Devant l’autel de la crypte de la Maison générale se trouve une inscription relatant la pose de sa première pierre le 28 mai 1950. Cela vaut la peine d’être mentionné et de revenir sur son histoire. Le diaire de la Maison généralice et le Petit Echo N°9 de l’an 1952 relatent les détails de cet évènement.
Dès que le Chapitre de 1947 eut décidé du transfert de la Maison Généralice à Rome, le Père Econome Général et le Père Procureur Général s’inquiétèrent de mettre la main sur un terrain à acquérir. Il existait déjà Via Trenta Aprile un établissement nous appartenant, mais, outre qu’il avait une destination bien déterminée, héberger les Père étudiants et la Procure générale, il était incapable d’accueillir dans ses murs les multiples organismes et le personnel imposant de la Maison-Mère. De nombreuses propositions furent successivement examinées puis écartées.
Le 30 juillet 1947, on signale une maison avec ferme, ainsi qu’un jardin de 11.800 m², appartenant à la sœur de feu Cardinal Pompili. Les Pères Econome général et Procureur général se rendent sur place, accompagnés d’un ingénieur de confiance. Tous sont d’avis que cette propriété ferait bien notre affaire. Avec l’autorisation du Conseil général, le contrat d’achat est signé le jour de la St François-Xavier 1947.
Les plans sont dressés de façon très méthodique, en visant à une distribution commode des locaux, mais en écartant tout ce qui sentirait le luxe. Grâce à la direction d’ingénieurs compétents ayant sous leurs ordres ou surveillance jusqu’à 200 ouvriers, les travaux vont aller rondement. Le chantier s’ouvre le 19 avril 1950. C’est au R.P. Côté que revient d’avoir donné le premier coup de pioche symbolique. Quant à la pose et bénédiction de la pierre fondamentale, elle fut faite au cours du Pèlerinage Africain à Rome, le jour de la Pentecôte de l’Année Sainte 1950. Onze mois plus tard, la toiture est achevée. Restait à aménager l’intérieur, en commençant par la partie supérieure. Le rez-de-chaussée et les étages comprennent 85 chambres à coucher, sans compter les salles réservées à la communauté, au secrétariat, aux archives, à la bibliothèque. Le sous-sol comprend 7 chambres à coucher pour les pèlerins. Un ascenseur est mis à la disposition des confrères, mais, en fait, il n’est guère utilisé, car le personnel jouit encore de jarrets solides. Dans la chapelle, l’autel principal occupe la partie centrale. 24 autres autels sont érigés dans la crypte ou dans la galerie supérieure. Un autre oratoire privé est prévu pour le Supérieur général et deux autres à l’infirmerie et à la sacristie, en plus de celui qui est installé dans la maison, appelée aujourd’hui Piccola casa, réservée aux religieuses.
Lorsque la Maison généralice fut bien organisée, bien asséchée, quand le concours des Sœurs pour la cuisine, la buanderie, la lingerie, fut définitivement assuré, le transfert effectif de Maison-Carrée à Rome fut décidé.
D’abord le mobilier. C’est ainsi que trois containers dans lesquels sont engouffrés des meubles, des armoires, des tables, des tableaux, des caisses de documents partiront sur un cargo danois pour Naples. Un deuxième chargement composé de 240 caisses ou cantines remplies des objets personnels des « displaced persons » et des 15 000 volumes de la bibliothèque sera confié à un cargo suédois. Les trois containers chargés à Maison-Carrée entreront triomphalement le 19 août dans la propriété. Et quelques jours plus tard seront livrées les 240 caisses. Le tout sera déchargé en présence d’un agent du Ministère des Finances et enfermé dans notre garage. Après trois jours d’une surveillance attentive de la Police, et l’ouverture des containers et caisses par un inspecteur de la douane, assisté de trois militaires, le tout sera déclaré exempt de taxe d’importation, sauf un poste de radio retenu pour expertise. Le déballage des caisses et containers pourra alors enfin commencer.
Mais, à Alger, en attendant l’embarquement et l’expédition de ces deux gros chargements, les Pères en partance occupent les derniers jours qu’ils passent en Afrique à faire leurs adieux aux diverses maisons et sanctuaires auxquels les attachent des liens particuliers. Ainsi, le 17 juillet, les membres du Conseil général se rendent en pèlerinage à N.D. d’Afrique. Une cérémonie d’adieu est aussi organisée à la Maison-Mère. Des discours émouvants sont prononcés.
Et le 2 août 1952 les exodes commencent. Le Supérieur général quitte l’Algérie pour Vichy où il passera 21 jours pour une cure « nécessitée par tant de fatigues et dévouement ». Trois jours plus tard, un groupe de 7 confrères s’embarquent mais l’arrivée à Rome sera retardée par une grève des cheminots italiens. On note qu’au 15 août, une partie du personnel de Maison-Carrée est déjà venue renforcer celui de la Procure générale. Après la messe chantée, une partie de la communauté se rend à Ste-Marie Majeure. Ce jour, la propriété fut vouée au Cœur Immaculé de Marie.
Les assistants généraux s’envolent d’Alger le 23 août pour aller rencontrer le Supérieur général à Vichy le jour de sa fête. Ils arriveront à Rome le 31, mais, le télégramme annonçant leur arrivée n’ayant pas été livré, personne ne les attend à la gare. Un taxi les dépose Via Aurelia, mais ils se heurtent à une double porte à franchir. La communauté est en récréation et le frère portier, qui ne s’attend pas à recevoir quelqu’un, a rejoint la communauté. Une ombre apparaît qui, au bruit des coups répétés dans la porte d’entrée vitrée, accourt précipitamment. On devine la confusion de la communauté qui vient de faire un si pitoyable accueil à ses supérieurs.
Le lendemain, les assistants passent la journée à visiter la maison qu’ils trouvent tout-à-fait à leur goût. D’autres confrères arriveront dans les jours suivants. Et des confrères de passage en route pour l’Afrique viennent visiter la maison et restent à souper.
Le 15 septembre, tous les services fonctionnent à plein ou achèvent de s’organiser.
Au 20 septembre 1952, la communauté était composée de 39 confrères, dont 6 frères. Le Conseil général était composé de Mgr Louis Durrieu, Supérieur général, des Pères François Van Volsem, Henri Côté, Leon Volker et Joseph Gelot. Le secrétariat général était assuré par 6 confrères, en plus du secrétaire particulier du Supérieur général. Chaque assistant avait alors son secrétaire particulier.
L’inauguration de la Maison Généralice eut lieu le 20 novembre 1952. C’est le Cardinal Fumasoni-Biondi, notre Protecteur, qui a accepté de bénir notre chapelle. Il sera entouré d’une imposante assistance, évêques, ambassadeurs, supérieurs généraux, religieuses, les anciens propriétaires de notre terrain, les architectes et ingénieurs, etc. et les Pères étudiants de Trenta Aprile chargés des chants. Après la cérémonie les hôtes purent visiter les salles communes, les bureaux et monter jusqu’à la terrasse pour jouir du panorama. Et un peu avant une heure, les agapes purent commencer, le service impeccable étant assuré par les Pères étudiants et les Frères coadjuteurs. Vers 3 heures, après le café, notre maison retrouva sa tranquillité ordinaire et il fut loisible à chacun de se livrer à l’examen particulier, exercice qui, par exception, n’avait pas été fait en communauté.
Il est probable que, dans les futures éditions des Guides pour la visite de Rome, on lira, en note, à propos du Panthéon d’Agrippa : « Il existe aussi sur la voie Aurelia, depuis 1952, une autre Rotonde appelée la Rotonda dei Padri Bianchi, mais celle-ci a toujours été, dès son origine, consacrée au culte du vrai Dieu unique ».
Toujours en 1952, furent transférés dans la crypte de la nouvelle maison généralice, les reliques de nos 6 confrères assassinés au Sahara alors qu’ils étaient en route pour Tombouctou.
Il y avait à Rome une autre communauté, appelée le Collège International N.D. d’Afrique, situé Via Trenta Aprile. Au début de l’année universitaire 1952, le collège comptait 22 Pères étudiants de 7 nationalités, plus le Père Supérieur, l’économe et un Frère. La vente de la maison de Viale Trenta Aprile fut décidée en 1954 et au mois de septembre de cette année le Collège international, après 27 ans de séjour sur le Janicule, transporta ses pénates sur les pentes du Vatican. Ils avaient à leur disposition tout le troisième étage, une partie du deuxième et deux grandes salles au sous-sol. Les sœurs attachées au Collège, de la branche autrichienne des Filles du Divin Rédempteur, suivirent à la Maison généralice dont les religieuses avaient trouvé une autre situation. Elles resteront au service de la communauté jusqu’en septembre 1965. Les sœurs de l’Œuvre prendront ensuite le relais jusqu’en 2023.
La Procure générale était liée au Collège, résidant également à Via Trenta Aprile, tout en formant une communauté à part. Par le transfert de l’administration générale de la Société à Rome, la procure est devenue un des services internes de la maison généralice. Le personnel fut alors réduit au minimum : le procureur et un secrétaire laïque, le Dr Félix Rutten, âgé de 70 ans.
Notons que notre terrain subira la perte de quelques mètres carré quand, en prévision des Jeux Olympiques de 1960, la commune de Rome eut besoin de tracer une nouvelle route, se chargeant de construire à ses frais l’impressionnant mur de soutènement qui marque désormais la nouvelle limite de notre propriété sur la Via Agostino Richelmy.
Le 14 juillet 1964 est une autre date dont il est bon de se souvenir. C’est ce jour que le Cardinal Lavigerie a pris possession de ce qui sera sa dernière demeure à la Maison générale. Le Petit Echo n°551 de cette année nous en relate l’évènement. L’exhumation de la crypte de la cathédrale de Carthage où le Cardinal avait été déposé en1892 eut lieu le mardi 23 juin au petit matin. Les trois cercueils, en bois et en plomb furent ouvert et deux employés des pompes funèbres prirent respectueusement les ossements du Cardinal pour les déposer avec soin à leur place respective dans un nouveau cercueil de zinc. Les ouvriers soudèrent le couvercle du cercueil de zinc pour ensuite l’enfermer dans une bière de chêne. Un agent de police y opposa les cachets de contrôle.
Les restes de notre vénéré Fondateur furent placé dans le chœur de la Primatiale. Une messe y fut célébrée par Mgr Perrin, quatrième successeur du Cardinal au siège de Carthage. Après l’absoute, les confrères et sœurs portèrent le cercueil jusqu’au corbillard, demandant au Fondateur d’intercéder au ciel pour cette Afrique tant aimée, où il avait espéré dormir en attendant le jour de la résurrection. Cette cérémonie funèbre, en raison des circonstances, s’est déroulé dans la discrétion, mais dans une atmosphère de grande émotion et de piété filiale.
Le mercredi 24 juin 1964, le corps du Cardinal fut transporté par un paquebot italien jusqu’à Naples. A leur arrivée à la Maison généralice, le mardi 14 juillet, les restes du Cardinal furent reçus par le Père Volker, entouré des membres de la communauté et de plusieurs Sœurs Blanches. Le Supérieur général donna l’absoute à la chapelle et le cercueil fut ensuite porté en procession dans la crypte. L’inscription qui se trouvait sur la dalle de pierre qui recouvrait l’entrée du caveau à Carthage a été reproduite et recouvre aujourd’hui l’entrée du caveau où repose désormais le Cardinal.
« Aimez les Africains comme une mère aime ses fils. Aimez l’Afrique ! Aimez l’Afrique pour ses plaies sanglantes, pour ses cris de douleur. Aimez l’Afrique avec ses souvenirs, ses légendes, ses traditions de respect et de foi… Puisse ma voix continuer à se faire entendre de vous ! Elle se taira bientôt dans ce monde, mais au fond de la tombe elle vous tiendra les mêmes discours. »
Par: Georges Jacques, M.Afr.