Il y a vingt ans…
Des espoirs déçus
C’est arrivé le 2 août 1999. Deux adolescents africains sont découverts à Bruxelles, morts dans le train d’atterrissage d’un Airbus A330-300, le fleuron de la compagnie aérienne belge Sabena, aujourd’hui inexistante, qui couvrait la liaison Bamako-Conakry-Bruxelles. Ils étaient morts de froid. Ils s’appelaient Yaguine Koita et Fodé Tounkara. Ils avaient respectivement 14 et 15 ans. L’un d’entre eux tenait sur sa poitrine une lettre adressée aux dirigeants européens. Probablement que sans l’existence de cette lettre, ce tragique accident serait passé inaperçu dans les médias. Deux personnes de plus, sur la liste interminable des immigrés inconnus qui meurent chaque jour en essayant de rejoindre l’Europe, ce n’est pas une nouvelle pertinente.
Ce qui a attiré l’attention de l’opinion publique, c’est cette lettre aux dirigeants européens, expliquant les raisons de leur aventure compliquée, les implorant de prendre en considération la situation difficile des étudiants en Afrique et demandant de l’aide en leur nom. Il vaut la peine de le lire, malgré son style, un style que l’on recherche avant tout pour choisir les bons mots pour s’adresser aux dirigeants européens, mais toujours avec une courtoisie incontestable. Voici comment cela se passe :
Conakry, le 29-7-99
Excellences, Messieurs les membres et responsables d’Europe,
Nous avons l’honorable plaisir et la grande confiance pour vous écrire cette lettre pour vous parler de l’objectif de notre voyage et la souffrance de nous, les enfants et jeunes d’Afrique.
Mais tout d’abord, nous vous présentons les salutations les plus délicieuses, adorables et respectées dans la vie. À cet effet, soyez notre appui et notre aide, soyez envers nous en Afrique, vous à qui faut-il demander au secours ?
Nous vous en supplions pour l’amour de votre beau continent, le sentiment de vous envers votre peuple, votre famille et surtout d’affinité et l’amour de vos enfants que vous aimez comme la vie. En plus, pour l’amour et l’amitié de notre créateur, Dieu, le Tout-Puissant, qui vous a donné toutes les bonnes expériences, richesses et pouvoirs de bien construire et bien organiser notre continent à devenir le plus beau et admirable ami les autres.
Messieurs les membres et responsables d’Europe, c’est à votre solidarité et votre gentillesse que nous vous appelons au secours en Afrique. Aidez-nous, nous souffrons énormément en Afrique, aidez-nous, nous avons des problèmes et quelques manques de droits de l’enfant.
Au niveau des problèmes, nous avons : la guerre, la maladie, la nourriture, etc. Quant aux droits de l’enfant, c’est en Afrique, surtout en Guinée, nous avons des écoles, mais un grand manque d’éducation et d’enseignement ; sauf dans les écoles privées, qu’on peut avoir une bonne éducation et un bon enseignement, mais il faut une forte somme d’argent, et nous nos parents sont pauvres. La (?) c’est de nous nourrir, ensuite nous avons des écoles de sports telles que football, basket (?), etc.
Donc dans ce cas, nous les Africains, surtout les enfants et jeunes Africains, nous vous demandons de faire une grande organisation efficace pour l’Afrique, pour qu’il soit progressé.
Donc, si vous voyez que nous nous sacrifions et exposons notre vie, c’est parce qu’on souffre trop en Afrique et qu’on a besoin de vous pour lutter contre la pauvreté et mettre fin à la guerre en Afrique.
Néanmoins, nous voulons étudier, et nous vous demandons de nous aider à étudier pour être comme vous en Afrique.
Enfin, nous vous en supplions de nous excuser très très fort d’oser vous écrire cette lettre en tant que vous les grandes personnages à qui nous devons beaucoup de respect. Et n’oubliez pas que c’est à vous que nous devons plaigner (?) la faiblesse de notre force en Afrique.
Au-delà du style de la lettre de ces deux adolescents, il y a son contenu lucide et émouvant, même s’il a obtenu peu de résultats. Personne ne s’attendait à ce que cet événement tragique modifie la politique migratoire de l’Union européenne. Le monde politique et économique que nous avons construit est compliqué et complexe ; il n’admet malheureusement pas de solutions basées sur les sentiments. Le monde n’est simple que pour les gens simples de cœur. Mais je crois que votre geste en valait la peine. Et les cris d’angoisse de tant de personnes marginalisées qui ont besoin de notre solidarité et de notre engagement en faveur d’une plus grande justice en valent certainement la peine aujourd’hui.
Agustín Arteche Gorostegui, M.Afr.
Extrait du Magazine des M.Afr. d’Espagne Afrikana N°199 de décembre 2019
(Traduction : Mafrome)
