
Mgr John MacWilliam, vous avez été nommé officiellement évêque de Laghouat le 16 mars dernier. Quels ont été vos sentiments avant de donner votre accord ?
Ma première pensée quand le Nonce Apostolique m’a informé de cette décision du Saint Père était pour mon prédécesseur, Mgr Claude Rault, MAfr, qui attendait depuis longtemps d’être remplacé comme évêque de Laghouat pour des raisons d’age et de santé. En tant que provincial des Pères Blancs au Maghreb, j’avais un souci pour son bien-être. Je me suis dit « al hamdu lillah ! ». Mais quand le nonce m’a dit « c’est vous le nouveau » j’étais sous le choc car je n’avais vraiment pas pensé à cette possibilité. Assez vite, j’ai compris qu’aujourd’hui il n’y a pas un grand nombre de prêtres en Algérie ou dans le monde qui ont l’âge, l’expérience et les autres critères nécessaires pour être pasteur de cette Eglise très particulière qui est le diocèse de Laghouat. Peut-être n’étais-je pas si mauvais comme choix. Puisque je suis de nature quelqu’un pour lequel la disponibilité à l’appel de la mission prime, je n’ai pas trop hésité à dire oui.
Votre ordination épiscopale aura lieu en Grande Bretagne au mois de mai. Pourquoi ce choix ? Aurez-vous une autre cérémonie avec les chrétiens de votre diocèse ?
Oui, c’est vrai que mon ordination aura lieu en Angleterre, le pays qui m’a envoyé en mission comme père blanc. Ce sera à l’Abbaye de Worth où j’ai été à l’école et où j’ai été ordonné prêtre en 1992. Ce serait très difficile pour mes proches de venir en Algérie et en plus le diocèse de Laghouat n’a qu’une petite pièce de 80 places qui sert comme ‘cathédrale’ à l’occasion. Bien sûr, peu de temps après mon ordination du 20 mai je serai à Ghardaïa, mon siège épiscopal, pour célébrer mon installation avec les chrétiens du diocèse, les pères blancs en Algérie et les autres évêques du pays. Nous voulons aussi inviter de nombreux amis musulmans de la ville pour fêter après la messe. C’est pour cela que nous avons choisi une date avant le début du mois sacré de Ramadan.
Pour ne pas exclure nos amis chrétiens du nord du pays, je présiderai une messe d’action de grâce à la basilique de Notre Dame d’Afrique à Alger, berceau de la Société, dix jours plus tard. Ce sera la fête des Martyrs d’Ouganda, si chers à nous, les Missionnaires d’Afrique.
Mgr, pourriez-vous présenter brièvement votre diocèse à nos lecteurs ? Sa superficie comparativement à la Grande Bretagne, le nombre de paroisses, les chrétiens, les agents pastoraux (combien de congrégations), le travail missionnaire qui s’y fait, le dialogue avec les frères de la religion musulmane … tout ce qui peut faire comprendre à nos lecteurs le contexte dans lequel vous allez œuvrer.
Outre les énormes diocèses de la Sibérie russe, mon diocèse est le plus grand du monde, dix fois la superficie de la Grande Bretagne (trois fois celle de la France). Dans une population de quatre millions de musulmans, très dispersés, se trouvent une dizaine de petites communautés chrétiennes; des Sœurs, des Frères ou des pères et quelques laïcs dont la chapelle sert souvent comme ‘église paroissiale’. Nous ne parlons que rarement de ‘paroisses’ en effet. Les pères blancs présents depuis 1872 n’y ont que deux communautés aujourd’hui : à Ouargla (1875) et à Ghardaïa (1887). Il y a des communautés de la famille spirituelle du Bx Charles de Foucauld, les SMNDA, les FMM, le PIME et plus récemment des communautés de Sœurs venant d’Afrique subsaharienne, congrégations parfois fondées par nos propres confrères qui partaient en mission depuis l’Algérie il y a longtemps. Nous avons aussi trois prêtres Fidei Donum grâce la générosité de leurs diocèses, mais pas encore de clergé incardiné dans notre diocèse. Cela fait dans le diocèse à peu près une soixantaine de chrétiens résidents au service du diocèse, presque tous des étrangers.
Notre première mission en Algérie n’est pas dans le faire, mais plutôt dans l’être : être présent parmi le peuple musulman qui nous accueille. Dans cet esprit nous faisons aussi – oui, il y a du travail – des oeuvres d’apostolat qui favorisent la rencontre de la vie : aide aux enfants handicapés, soutien scolaire aux écoliers ou aux adultes, centres de culture et bibliothèques, soutien aux projets agricoles… et tant d’autres. Dans toutes les villes où se trouvent nos communautés il y a des aumôniers de prison agréés pour rendre des visites pastorales aux détenus chrétiens. Certaines villes universitaires ont des étudiants venant de l’Afrique subsaharienne qui constituent un élément important ‘laïc’ dans l’Église locale, ainsi que, ici ou là, des migrants venus pour travailler ou de passage. Nous visitons aussi les zones où se trouvent les bases petrolières avec des populations étrangères, y compris des chrétiens, mais pour la plupart nous n’y avons que peu d’accès pour des raisons de sécurité. Leur séjour étant de courte durée, ils trouvent normalement un soutien pastoral dans leur pays d’origine.
Selon le contexte que vous venez de décrire, quelles seront vos priorités pastorales ?
En tant qu’évêque je dois veiller surtout sur le ‘petit troupeau’ qui est l’Eglise catholique dans le diocèse. Cela implique une communion avec chacun et chacune des fidèles ainsi qu’avec les communuautés religieuses et les responsables des congrégations à l’œuvre dans la mission au Sahara. Malgré notre particularité, nous faisons partie, avec les trois diocèses du nord, de l’Eglise catholique d’Algérie et plus largement de la Conférence Episcopale de la Région du Nord de l’Afrique (CERNA). Il me semble très important aussi de reconnaître constamment notre appartenance à l’Eglise universelle, d’autant plus que les membres de notre Eglise locale sont originaires de tous les horizons du monde. Le soutien en personnel, matériel et surtout par la prière nous est essentiel et c’est pour cela que je dois continuer le bon travail de mon prédesseur à souder les liens avec l’Eglise ailleurs.
Une question de curiosité : seriez-vous le premier évêque d’origine anglophone nommé en Algérie ?
Sans avoir fait de recherche, je crois que c’est « oui » : je serai le première évêque catholique anglophone nommé en Algérie, terre plutôt francophone depuis deux siècles. Mais il y a plusieurs années l’Eglise anglicane avait nommé mon ami l’évêque Bill Musk en Tunisie/Algérie. Je suis très heureux qu’il a accepté d’être avec nous lors de mon ordination à Worth.
Peut-être que les confrères Missionnaires d’Afrique aimeraient savoir quels rapports vous entretiendrez avec la Société des Missionnaires d’Afrique et ce que vous attendez d’elle.
Depuis notre arrivée il y a presque cent cinquante ans, l’évêque du Sud est un père blanc. En effet ce fut un vicariat puis un diocèse confié aux pères blancs. Mais depuis un certain temps ce n’est plus le cas. Les PB, avec seulement deux communautés aujourd’hui, sont une congrégation parmi d’autres et nous avons une convention entre le diocèse et la Société comme avec les autres congrégations. J’ai de la chance d’y avoir vécu cinq ans comme membre d’une communauté PB au service du diocèse et plus récemment d’avoir eu la responsabilité de provincial avec des relations très fraternelles avec Mgr Claude Rault, l’évêque. Que cela continue ! Nous sommes tous disciples du même Maître dans la même mission. Dans la communauté des PB à Ghardaïa j’espère trouver un soutien spirituel et fraternel selon notre charisme PB enraciné dans mon cœur, sans vouloir m’ingérer dans ce qui leur est propre. J’avoue que ‘vivre seul, hors communauté PB’ sera un sacrifice pour moi, PB que je suis.
Un dernier mot pour nos lecteurs ?
Je crois que ma nomination indique la confiance de la part du Saint Père, pas seulement à moi mais surtout à notre Société des Missionnaires d’Afrique, fidèles à la vision du fondateur et désireux d’apporter l’amour de Dieu en Jésus Christ aux peuples d’Afrique et en particulier en Afrique du Nord à nos frères et sœurs de foi musulmane. Les nombreux messages de solidarité et les promesses de prière m’encouragent et je rends grâce à Dieu et à vous tous pour cela.
Monseigneur John, je vous remercie et vous souhaite un fructueux apostolat à Laghouat !
Freddy Kyombo, M.Afr.