Aujourd’hui, nous avons célébré la fête du Cardinal, en nous souvenant du jour où notre Fondateur est mort. Le Père Ian Buckmaster a fait une homélie très intéressante pendant la messe, que je lui ai demandé de reproduire ici.
Ce jour-là vers une heure du matin 1892, Charles Martial Allemand Cardinal Lavigerie, Archevêque de Carthage et d’Alger, Préfet apostolique de Ghardaia et Primat d’Afrique, est mort. Il était malade depuis quelque temps en 1892. Mais le 24 novembre, sa santé s’est soudain aggravée. Il est devenu paralysé, le lendemain, il a reçu le sacrement des malades et, comme on dit, a commencé sa dernière agonie. Parmi les personnes présentes figuraient l’Archevêque Coadjuteur d’Alger Prosper Dusserre, Mgr Livinhac, Mère Salomé, les Pères Delattre et Michel. Sa sœur à qui il était très attaché est arrivée à temps pour les funérailles avec deux neveux. Sa dernière lettre, écrite le 23 novembre, portait sur la libération des esclaves et sur leur prise en charge après leur libération. Nous recommandons le grand apôtre à la miséricorde de Dieu, et nous rendons grâce pour son grand effort missionnaire dans l’annonce de l’Evangile aux nations africaines.
En 1992, la Province d’Irlande a organisé un séminaire sur le thème du Racisme : un défi croissant pour les chrétiens, dans le contexte de la Journée missionnaire de Maynooth. Il y a eu un certain nombre de contributions assez radicales. Je voudrais cependant attirer l’attention sur le discours d’ouverture du cardinal Cahal Daly, qui était alors archevêque d’Armagh. Il connaissait les Pères Blancs parce que nous avions une maison pour la mission et l’animation vocationnelle dans son diocèse. Il avait aussi permis à quatre de ses prêtres de venir au diocèse de Chipata en 1981 et c’est là qu’il a rencontré les Pères blancs, sur le terrain, pour ainsi dire. Lorsque la province a décidé d’organiser et d’accueillir ce séminaire, il était naturel que nous pensions à lui pour prononcer le discours d’ouverture. Il m’a invité à lui donner des informations sur l’homme lui-même, ce que j’ai été heureux de faire. Quand il m’a demandé si nous allions commencer un processus de canonisation, je lui ai plus ou moins dit “pas dans votre vie”. C’était en 1992. Personne à l’époque ne considérait Lavigerie comme un grand maître spirituel jusqu’à ce que Dominique Nothomb écrive en 1998 un livre intitulé “Cardinal Lavigerie : un maître spirituel”. Voici quelques extraits du Cardinal Daly et vous pouvez voir ce qu’il pense de mes commentaires.
Je suis heureux d’avoir l’occasion de rendre hommage au cardinal Lavigerie et à son œuvre pour le Royaume de Dieu et aux Pères Blancs et aux Sœurs Blanches. Le cardinal Lavigerie est mort il y a cent ans cette année. Si ses fils et filles spirituels, les Missionnaires d’Afrique, admettent modestement qu’il n’était pas candidat à la canonisation, ni saint, je ne suis pas convaincu que les candidats à la canonisation ou à la sainteté doivent être parfaitement exempts de défauts ou même de péchés, qu’ils doivent être totalement exempts de faiblesse humaine ou de défaut psychologique. Je suggère que la liste des saints soit réduite au point de disparaître si c’était le cas. Je pense ou j’espère que la vertu héroïque exigée par le processus de canonisation n’est pas la perfection, mais plutôt la lutte contre l’imperfection. Ce n’est pas l’absence de péché, mais plutôt la repentance du péché et une lutte quotidienne pour la conversion. Et il me semble que si, de facto, Lavigerie ne peut être proposé à la canonisation, rien dans sa vie ou son caractère, ni même tous ses petits défauts, n’exclut en principe la canonisation. C’était certainement un homme de Dieu et un homme formidable, “un homme formidable” (sic), dans tous les sens du terme.
Mais je place le plan de Dieu en premier, car c’est son désir de se donner entièrement à Dieu qui l’a motivé à mobiliser ses immenses énergies et talents, à maîtriser son orgueil, son tempérament, ses sautes d’humeur, même ce qu’on a appelé son impitoyabilité et à se consacrer entièrement à la gloire de Dieu et de son royaume. Et si, comme le disait saint Irénée, la gloire de Dieu est l’homme et la femme pleinement vivants, alors Lavigerie était dans sa personne ainsi que dans son œuvre de vie une manifestation de la gloire de Dieu. Il a vécu pleinement sa vie.
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Lavigerie allait devenir un géant missionnaire. Quelque chose de son caractère se révèle dans ces mots qu’il a écrits à l’époque à ses confrères évêques de France : “Il serait sans doute plus facile de vivre à Lyon, mais il serait plus facile de mourir à Alger, même et surtout s’il y a beaucoup à souffrir, comme je le présume.”
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Lavigerie était peut-être ou non un saint, mais il a placé la sainteté devant sa famille missionnaire comme but et tâche première : le centre de leur formation et de leur vie. Il aurait été d’accord avec Jean-Paul II pour dire que le vrai missionnaire est le saint. Redemptoris Missio a déclaré : “L’élan renouvelé vers la mission ad gentes exige des missionnaires saints. Il ne suffit pas de mettre à jour les techniques pastorales, d’organiser et de coordonner les ressources ecclésiales et d’approfondir les fondements bibliques et théologiques. Ce qu’il faut, c’est encourager un nouvel ordre de sainteté parmi les missionnaires et la communauté chrétienne, en particulier ceux qui travaillent plus étroitement avec eux”.
J’ai trouvé que les Pères Blancs et les Sœurs Blanches que j’ai rencontrés en Zambie étaient des hommes et des femmes de prière. J’ai trouvé qu’ils étaient aussi des hommes et des femmes de joie. Avec les Pères Blancs et les Sœurs Blanches aujourd’hui, en cette commémoration du Cardinal Lavigerie, nous nous rassemblons dans l’espérance et la prière pour l’avènement d’un nouvel âge missionnaire. Nous le faisons symboliquement dans la chambre haute avec Marie, la Mère de Jésus, afin, selon les paroles du Pape Jean-Paul II, de prier pour l’esprit et de gagner force et courage pour accomplir le mandat missionnaire. Le travail de Lavigerie doit continuer. Le Royaume de Dieu nous a dépassés. Nous ne devons pas le laisser passer.
(Cardinal Cahal Daly, Opening address of Maynooth Seminar on Racism, in Racism: a growing challenge to Christians, edited by Chris O’Doherty M.Afr. 1992)

Bonne fête du Cardinal !