Je vis la mission dans la paroisse sainte Thérèse de l’enfant Jésus-Dyou, diocèse de Sikasso au Mali, dans la province de l’Afrique de l’Ouest (PAO) il y a de cela 5 ans, c’est-à-dire depuis mon ordination sacerdotale. Le diocèse de Sikasso comprend 8 paroisses avec 25 prêtres diocésains, dont une seule est animée par les missionnaires d’Afrique depuis sa fondation le 14 janvier 1953. Seules deux congrégations masculines existent dans ce diocèse : les salésiens de Don Bosco avec leur centre de formation professionnelle ainsi que deux communautés missionnaires d’Afrique à savoir le Centre Sénoufo et notre communauté paroissiale. Notre présence apporte un peu de diversité dans la configuration diocésaine dans son approche pastorale.
La simplicité dans le contact : pour réellement se faire « tout à tous », l’investissement dans l’apprentissage de la langue locale m’a rendu très efficace dans la pastorale. Je peux librement prêcher, conseiller, faire des visites pastorales gratuites et loger dans leurs maisons sans chercher le confort. Toutes ces attitudes sont un grand témoignage qui évangélise nos interlocuteurs. Le fait de faire des tournées dans nos 23 villages en rotation nous permet d’entrer en contact avec la réalité vécue dans toutes les communautés. Chaque dimanche soir nous partageons nos joies et nos frustrations de la mission, tout en nous encourageant les uns les autres. C’est un moment de détente et d’enrichissement mutuel autour d’un verre fraternel. Quant au lundi soir, jour de notre repos, nous avons une messe pendant laquelle nous partageons nos expériences spirituelles en nous écoutant les uns les autres. C’est une activité qui me permet de présenter au Seigneur toute la communauté paroissiale avec ses joies et ses peines.

Je rêve d’une paroisse spécifiquement missionnaire où nous nous engageons solidement dans :
- la catéchèse pour approfondir la foi de nos fidèles chrétiens qui se laissent facilement ballotés par le train-train de la vie pourvu qu’ils aient une satisfaction. Il existe beaucoup de duplicités dans la plupart d’entre eux, c’est ce qui explique le manque d’engagement de certains… Je crois fermement que si ces derniers suivaient sérieusement la catéchèse et avaient une vie de prière, ils pourraient comprendre ce qu’est prendre sa croix. « Même la rose se trouve au milieu des épines » dit-on. Vivre sa foi dans un milieu fortement musulman sans peur ni aucun compromis devant les difficultés rencontrées.
- l’alphabétisation : la plupart de nos chrétiens sont des analphabètes, d’où il y a urgence de leur apprendre à lire et à écrire pour qu’ils soient capables de découvrir davantage les Ecritures à travers une lecture personnelle mais aussi à s’engager davantage dans les activités communautaires. Parfois, il n’y a personne qui sache lire dans certaines communautés et c’est au prêtre ou stagiaire de tout préparer ou de tout faire… Si les fidèles apprennent à lire et à écrire, ils pourront gérer leurs activités sans beaucoup de frustrations… et cela rendra tout le monde plus heureux dans la mission.
- les formations sur les activités d’auto prise en charge pour la vraie libération de la personne humaine c’est-à-dire les former et éduquer à être financièrement indépendants pour ainsi participer au fonctionnement de la paroisse. La plupart des chrétiens pensent et croient fermement que l’Eglise est là pour leur distribuer de l’argent, que l’Eglise est riche et n’attend rien d’eux. Nous travaillons d’arrache pieds pour leur donner une vraie image de l’Eglise en sachant qu’eux-mêmes en font partie, et ainsi les libérer progressivement de l’esprit de mendicité.
- les activités de sensibilisation sur Justice et Paix : nous vivons en zones d’orpailleurs. Il existe sur notre territoire beaucoup de sites miniers traditionnels et cela attire tout le monde. Le plus pénible est qu’on y trouve beaucoup de mineurs et de jeunes venus de toute la sous-région à la quête de l’argent facile. Ce qui est d’ailleurs un mythe, parce que seule une petite poignée parvient à s’en tirer positivement. A travers des soirées de sensibilisation nous voulons aider ces gens à comprendre les dangers qu’ils courent en travaillant sans aucune garantie ou protection. Mon rêve se recoupe avec celui du pape François exprimé dans son encyclique « Laudato Si » : tout le monde doit avoir le souci de garder et sauvegarder notre maison commune.

Ma plus grande observation est que j’ai été chanceux jusqu’à présent de me retrouver dans une communauté constituée de 3 confrères « semper tres », la règle d’or de notre vie communautaire avec aussi la présence de stagiaires missionnaires d’Afrique que nous aidons dans leur discernement à la suite du Christ Comme dans chaque communauté missionnaire, nous avons établi un projet communautaire qui nous aide à vivre spécifiquement notre idéal et pour nous insérer dans notre milieu de vie de première évangélisation (avec beaucoup d’influences de la religion traditionnelle et de l’islam…) comme quelqu’un aimait le dire : au Mali, il existe 85 % de musulmans, 15 % de chrétiens et 100 % d’animistes. Cela explique encore aujourd’hui la forte pression sociale de la religion traditionnelle africaine. Néanmoins, il existe une vraie tolérance religieuse dans ma région de mission et nous, leaders religieux, nous nous rencontrons souvent formellement et informellement en nous encourageant de veiller à prêcher la paix, la tolérance et le pardon. Le cœur de l’homme étant imprévisible, nous restons prudents dans notre manière de parler et de faire.
Cette pastorale m’excite beaucoup et me donne de la joie chaque fois que je rencontre une certaine réceptivité de la part de certaines personnes ; quand je pense à Jésus, saint Paul, Lavigerie et beaucoup d’autres apôtres qui ont rencontré des difficultés dans leur mission mais ont tenu mordicus grâce à la foi, à leur confiance indéfectible en Dieu et la consolation trouvée dans leur mission si petite soit-elle. Oui cette mission vaut la peine d’être vécue !
Joseph Kamwanga, M.Afr.