Séance de travail sur les religions traditionnelles africaines : la voie à suivre

Fifth day of the Working Session on African Traditional Religions at Kungoni Centre, Malawi

De gauche à droite: Mathew W. Banseh (Centre for Social Concern (CfSC)), Bernhard Udelhoven (Lumimba parish) Zambia, Ignatius Anipu (Institut de Formation Islamo-Chrétienne (IFIC)) Mali, Philip Meraba (Faith and Encounter Centre, Zambia (FENZA)) Zambia, Anselme K.A. Tarpaga (Assistant général) Rome, Prosper Harelimana, Rome, Brendan O’Shea (Kungoni Centre of Culture and Art, Malawi), Malawi, Bruno Ssennyondo (Centre de Recherche pour la Sauvegarde et la promotion de la Culture Senoufo (CRSPCS)) Mali

Les Missionnaires d’Afrique ont conclu leur session de travail sur les religions traditionnelles africaines (RTA) à Kungoni, au Malawi ce vendredi 22 mars 2024. Ce fut une semaine de partage d’expériences, d’idées, connaissances et de perspectives pour l’avenir. Une question se pose. Quelle est la prochaine étape ? Une réflexion intense sur les RTA a conduit à cinq axes d’intervention : (1) l’animation des confrères, (2) la formation initiale, (3) la création d’une synergie entre les centres et les paroisses, (4) la recherche et les publications, et (5) la visibilité et la communication.

Le premier domaine d’intérêt ciblera les points suivants : sessions et ateliers, constitution d’un répertoire de questions préoccupantes grâce à la technologie moderne, et création de groupes centraux (commissions) pour enrichir les activités pastorales conformément aux RTA. Le deuxième domaine encouragera les candidats en formation à faire des recherches et à étudier intentionnellement les questions contemporaines relatives aux RTA. Il nourrira également les talents des candidats, encouragera l’enseignement de la philosophie et de la théologie africaines. Il a l’intention d’introduire des sessions sur les RTA dans notre système de formation, de revoir le Vade-mecum de Stage sur les RTA pour aider les stagiaires à approfondir des sujets spécifiques. Le troisième domaine permettra de s’assurer que la technologie moderne est bien utilisée pour stocker et partager des matériaux sur les RTA. Il s’abonnera à Jstor, Ebscom et à d’autres sites académiques pour une recherche de qualité. Il doit s’appuyer sur l’expertise nécessaire à la mise en valeur de nos centres. En outre, il visera à améliorer la collaboration entre les centres tels que Kungoni, FENZA, IFIC, etc., et les paroisses. Il renforcera le professionnalisme dans nos centres, éclairera les jeunes générations dans le domaine des RTA et autonomisera le personnel grâce à des programmes de renforcement des capacités. Les quatrième et cinquième domaines promouvront les publications académiques sur les questions relatives aux RTA, créant une plate-forme où les publications des Missionnaires d’Afrique sur les RTA peuvent être facilement accessibles. Il veillera à ce que les sites Web de nos différents centres soient reliés au site Web principal de la Société. Il encouragera le partage des événements sur les RTA qui se déroulent dans nos différentes zones de mission.

Les activités mentionnées ci-dessus impliquent de la créativité, du dévouement et du travail d’équipe. Ils appellent également à un suivi et à une évaluation rigoureux. Regarder en arrière pour évaluer nos performances et nos activités reste un exercice fondamental à réaliser en permanence. Il sera réalisé par nous-mêmes et, si nécessaire, avec l’intervention d’experts. Tout est fait pour accomplir, respecter et promouvoir ce que notre fondateur, le cardinal Charles Lavigerie, nous a exhortés à faire. Il nous a fortement conseillé de chérir la langue, la culture et la tradition des gens. 

Par: Prosper Harelimana, M.Afr.

Transmettre des compétences pour mieux comprendre les Religions Traditionnelles Africaines

Qua­trième journée de la session de travail sur les religions traditionnelles africaines au Centre Kungoni, Malawi

Comprendre les religions traditionnelles africaines (RTA) implique la volonté d’être avec les gens. Il exige également un travail académique rigoureux, avec des méthodes scientifiques reconnues.  Les méthodes de recherche et la technologie moderne sont des outils nécessaires pour explorer et mieux comprendre les RTA. Quels types de compétences ?

Notre discussion d’aujourd’hui a porté sur la manière d’utiliser les compétences pratiques, les méthodes de recherche et la technologie moderne. Nous avons besoin de ces compétences pour découvrir, comprendre et faire connaître le patrimoine culturel ancré dans les RTA. Les compétences pratiques se concentrent sur les actions (humaines) des personnes, c’est-à-dire leur comportement et les actions qui affectent ou sont affectées par de grands moments de la vie, telles que les pratiques au moment de la naissance et de la mort, l’observation des expressions religieuses et culturelles dans les moments heureux ou tristes, etc. Les méthodes de recherche étudient les modèles de pensée et de compréhension du bien et du mal en Afrique, la cosmologie, l’herméneutique, la théodicée, ce que signifie être une « personne humaine » (concept « Ubuntu »), etc. Des méthodes rigoureuses mettent en évidence des lacunes en matière de recherche, c’est-à-dire ce qui n’a pas été découvert, résolu ou exploré, dans le domaine des RTA. La technologie moderne aide à créer un répertoire du patrimoine culturel africain. Il y a tellement de matériaux sur les RTA qui doivent être bien conservés selon les normes modernes. La technologie est un outil pour préserver ce que nous avons déjà. Il est également utilisé pour découvrir ce que nous ne savons pas encore.

Les premiers missionnaires avaient des compétences impressionnantes. Ils nous ont laissé un héritage. Nous avons beaucoup appris d’eux. Il est temps de transmettre progressivement aux jeunes générations ce que nous avons reçu et ce que nous savons sur les RTA. « Le bonheur n’est pas parfait tant qu’il n’est pas partagé. » Partageons ce que nous avons, ce que nous savons et ce que nous chérissons du patrimoine africain. Ceux qui sont nés à notre époque ont soif d’identité et d’authenticité. Sommes-nous prêts à les aider à découvrir qui ils sont vraiment ?

Par: Prosper Harelimana, M.Afr.

Vers un plan stratégique consolidé pour la rencontre et le dialogue avec les Religions Traditionnelles Africaines (RTA)

Troisième journée de la session de travail sur les religions traditionnelles africaines au Centre Kungoni, Malawi

Les Religions Traditionnelles Africaines (RTA) incarnent les valeurs spirituelles, sociales et morales nécessaires pour vivre une vie meilleure et digne, tant au niveau individuel que sociétal. Les Missionnaires d’Afrique en sont conscients. Ils y voient une grande opportunité d’enrichir leur action pastorale. Comment accéder aux valeurs des gens ? Cette courte réflexion se propose d’apporter quelques éléments de réponse.

Tout d’abord, nous devons apprendre la langue locale. La discussion d’aujourd’hui nous a fait comprendre que l’apprentissage de la langue et de la culture des gens est une porte d’entrée vers le domaine de leurs croyances et de leurs valeurs. Grâce aux interactions quotidiennes, on a accès à ce que les gens apprécient et respectent le plus. Par exemple, l’interaction avec les jeunes révèle leurs aspirations et leurs idéaux pour l’avenir. De cette façon, on découvre ce qui les motive et les interpelle. S’il le faut, on peut trouver avec eux des réponses à leurs préoccupations, spirituelles, mentales et psychologiques.

Deuxièmement, en tant que missionnaires, nous devons aller vers les gens et passer du temps avec eux. Être avec et pour les gens est une autre avenue à chérir. Un missionnaire en apprend davantage sur les gens lorsqu’il est solidaire avec eux dans leurs joies et leurs luttes quotidiennes. Il y a des événements qui aident à découvrir et à comprendre les valeurs traditionnelles et culturelles des gens. Par exemple, assister à des événements importants tels que les mariages, les cérémonies de baptême, les fêtes des récoltes, les funérailles, les cérémonies de réconciliation, etc., restent des moyens clés pour découvrir, comprendre, apprécier et respecter les traditions et les coutumes des gens. De tels événements ouvrent un enrichissement mutuel entre l’Évangile et les traditions des peuples.

Enfin et surtout, nous devons nous laisser former par les gens et leur mode de vie. Parfois, nous nous inquiétons de ce qu’il faut offrir et enseigner aux gens. Laissons-nous former par les cultures des peuples ? Prenons-nous le temps d’être fascinés par leurs chants, leurs danses, leurs poèmes, leurs artefacts, leurs mythes, leur vision du monde, leur compréhension de l’origine de la vie et de l’au-delà ?

Pour vivre efficacement cette proximité avec les gens, nous avons besoin d’un plan stratégique. Il clarifiera les manifestations contemporaines des RTA qui appellent notre attention. Il indiquera aussi ce que nous pouvons réellement faire en tant que confrères dans nos paroisses, nos maisons de formation, nos centres culturels et sociaux. Il a l’intention d’ouvrir une fenêtre pour des recherches et des publications rigoureuses qui nous enrichiront, nous et les personnes que nous sommes appelés à servir. 

Par: Prosper Harelimana, M.Afr.

Trouver une Compréhension Commune des Religions Traditionnelles Africaines

Deuxième journée de la session de travail sur les religions traditionnelles africaines au Centre Kungoni, Malawi

Après avoir découvert en profondeur les croyances culturelles des tribus Chewa, Ngoni et Yao, aujourd’hui, notre discussion a porté sur notre compréhension des Religions Traditionnelles Africaines (RTA). Le Dr Rodian Munyenyembe de l’Université de Mzuzu s’est concentré sur «la compréhension et l’engagement dans les configurations contemporaines des Religions Traditionnelles Africaines». Ignatius Anipu, M.Afr. a parlé de «l’engagement des Missionnaires d’Afrique avec les Religions Traditionnelles Africaines ».  

Le Dr Munyenyembe a mis l’accent sur quelques pistes pour un dialogue fructueux telles que «la sensibilité culturelle, la patience et la persévérance, la clarification des idées fausses, la contextualisation de l’Évangile, l’éducation et l’apprentissage, et le fait d’être des bâtisseurs de ponts». Dans sa présentation, Anipu a mis l’accent sur certains domaines cruciaux ou prioritaires pour un dialogue constructif avec les RTA. Il a fait valoir que l’apprentissage de la langue et de la culture locales de la population, la pratique d’un dialogue diversifié avec les RTA, la promotion de la vie humaine, la promotion de la réconciliation et de la consolidation de la paix, etc., sont des conditions préalables à une véritable rencontre avec les RTA.

Les confrères ont eu le temps de poser des questions, de faire des commentaires et d’offrir leurs idées raisonnées en lien avec les sujets présentés. Il a été remarqué que la Société des Missionnaires d’Afrique a contribué et a encore beaucoup à offrir dans le domaine de la rencontre avec les RTA. Cependant, il existe encore des lacunes conceptuelles et missionnaires : ne pas avoir une nomenclature unifiée des RTA, négliger les croyances traditionnelles et les valeurs culturelles, détacher la rencontre et le dialogue avec les RTA de la pastorale paroissiale ordinaire, ne pas prêter attention aux réalités du «monde invisible» qui affectent la vie quotidienne des personnes, etc. Associer les RTA à ce qui est mauvais, mystérieux ou dangereux pour la vie chrétienne est un autre défi qui attire l’attention. 

Dans les prochains jours, les participants tenteront de trouver des solutions durables aux problèmes déjà identifiés. À la fin de la semaine, une feuille de route aura été élaborée pour améliorer l’efficacité et l’efficience missionnaires en matière de rencontre et de dialogue avec les RTA.

Par: Prosper Harelimana, M.Afr.

Les Missionnaires d’Afrique ouvrent une session de travail sur les religions traditionnelles africaines au Centre Kungoni, Malawi

Lundi 18 mars 2024, les Missionnaires d’Afrique ont ouvert une session de travail d’une semaine sur les religions traditionnelles africaines (RTA) au Centre Kungoni, au Malawi. Des confrères de Rome, du Mali, de Zambie et du Malawi sont réunis pour travailler et partager leurs expériences. Dans son allocution d’ouverture, Anselme Tarpaga, Assistant Supérieur général chargé de la Rencontre et du Dialogue (RD), a souhaité la bienvenue aux participants et les a remerciés d’avoir épargné leur temps pour la session. Il leur a rappelé que l’objectif de la session est de réexaminer les recommandations du 29e Chapitre général sur les RTA. Il s’agit également d’un suivi des suggestions qui ont été faites lors de la réunion en ligne du 17 juin 2023 sur la RD.

C’est l’occasion de créer une synergie entre le Centre de la culture et de l’art de Kungoni, au Malawi ; Centre Sénoufo de Sikasso, Mali ; Institut de Formation Islamo-Chrétienne (IFIC), Bamako, Mali ; Foi et Rencontre Zambie (FENZA) ; et Centre pour les préoccupations sociales (CfSC), Lilongwe, Malawi. Les confrères investis d’une connaissance et d’une compréhension considérables des RTA et d’autres experts partagent des idées sur la manière de promouvoir l’interaction entre la foi chrétienne et les RTA. Tout est fait pour promouvoir une culture du dialogue, de la cohésion sociale et de la coexistence pacifique.

Il convient de noter que le Centre de culture et d’art de Kungoni fait partie de la mission Mua, fondée par les Missionnaires d’Afrique en 1902. Claude Boucher Chisale, M.Afr., a fondé le centre dans les années 1970. Il abrite un grand patrimoine culturel des tribus Chewa, Ngoni et Yao. Des gens de tous horizons visitent le centre pour en apprendre davantage sur la culture, la langue et d’autres événements importants de l’histoire du Malawi. On s’attend à ce que la session apporte de nouvelles idées qui améliorent l’interaction entre l’Évangile, l’identité des personnes, leur richesse et les valeurs traditionnelles qui sont parfois négligées. 

Par: Prosper Harelimana, M.Afr.

Avez-vous rejeté le Sud-Soudan en bloc? Votre âme même se révolte-t-elle contre elle?

Sud-Soudanais déplacés par la guerre (2013). Crédit image: https://www.flickr.com/photos/eu_echo/

Lorsqu’en 2021, ma nomination au Sud-Soudan a été connue, j’ai reçu quelques messages allant de souhaits de prière inspirants à des commentaires éprouvants sur le Sud-Soudan. Quelqu’un a écrit : “Il y a tellement de violence dans ce pays ; j’aimerais que tu n’aies pas à y aller”. Un autre a demandé avec regret : “Pourquoi êtes-vous toujours nommés dans des pays déchirés par la guerre? Vous quittez le Mali, un pays troublé, pour aller dans un pays pire encore. Vous passez de la poêle à frire au feu”. Un ami musulman a raillé : “Ce pays ne devrait pas exister ; pourquoi y aller ?”. Plus sérieusement, un autre a dit : “Les gens de ce pays ne sont pas bons, ils te tueront”.

En réfléchissant à ces commentaires, j’ai décidé de faire tout ce qui était en mon pouvoir pour éviter d’entendre d’autres réflexions de ce genre, de peur que les pires choses ne soient dites pour m’effrayer. J’étais déterminé à sauvegarder ma paix intérieure et à me libérer des griffes de l’anxiété. Heureusement, dans une mesure appréciable, j’ai réussi à ne pas me laisser perturber par les avertissements effrayants que ces commentaires signalaient, car les petits échos de violence qu’ils contenaient m’échappaient. Cependant, au fil des jours, plus je me renseignais sur le Sud-Soudan en vue de mon éventuel voyage, plus les commentaires s’imposaient comme une évidence. Dans la plupart des documents que j’ai lus, la violence, la guerre, les conflits, l’insécurité, la pauvreté et la souffrance étaient les sujets récurrents. En approfondissant mes recherches, j’ai découvert que le Sud-Soudan, bien qu’étant le pays le plus jeune du monde, était, selon le classement de l’indice mondial de la paix, “le pays le plus dangereux d’Afrique et le quatrième endroit le moins sûr du monde”.

Lorsque je suis finalement arrivé au Sud-Soudan, la réalité sur le terrain était plus éloquente que la somme de tout ce que j’avais appris jusqu’alors. La vague de violence et ses terribles conséquences sont criantes. Le récit des témoins oculaires et des victimes survivantes fait état de la peur, du chagrin, du désespoir, de l’incertitude et d’une grande souffrance. Lors de ma première rencontre avec Mgr Stephen Nyodho Ador, l’évêque du diocèse de Malakal auquel nous appartenons, il a déploré le poids des destructions subies par le Sud-Soudan à la suite des terribles violences qui l’ont frappé entre 2013 et 2016. En se référant spécifiquement à sa ville natale et au siège de son épiscopat, il a déclaré que “Malakal est en ruines”.

Comme le prophète Jérémie

Ce n’était pas exagéré ! En effet, la violence et la guerre ont laissé les villes de Malakal, Renk, Wedakona et d’autres encore, dans une terrible désolation. Si l’on se rendait dans ces villes en 2013 ou 2014, les scènes horribles auraient pu nous amener à nous lamenter comme le prophète Jérémie : “Si je vais à la campagne, je vois des gens tués par l’épée ; si je vais à la ville, je vois des gens torturés par la faim ; même les prophètes et les prêtres errent dans le pays, à bout de forces. Tu as rejeté Juda ? Ton âme se révolte-t-elle contre Sion ? Pourquoi nous as-tu frappés sans espoir de guérison ? Nous espérions la paix, mais rien de bon ne s’est produit ! Pour le moment de la guérison, rien d’autre que la terreur !” (14, 18-19).

Cette plainte du prophète peut sembler exagérée. Néanmoins, elle donne une image mentale vivante du niveau de violence et des conséquences horribles dont le Sud-Soudan a souffert peu après son indépendance en 2011. La joie de l’indépendance et de la liberté a été de courte durée. Les gens espéraient la paix et la prospérité, mais en quelque sorte, “rien de bon n’en est sorti”. Ils espéraient un moment de guérison, mais la terreur a frappé à la place ! On ne peut que s’interroger : “Seigneur, as-tu rejeté le Sud-Soudan ? Ton âme même déteste-t-elle son existence ?”

Un jeune homme d’Akobo, l’une de nos étapes, a raconté que quelque part à la périphérie de la ville, gisaient de nombreux crânes que lui et un prêtre avaient découverts au cours d’une promenade. Il m’a proposé de l’accompagner pour voir, mais j’ai décliné son invitation, de peur que les paroles du prophète ne s’accomplissent à mon oreille : “Si je vais dans la campagne, c’est là que gisent ceux qui ont été tués par l’épée”. Né de luttes courageuses et de grandes souffrances, le Sud-Soudan n’a pas encore atteint son sabbat ni trouvé son véritable repos. Comme Ramah, il pleure sans consolations, parce que la violence a usurpé la paix de ses enfants et les a plongés dans une insécurité perpétuelle.

Qu’est la violence au Sud-Soudan ?

La violence est un concept aux multiples facettes et, en tant que tel, aucune définition unique ne peut être absolue. Dans le contexte du Sud-Soudan, j’ai tendance à penser que toute définition connue de la violence est applicable. L’Organisation mondiale de la Santé définit la violence comme « l’utilisation intentionnelle de la force physique, de menaces à l’encontre des autres ou de soi-même, contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque fortement d’entraîner un traumatisme, des dommages psychologiques, des problèmes de développement ou un décès ». Je trouve que cette définition est la plus appropriée, car chaque élément qu’elle contient s’applique à toute forme de violence prise au hasard au Sud-Soudan. J’observe cependant que cette définition n’est pas encore comprise par une majorité de personnes qui confondent la violence avec la bravoure, ou plutôt qui interprètent à tort la violence comme un acte de bravoure justifié.

Dans certaines cultures, par exemple, le passage à l’âge adulte justifie les razzias de bétail, d’enfants ou de femmes, car cet acte confirme que le jeune est suffisamment “courageux et responsable” pour prendre sa place dans la société. Il va sans dire que la violence n’est pas perçue comme quelque chose d’intrinsèquement négatif. En fait, ce que la plupart des cultures considèrent comme de la violence n’est pas encore compris de cette manière par d’autres cultures.

Les différentes facettes de la violence et leurs causes sous-jacentes

Il existe autant de types de violence que de causes sous-jacentes. Il existe une lutte pour la domination ethnique/tribale et économique entre les groupes ethniques. Cette lutte est motivée par leur désir caché d’accéder au pouvoir politique et à la gouvernance. De là naît la violence politique, tribale/ethnique. L’indépendance, l’identité culturelle, la liberté religieuse, entre autres, étaient les objectifs primordiaux de tous les Sud-Soudanais bien intentionnés avant l’indépendance. Après l’indépendance, il semble y avoir eu un changement progressif de vision, d’idéaux et de valeurs. L’esprit de nationalisme et de patriotisme semble céder la place aux intérêts ethniques. Il semble désormais important de savoir qui dirige et qui est dirigé, d’où les luttes incessantes pour le pouvoir politique. Il existe également d’autres formes de violence communautaire et ethnique qui ne sont pas directement motivées par un désir de pouvoir politique ultime. Cette violence éclate entre les communautés principalement sur la base d’intérêts territoriaux, agricoles et autres intérêts socioculturels. Les tribus se livrent constamment à des raids meurtriers réciproques pour s’emparer du bétail, des enfants et des femmes. Le prix élevé de la fiancée, l’infertilité perçue dans certaines tribus et l’insuffisance des pâturages pour le bétail sont considérés comme des causes sous-jacentes de cette catégorie de violence. Le niveau d’insécurité créé par ce type de violence augmente malheureusement à un rythme alarmant. La plaque tournante de ce type de violence est l’État de Jonglei, qui est le territoire ecclésial des Missionnaires d’Afrique de la paroisse Saint-Paul. 

À l’heure où j’écris ces lignes, je suis informé de source sûre que plus de vingt personnes ont été tuées lors d’un violent affrontement entre deux tribus à Duk, l’une de nos antennes. À la violence communautaire s’ajoute la violence subtile et systématique des meurtres par vengeance, dont la cause est, selon moi, le dysfonctionnement de la culture et de la religion. Il y a aussi la violence domestique ou sexiste, dont les victimes sont principalement des femmes et des enfants. La violence interpersonnelle est également un phénomène courant, car les individus, le plus souvent dépassés par les effets d’autres formes de violence, subissent des attaques, des abus, des menaces, ou évacuent simplement leur colère les uns sur les autres. En tant que berger, je suis blessé par mes brebis blessées à cet égard. Pourtant, je dois rester leur berger.   

La violence collective persistante (guerre) de ces dernières années a entraîné une forte prolifération des armes au Sud-Soudan, ouvrant la voie à la poursuite du cycle de la violence. En raison de l’accès facile aux armes, les groupes armés se multiplient et exercent une violence sporadique sur la population. 

Les effets de la violence

Les effets de la violence sont multiples. La violence a laissé de nombreux Sud-Soudanais traumatisés, émotionnellement engourdis et agressifs. Le saccage des villages et des villes a retardé et continue d’entraver le développement des infrastructures du pays. Le diocèse de Malakal, par exemple, a perdu plus de 30 voitures et d’autres biens ecclésiastiques de valeur au cours des violences de 2013. Les effets désastreux de la faim et de la famine, dus à la baisse de la productivité économique sont étroitement liés à cette situation. Chaque fois que la violence éclate, elle gèle les activités économiques, ce qui entraîne une pauvreté persistante. Sur le plan social, la violence a aliéné certains groupes, tribus et individus. Il est inutile de préciser que les pertes massives de vies humaines et les déplacements de population provoqués par la violence ont également entraîné une recrudescence des familles dysfonctionnelles, une situation qui entrave le bon développement des enfants. La violence a privé de nombreuses familles de leur figure paternelle, car trop souvent les hommes périssent au cours des affrontements. Il faut également souligner que la violence affecte négativement la foi et la morale des gens, car certains, à la suite d’expériences amères, perdent espoir en Dieu et en l’humanité. Pour certains, il est facile d’ôter la vie à un être humain. Cela montre la profondeur de l’irreligiosité et de la décadence morale que la violence peut provoquer.

Que fait-on pour réduire la violence et guérir les victimes ?

Au niveau national et international, des efforts sont déployés pour lutter contre la violence au Sud-Soudan. Jusqu’à présent, l’accord revitalisé d’Addis-Abeba de 2018 sur la résolution du conflit dans la République du Sud-Soudan a donné quelques résultats positifs, même s’il reste encore beaucoup à faire. Une paix fragile règne dans tout le pays. La visite œcuménique de paix du pape François et de ses pasteurs alliés au Soud-Sudan a contribué de manière significative à la guérison nationale, à la construction de la paix et à la restauration de l’espoir dans le pays.

Existent également de nombreux programmes de soutien gérés par de nombreuses organisations et institutions non gouvernementales locales et internationales, dont certaines visent à réduire la violence par la consolidation de la paix, l’éducation, les soins de santé et d’autres activités similaires. Elles proposent également divers systèmes de soutien humanitaire axés sur l’hébergement, l’alimentation, l’accompagnement, la guérison et la réhabilitation des victimes de la violence.

L’Église du Sud-Soudan est également en première ligne pour aider les victimes de la violence. Le diocèse de Malakal, par exemple, rend un immense service à des milliers de victimes fuyant la violence du Soudan voisin en leur offrant un transport gratuit pour rejoindre Malakal depuis la ville frontalière de Renk. En tant que nouvelle communauté des Missionnaires d’Afrique, notre humble devoir apostolique est de soutenir les efforts de l’Église locale en apportant notre “tout à tous”. Dans cet océan de violence, nous nous présentons consciemment comme des “témoins du Royaume”, car nous savons que celui à qui appartient le Royaume est au milieu de son peuple. Nous rompons le pain chaque jour en priant pour le peuple. Concrètement, alors que nous sommes encore en train de trouver nos repères en tant que communauté nouvelle, nous cherchons d’abord à nous lier d’amitié avec les gens. Cela nous permettra de gagner leur confiance et, à partir de là, de vivre ensemble comme des frères et sœurs. Pour l’instant, en raison du manque de ressources à notre disposition, nous nous contentons de faciliter l’organisation de cours sur la guérison des traumatismes, la promotion de la justice et de la paix, l’autonomisation des femmes, etc.

Parmi nos nombreux projets pastoraux, le réveil de la foi et l’éducation à la transformation sont prioritaires. Nous sommes convaincus, sans l’ombre d’un doute, que seule une bonne éducation associée à une foi ferme peut briser la chaîne vicieuse de la violence et apporter le développement, car les gens périssent par manque de connaissances ; ils sont à la traîne par manque d’état d’esprit positif. Nous sommes certains que le Seigneur n’a pas totalement rejeté le Sud-Soudan, et vous non plus !

Par: Cletus Atindaana, M.Afr.

La non-violence : une exigence essentielle de la conscience humaine et insécurité

crédit image: https://www.latestly.com

Violence et insécurité

Violence et Insécurité ! Je peux dire, ce sont deux réalités qui me touchent profondément au niveau personnel et au niveau de « ma vie en général » car, depuis 2011, la violence et l’insécurité qui autrefois étaient au Nord du Mali s’est étendue à presque l’ensemble du territoire malien et après, au Burkina Faso en 2013. J’ai constaté qu’à partir de 2015, la même réalité de violence et d’insécurité est venue s’installer au Burkina Faso.

C’est quoi la violence ?

La violence est définie par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme étant « l’utilisation intentionnelle de la force physique, de menaces à l’encontre des autres ou de soi-même, contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque fortement d’entraîner un traumatisme, des dommages psychologiques, des problèmes de développement ou un décès ». Il y a différentes formes de violence : la violence physique, la violence sexuelle, la violence psychologique et la violence verbale.

Dans nos communautés

Moi-même je peux témoigner d’avoir souffert en communauté de tentatives de violence physique de la part d’un confrère, de violence psychologique et très souvent de violence verbale de la part de certains confrères… En disant tout cela, je ne veux accuser personne, mais seulement témoigner que « la violence, surtout verbale » existe bel et bien dans nos communautés.

Au Sahel

Au niveau du Sahel, la violence physique et l’insécurité, malheureusement, touchent une grande partie de nos populations ! Nous-mêmes avons le preuve de cela, dans l’enlèvement de notre confrère, le père Ha-Jo Lohre à Bamako, le 20 novembre 2022 ; heureusement il a été libéré le 26 novembre 2023 !

 Beaucoup du monde ici associe la peur et le sentiment d’insécurité à la montée de la violence dans certaines régions. A. Peyrefitte, Garde des Sceaux en France en 1977, a déclaré : « l’impression que chacun éprouve de la violence résulte notamment de son expérience personnelle, de la connaissance qu’il peut en avoir par son entourage et des informations diffusées par les moyens de communication ».

J’ai lu, l’an passé, un article d’un sociologue burkinabé, Mr Sidi Barry, que disait que la crise sécuritaire que nous vivons a ses racines dans des questions ethniques, religieuses, les frustrations des populations oubliées, le manque d’investissement dans beaucoup de zones au niveau des infrastructures de développement, surtout au niveau des communications, de la santé et de l’éducation ; à cela, nous devons ajouter le chômage endémique que nous vivons dans beaucoup de villes sahéliennes. La violence et l’insécurité amènent donc les individus et les communautés à une destruction ou à une dévalorisation du capital physique (infrastructures, équipements), du capital humain ainsi que du capital social qui repose sur la confiance, les règles ou les réseaux de relations.

Comme exemple, je peux citer le discours du général Moussa Traoré, gouverneur de Gao, le 19 février 2023 : « les problèmes dont souffre la population de la Cité des Askia sont liés à l’électricité, la télécommunication, la pénurie d’eau, l’insécurité et le développement rural » ; à la même rencontre, le Premier ministre malien Choguel Kokalla Maiga a rassuré en disant que ces préoccupations seraient transmises à qui de droit et que tout développement n’a de sens que lorsque un pays est sécurisé. Les conflits et la guerre peuvent avoir un coût élevé en termes de dépenses militaires et d’endettement extérieur.

Au niveau social, des fois, nous voyons des activistes et des réseaux sociaux qui peuvent déstabiliser la société en prêchant l’intolérance, les discours ethniques, haineux, terroristes… de telle manière, qu’on entend dire souvent « personne n’a confiance en personne » ; je pense que les gouvernements font de leur mieux pour éduquer et sensibiliser les populations face à ce problème ; mais c’est toujours un travail à continuer au niveau de la liberté de la presse, des Droits Humains, de la liberté d’expression et des partis politiques.

Les mesures qu’on peut prendre pour prévenir la violence

Il est possible de prévenir la violence, mais pour cela de grands défis sont à relever au niveau de la crise humanitaire et sécuritaire sans précèdent queconnaît le Sahel : la réconciliation afin d’apaiser les cœurs, l’éducation, la réinsertion des enfants déscolarisés à cause de l’insécurité, le renforcement du dialogue et la négociation en intégrant les acteurs politiques et religieux, promouvoir la confiance entre militaires et population, continuer à prier pour la paix en demandant au Seigneur d’assurer la sécurité des populations et de leurs biens, car, en certaines zones, les personnes ne peuvent plus dormir tranquilles, ni cultiver la terre, ni voyager… Au Burkina Faso, le nombre des personnes déplacées (PDI), tourne autour de 2.000.000.

Promotion de l’empathie et de la non-violence dans la société

Pour briser le ressort de la violence, il faut rompre avec les processus de justification et de légitimation de la violence, et montrer que la violence n’est pas une fatalité. Il faut montrer que la non-violence est une exigence essentielle de la conscience de l’homme, et aussi qu’elle peut constituer une alternative à la violence dans des domaines variés de la vie collective et même des relations internationales.

Il est urgent également de préparer les enfants à être des citoyens. Par une véritable éducation civique avec comme caractéristiques : la coopération plutôt que la compétition, la créativité plutôt que la reproduction des modèles, la solidarité plutôt que la rivalité.

Pour terminer je dirais ceci : l’espoir renaît car dans beaucoup de parties de notre terre sahélien, les choses vont beaucoup mieux : beaucoup de personnes, de structures, d’associations, de mouvements sont engagés dans la lutte contre la violence et l’insécurité pour un meilleur avenir. L’Eglise catholique elle-même, par le moyen des organismes comme Caritas, a beaucoup de projets et de programmes en ce sens-là ; au niveau de l’archidiocèse de Bobo-Dioulasso, il y a des sessions sur la sécurité. Je cite : « du petit maraudeur au violent terroriste, les actions des malfaiteurs troublent la quiétude des citoyens, des laïcs, des communautés sacerdotales et religieuses mettant a rude épreuve les efforts d’évangélisation et aussi le processus de développement humain ».  Que Dieu nous bénisse et nous protège !

Par: Manuel Gallego Gomez, M.Afr.

Campagne de lutte contre la traite des êtres humains : « A luta continua »

La traite des personnes est une activité criminelle dans laquelle les victimes sont recrutées, hébergées, transportées, achetées ou kidnappées à des fins d’exploitation, telles que l’esclavage sexuel et le travail forcé. En raison des vulnérabilités sociales, économiques et politiques, des hommes, des femmes et des enfants sont victimes de la traite à travers le monde. Malgré les mesures légales et migratoires prises pour enrayer cette catastrophe d’origine humaine, le nombre des victimes ne cesse d’augmenter. Dans le monde entier, les trafiquants ne ciblent pas seulement leurs victimes à des fins d’exploitation sexuelle et de travail forcé, mais aussi de prélèvement d’organes. En Afrique de l’Ouest, selon l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), « trois victimes sur quatre sont des enfants ».

Les Missionnaires d’Afrique, dans leurs différentes provinces, sections et secteurs, sont engagés dans la lutte contre la traite des êtres humains. Récemment, nos confrères travaillant dans les provinces du Ghana-Nigeria, de l’Afrique centrale et de l’Afrique de l’Est ont organisé des campagnes de sensibilisation contre la traite des êtres humains, principalement parmi les jeunes.

Pour célébrer la Semaine de Bakhita, les Missionnaires d’Afrique se sont joints à d’autres congrégations religieuses pour animer, informer et éduquer les jeunes sur les astuces et les incitations utilisées par les trafiquants. Le 8 février 2024, Obai E. Patrick (M. Afr.), avec les Franciscaines Missionnaires de Marie (FMM), les Sœurs Missionnaires de Notre-Dame d’Afrique (SMNDA), d’autres congrégations religieuses et des enseignants, ont rencontré les enfants de St. Augustine’s Junior High School, Tamale, Ghana.

En République Démocratique du Congo, à Kinshasa, Alex Manda (M. Afr.), travaille en équipe avec 3 religieuses : 2 Sœurs Missionnaires Comboniennes et une Sœur de Notre-Dame du Jardin. À l’occasion de la Journée de sainte Joséphine Bakhita, l’équipe a organisé pour la première fois un événement de sensibilisation à Limete – une banlieue de Kinshasa –, auquel ont participé de nombreux religieux et religieuses de diverses congrégations. À l’avenir, ils envisagent, avec la Conférence des Supérieurs Majeurs (COSUMA), une collaboration durable avec Talitha Kum International, pour l’animation et la formation de religieux et de religieuses, et d’autres personnes de bonne volonté.

La sensibilisation est un processus. C’est une autre façon de vivre et de faire la mission de l’Église. Aujourd’hui, être des missionnaires prophétiques devrait inclure la campagne contre la traite humaine et d’autres formes d’exploitation des êtres humains. Les Missionnaires d’Afrique continuent de collaborer avec des personnes partageant les mêmes idées pour informer le public, afin qu’il ne devienne pas la proie des trafiquants. Il est à noter que, le 30 janvier 2024, Talita Kum Internation a lancé l’application « Walk in Dignity ». Il s’agit d’une application disponible sur Google Play Store. Il vise à accroître la sensibilisation et la connaissance du phénomène de la traite des êtres humains.

Par: Prosper Harelimana, M.Afr.

Limete, Kinshasa, la République Démocratique du Congo

Pendant  la célébration eucharistique

Manda Alex (M. Afr.) avec des religieux et des religieuses après la célébration eucharistique

Obai E. Patrick (M. Afr.), avec des sœurs, des enseignants et des enfants lors de la campagne de lutte contre la traite des êtres humains à St. Augustine’s Junior High School, Tamale, Ghana

 L’application «Walk in Dignity»

Menaces de violence à nos portes

La violence autour de nous

La prévalence de la violence en tant que forme destructrice du comportement humain est malheureusement devenue un épisode récurrent de nos vies, “un universel humain”, selon l’anthropologue politique Jon Abbink. Dans ce contexte de violence généralisée et d’insécurité croissante, nous sommes appelés à témoigner du royaume d’amour et de paix de Dieu. Cette situation de plus en plus explosive représente le plus grand défi pour notre ministère aujourd’hui. La fréquence et la létalité accrues des incidents violents dans de nombreuses zones de conflit à travers le monde – au Yémen, à Gaza, en Ukraine et particulièrement en Afrique – ne peuvent plus être ignorées. Cette tendance est très préoccupante car l’exposition prolongée à la violence aveugle, a plusieurs conséquences néfastes, en particulier pour les enfants et les femmes qui sont susceptibles d’être blessés.

Selon le rapport mondial de Human Rights Watch, en 2023, plus de 15 conflits armés, notamment en République démocratique du Congo, au Cameroun, en Éthiopie, au Mozambique, au Mali, au Burkina Faso et au Sud-Soudan, ont provoqué une crise humanitaire et une tragédie humaine avec des souffrances indicibles pour les réfugiés, les personnes déplacées à l’intérieur du pays et des civils vulnérables. L’appréhension constante d’un danger ou d’un préjudice potentiel crée une atmosphère d’anxiété et d’insécurité. Lorsque les gens sont confrontés à des menaces plus importantes pour leur sécurité et leur bien-être, ils ont tendance à éprouver des niveaux d’insécurité plus élevés. Dans ce contexte, le défi moral de notre époque est de succomber à l’attrait d’une violence accrue comme mécanisme privilégié de résolution des problèmes. Cela pose une question fondamentale pour la sécurité mondiale et la survie de l’humanité.

À cet égard, les experts en conflits définissent la violence comme un acte social, physique ou psychologique contre soi-même, une autre personne ou une communauté, qui vise à causer un préjudice, une blessure, une privation, la mort ou des dommages à des personnes ou à des biens. Il s’agit d’une forme de comportement agressif qui peut se manifester de différentes manières, telles que la violence physique (par exemple, frapper, donner des coups de poing), la violence verbale (par exemple, les menaces, les insultes), la violence émotionnelle ou psychologique (par exemple, les brimades, la manipulation), la violence sexuelle (pédophilie ou viol) ou la violence systémique (l’injustice institutionnelle intégrée). Selon les données statistiques et la littérature existante, les facteurs religieux et politiques sont les principaux moteurs de la violence généralisée. Par exemple, la politique et la religion sont les principales sources de violence et d’insécurité en Afrique. Elles engendrent et nourrissent la “violence structurelle”, qui favorise des relations de pouvoir inégales, constituées de systèmes sociaux, politiques et économiques injustes et exploiteurs, qui empêchent les gens de réaliser leur plein potentiel.

En outre, nous avons assisté au cours de la dernière décennie à une montée en flèche de nouvelles formes radicales de violence politique et religieuse, dont les expressions aiguës culminent dans les réseaux transnationaux de criminalité organisée et le terrorisme brutal. Par le biais d’actes de terrorisme, les radicaux religieux, les activistes salafistes-djihadistes et les extrémistes violents utilisent des moyens coercitifs, des menaces ou une violence idéologique pour atteindre leurs objectifs sectaires, religieux, politiques et idéologiques. L’Afrique du Nord, le Sahel, les Grands Lacs et la Corne de l’Afrique ont été particulièrement touchés. Des groupes terroristes comme Al-Qaïda, l’État islamique et leurs affiliés locaux Boko Haram et Al-Shabab ont forcé 1,7 million de personnes à quitter leur foyer, selon l’Indice mondial du terrorisme (2020). Au total, sept millions de personnes sont touchées par les conséquences du terrorisme en Afrique, et la plupart d’entre elles (femmes et enfants) craignent encore aujourd’hui pour leur sécurité.

La voie à suivre : défendre la paix et la justice

La violence omniprésente dans nos sociétés et dans le monde en général peut nous décourager et nous donner un sentiment d’impuissance. Néanmoins, nous devons résister à l’envie de nous abandonner au désespoir et à la résignation. À cette fin, un triple mécanisme de réponse est nécessaire pour sauvegarder la dignité de la vie humaine et promouvoir le bien-être et la sécurité de tous les individus. Le premier devoir incombe aux dirigeants élus et aux responsables gouvernementaux, qui doivent s’acquitter de leurs obligations en matière de responsabilité de protéger (R2P) et de l’État de droit, en mettant en œuvre des mesures politiques bien conçues qui accordent la priorité à la sécurité des populations vulnérables. Ces initiatives politiques doivent aborder un large éventail de questions de bonne gouvernance et de responsabilité, notamment l’inégalité socio-économique, la pauvreté, le chômage, la discrimination systémique et la marginalisation.

Le deuxième niveau de responsabilité incombe aux chefs traditionnels et aux leaders religieux, qui doivent modérer les opinions radicales et l’extrémisme religieux dans les sphères publiques et politiques. Ils sont les gardiens fidèles du patrimoine ancestral et des traditions sacrées des communautés. Il leur incombe de promouvoir l’éducation à la non-violence et une authentique culture de la paix.

Les initiatives interconfessionnelles peuvent offrir des programmes de consolidation de la paix pour favoriser le dialogue, la tolérance et la coexistence pacifique entre les personnes de différents groupes ethniques et traditions religieuses. Dans les zones de conflit, il est essentiel d’investir dans des initiatives de justice réparatrice pour aider à réparer les liens brisés au sein de la communauté et favoriser la compréhension mutuelle afin de réintégrer avec succès les délinquants dans la société.

La troisième étape implique un engagement et une implication personnels. Le président américain John F. Kennedy a déclaré un jour avec éloquence : “Une personne peut faire la différence, et tout le monde devrait essayer”. Ceci est particulièrement important pour les messagers de l’Évangile dans un monde qui a besoin de paix et de réconciliation.

L’appel à être des artisans de paix n’est pas facultatif ; au contraire, il s’agit d’une partie essentielle du message évangélique pour notre temps. Heureux sommes-nous si nous répondons à cet appel pour les enfants de Dieu qui ont besoin de paix et de sécurité aujourd’hui.

Par: Barthelemy Bazemo, M.Afr.

Communiqué officiel, Rome, 23 février 2024

Après consultation, dialogue et avec le consentement de son Conseil, le Père Stanley LUBUNGO, Supérieur général, a nommé le Père Barthélémy BAZEMO Supérieur provincial de la Province des Amériques pour un premier mandat qui se terminera le 30 juin 2027.

Rome, 23 février 2024

P. André-L. Simonart,
Secrétaire général.