Jub 150 : Restez fidèles à votre charisme

Merci à Roman Stäger, M.Afr. Suisse, qui a publié cet article en allemand dans la «Schweizer Kirchenzeitung» du 18 janvier 2018. 

RESTEZ FIDELES A VOTRE CHARISME!

Jubilé de 150 ans des «Missionnaires d’Afrique» et des «Sœurs Blanches».

C’est dans une situation d’urgence que les Missionnaires d’Afrique furent fondés: les prêtres et les Frères le 19 octobre 1868, les Sœurs missionnaires de Notre Dame d’Afrique une année plus tard (9 septembre 1869). L’archevêque d’Alger de l’époque, Charles Martial Lavigerie (1825-1892), eut à prendre en charge des centaines d’orphelins, qui, victimes d’une famine généralisée et d’une épidémie de choléra, avaient quitté leurs villages. Il avait espéré trouver sur place des prêtres et des sœurs pour cette œuvre, il dut constater qu’aucune congrégation ne pouvait – ou ne voulait – mettre à sa disposition le personnel désiré.

Porter l’évangile en Afrique.

Lavigerie fut créé cardinal en 1882. Depuis longtemps, il songeait déjà à une activité missionnaire dans ce continent africain encore inconnu, qui était exploré et occupé de plus en plus tant géographiquement que politiquement. Les convictions de l’archevêque d’Alger étaient claires: d’un côté, l’évangile devait être apporté à l’Afrique par une communauté de missionnaires; d’autre part, les missionnaires ne seraient que des «préparateurs de chemins» pour l’évangile. Où qu’ils soient envoyés : ils devraient d’abord acquérir la langue des gens du pays et comprendre leur culture. Baptiser ne leur était permis que pour des adultes ayant choisi librement de devenir chrétiens et ayant accepté plusieurs années de préparation. Pour Lavigerie, la raison de l’échec de beaucoup de missions antérieures consistait dans la hâte de vouloir proclamer tout de suite l’évangile.

Au début, et avec quelques exceptions, on n’acceptait pas d’Africains dans la Société des Missionnaires d’Afrique en raison de la conception de la mission des «Pères Blancs» : les candidats au sacerdoce entreraient dans le clergé local, et les jeunes attirés par la vocation monastique se dirigeraient soit vers un des ordres religieux occidentaux existants, soit vers une communauté religieuse africaine. De cette manière, les missionnaires d’Afrique ont contribué, dans la fidélité à leur charisme, à la naissance d’une Eglise locale dynamique, en favorisant les communautés religieuses africaines. Le même procédé était suivi par les «Sœurs Blanches» : combien de congrégations africaines n’ont-elles pas fondées et accompagnées jusqu’à leur autonomie! Les femmes et les filles de l’Afrique pouvaient – et devaient – être ces personnes qui disent et vivent l’évangile «à l’africaine». Cette conviction de base inspire encore de nos jours les Missionnaires d’Afrique.

Des Pères «blancs» aux Missionnaires «d’ Afrique».

Et pourtant. Depuis plus de vingt ans, de nombreux Africains ont été attirés par la vocation de Père Blanc. Pour la première fois dans l’histoire des Missionnaires d’Afrique, le Chapitre général en 2010 a élu un Africain comme Supérieur général. Depuis 2016, c’est le P. Stanley Lubungo, né en 1967 et originaire de la Zambie, qui occupe cette charge.

Appelés pour vivre en communautés.

Dès le début, le Cardinal Lavigerie voulait des communautés internationales, car celles-ci représentaient selon son opinion une image plus fidèle du christianisme que des communautés provenant d’une seule nationalité. Des Suisses aussi ont trouvé le chemin des Pères Blancs. Les premiers contacts avec la Société des missionnaires eurent lieu plutôt par hasard: le Frère Gustave Schurvey (1852-1911) – comme premier Missionnaire d’Afrique suisse – découvrait les Pères Blancs lors de son travail à Loèche-les-Bains, et Monseigneur Burkard Huwiler (1868 – 1954) lors de ses études au collège d’Einsiedeln. La première maison des Pères Blancs fut ouverte le 15 août 1911 à Fribourg.

La formation des futurs Missionnaires d’Afrique.

Pendant ces dernières 150 années, elle est passée d’une conception centrée surtout sur l’Occident à une inspiration de plus en plus africaine. Bien des candidats, africains et européens, ont effectué leurs études d’abord dans des universités occidentales, entre autres à l’Université de Fribourg. De nos jours, les futurs Missionnaires d’Afrique, tant asiatiques que latino-américains, étudient d’abord dans leurs pays d’origine. Ensuite seulement ils sont immatriculés dans des Universités et Instituts africains; car une formation imprégnée «d’africanité» ne peut se faire qu’en Afrique. «L’année spirituelle» (autrefois appelée noviciat), un stage pastoral et les études théologiques se font pour la plupart en Afrique même. Des études spécialisées, comme par exemple l’islamologie ou la langue arabe, sont organisées là, où se trouvent les meilleures compétences.

Engagement pour les Eglises orientales.

On pourrait considérer l’activité pastorale des Pères Blancs à Jérusalem comme étant «extra-africaine». Après le massacre de chrétiens par les Druzes, en 1860, Lavigerie visita la Syrie et le Liban. A Damas, il remercia l’Emir Abd-el-Kader qui avait protégé beaucoup de chrétiens. Lavigerie découvrit ainsi le monde islamique, la culture arabe et les Eglises orientales.

Depuis 1878, les Missionnaires d’Afrique sont présents à Ste. Anne à Jérusalem ; ils sont en contact avec les rites orientaux unis à Rome. Ils veulent rester fidèles à cet engagement pour l’avenir. Les efforts déployés pour la formation du clergé grec-melkite pendant de multiples années, comme celle actuelle du clergé de l’Église éthiopienne-catholique, en sont le témoignage. Les Églises en Égypte et en Éthiopie rappellent que sur le continent africain, vivent des communautés chrétiennes qui n’appartiennent pas au rite latin occidental.

En dialogue avec les musulmans.

Un des éléments constitutifs de la fondation des Missionnaires d’Afrique était l’orientation vers une présence auprès des musulmans. Cette donnée provenait naturellement du premier engagement à Alger et à Carthage. Les Pères Blancs sont restés fidèles jusqu’à maintenant à cette option d’un témoignage vivant et chrétien auprès des musulmans. Ils favorisent une empathie active dans un monde marqué par l’islam et la langue arabe, tant en Afrique que dans d’autres régions; un nombre assez important de Pères Blancs considère le dialogue avec les musulmans comme le motif de leur vocation missionnaire.

L’option pour la justice et la paix.

Les Missionnaires d’Afrique et les Sœurs Blanches restent fidèles à leur charisme de départ, après ces 150 années d’existence. La dynamique de leur charisme exige de voir à la lumière de l’évangile les nouvelles composantes sociales, culturelles et religieuses de la vie des gens. Et ceci ne concerne pas uniquement l’indépendance politique des nations africaines; l’exigence de l’évangile pour la justice et la paix intervient aussi activement dans le contexte de la vie internationale. De cette façon, la fidélité aux principes de base de la Société missionnaire s’exprime par l’ouverture à la réalité concrète de la vie.

En 2016, les Missionnaires d’Afrique et les Sœurs Blanches ont voulu que leur charisme ne soit pas seulement valable pour «l’Afrique», mais pour le «monde africain», quel que soit ce monde et où qu’il se trouve. Leur engagement missionnaire ne sera donc plus limité géographiquement. Car une nouvelle époque de l’histoire a commencé: celle de la mobilité. La migration de tant de personnes est la partie la plus visible de cette évolution globale.

Le Cardinal Lavigerie s’était engagé vigoureusement au 19ème siècle contre l’esclavage et le commerce des esclaves en Afrique. De nos jours, on ne parle plus d’esclavage, mais de trafic humain, et même de vente de migrants. Beaucoup de Sœurs Blanches travaillent ensemble avec les victimes écorchées par la société moderne : des orphelins, des enfants non-accompagnés, des femmes et des filles violées. Elles continuent ce qui, à Alger, a constitué l’origine de la Société missionnaire. Elles essaient de permettre à ces personnes de mener ou de retrouver une vie humaine digne; elles donnent en même temps un témoignage crédible pour le Christ.

150 années de plus ? «Restez fidèles à votre charisme» !

Article paru en allemand dans la «Schweizer Kirchenzeitung» du 18 janvier 2018.
Rédaction: Roman Stäger
Traduction en français et adaptation: Roman Stäger, Jean-Marie Gabioud.

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