Cette homélie a été prononcée par Francis Barnes, premier Assistant Général, à l’occasion de l’ouverture de la Session de Transition à Rome le jeudi 6 septembre 2018.
Plongez dans les profondeurs. C’est certainement l’appel de la vie religieuse ; aller dans les profondeurs ; aller dans les eaux non-balisées de la vie. Le problème est que nous préférons les eaux peu profondes de nos méthodes éprouvées de faire, nous préférons les eaux peu profondes de notre doctrine et les lois où nous nous trouvons en sécurité, nous préférons rester sur le rivage avec nos craintes et nos sentiments d’appréhension. Nous savons tous que quand il s’agit de sauter dans l’inconnu, nous avons peur et sûrement que déménager dans des eaux plus profondes ne nous excite pas. Se déplacer dans un territoire inconnu exige de nous beaucoup de force et de courage et beaucoup d’entre nous savons – par notre propre expérience – combien cela nous coûte de penser comme le Seigneur pense, d’élargir nos horizons, de sortir des limites étroites de notre façon de penser et d’agir. Ces forces et ces craintes qui nous gardent confinés à nos façons de faire sont très réelles, dans nos propres vies, dans notre ministère et dans nos congrégations.

Plongez dans les profondeurs… En tant que Société nous les Missionnaires d’Afrique, venons d’ouvrir deux paroisses dans un cadre multiculturel et urbain – à New York dans l’arrondissement de Queens et à Liverpool dans la région de Toxteth. C’est un nouveau départ qui étonne certains surtout dans ces pays où nous n’avons pas eu de vocation depuis des années et dans des pays où normalement nous n’avons pas encouragés un engagement en ministère paroissial. Ce qui est surprenant, c’est le nombre de voix soulevées dans ces provinces en opposition à de telles nouvelles entreprises – nous n’avons plus le personnel, nous sommes trop vieux, laissez-nous mourir avec élégance. En d’autres termes, nous ne voulons pas déménager pour plonger dans les eaux profondes d’un ministère qui nous est difficile vu notre âge – laissez-nous vivre notre vie paisiblement dans nos maisons de repos, laissez-nous sur la rive où tout est en ordre et confortable. Oui, aller dans les profondeurs ; dans des nouvelles formes de ministère, dans des nouvelles façons d’être Eglise, d’être des hommes et des femmes de Dieu dans un contexte parfois difficile est un risque.

Mais pour aller dans les eaux profondes il faut oser plonger. Notre sens d’orientation peut ne pas être le même et nous pouvons être secoués par les vagues et être traînés par les courants. Mais le risque nous apportera d’autre points de repères et nous comprendrons que nous devons puiser toute notre force non pas de nous-mêmes, mais de Celui qui nous envoie. Dans les eaux profondes nous comprendrons bien que nous ne pouvons plus compter sur nos maigres forces mais à tirer toute notre énergie de la grâce même de Dieu car dans l’incertitude de l’eau profonde Dieu sera là. Dans les eaux tranquilles au bord de la rive, nous embrassons la sécurité et sommes en paix avec l’environnement connu. Pourtant, dans notre vie de disciple, il doit y avoir place pour le risque. A nous de plonger profondément dans la vie même de Dieu. Déménager dans l’inconnu est sûrement la marque du vrai disciple.
Peut-être aussi ce moment de transition est un déménagement dans l’inconnu, un mouvement vers une plus grande liberté intérieure, une acceptation à tout ce qui a été et la possibilité de dire oui à ce qui sera. Peut-être que ce sera un moment de laisser Dieu être Dieu dans nos vies. Ce sera aussi un moment de partage. Cela exigera de nous de partager nos expériences, nos moments de tristesse et de misère, mais aussi les joies qui ont été les nôtres dans notre ministère. Mais le partage signifie devoir passer sous la surface en profondeur. Pourtant, aller au-dessous de la surface nous est très difficile à faire et pourquoi ? Parce que c’est une affaire risquée – car cela supposerait que nous soyons prêts de révéler quelque chose de nous-mêmes et certains d’entre nous ont peur de cela. Et c’est pourquoi nous préférons flotter à la surface où il n’y a qu’une superficialité avec laquelle nous sommes à l’aise. En dernière analyse, partager profondément signifie que nous devons accepter d’être vulnérables. La vulnérabilité veut dire que nous sommes prêts à faire face à nos limitations, nos incohérences, nos insuffisances et cela nous aidera à lâcher prise des rêves irréalistes, mais aussi atteindre l’inconnu et les eaux profondes là où se trouve notre Dieu. Sommes-nous prêts à plonger ?
Je termine avec une prière écrite il y a plusieurs siècles (Sir Francis Drake) :

Dérange-nous, Seigneur,
lorsque nous sommes trop satisfaits de nous-mêmes,
lorsque nos rêves se réalisent car nous avons rêvé trop peu,
lorsque nous sommes arrivés en toute sécurité
car nous avons navigué trop près de la rive.
Dérange-nous, Seigneur,
lorsque, avec l’abondance de choses dont nous disposons,
nous avons perdu notre soif d’eau vive ;
après être tombé amoureux de la vie,
nous avons cessé de rêver de l’éternité,
et dans nos efforts de construire une nouvelle terre,
nous avons laissé baisser notre vision du nouveau Ciel.
Dérange-nous, Seigneur,
afin d’oser plus hardiment,
de nous aventurer en mer plus large,
là où les tempêtes révèleront ta majesté ;
quand, perdant de vue la terre,
nous trouverons les étoiles.
Nous te demandons de repousser les horizons de nos espoirs,
et de nous propulser vers l’avenir en force, courage, espérance et amour.
Amen
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