La question de l’insécurité des agents de l’Eglise en R.D. Congo est devenue une préoccupation de toutes personnes de bonne volonté. Notre cher pays, la République Démocratique du Congo, devient de plus en plus impatient et menaçant pour l’Eglise catholique. Les prêtres, les religieux et religieuses et toutes personnes de bonne volonté s’interrogent sur l’avenir de l’Eglise catholique et de sa mission en R.D. Congo. Les accusations, les arrestations ; les attaques et les enlèvements de prêtres nous rendent mal à l’aise, on vit dans l’inquiétude totale et dans la peur. Et pour les jeunes en formation, les séminaristes « propédeutes », c’est un défi total pour la vie à laquelle ils aspirent.
Ici dans la province du nord Kivu, nous avons eu des expériences très touchantes et décourageantes pour les jeunes en formations et pour les religieux et religieuses étrangers. Beaucoup s’interrogent s’il faut rester ou quitter. Nous ne pouvons pas oublier les inquiétudes de nos parents, nos confrères et nos amis qui ne cessent de nous appeler et de nous écrire jour et nuit pour savoir l’état de la sécurité ici au Nord Kivu. Certains événements touchants que nous avons vécus ici au Nord Kivu ont marqués d’un sceau notre vie.
Quelques événements marquants
Nous ne pouvons pas donner la liste de tous les événements que nous subissons ici en R.D. Congo ; en voici certains. Une chapelle de la paroisse Cathédrale de Goma qui se trouve à quelques mètres de notre communauté du Foyer Godefroid Ngongo, a été profanée par des inconnus, pendant longtemps est restée désacralisée. Les fidèles de cette succursale ont alors utilisé l’une de nos salles de Foyer Ngongo pour la prière matinale et la messe. Pour nous c’est une manière de s’entraider avec l’Eglise locale. À la paroisse Notre Dame d’Afrique (Katoy Goma, paroisse gérée par les pères missionnaires d’Afrique), presque chaque dimanche il y a des annonces sur les enlèvements d’enfants par des gens inconnus. Le 21 janvier, à la cathédrale de Goma les chrétiens ont prit la fuite après avoir entendu les bruits de jeunes manifestants à la fin de la première messe. La police a jeté des gaz lacrymogènes, une bombe est tombée sur le presbytère ; la police a tiré aussi quelques balles réelles sur le presbytère et en l’air ; il y eut beaucoup de blessés et plusieurs se sont évanouis à cause du bruit. Les autres messes n’ont pas eu lieu en ce dimanche là. Je me rappelle bien ce jour-là, je revenais de Katoy la paroisse notre Dame d’Afrique où j’avais célébré la première messe de 6h00-8h00 quand j’ai entendu les tirs de balles. J’ai eu peur ; je priais Dieu que j’arrive à la maison en sécurité.
Le diocèse de Beni-Butembo, toujours dans la province du Nord- Kivu a connu plusieurs kidnappings de prêtres. Le 22 janvier 2018, à la paroisse de Bingo dans le territoire de Beni des hommes armés non identifiés ont kidnappé l’abbé Robert Masinda et deux ingénieurs agronomes dont Mr Dieudonné Sangalas et Augustin Nyuza. Deux autres prêtres, les abbés Jean-Pierre Akilimali, et Charles Kipasa venaient d’être kidnappés à la paroisse de Bunyuka le 17 juillet 2017 ; sans oublier les pères assomptionnistes Jean-Pierre Ndulani, Edmond Kisughu et Anselme Wasukundi enlevés de la paroisse de Mbau en territoire de Beni le 19 octobre 2012 et dont nous n’avons toujours pas de nouvelle jusqu’à présent. La situation que nous traversons est déplorable. Nous avons la grande responsabilité de protéger nos brebis. Oui ! C’est dans des situations pareilles qu’on vit les Écritures saintes : « Voici que je vous envoie comme des brebis au milieu des loups ; montrez-vous donc prudents comme les serpents et candides comme les colombes. » (Mt 10, 16).
Relations Église – État
La relation entre l’Eglise catholique et le gouvernement n’est pas bonne. L’Eglise poursuit sa mission prophétique de dénoncer le mal et de former les consciences de ses fidèles. Oui ! Chacun de nous doit donner le meilleur de soi, idées, conseils mais surtout prier pour que le gouvernant qui a, lui, le devoir d’aimer et d’écouter son peuple, puisse gouverner correctement ; tel est le devoir du bon catholique. Mais comment allons-nous nous donner dans un pays où nous ne sommes pas écoutés ? Où les gouvernants dirigent le pays comme des étrangers sans se soucier de rien. Ils ne se sentent pas concernés par les problèmes du pays. Les 4 et 5 février 2018 les peuples Hema et Lendu se sont entretués en Ituri (Bunia) sans pitié ; 23 morts et des nombreux blessés. Les tueries quotidiennes continuent à Butembo-Beni, où même des agents de la MONUSCO sont tués : 14 soldats Tanzaniens ont été tués en 2017 par des gens armés. Ce sont des cas très inquiétants pour nous. Les gouvernants pansent à la légère la blessure du peuple, en disant : « Paix ! Paix ! » alors qu’il n’y a point de paix. C’est vraiment honteux ; nos leaders devraient avoir honte, mais ils ne sentent plus la honte : « Nous espérions la paix : rien de bon ! Le temps de la guérison :voici l’épouvante » (Jr 8,15).
Ici en R.D. Congo, les prêtres, les religieux et les religieuses étaient bien respectés par les agents de sécurité comme la police D.G.M et les autres personnes de bonne volonté. Mais aujourd’hui ce n’est plus le cas. Etre prêtre catholique signifie faire partie de l’opposition. Les anti- président actuel, les antis-démocratie. Nous sommes mal vus par beaucoup d’autorités de l’Etat. Quand nous conduisons nos voitures nous sommes souvent arrêtés plusieurs fois par les agents de la circulation ; il font toutes sortes de contrôle avec une agressivité intolérable. Des sectes avec leurs pasteurs passent toute la journée en train d’insulter l’Église catholique, les évêques, les prêtres et les religieuses/religieux toutes sortes d’insultes. Ici à Goma il y a une station de radio d’une secte qui passe sont temps à accuser l’Église catholique et ses agents. Nous sommes réduits à rien, meurtris jusqu’aux os. Partout les gens nous demandent pourquoi nous ne réagissons pas à ces hommes qui nous insultent jour et nuit ? Mais nous avons choisi la méthode du roi David devant les insultes de Shimeï. Dans le dialogue entre Abishaï et David nous avons ces belles paroles : « Abishaï, fils de Ceruya, dit au roi : « Faut-il que ce chien crevé maudisse monseigneur le roi ? Laisse-moi traverser et lui trancher la tête ». Mais le roi répondit : « Qu’ai-je à faire avec vous, fils de Ceruya ? S’il maudit et si Dieu lui a ordonné : Maudis David, qui donc pourrait lui dire : Pourquoi as-tu agi ainsi ?» David dit à Abishaï et à tous ses officiers : « Voyez : le fils qui est sorti de mes entrailles en veut à ma vie. A plus forte raison maintenant ce Benjaminite ! Laissez-le maudire, si Dieu le lui a commandé. Peut-être Dieu considérera-t-il ma misère et me rendra-t-il le bien au lieu de sa malédiction d’aujourd’hui ? » (2S 16, 9-12).
Prions pour l’Eglise du Congo, prions pour les missionnaires et pour toutes personnes de bonne volonté pour qu’il y ait une bonne compréhension entre l’Eglise et l’Etat en vue de construire un pays habitable pour tous.
Elias Kapange, M.Afr.