En 2016, le gouvernement tanzanien a lancé une campagne audacieuse d’éradication de la corruption en Tanzanie. Cependant, certaines des politiques économiques émises par la campagne contre la corruption semblent aller à contre-courant du développement économique.
Comme le note Ha-Joon Chang dans son livre «Bad Samaritans», la lutte contre la corruption devrait être bien définie avant d’être mise en oeuvre. Si elle est bien lancé, elle contribuera à développer le pays et la vie des citoyens. Mais lorsque le point de départ et l’exécution de la lutte contre la corruption sont mauvais, cela peut retarder le développement économique du pays. Notez bien que pour que le potentiel économique puisse croître, l’efficacité au travail devrait être améliorée avec moins de restrictions. Il est communément admis que l’éradication de la corruption entraînerait automatiquement une relance économique, mais ce n’est pas aussi vrai que cela puisse paraître. Je ne dis pas le contraire non plus. Tout ce que je dis, c’est que cela dépend de l’approche mise en oeuvre pour éradiquer la corruption.
Alors que le gouvernement actuel en Tanzanie s’attaque à la corruption dans l’intérêt du bien commun, nous avons été témoins de conséquences inattendues de cette lutte contre la corruption. Par exemple, beaucoup d’investisseurs locaux ont réduit leurs investissements en Tanzanie et cherchent à faire prospérer leur entreprise dans les pays voisins. Cela a entraîné une réduction dramatique du nombre de possibilités d’emploi parmi les jeunes, avec pour conséquence que la plupart des jeunes traînent les rues ou paressent au bord de la route en attendant que la journée se termine.
Le gouvernement est conscient de cette réalité, mais affirme qu’il n’a ni réduit les salaires ni modifié les politiques économiques, tout ce qu’il a fait est de mettre fin à la corruption, donc si quelqu’un venait à s’en plaindre, cela signifierait qu’il profitait de la corruption. Ceci montre bien la complexité de l’éradication de la corruption. L’approche utilisée par le gouvernement a inspiré de la peur chez de nombreux citoyens.
John Slinger (M.Afr.) et moi-même avons pris l’initiative d’établir régulièrement, à Tandale, le prix d’un panier contenant les nécessités de base pour une famille (Basic Needs Basket). Au cours de l’enquête préliminaire sur les conditions économiques à Tandale, nous nous sommes entretenus avec quelques personnes. L’une d’entre elles nous disait que le gouvernement pouvait frapper à votre porte n’importe quand et vous demander de justifier vos revenus. La pratique habituelle dans un État capitaliste est de mener des enquêtes sur une personne seulement lorsqu’il y a des preuves qu’elle peut avoir bénéficié de transactions corrompues. Demander aux gens de justifier leurs revenus parce qu’ils sont devenus trop riches fait fuir les investisseurs locaux.
… la plupart des jeunes ont recours à des emplois à court terme comme chauffeurs de boda-boda.Avec la diminution importante des investisseurs locaux qui employaient les jeunes, la plupart des jeunes ont recours à des emplois à court terme comme chauffeurs de boda-boda (conducteurs de motocyclettes). Ils sont généralement employés par les propriétaires des motos. Les conditions habituelles de travail exigent que les motards payent un fixe de 7000 Tshs (shillings tanzaniens) par jour. Le surplus éventuel sera leur salaire, mais s’ils gagnent moins que les 7000 Shs, ils devront trouver le moyen de compléter la somme obtenue pour atteindre le fixe.
En plus, les motos sont souvent volées. Malheureusement, dans la plupart de ces cas, les motards sont regardés comme principaux suspects. Ils sont alors arrêtés et soumis à des interrogatoires aux méthodes sévères. Les plus chanceux sont acquittés et libérés. Ceux qui sont reconnus coupables, sont condamnés à des peines de prison. Sur la base de récits d’anciennes victimes, il semble même que certains de ces condamnés l’aient été sans jouïr de représentation légale. Or, ils se sentent souvent très intimidés et ne parviennent donc pas à donner un compte rendu cohérent des événements, ce qui entraîne leur perte.
Elvis Ng’andwe, M.Afr.
Tandale – Tanzania