Je suis né en 1938, l’aîné de 10 enfants, 9 garçons et une fille. Mon père était alors protestant et ma mère non-croyante. Mais, trois ans plus tard, tous deux furent conduits, par des chemins différents, à devenir membres de l’Eglise catholique. En 1943, deux de mes frères et moi qui, comme bébés, avaient reçu le baptême dans l’Eglise Luthérienne, furent emmenés par nos parents à la paroisse catholique pour y recevoir un deuxième baptême conditionnellement (au cas où le baptême Luthérien ne serait pas valide). Je peux me rappeler jusqu’à aujourd’hui l’excitation que j’avais ressentie à propos de ce baptême. La même année, on me confia à une Sœur Ursuline pour qu’elle me prépare à ma première communion – j’étais âgé de 5 ans seulement. Là aussi, je me souviens de la messe et de la conviction profonde que j’avais que : «Jésus est venu dans mon cœur».
C’est cette année-là que mon voyage de foi et de prière commença. Une année plus tard, les bombardements alliés avaient atteint notre région en Allemagne. Alors que nous étions dans l’abri antiaérien de notre maison avec trois autres familles je me souviens que nous priions le rosaire avec beaucoup de foi – catholiques et non-catholiques reprenant en chœur : «Sainte Marie … prie pour nous pécheurs maintenant et à l’heure de notre mort» – celle-ci semblait imminente, spécialement quand une grosse bombe explosa dans notre cour, mais notre maison tint bon et personne ne fut blessé. C’est alors que j’appris pour ne jamais l’oublier que la prière protège nos vies. Après la guerre nos fervents parents continuèrent de nous emmener à la messe et de nous faire prier chaque soir avec des cierges allumés, avec un ou deux hymnes accompagnés par mon père au piano et, à la fin du service, une bénédiction avec de l’eau bénite pour chacun de nous.
Aujourd’hui encore je suis étonné de voir comment, grâce à diverses rencontres qui furent clairement guidées par la main du Seigneur, je fus amené en 1958 à entrer chez les Pères Blancs à Trêves. Le deuxième ou le troisième jour après mon arrivée, tous les nouveaux venus ont reçu deux différents livres de méditation. J’étais rempli de joie par l’art des auteurs à faire découvrir les Evangiles dans leurs propositions de méditation d’une page et j’assimilais avec enthousiasme ce qu’ils avaient à nous offrir. La méditation faite en commun tout au long de nos années de formation fut un exercice toujours plein de sens pour moi.
Après mes études de dogme et de spiritualité à Rome je fus nommé, en 1967, au séminaire St-Victor à Tamale / Ghana. Là, professeurs et étudiants étaient ensemble à la chapelle pour une demi-heure de méditation avant la messe. Alors que j’enseignais encore à St-Victor je fis la connaissance de deux Sœurs de Medical Mission. A l’une de nos rencontres, en mai 1973, elles m’ont demandé si elles pouvaient prier avec moi et, après avoir donné mon accord – sans que je sache quelles pouvaient en être les conséquences – elles prièrent d’une manière simple demandant que je sois rempli de l’Esprit-Saint… Et l’Esprit vint, me faisant faire une expérience qui a marqué ma vie jusqu’à aujourd’hui.
Un des fruits pour avoir été touché par l’Esprit fut que, désormais, une heure quotidienne de «prière tranquille « devint une partie intégrante de ma vie. J’avais toujours un livre de spiritualité à portée de main et j’en lisais une page ou deux, puis j’en faisais ma méditation et concluais avec une prière d’intercession pour diverses personnes et problèmes du moment. Fondamentalement, j’ai suivi la même discipline pour les 33 années suivantes jusqu’en 2007. C’est alors que je suis arrivé à un autre tournant.
La méditation à laquelle j’étais habitué commença à me laisser froid et sec. Elle ne m’apportait pas d’aperçus nouveaux et ne motivait plus ma ferveur. Par La grâce de Dieu, c’est à ce moment-là que Jim Greene vint de la Maison Généralice pour une visite pastorale en Ouganda. Quand je lui ai fait part de mon problème il suggéra que j’arrête de méditer et que je commence à contempler. Voilà qui était nouveau pour moi. Après le départ de Jim, je parlais à Roger Labonté de ma recherche pour une prière renouvelée. Il me confia qu’il suivait un même chemin et il mit à ma disposition quelques moyens pratiques, au nombre desquels les livres de Cynthia Bourgeault et de Thomas Keating. En fait, j’ai lu bien d’autres livres mais j’ai trouvé que ceux-là étaient les plus utiles.
C’est sur cette route que je me trouve encore aujourd’hui. Je dois avouer que l’enthousiasme des débuts n’est plus là. C’est la fidélité, souvent dans la sécheresse et avec beaucoup de distractions, qui me fait continuer à aller de l’avant. Avant tout, je vis avec la conviction croissante de foi que La Présence qui m’habite est là, que je la sente ou pas : «Toi en moi et moi en Toi» (Jn 15,5). St Paul exprime la même vérité dans sa belle prière : «Daigne le Père vous armer de puissance, par son Esprit, pour que se fortifie en vous l’homme intérieur, qu’il fasse habiter le Christ dans vos cœurs par la foi» (Eph. 3,16). En effet, c’est une foi nue qui continue à me soutenir.
Pratiquement, je commence toujours mon heure de prière avec quelques minutes de lecture spirituelle juste pour me concentrer. Puis je passe 30 minutes avec autant de tranquillité que je peux trouver ce jour-là. Après cela, je note quelques réflexions dans mon journal avant de passer aux intercessions, tout d’abord pour les pays, spécialement les pays Africains où j’ai servi et ceux qui passent par différentes formes de crise ; et puis je prie pour les gens, comme ma famille, mes amis, mes bienfaiteurs, les malades et ceux que j’accompagne dans leur voyage spirituel.
La prière est vie ; elle a différentes phases avec l’Esprit toujours à l’œuvre pour nous guider. Puisse ce petit témoignage personnel t’encourager, cher Lecteur, à continuer de chercher et écouter l’Esprit pour que tu sois capable de faire les changements nécessaires le moment venu. Surtout, ne nous arrêtons jamais d’être des hommes de prière.

Ernst Sievers, M.Afr.
(Petit Echo n° 1078)