Francis Thibault 1947 – 2017 (PE n° 1085)

Francis est né à Luceville, dans le diocèse de Rimouski, le 12 juin 1947. Il fait ses études primaires à l’école Saint-Albert-le-Grand où il réussit très bien. Après sa septième année d’école primaire, son curé l’amène à Rimouski pour passer les examens d’admission au petit séminaire. Il pense déjà à devenir prêtre un jour. Francis est âgé de 13 ans, quand il devient pensionnaire au petit séminaire de Rimouski en septembre 1960. Comme il était jusqu’à présent plutôt discret et même timide, il apprend au séminaire à se mêler davantage aux autres étudiants et à s’inscrire à des activités sportives.

En 1964, il y a au petit Séminaire une exposition missionnaire organisée par les Pères Blancs. Francis est impressionné par ces sculptures et tambours africains qui y sont exposés. Il écrit un jour : « Les deux Pères Blancs qui animaient cette exposition nous parlaient, avec beaucoup d’enthousiasme, de l’Afrique et de leurs activités pastorales dans leurs pays de mission. Ils distribuaient aussi la revue ‘Mission’ que j’ai lue avec intérêt… J’ai été attiré par les Pères Blancs parce qu’ils travaillaient en Afrique. Pour moi, les Pères Blancs étaient une sorte de surhommes d’activités et de dévouement. Ils m’apparaissaient zélés, optimistes, travaillant pour la cause des plus pauvres et désireux de faire quelque chose pour changer le visage du monde. C’étaient des hommes de Dieu et je me sentais appelé à faire comme eux ».

En septembre 1968, Francis entre au noviciat des Pères Blancs. C’est alors, pour lui, une année d’entraînement à la vie communautaire, à la prière et au partage des responsabilités. Un an plus tard, il entre au scolasticat des Pères Blancs à Eastview, en Ontario. Là, il découvre la vie en communauté internationale qui lui plait beaucoup. Le 6 mai 1972, il prononce son serment missionnaire et est ordonné prêtre dans sa paroisse à Luceville, le 12 mai 1973. Le texte de la Bible qu’il choisit pour être imprimé sur l’image souvenir de son ordination est un verset d’un psaume (15) qui l’accompagnera toute sa vie : « C’est toi, Seigneur, mon partage et ma coupe. Mon destin est dans ta main. Le lot que j’ai reçu est le plus beau ».

Au cours de ses années de formation, Francis est présenté par ses formateurs comme un homme au sourire accueillant. Très estimé par tous en communauté, il est attentif aux autres et toujours prêt à rendre service. C’est un homme de prière, d’une foi et d’une piété solide. Il possède aussi un sens très grand du partage. C’est ainsi qu’il a toujours aimé faire partager l’hospitalité de sa famille aux confrères européens durant les vacances d’été.

Au mois d’août 1973, le Père Francis Thibault part pour l’Afrique. Il est nommé au Zaïre (Congo RDC), plus précisément dans la région de l’Ituri, à la paroisse de Logo, dans le diocèse de Mahagi. Il y a là 40.000 chrétiens répartis dans 35 villages. Même si les prêtres visitent chaque village trois ou quatre fois par année, il n’y a pas de temps pour des contacts personnels avec les gens. C’est pourquoi, il faut mettre l’accent sur la formation des leaders qui président la prière du dimanche.

Francis se met aussitôt à l’apprentissage de la langue locale, l’alur. Mais comme il n’existe pas d’école de langue dans ce coin de pays, il doit se débrouiller avec les notes personnelles de ses confrères et avec l’aide d’un catéchiste avec lequel il se promène chaque matin pour apprendre les rudiments de cette langue.

L’année 1975 apporte beaucoup de changements dans le pays. Des décisions politiques bouleversent la vie de l’Église. Certains changements engendrent dans le peuple chrétien un sentiment d’inquiétude et d’insécurité pour la foi : suppression des mouvements de jeunesse chrétiens, suppression des prénoms chrétiens d’origine non africaine, suppression de la presse catholique… Et pourtant la vie de l’Église continue. Les pasteurs organisent des cours de catéchisme dans chaque village et font appel à des catéchistes bénévoles.

Dans une lettre au provincial du Canada, Francis écrit : « Je n’ai accompli rien de surhumain ni d’héroïque durant ces quatre années en Afrique. Mais je m’y suis bien plu avec tous les Africains et mes confrères. J’aime bien cette vie missionnaire et je suis prêt à recommencer ».

En avril 1977, le Père Thibault revient au Canada. Après quelques mois de repos, il retourne au Congo, dans la même paroisse de Logo. En 1981, il est nommé dans une autre paroisse, la paroisse d’Aba qui se trouve au nord du diocèse, à la frontière avec le Soudan. Il doit maintenant apprendre une autre langue locale, le lingala. Les longs déplacements sur des routes en mauvais état lui causent de la fatigue, des insomnies et des maux d’estomac. Bientôt le régional lui conseille d’aller refaire ses forces au Canada où il revient en janvier 1982.

Après un repos bien mérité chez ses parents, Francis accepte de rester au Canada et d’y faire de l’animation missionnaire dans les écoles de la région de Québec. C’est un apostolat difficile pour lui, car il ne se sent pas très à l’aise dans les grandes écoles polyvalentes. En 1986, il est nommé supérieur de la maison provinciale à Montréal, tout en étant responsable de l’économat local. Une tâche délicate dont Francis s’acquitte avec habileté : il porte une attention bienveillante à chaque confrère tout en mettant l’accent sur l’accueil et la vie communautaire.

En 1989, vient le temps de retourner en Afrique. Le régional lui rappelle qu’on a besoin de lui au Congo, car il est très apprécié par les confrères qui l’ont connu là-bas. Francis est alors nommé à Ugonjo, dans le diocèse de Mahagi. Avec un autre confrère, il partage la responsabilité d’un Centre d’animation et de formation pour les agents pastoraux. On y organise des sessions pour les responsables des communautés chrétiennes, des retraites pour les prêtres et les religieuses… On travaille aussi à la traduction du Nouveau Testament dans la langue locale, l’alur.

Francis parle alors de son émerveillement pour la foi et l’espérance de tous ces Congolais qu’il rencontre chaque jour : « Ces gens sont pauvres, rencontrent beaucoup de difficultés. Ils pourraient être abattus et découragés. Mais ils tiennent bon et s’entraident. Quant à moi, ma présence parmi eux n’est peut-être qu’une goutte d’eau dans l’océan, mais je suis content d’être là, avec eux. J’essaie de vivre un jour à la fois cherchant à trouver la présence du Seigneur dans ma vie. »

En septembre 1992, Francis va à Jérusalem pour y faire la session biblique et la retraite de 30 jours. De retour à Ugonjo, il doit subir à deux reprises un événement douloureux. En effet, quatre bandits déguisés en soldats se présentent à la mission d’Ugonjo et, avec leurs fusils, menacent les trois pères présents et emportent tout ce qui les intéresse : argent, radio, outils et même la voiture des pères. Quelques mois plus tard, ces mêmes confrères revivent un autre braquage semblable, et cette fois-là, il y a un mort parmi les gardiens de la mission ! Francis est très ébranlé par ces violentes attaques. C’est pourquoi le père régional le change de poste pour le mettre en sécurité. Il est ainsi nommé à Bunia, à la maison régionale. Il quitte alors le diocèse de Mahagi pour celui de Bunia, diocèse voisin. Ses occupations sont maintenant celles de l’économat et de l’accueil des confrères. Cependant, Francis ne se sent pas bien. Les événements douloureux qu’il a vécus à Ugonjo le hantent souvent pendant la nuit et le génocide du Rwanda l’affecte beaucoup. Il n’arrive plus à se concentrer et montre des signes de fatigue. C’est pourquoi, le 15 mai 1994, on lui demande de partir en congé au Canada et d’y prendre tout le temps nécessaire pour se reposer et se faire soigner.

Après un temps de repos dans sa famille, Francis se sent en meilleure forme et accepte d’aller à Ottawa pour être le supérieur de notre maison de la rue Argyle. Sa gentillesse, son sens du service et de l’organisation, son grand respect des autres contribuent à maintenir la communauté d’Ottawa dans la joie et l’harmonie

En 1999, Francis quitte Ottawa. Il est nommé économe de la communauté de la maison provinciale de l’Acadie. Il connaît bien les rouages de la maison où il a été précédemment supérieur. Il s’acquitte sagement de cette responsabilité jusqu’en 2005, année où il part pour le Mexique le 28 juin.

Au Mexique, Francis va d’abord à Querétaro. C’est un changement assez difficile pour lui, car il doit apprendre une nouvelle langue et s’adapter à une nouvelle culture. Connaissant son talent pour l’économat, on le met vite en charge des achats pour la cuisine et des réparations de la maison. Francis est nommé ensuite à Guadalajàra où il accompagne les étudiants mexicains qui veulent vivre une expérience communautaire et se préparer à la vie missionnaire en Afrique. La formation de ces jeunes est pour lui une responsabilité nouvelle dans laquelle il n’a aucune expérience. Mais il est heureux de partager avec ces jeunes son expérience et son zèle missionnaires.

Le 23 juillet 2012, Francis revient définitivement à Montréal. Il a besoin de se reposer, de se détendre et de reprendre des forces. La moindre petite activité le fatigue beaucoup. Son médecin lui conseille de suivre une thérapie pour gérer son stress. On devine aussi un début de maladie d’Alzheimer : il mélange le présent et le passé ; il a des troubles importants de mémoire, et est de plus en plus confus… Francis est nommé dans notre maison de repos à Sherbrooke où le personnel de l’infirmerie peut le suivre et veiller à ce qu’il prenne correctement les médicaments qui lui sont prescrits.

Francis vit dans la communauté de Sherbrooke jusqu’au 15 décembre 2015 où il doit être transporté à l’Hôtel-Dieu pour une évaluation, car il y a une détérioration très nette de son état de santé. Le médecin nous dit qu’il doit être mis dans un Centre d’Hébergement de Soins de Longue Durée où il y a le personnel médical approprié pouvant mieux accompagner et soigner notre confrère. C’est ainsi que Francis est emmené au CHSLD d’Asbestos où, peu à peu, ses forces diminuent, alors qu’il est maintenant devenu incapable de reconnaître ses confrères, parents et amis qui viennent le visiter.

Il est retourné à la maison du Père le mardi 6 septembre 2017. Ses funérailles ont lieu, en présence de la dépouille, le 22 septembre suivant, dans la chapelle des missionnaires d’Afrique de Sherbrooke. Ses cendres ont été emportées et inhumées au cimetière de Luceville, sa ville natale. Que le Seigneur lui accorde la paix et la joie éternelle promise à ses fidèles serviteurs.

Michel Carbonneau, M.Afr.

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