire ne fait que renforcer son dégoût pour la vie intellectuelle. Il en arrive au point de se demander s’il a bien fait de s’engager dans la Société. Voulant y voir clair, il va faire les Exercices Spirituels, sous la direction du Père Laplace s.j. Ayant discerné que son appel est bien chez nous, il retourne à Strasbourg. Mais les Supérieurs, estimant qu’il n’est pas fait pour la vie intellectuelle et pour l’enseignement, décident de mettre fin à ses tribulations, lui permettent d’interrompre ses études, et le nomment enfin en Afrique.

C’est un homme libéré qui, le 6 janvier 1958, arrive à Mbarara en Ouganda. Il est nommé à la paroisse de Wekomire, où il s’initie au Rutooro. Il va avoir le bonheur de rester une quarantaine d’années dans la vie pastorale de la région de ce qui va devenir les diocèses de Fort Portal et de Kasese. Les mutations vont se succéder entre Wekomire, Hoima, Yerva, Virika, Kilembe, Kasese et Hima. Mais c’est toujours le même Henri qui se donne pleinement à son ministère. Ces années vont être marquées par deux événements importants : d’une part le deuxième Concile du Vatican et son suivi dans la vie de l’Eglise locale, et d’autre part l’histoire mouvementée de l’Ouganda avec les régimes d’Obote, d’Amin Dada et de Museveni.

Henri a intensément vécu cette période. L’Eglise ougandaise montrait une forte vitalité, et Henri a pu se consacrer aux diverses activités d’un missionnaire : administration des sacrements, catéchèse, nombreux safaris dans les succursales, préparation au mariage, diverses tâches administratives, engagement dans les écoles et dans les mouvements… partout il s’efforce d’insuffler le renouveau de Vatican II. Il aimait les gens, s’efforçant de les connaître le plus profondément possible, les visitant dans leurs maisons, les recevant dans son bureau toujours ouvert. Son évêque émérite, Mgr Egidio Nkaijanabwo a gardé le souvenir d’un évangélisateur de classe. Il sait impliquer les chrétiens dans la vie de l’Eglise, mais surtout les catéchistes et les religieuses, spécialement les Banyetereza. En 1973 il publie d’ailleurs dans le Petit Echo un article sur « Les paroisses dirigées par des Sœurs en Uganda. » Progressivement il est invité à collaborer à la formation des religieuses de plusieurs congrégations. Sa contribution est hautement appréciée ; et il la poursuivra de diverses manières jusqu’à son départ de l’Ouganda.

Lui qui avait peu apprécié sa formation initiale, est devenu un fervent adepte de la formation continue. En Ouganda même, il lisait beaucoup et courait de session en session : Ennéagramme, Islam, Communications, Animation de communautés, Analyse sociale… Chaque période de congé inclut un temps de formation. En 1979 il prend une année sabbatique. Non content d’avoir fait les grands exercices à la Villa Cavaletti en 1965, vingt ans plus tard il recommence à Jérusalem. Bien sûr, il suit les deux sessions romaines pour les Seniors. Toujours soucieux d’ajouter de nouvelles cordes à son arc, il participe également à plusieurs sessions JPIC, par exemple à Nairobi et à Lilongwe.

Cela lui ouvre de nouvelles perspectives et on pense à lui pour devenir responsable de JPIC pour la Région de l’Ouganda. A l’âge de 70 ans il enchaîne une session sur le dialogue interreligieux à Nairobi, et une formation ‘Foi et Justice’ de six mois à Londres. Puis il s’installe à Kampala pour cette nouvelle fonction de Coordinateur JPIC-RD. Cela lui vaut de participer à maintes réunions, sans oublier tous les contacts suscités par cette fonction. Sa longue expérience ougandaise lui est précieuse. Partout on reconnaît l’homme calme, affable, efficace et plein d’humour qu’il a été tout au long de sa vie. Sa communauté apprécie sa gentillesse, sa prévenance… et sa façon de préparer la célèbre « vinaigrette Valette » !

Mais les années s’additionnent, et Henri doit quitter Kampala pour passer ses dernières années ougandaises dans le cadre plus tranquille de Tobi Kizza House, à Mbarara. Mgr Paul Bakenya évêque du lieu décrit ainsi son ministère : « Le père Valette a œuvré dans ce diocèse au service de Justice et Paix, et aussi pour le dialogue interreligieux. Il a été très apprécié comme aumônier des Filles de la Charité Divine, des Sœurs Clarisses, et des Sœurs Filles de Fatima. Le Père Valette était un homme posé et délicat, un homme de Dieu qui nous manquera. »

C’est là que s’achève son pèlerinage ougandais. En 2014 il rentre au pays où il est accueilli par la communauté de Bry sur Marne. Il y vit de façon un peu effacée au milieu de confrères qui ne connaissent pas son cher Ouganda. Et cela lui pèse ; handicapé pas sa surdité et sa malvoyance il se trouve isolé, parlant peu de son passé. Mais on sentait qu’il vivait intensément son amour de Dieu et des Ougandais. A son habitude, c’est discrètement qu’il nous a quitté le 22 février 2017, laissant à ses confrères le souvenir « d’un grand missionnaire, qui en avait la tête, le cœur et les tripes.»

François Richard, M.Afr.

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