Un respect inconditionnel pour chaque personne

Quand on parle des droits de l’Homme à la lumière de l’évangile, c’est d’abord vers la figure de Jésus qu’il faut se tourner et à ce que nous en disent les évangiles. La première chose qui frappe dans de nombreux épisodes de la vie de Jésus, c’est l’accueil et le respect qu’il manifeste pour chaque être humain, adulte comme enfant. Il reconnaît, comme on nous le recommande, la dignité de chaque personne, créée à l’image de Dieu.

On sait qu’il appelle Dieu « Abba » (père) et donc que chaque être humain est pour lui fils et fille de Dieu, aimé de Lui. Comme le soulignent d’ailleurs ses adversaires, il ne fait acception de personne : « Maître, nous savons que tu es franc et que tu ne te laisses pas influencer par qui que ce soit : tu ne tiens pas compte de la condition des gens, mais tu enseignes les chemins de Dieu selon la vérité » (Marc 12, 14).

Bien plus, il prend facilement la défense de celui qui est opprimé, marginalisé, mis de côte, méprisé ou ignoré. Des épisodes,  comme celui de Zachée, nous montre même sa prédilection pour ce genre de personnes.

Il nous demande aussi de changer de regard pour que chacun adopte la même attitude que lui : un respect inconditionnel pour chaque personne. A cet effet, il va même jusqu’à donner en exemple aux adultes les enfants, aux hommes des femmes, aux justes (ou qui se pensent tels) des pécheurs, aux juifs des non-juifs. En cela, il révolutionne la religion et la culture ambiante où, comme pour nos sociétés, ce sont les hiérarchies, les organigrammes qui comptent. Pour lui, chaque personne a sa valeur et sa dignité, et il le manifeste et le déclare.

Son commandement est clair : « aime ton prochain comme toi-même ». Il explique : « Ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits, qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait… Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger et vous m’avez recueilli ; nu, et vous m’avez vêtu ; malade, et vous m’avez visité ; en prison, et vous êtes venus à moi » (Mt 25, 40.35-36). Jésus s’identifie à chaque personne.

Le Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise

Le Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, cette deuxième partie du catéchisme de l’Eglise, comme l’appelait le pape Jean-Paul II – deuxième partie souvent très mal connue et rarement enseignée dans la catéchèse – le souligne à sa façon : « la racine des droits de l’homme doit être recherchée dans la dignité qui appartient à chaque être humain « (n° 153). Le Compendium continue ainsi : « Ces droits sont universels, inviolables, inaliénables. Universels, parce qu’ils sont présents dans tous les êtres humains, sans aucune exception de temps, de lieu et de sujets. Inviolables, en tant qu’inhérents à la personne humaine et à sa dignité. Inaliénables, dans la mesure où ‘personne ne peut légitimement priver de ces droits l’un de ses semblables, quel qu’il soit, car cela signifierait faire violence à sa nature’ ».

Le numéro précédent du Compendium affirmait déjà : « Le Magistère de l’Eglise n’a pas manqué d’évaluer positivement la Déclaration universelle des droits de l’homme proclamée par les Nations Unies le 10 décembre 1948, que Jean-Paul II a qualifiée de véritable ‘pierre milliaire placée sur la route longue et difficile du genre humain’ » (n° 152).

Mon expérience

On sait l’importance aujourd’hui de cette Déclaration universelle presque partout dans le monde. Dans mon expérience d’engagement pour la Justice, la Paix et l’Intégrité de la création au Rwanda, j’ai vu comment, en se basant sur ces droits, nous pouvions nous mettre d’accord entre gens de tout bord. Par exemple, j’ai participé à la fondation d’une Association de défense des Droits de la personne et des Libertés publiques (ADL) et me suis engagé concrètement, avec des personnes d’autres Eglises et d’autres religions – ou sans religion – pour des actions communes qui ont eu un grand impact dans le pays jusqu’au génocide de 1994.

De même, par la suite, à Bruxelles, dans le cadre de Pax Christi, en lien avec d’autres associations et de nombreux autres réseaux à travers le monde, j’ai participé à la campagne    pour l’interdiction internationale des mines terrestres antipersonnel. Cette campagne a réussi : la Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, a été conclue le 18 septembre 1997, à Oslo, signée par 122 gouvernements en décembre, à Ottawa, et entrée en vigueur le 1er mars 1999.

Notre combat

Cette lutte contre la prolifération des armes est sûrement pour un chrétien et un M. Afr., une forme d’engagement fondamentale. Nous devons la continuer sans cesse, de même que celle pour l’abolition de la peine de mort dans tous les pays. Selon les statistiques de 2021, 106 Etats ont aboli la peine de mort pour tous les crimes, 8 l’ont abolie pour les crimes de droit commun, 50 respectent un moratoire sur les exécutions en droit et de fait, soit 164 Etats au total. En revanche, la peine de mort est toujours appliquée dans 54 Etats et territoires, dont certains pays d’Afrique. Nous avons encore du travail à faire en ce sens !

Je voudrais terminer en évoquant un autre sujet qui me tient à coeur : l’engagement pour la non-violence active et évangélique. Celle-ci commence avec la communication non-violente, méthode de Marshall Rosenberg, que beaucoup d’entre-nous connaissent ; mais elle va beaucoup plus loin.

L’on sait que les grandes injustices structurelles du monde ne peuvent être vaincues que par des campagnes et des actions non-violentes. J’aime donner en exemple le colonialisme (Gandhi), la ségrégation raciale aux Etats-Unis (Martin Luther King), le communisme (Lech Walesa et Jean-Paul II), l’apartheid en Afrique du Sud (Nelson Mandela), sans oublier l’esclavage : le cardinal Lavigerie n’est-il pas devenu fameux dans l’opinion mondiale surtout pour sa campagne anti-esclavagiste ? Seule la non-violence active, supportée par de grandes foules, a pu éradiquer ces fléaux qu’a connus l’humanité.

Finalement, n’est-ce pas l’attitude de Jésus et les paroles de l’évangile – comme celles du sermon sur la Montagne – qui ont inspiré les personnalités mentionnées et poussé des foules à l’action ?

By: Guy Theunis, M.Afr.

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