Les initiatives de résolution pacifique des conflits au diocèse de Mahagi-Nioka (Ituri-R.D. Congo)

Le fait de traiter un sujet dans la paix, dans le calme et sans la moindre forme de violence, correspond à la gestion pacifique des conflits. Cela traduit une volonté des différentes parties impliquées, de traiter une situation dans la tranquillité et la sérénité, sans agressivité. Nul n’ignore la fièvre d’insécurité et des perturbations socio-sécuritaires enregistrées et vécues ici et là, sur l’étendue du territoire national en RD Congo, particulièrement dans la province de l’Ituri. Dans cette province, on n’arrive pas à asseoir une paix durable. Ces guerres et conflits armés à répétition ont occasionné plusieurs dégâts tant humains que matériels, ainsi qu’une grande fracture sociale entre les communautés. 

En effet, de juin 2020 à nos jours, le diocèse de Mahagi-Nioka est préoccupé, à travers la Commission diocésaine Justice et Paix, par la crise qui sévit dans cette province de l’Ituri en général ; spécialement dans les territoires affectés par les conflits armés ethniques, suite aux exactions commises par la milice CODECO et ses alliés, ainsi que par d´autres groupes armées. L’Ituri se porte très mal depuis plus de 20 ans. Il y a toujours des signes faisant craindre un retour brutal de la violence et du désordre du passé. Il vaut donc la peine de consolider les acquis positifs de la période qui a suivi ce conflit armé, et de travailler davantage pour minimiser les risques de retour de la violence. Telle est la situation que la population de l’Ituri vit en ces jours.

Oui, l’insécurité est présente dans le diocèse de Mahagi-Nioka et dans certains milieux. Des situations de frustration entre les communautés et le conflit foncier opposant les groupements et la chefferie, les écoles et les populations riveraines, les Eglises et les grands concessionnaires… ont secoué par moments et par endroits, beaucoup d’autres chefferies voisines et les paroisses se trouvant dans la circonscription du diocèse. En un mot, la situation sécuritaire n’est pas rose dans la province de l’Ituri.

Les facettes du conflit

Le conflit a plusieurs facettes : problèmes fonciers, identitaires, complexes, etc. Le conflit se manifeste d’une façon cyclique (environ tous les 5 ans), par des affrontements à l’arme blanche entre les membres des deux communautés : massacres, pillages et incendiés, etc. Par le passé, les affrontements étaient vite matés par le pouvoir en place, mais aujourd’hui, c’est une autre facette plus complexe. Le dernier conflit qui a démarré en 2017, a vite pris des allures nouvelles jamais vues par le passé.

Dans le domaine de la pacification et réconciliation entre les communautés, les manifestations des conflits sont visibles, telles que :

  • Méfiance entre les communautés, surtout dans les territoires de Djugu-Mahagi ; chaque communauté pense toujours que l’autre prépare une attaque : Walendu Watsi et Anghal II ;
  • Complexe de supériorité et d’infériorité entre les communautés ;
  • Les migrations de la communauté (personnes déplacées internes) posent toujours un problème très sensible dans les territoires de Djugu et Mahagi ;
  • Les conflits entre agriculteurs et éleveurs, liés à la divagation des bêtes d’élevage présentes dans les territoires affectés par les conflits ;
  • La présence des extrémistes dans certaines communautés ne favorise pas la réconciliation avec les autres ;
  • La récupération politicienne de certains problèmes ne favorisent pas non plus la réconciliation entre les communautés, etc.

On peut dire que les perceptions négatives, la non-acceptation des autres, des personnes déplacées, et surtout la manipulation de certains extrémistes sont à la base des tensions entre les communautés. Un dialogue franc entre les communautés et des médiations autour des problèmes qui les opposent seraient les voies de sortie vers la réconciliation.

Comment ces conflits se manifestent-ils dans le diocèse de Mahagi-Nioka ?

Dans le diocèse, plusieurs types de conflits fonciers et autres existent, notamment des conflits entre agriculteurs et éleveurs, des conflits entre les concessionnaires et les agriculteurs, des conflits entre les concessionnaires (grands troupeaux) et les autres éleveurs des pâturages collectifs, des conflits de limites administratives entre les familles et les clans, au sein d’un même village ou quartier ainsi qu’au sein d’une même chefferie ou secteur, des conflits d’occupation illégale entre les communautés religieuses et les communautés environnantes, des conflits de vente illégale de terrain (stellionat). Tous ces cas sont présents dans et autour des Eglises et des grandes concessions.

Les conflits fonciers sont encore entiers et constituent une grande menace pour la paix durable dans le diocèse. Des nouveaux conflits sont nés, surtout liés aux limites des entités administratives. Au stade actuel, toutes les tentatives de résolution de ces conflits par les voies de médiations et de dialogues servent juste à calmer les tensions. Les solutions durables ne proviendront qu’à travers une campagne de concertation pour la réconciliation et un sérieur dialogue lors de la semaine de la Paix.

Ces événements et d’autres qui ont marqué le chemin des personnes les années passées, nous renseignent qu’il est important de prendre soin les uns des autres par des initiatives afin de construire une société fondée sur des relations de fraternité. C’est dans ce cadre que Mgr Sosthène Ayikili Adjuwa, évêque du diocèse, organise chaque année « des dialogues » à travers la Commission Justice et Paix, rencontres de pacification à l’intention des chefs coutumiers, des notables et des autres couches de la communauté, afin de discuter, d’échanger sur les causes des conflits sévissant dans la région. Ces initiatives ont toujours eu des impacts visibles dans les communautés affectées par les conflits de tout genre.

Les délégués de la Commission de Pacification du territoire de Mahagi (CPM), réunis autour de l’évêque ont adopté par consensus, un projet de mécanisme transitoire pour la pacification et l’administration du territoire de Mahagi, sous la présidence de Mgr Sosthène. Mue par une telle détermination de voir aboutir la paix, la Commission de Pacification a pour mission de  diagnostiquer toutes les formes de misères engendrées par les conflits armés. Tels sont l’implication et l’engagement de l’Eglise catholique dans la résolution pacifique des conflits.

Par: Francisco Ostos Palma, M.Afr.

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