Antoine – que les confrères appellent le plus souvent Toine – est né le 25 juin 1935 à Achel dans la province du Limburg belge. Il fit les humanités gréco-latines au collège Saint-Hubert à Neerpelt, où il fut actif au sein du mouvement catholique estudiantin (KSA). En septembre 1953, il entra chez les Pères Blancs à Boechout. Il fit le noviciat en partie à Varsenare et en partie à Eastview au Canada. Il y poursuivit les études de théologie, y prononça son serment missionnaire et fut ordonné prêtre le 30 janvier 1960. Il ressort immédiatement de la lecture des évaluations que firent de lui ses professeurs qu’Antoine avait d’indéniables dons artistiques : il peint fort bien, fait des dessins magnifiques et est musicalement doué. Il a de l’intuition et jouit d’une imagination créatrice. C’est un tempérament émotif. Il est en même temps un excellent organisateur et doué pour les langues. Il a une bonne plume et des aptitudes pour le journalisme. En communauté il aime rire, il est serviable, mais en même temps réservé, voire un peu solitaire.
Il est bien compréhensible que la Province des Etats Unis ait immédiatement mis la main sur un homme aussi talentueux. Sa première nomination le montre bien : ‘business manager of the White Fathers Missions’ et du ‘Dollar-a-month-club’ à Washington DC. On lui demande également d’assurer la mise en page du magazine White Fathers Missions.
En novembre 1965 Anthony peut partir pour la Zambie. Dès qu’il maîtrise suffisamment la langue, il est nommé à Chilonga dans le diocèse de Mbala, pour regagner un peu plus tard la St-Francis Parish à Mbala même. Il est excellent prédicateur et expert en informatique. Il donne aussi des cours dans une école secondaire. Dès son arrivée il collabore également à la modeste publication diocésaine qui polycopie des nouvelles de l’Eglise et de la liturgie. Plus tard elle deviendra le magazine Cengelo destiné à tous les diocèses parlant Chibemba.
En janvier 1971 Anthony est rappelé à Washington DC. Les « quêteurs » traditionnels sont en voie de disparition et les revues missionnaires ne rapportent pas grand-chose. On demande à Toine d’innover dans le domaine du « fundraising ». Il lance alors le « Development Office of the Missionaries of Africa ». Il contacte des courtiers spécialisés et leur achète des listes de possibles bienfaiteurs, listes bien ciblées selon l’âge, les ressources, la religion, l’habitude de donner… Avec succès. Le « Development Office » pourra au fil des ans verser des millions de dollars aux confrères et aux Sœurs Blanches pour leurs projets en Afrique. Entretemps il reste l’éditeur talentueux des publications PB de la Province.
En août 1978 Toine peut retourner en Zambie. Il est fait responsable de l’équipe pastorale chargée des paroisses Chalabesa et Kopa. Avec enthousiasme il anime son « team », appuie les initiatives de ses collaborateurs, construit un centre de formation pour responsables laïcs ; il fait partie de l’équipe diocésaine de coordination. Parmi ses priorités figurent les conseils paroissiaux, la formation des leaders laïcs, les Comités Justice et Paix et la jeunesse. Il était aussi fort partisan des « credit unions » naissantes au sein de la population. Des crises de malaria freinaient régulièrement son ardeur. Il profitait de ses congés réguliers pour aller se refaire une santé spirituelle et pastorale à Londres (M.I.L.) et à Jérusalem.
Un nouveau chapitre s’ouvre pour Toine en 1988, lorsqu’il est nommé secrétaire de la Commission des Médias de la Conférence épiscopale. Il a son bureau dans le bâtiment du Secrétariat catholique à la capitale, Lusaka. Il y fera trois termes de trois ans. « C’est là qu’Anthony manifesta toute sa puissance créatrice et sa puissance de travail aussi », écrit Jean-Pierre Sauge, régional. En 1994 il participa à l’organisation de la visite du pape. Il lance les « Yatsani Studios » (yatsani signifie lumière) qui produisent des programmes de tout genre, aussi bien pour la radio et la télévision nationales que pour toute sorte de centres de formation. Des sujets religieux et socio-économiques, comme des questions concernant la santé publique sont traités. Pour alimenter la caisse, Toine accepte de produire des spots publicitaires et il réalise des films à la demande de congrégations. Il réalise lui-même d’excellents films et des documents vidéos pour l’apostolat. Il participe à des colloques internationaux. A côté de la section audio-visuelle, Toine gère la section de la presse et des publications. Dans tous ces domaines Toine peut vivre à fond ses multiples dons artistiques et organisationnels. Il accompagne et conseille des groupes d’artistes…
En juillet 1997 Toine vient en congé pour raison de santé. La Province belge le retient, d’abord dans le cadre de Photos-Service à Namur et ensuite pour « Nieuw Afrika » à Anvers. En 2001, en effet, notre traditionnel calendrier missionnaire est remis en question et l’on espère que Toine pourra y apporter une réponse… Se sentant trop « un étranger américain » dans son pays natal, il renonce. En juin 2001, le voilà qui repart pour la Zambie. Il est nommé à Chipata pour s’occuper des médias du diocèse. Il édite brochures, pamphlets et cartes de Noël… Il dessine des illustrations de tout genre. Il se remet aussi, écrit-il, à la peinture.
Jean-Pierre Sauge écrit à ce propos : « Je garde du Père Antoon Coninx une image familière : prenant part à la récréation du soir en communauté, conversant avec ses confrères tout en travaillant un morceau de bois pour y sculpter un visage, un oiseau, des mots entrelacés… Antoon était un artiste. Il avait aussi un beau coup de crayon, faisant des dessins admirables d’enfants, de femmes… et aussi de fameux portraits de confrères. Certaines de ses œuvres sont sans doute encore accrochées aux murs de quelques communautés en Zambie : Serenje, Ndola, Lusaka… »
En 2004 Toine est nommé à Woodlands, Lusaka. Après quelques mois les confrères commencent à se faire du souci à son sujet. Il oublie noms et dates, semble souvent mentalement absent, ne se rappelle plus s’il a mangé ou non, oublie des rendez-vous, donne des sommes importantes à des mendiants de passage… En avril 2005, le père Rosner, provincial, l’envoie en Belgique pour se faire soigner. A part un diabète fort inquiétant, les médecins constatent un dysfonctionnement cognitif grave. Tout retour en Zambie, même pour une courte durée, est exclu. Toine aurait encore tellement voulu retourner faire ses adieux…
Toine passe quelques mois dans notre communauté de Genk, puis il est accueilli dans la Maison de Repos et de Soins Saint-Joseph à Munsterbilzen, où son état se dégrade petit à petit. A la demande de sa famille, il est transféré en décembre 2010 dans une institution semblable à Achel, où sa sœur Madeleine le visitera pratiquement chaque jour. Souvent il ne reconnaît plus ses visiteurs. Quand on lui adresse la parole en Chibemba, il a un sursaut de conscience. Les dernières semaines il ne mangeait plus, seul le cœur résistait encore. Mardi 11 octobre, Toine s’est éteint paisiblement.
Les adieux liturgiques eurent lieu à Achel, le 17 octobre, en l’église où il avait été baptisé et célébré sa messe de néophyte. L’église était bondée. Il fut enterré parmi ses confrères à Varsenare.
Jef Vleugels