
Les conflits font partie intégrante de la vie en société. La vie sociale est marquée par différents types de conflits. Ils peuvent être verbaux, mais aussi non verbaux. Il peut s’agir d’attitudes et de comportements armés ou agressifs qui témoignent de la difficulté de vivre ensemble en harmonie. J’ai non seulement vécu des conflits, mais j’ai également été impliqué dans plusieurs situations de conflits. J’ai vécu et travaillé dans des zones de conflit, des contextes de rébellion et des zones de guerre. Certaines de ces situations échappaient à notre contrôle. Ce qui compte cependant, ce n’est pas l’existence de conflits, mais la manière dont nous les gérons.
Il n’y a pas de petits conflits
Bien que les causes profondes des conflits soient nombreuses et complexes, les parties impliquées dans un conflit sont souvent porteuses de nombreux préjugés influençant leur perception de la réalité. Les préjugés et les stéréotypes aggravent les conflits ; ce sont des moyens faciles de classer, de catégoriser et d’identifier les personnes, mais ils brouillent la situation ; ce sont des perceptions subjectives et non objectives. Un conflit impliquant seulement deux personnes peut dégénérer et impliquer toute une famille, un clan, une tribu, un village, etc. Cela me rappelle le proverbe africain disant qu’il n’y a pas de petits conflits. Par conséquent, dans des circonstances normales, les conflits ne devraient pas être évités, mais plutôt affrontés avec tact, amour et vérité. Les parties doivent être invitées à réfléchir à leurs préjugés et à leurs stéréotypes afin de les surmonter.
Gestion pacifique des conflits
Comme Hamlet, prince du Danemark, nous pouvons nous demander s’il vaut mieux supporter les conflits ou prendre les armes pour y mettre fin. Les conflits cependant ne sont jamais résolus par les armes ou par l’évitement. Il existe une troisième et meilleure voie. En effet, l’expérience a montré que les transformations pacifiques des conflits portent des fruits durables.
Beaucoup de choses sont faites en coulisses, non seulement pour promouvoir la résolution pacifique des conflits, mais surtout pour les prévenir. J’ai été témoin de la transformation de conflits par les procédures traditionnelles de parenté à plaisanterie ou de « palabres » qui permettent aux différentes parties de discuter de leurs divergences et de leurs litiges. Il s’agit de réunir les personnes en conflit, pour qu’elles expriment leurs griefs et leurs préoccupations. Le début d’une telle rencontre pouvait être acrimonieux, avec beaucoup de colère, de tensions et d’émotions, mais celles-ci se transformaient progressivement en une écoute empathique et un dialogue dépassionné, conduisant finalement à la tolérance et à l’acceptation. Le résultat final était palpable : l’harmonie revenue, les personnes concernées ont partagé un verre, une noix de kola, etc. Pour que cela se produise, le rôle d’un médiateur ou d’un groupe de médiateurs est d’une importance capitale. Une médiation réussie requiert une bonne réputation, de l’impartialité et de la prévoyance, conditions qui créent la confiance. Selon la situation, le médiateur peut rencontrer séparément les différentes parties en conflit avant de les réunir. Dans ce type de négociations, il n’y a pas de gagnants ni de perdants ! Tout le monde est gagnant d’une manière ou d’une autre.
Les disciples du Christ : des artisans de paix
En tant que disciples missionnaires du Christ, le prince de la paix, nous avons une contribution particulière à apporter en matière de construction de la paix. Jésus attend de ses disciples qu’ils soient des artisans de paix ; il leur adresse des salutations de paix : « la paix soit avec vous ». Le shalom est une caractéristique de la mission chrétienne. Une première action consiste à s’abstenir de propager des messages de haine, des rumeurs, des commérages ou tout autre acte susceptible d’intensifier ou de créer un conflit.
Face à un conflit, le disciple, en tant que témoin prophétique du Christ, a la responsabilité de trouver une solution pacifique permanente. Son action doit être guidée par l’esprit de l’évangile. Il est nécessaire d’agir concrètement, ce qui implique de prendre contact avec les différentes parties et de proposer un service de médiation.
Dans ce domaine de la médiation, Sant’Egidio a de bonnes pratiques à partager ! Le rôle de médiateur exige discrétion et renoncement à la paternité ou à la propriété des résultats ; en tant que sel de la terre et lumière du monde, le disciple devient un ambassadeur de la réconciliation. Par exemple, le rôle joué par les apôtres dans l’élection des sept premiers diacres : ils ont donné les critères de sélection et, à la fin, ont confirmé le choix de la communauté par une prière pour les ministres nouvellement élus. Un autre exemple est le premier concile œcuménique, le concile de Jérusalem. Il s’agissait d’une approche synodale : ils ont écouté tous ceux qui avaient quelque chose à dire sur la situation, puis ils ont tiré les conclusions qui s’imposaient. Ils ont ensuite créé une instance chargée de mettre en œuvre et de suivre la situation jusqu’à une fin pacifique. Dans ce processus, le principe directeur est le bien commun intégré dans la volonté de Dieu. Pour un chrétien, la gestion des conflits est basée sur la volonté de Dieu.
Sensibilisation et éducation à la paix
D’après mon expérience, la sensibilisation a permis d’obtenir de nombreux résultats. Dès leur plus jeune âge, les jeunes devraient être formés à vivre ensemble avec des personnes d’origines différentes (race, culture et religion). Leur éducation civique et leur socialisation devraient leur permettre de vivre pacifiquement avec les autres et de considérer les différences comme un enrichissement plutôt que comme une menace. L’ensemble de l’apostolat des jeunes constitue un terrain fertile pour la prévention des conflits. Les jeunes apprennent à apprécier leur diversité culturelle en interagissant les uns avec les autres.
Des efforts pourraient cependant être faits à tous les niveaux pour sensibiliser à la diversité des cultures, des modes de vie et des comportements, ce qui enrichit la coexistence. Des occasions devraient être créées pour célébrer la diversité dans la société afin d’apprendre de la culture et des traditions de chacun. De telles expériences conduiront certainement à une compréhension et une appréciation mutuelles, ingrédients d’une coexistence harmonieuse.
L’Église a un grand rôle à jouer dans la transformation pacifique des conflits. Les activités de l’Église devraient se concentrer sur la coexistence pacifique. L’enseignement catholique, en particulier, devrait promouvoir auprès de ses élèves les valeurs qui favorisent la paix et la réconciliation. Les enseignements sociaux de l’Église peuvent être un outil important dans la prévention des conflits et la promotion de la paix. Les dirigeants de l’Église devraient se prêter à la médiation lorsque des conflits surgissent. Mais surtout, l’Église peut mieux jouer ce rôle lorsqu’elle est elle-même un laboratoire de coexistence pacifique.
Par: Ignatius Anipu, M.Afr.