La Marsa (Tunis), le 14 décembre 2018. La sagesse populaire voit la pluie comme une bénédiction. Nous ne nous plaignons donc pas. Au contraire, la pluie nous inspirera tout au long du chemin à imaginer ces hommes, ces femmes, ces jeunes, ces enfants, dont beaucoup vivent dans la précarité, et à prier pour qu’ils puissent trouver de plus en plus de dignité, de paix et de joie dans leur vie. Le voyage vers Thibar sera long, très long : 170 kilomètres, d’embouteillages au début et de sinueuses routes de montagne ensuite.
Mais quelle joie d’arriver à Thibar, ce haut-lieu de notre histoire ! Beaucoup de nos anciens auraient été contents de nous accompagner. Jean Fontaine est un privilégié, trop heureux de nous partager quelques informations et souvenirs. Alors que le bus s’approche de l’ancien scolasticat, je me revoyais, il y a une semaine à peine parcourir les photos classées aux archives. Ainsi, ce scolasticat existait encore, pratiquement comme au début, du moins dans sa structure extérieure.
Alors que nous descendons de l’autocar, nous sommes accueilli par un homme au sourire abondant, flanqué de plusieurs collègues et d’au moins un représentant de l’ordre, qui nous encadreront tout au long de notre visite. C’est que nous ne sommes pas n’importe qui. Nous sommes des Pères Blancs et des Sœurs Blanches, dont les ancêtres ont tout créé dans la région. Très vite, nous nous rendrons compte que le directeur se voit, ainsi que son école d’agriculture et d’élevage, comme les fiers héritiers de tout ce patrimoine créé par nos ancêtres pour la plus haute gloire de Dieu et la dignité de tout homme et de toute femme.
Nous sommes accueillis dans une salle de conférence avec de l’eau et des jus de fruit. Le directeur nous présente son école, ainsi que ses projets futurs de développement au moyen d’une présentation “powerpoint”. Il a glissé ici et là des photos anciennes dans la présentation comme pour montrer son attachement et sa gratitude à ceux qui ont tout commencé ici. Il y a même une photo de scolastiques Pères Blancs. Jean Fontaine n’y tient plus, s’approche, y regarde de plus près et déclare en se retournant : « c’est Kalilombe » … le seul africain de cette promotion de 1957, l’année de ma naissance !
Il nous emmène alors à travers le bâtiment principal, nous passons dans les couloirs et gravissons les escaliers où tant de nos anciens se sont pressés pour arriver à temps pour la prière ou pour la classe. C’est très impressionnant ! Nous ne voyons que la partie supérieure de la grande chapelle qui a été divisée en deux dans le sens de la hauteur et en plusieurs classes également sur la superficie.
Nous sortons, il pleut toujours. Nous montons donc dans l’autocar qui nous emmènera quelques centaines de mètres plus loin au lieu dit de « La Cave » auquel le dépôt de vin – la cave à vin en fait – a donné le nom. Nous entrons dans l’antichambre d’un salon de réception au centre duquel nous voyons une table sculptée et ses chaises lourdes, d’époque sans aucun doute. Dans l’antichambre, une bouteille de Thibarine est exposée, ainsi que deux bouteilles de vin, et devant les bouteilles, prêts pour la dégustation, des verres à moitié pleins de ces précieux liquides qui continuent d’être produits depuis que les Pères Blancs ont planté la vigne il y a plus de cent ans. On voit les yeux du directeur de l’école et du responsable de la Cave pétiller de fierté, à raison d’ailleurs. Je demande à l’un de nos accompagnateurs s’il boit du vin. Il me fait comprendre dans un français approximatif qu’il n’en boit pas … aujourd’hui. C’est vrai que c’est vendredi, le jour de la Prière à la Mosquée. Mais, en Tunisie, on travaille le vendredi et on se repose le dimanche !
La pluie continue son oeuvre et détrempe le sol. Il nous sera impossible d’arriver au cimetière, car nous risquerions d’embourber l’autocar. Nous prierons pour nos frères et sœurs Pères Blancs et Sœurs Blanches, décédés à Thibar, pendant la messe du soir, présidée cette fois par Didier Sawadogo. Celui-ci traduira si bien ce que nous ressentons tous. Nous avons dû quitter Thibar, mais la Mission de « mettre l’Homme debout » continue dans les murs de l’ancien scolasticat à travers cet homme au sourire abondant, si fier d’une école qui donne aux jeunes la capacité à se développer et à vivre dans la dignité.
Sœur Cécile n’a pu être avec nous aujourd’hui, mais elle avait préparé un livret de l’accompagnateur que vous lirez avec beaucoup d’intérêt ici.
Philippe Docq, M.Afr.
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