La violence autour de nous
La prévalence de la violence en tant que forme destructrice du comportement humain est malheureusement devenue un épisode récurrent de nos vies, “un universel humain”, selon l’anthropologue politique Jon Abbink. Dans ce contexte de violence généralisée et d’insécurité croissante, nous sommes appelés à témoigner du royaume d’amour et de paix de Dieu. Cette situation de plus en plus explosive représente le plus grand défi pour notre ministère aujourd’hui. La fréquence et la létalité accrues des incidents violents dans de nombreuses zones de conflit à travers le monde – au Yémen, à Gaza, en Ukraine et particulièrement en Afrique – ne peuvent plus être ignorées. Cette tendance est très préoccupante car l’exposition prolongée à la violence aveugle, a plusieurs conséquences néfastes, en particulier pour les enfants et les femmes qui sont susceptibles d’être blessés.
Selon le rapport mondial de Human Rights Watch, en 2023, plus de 15 conflits armés, notamment en République démocratique du Congo, au Cameroun, en Éthiopie, au Mozambique, au Mali, au Burkina Faso et au Sud-Soudan, ont provoqué une crise humanitaire et une tragédie humaine avec des souffrances indicibles pour les réfugiés, les personnes déplacées à l’intérieur du pays et des civils vulnérables. L’appréhension constante d’un danger ou d’un préjudice potentiel crée une atmosphère d’anxiété et d’insécurité. Lorsque les gens sont confrontés à des menaces plus importantes pour leur sécurité et leur bien-être, ils ont tendance à éprouver des niveaux d’insécurité plus élevés. Dans ce contexte, le défi moral de notre époque est de succomber à l’attrait d’une violence accrue comme mécanisme privilégié de résolution des problèmes. Cela pose une question fondamentale pour la sécurité mondiale et la survie de l’humanité.
À cet égard, les experts en conflits définissent la violence comme un acte social, physique ou psychologique contre soi-même, une autre personne ou une communauté, qui vise à causer un préjudice, une blessure, une privation, la mort ou des dommages à des personnes ou à des biens. Il s’agit d’une forme de comportement agressif qui peut se manifester de différentes manières, telles que la violence physique (par exemple, frapper, donner des coups de poing), la violence verbale (par exemple, les menaces, les insultes), la violence émotionnelle ou psychologique (par exemple, les brimades, la manipulation), la violence sexuelle (pédophilie ou viol) ou la violence systémique (l’injustice institutionnelle intégrée). Selon les données statistiques et la littérature existante, les facteurs religieux et politiques sont les principaux moteurs de la violence généralisée. Par exemple, la politique et la religion sont les principales sources de violence et d’insécurité en Afrique. Elles engendrent et nourrissent la “violence structurelle”, qui favorise des relations de pouvoir inégales, constituées de systèmes sociaux, politiques et économiques injustes et exploiteurs, qui empêchent les gens de réaliser leur plein potentiel.
En outre, nous avons assisté au cours de la dernière décennie à une montée en flèche de nouvelles formes radicales de violence politique et religieuse, dont les expressions aiguës culminent dans les réseaux transnationaux de criminalité organisée et le terrorisme brutal. Par le biais d’actes de terrorisme, les radicaux religieux, les activistes salafistes-djihadistes et les extrémistes violents utilisent des moyens coercitifs, des menaces ou une violence idéologique pour atteindre leurs objectifs sectaires, religieux, politiques et idéologiques. L’Afrique du Nord, le Sahel, les Grands Lacs et la Corne de l’Afrique ont été particulièrement touchés. Des groupes terroristes comme Al-Qaïda, l’État islamique et leurs affiliés locaux Boko Haram et Al-Shabab ont forcé 1,7 million de personnes à quitter leur foyer, selon l’Indice mondial du terrorisme (2020). Au total, sept millions de personnes sont touchées par les conséquences du terrorisme en Afrique, et la plupart d’entre elles (femmes et enfants) craignent encore aujourd’hui pour leur sécurité.
La voie à suivre : défendre la paix et la justice
La violence omniprésente dans nos sociétés et dans le monde en général peut nous décourager et nous donner un sentiment d’impuissance. Néanmoins, nous devons résister à l’envie de nous abandonner au désespoir et à la résignation. À cette fin, un triple mécanisme de réponse est nécessaire pour sauvegarder la dignité de la vie humaine et promouvoir le bien-être et la sécurité de tous les individus. Le premier devoir incombe aux dirigeants élus et aux responsables gouvernementaux, qui doivent s’acquitter de leurs obligations en matière de responsabilité de protéger (R2P) et de l’État de droit, en mettant en œuvre des mesures politiques bien conçues qui accordent la priorité à la sécurité des populations vulnérables. Ces initiatives politiques doivent aborder un large éventail de questions de bonne gouvernance et de responsabilité, notamment l’inégalité socio-économique, la pauvreté, le chômage, la discrimination systémique et la marginalisation.
Le deuxième niveau de responsabilité incombe aux chefs traditionnels et aux leaders religieux, qui doivent modérer les opinions radicales et l’extrémisme religieux dans les sphères publiques et politiques. Ils sont les gardiens fidèles du patrimoine ancestral et des traditions sacrées des communautés. Il leur incombe de promouvoir l’éducation à la non-violence et une authentique culture de la paix.
Les initiatives interconfessionnelles peuvent offrir des programmes de consolidation de la paix pour favoriser le dialogue, la tolérance et la coexistence pacifique entre les personnes de différents groupes ethniques et traditions religieuses. Dans les zones de conflit, il est essentiel d’investir dans des initiatives de justice réparatrice pour aider à réparer les liens brisés au sein de la communauté et favoriser la compréhension mutuelle afin de réintégrer avec succès les délinquants dans la société.
La troisième étape implique un engagement et une implication personnels. Le président américain John F. Kennedy a déclaré un jour avec éloquence : “Une personne peut faire la différence, et tout le monde devrait essayer”. Ceci est particulièrement important pour les messagers de l’Évangile dans un monde qui a besoin de paix et de réconciliation.
L’appel à être des artisans de paix n’est pas facultatif ; au contraire, il s’agit d’une partie essentielle du message évangélique pour notre temps. Heureux sommes-nous si nous répondons à cet appel pour les enfants de Dieu qui ont besoin de paix et de sécurité aujourd’hui.
Par: Barthelemy Bazemo, M.Afr.