« Il vous précède en Galilée ; là vous le verrez, comme il vous l’a dit » (Marc 16,7)
Le temps pascal que nous avons célébré récemment a été une expérience fascinante pour les chrétiens. Les catéchumènes ont été baptisés ou confirmés dans la foi. C’était aussi pour tous les chrétiens un moment intense pour renouveler leur engagement et leur témoignage chrétien. La Zambie a reçu, il y a 125 ans, les premiers missionnaires catholiques pour l’évangélisation de la population. Lorsque les missionnaires d’Afrique (Pères Blancs) sont arrivés à Mambwe-Mwela en 1891, ils ont vécu une expérience pascale, un voyage en Galilée.
Le temps pascal a soulevé en moi deux questions importantes : « Comment puis-je être un véritable témoin du Christ ressuscité ? » et, « où est la Galilée, ce lieu où le Seigneur m’envoie » ? Après la résurrection de Jésus, un mouvement important s’est développé à la suite de Jésus. L’instruction de retourner en Galilée était symbolique, et les disciples devaient faire mémoire de la vie de Jésus pour actualiser son message et s’inspirer de ses actions. La résurrection signifiait rencontrer et vivre le message du Christ ; ainsi la Galilée est un endroit significatif dans l’histoire.
La célébration du 125e anniversaire du début de la foi catholique en Zambie, nous ramène au début de la vie missionnaire : une expérience galiléenne. Pour ce faire, il serait important de revoir le message de Jésus et ce qu’il attendait de ses disciples. Pour Jésus, le service aux autres était un signe du Règne de Dieu, car le service signifiait être disponible, guérir, transformer, pardonner, intervenir, célébrer et donner espoir.
Le jeudi saint, Jésus a lavé les pieds de ses disciples dans un contexte de célébration de la Pâque juive. Jésus était assis à table avec les disciples et il célébrait la Pâque juive avec eux. À ce moment il a résumé l’essentiel de son message qu’il avait prêché en Galilée et ailleurs. C’est ce même message que Jésus avait proclamé fort et clair à Jérusalem. Les responsables religieux et les autorités romaines avaient entendu les attentes de Jésus de construire le Royaume de Dieu. Les prophètes qui l’avaient précédé avaient proclamé ce message, mais au fil des années, les gens n’y avaient plus porté attention.
En ce temps de célébration des 125 ans du catholicisme en Zambie, nous devons regarder de nouveau l’essentiel de notre foi en ravivant les attitudes que le Christ a demandées à ses disciples. Le thème « Nous sommes les missionnaires d’aujourd’hui » est pertinent. Les catholiques en Zambie doivent se rendre compte qu’ils sont des missionnaires en se rappelant et en vivant les valeurs évangéliques.
Comment un chrétien, un baptisé, un religieux, un prêtre ou un évêque peut-il servir aujourd’hui ? Où est la Galilée d’aujourd’hui ? Quelles sont les situations et les lieux où nous pouvons rendre témoignage par nos paroles et nos actions ?
Il y a quelques mois, je me suis arrêté au bord de la route près d’une ville en Zambie. J’ai remarqué un garçon qui vendait de la canne à sucre parce qu’il avait été renvoyé de l’école pour aller chercher trente-cinq Kwacha pour les frais de scolarité. J’ai vu une pauvreté inimaginable. Les écoles et les centres de santé font un effort pour rejoindre ceux dans le besoin. Il y a des cas de famine et un manque d’eau potable. Dans certains endroits, des crimes sont signalés, et un grand nombre de personnes ont un revenu très faible. Par contre, nous voyons les investisseurs qui s’approprient des ressources locales dans le but de maximiser leurs bénéfices sans tenir compte des besoins des pauvres. Les politiciens sont engagés uniquement dans une politique partisane.
Ce pays s’autoproclame « nation chrétienne ». Où est notre service ? Être un disciple du Christ aujourd’hui exige que nous fassions tout pour donner la dignité aux personnes. Le lavement des pieds des disciples était un geste de Jésus pour offrir une nouvelle forme de leadership : le maître est le serviteur. Jésus, en se levant de table pour laver les pieds de ses disciples, établit une nouvelle attitude pour servir le peuple de Dieu. Pierre était paralysé par cette idée, dans sa mentalité comme disciple : le chef est le « patron ». Aujourd’hui, nous commettons une grande erreur dans l’Église si on ne considère pas le leadership comme un service au peuple de Dieu, mais comme un privilège, un honneur et un statut.
Le Royaume de Dieu est une réalité où l’intérêt pour toute la création est l’indice de référence, et cet intérêt est la sainteté. Le missionnaire et le chrétien d’aujourd’hui est appelé à aller en Galilée, à s’impliquer dans les événements concrets de la vie, dans la saleté et la tourmente de la réalité humaine, être et faire tout cela en « mémoire » du Christ, comme nous exhorte l’Eucharistie. Le pape François encourage les chrétiens, les religieux, les missionnaires, à « avoir l’odeur du troupeau » ; un bon berger s’imprègne de l’odeur de ses animaux !
L’Église catholique en Zambie doit revenir sur ce qui peut libérer et transformer la société. Nous ne pouvons pas laisser la société aux mains des politiciens, des organisations non gouvernementales et des investisseurs. Ceux-ci ne laveront pas les pieds des gens. C’est à la fois un défi et une motivation pour le leadership dans l’Église.
Nous, missionnaires d’aujourd’hui, sommes chargés d’être agents du bien commun, du bien-être de nos voisins et des frères et sœurs que nous servons. Nous devons nous impliquer dans les services de santé, encourager les gens à travailler dur pour produire plus de nourriture sur cette vaste terre. Nous devons nous engager à fournir une éducation significative. Un « missionnaire d’aujourd’hui » doit lutter pour un logement décent, une source d’eau potable et des familles viables. Aujourd’hui, l’Église doit lutter contre l’exploitation sans scrupules des ressources naturelles en Zambie. Dans la mesure où ce pays est une « nation chrétienne », les chrétiens doivent s’engager dans la bonne gouvernance qui ne devrait pas être laissée aux partis politiques. Un missionnaire d’aujourd’hui doit penser à l’intégrité de la création et à la prospérité des citoyens. Nous devons travailler pour l’unité en luttant contre les divisions fondées sur des lignes tribales et les vues étroites des partis politiques.
L’évangélisation durable exige une transformation sociale, économique, politique et structurelle. C’est la libération ; c’est l’expérience de Pâques, le voyage en Galilée.
Les missionnaires d’aujourd’hui doivent être impliqués pour remettre en question le statu quo à tous les niveaux de la société. Nous devons examiner les promesses politiques et prendre garde aux « prophètes » qui se multiplient. Nous devons mettre en valeur la pratique et le sens des sacrements que nous recevons. Nous devons être attentifs au témoignage des responsables religieux, et rendre les citoyens responsables de la vie qu’ils vivent. Quand nous sommes présents où tout se passe, dans notre Galilée, parmi le peuple de Dieu, nous rencontrerons le Seigneur ressuscité et nous porterons des fruits comme apôtres et missionnaires du XXIe siècle.
Venerato Babaine, M.Afr.