Origines de Notre-Dame d'Afrique
La tradition à Rome veut que la communauté de la Maison Généralice célèbre la fête de Notre-Dame d’Afrique le 30 avril chez les Sœurs Blanches qui nous préparent, pour l’occasion, un bon repas de fête. Cette année, malheureusement – confinement oblige – les Pères Blancs se sont résignés à célébrer dans la chapelle de la Maison Généralice… sans les Sœurs Blanches. C’est le Père Patient Bahati, congolais de naissance mais algérien de mission, qui a présidé l’eucharistie, au cours de laquelle il nous a raconté l’histoire de Notre-Dame d’Afrique. Nous reproduisons ici son intervention, convaincus que beaucoup d’entre vous la lirons avec beaucoup d’intérêt.

L’histoire de Notre-Dame d’Afrique commence en 1846 par un acte de ferveur de deux femmes, Anne Cinquin et Agarite Berger qui travaillaient l’une à la lingerie et l’autre à l’infirmerie, au petit séminaire, à Alger. Elles avaient placé une statue de la Vierge au creux d’un arbre (églantier) pour y réciter leur rosaire. D’autres personnes s’y joignirent à elles et l’endroit finit par être le lieu où l’on vient réciter son rosaire. Voilà pourquoi, en 1853 Mgr Pavy, 2ème évêque d’Alger résolut d’y construire une grotte dans laquelle il plaça une statue de la Vierge appelée « Notre- Dame du Ravin» , appelée aussi « Étoile de la mer ».
Devenu un grand lieu de prière et de pèlerinage, Mgr Pavy décide d’y bâtir une Église, inspiré de la définition récente du dogme de l’immaculée Conception par Pie IX en 1854.
En 1855, averties que Monseigneur Pavy voulait construire un sanctuaire marial à Alger, les sœurs du sacré-cœur de Lyon, lui exprimèrent leur désir de voir la statue « Vierge Fidèle » (qu’elles avaient offerte à son prédécesseur, Monseigneur Dupuch, 1er évêque d’Alger), honorée dans ce sanctuaire.
En 1856, Monseigneur Pavy, après avoir consulté son conseil, change le nom de la statue « Vierge Fidèle » en « Notre Dame d’Afrique » : une statue en bronze qui, une fois habillée, le visage et les mains apparaissaient noires. D’où son nom de « La Vierge noire.»
En 1858 : débutent les travaux de l’Eglise. En 1866, Mgr Pavy décède et son successeur, Mgr Lavigerie continua les travaux qu’il acheva en 1872.
En effet, Mgr Pavy, avait prévu fonder à Notre-Dame d’Afrique une congrégation de prêtres chargés du pèlerinage, les Chanoines augustiniens. A sa mort, Lavigerie ne pouvait réaliser un tel projet vu qu’il avait déjà celui de fonder la Société de Missionnaires d’Afrique et la congrégation des Sœurs de Notre Dame d’Afrique. Il va alors faire appel à la communauté́ des Prémontrés de la stricte observance de Saint-Michel de Frigolet, consacrée à la prière et au ministère, le 31 janvier 1 868 pour s’occuper de la Prière dans l’église et de mener au bout les travaux de finition de l’église.
En 1873, Lavigerie confia le fonctionnement de cette nouvelle église à ses deux congrégations : Missionnaires d’Afrique et Sœurs de notre Dame d’Afrique. Notre-Dame d’Afrique devint le berceau de ces deux congrégations fondées respectivement en 1868 et en 1869.
Le 30 avril 1876, Pie IX, dans les mêmes grâces de l’Immaculée Conception, accorde à Lavigerie de couronner la statue de Notre-Dame d’Afrique, et l’église devint une basilique : la Basilique de Notre-Dame d’Afrique. Notre Dame d’Afrique rayonne donc des grâces du dogme de l’Immaculée Conception ainsi que les deux congrégations fondées par Lavigerie.
En septembre 1897, le fonctionnement de la Basilique est confié au clergé diocésain d’Alger. Notre-Dame d’Afrique, en 1930, revient à nouveau aux Pères blancs.
Dès le départ, Lavigerie, avait choisi Notre-Dame d’Afrique comme le lieu qui convient pour les cérémonies extraordinaires jugées nécessaires à l’épanouissement du sentiment religieux chez les Algériens. Ces cérémonies étaient soigneusement préparées même dans les moindres détails.
En 1930, des fidèles arrivaient non seulement de tous les coins de l’Algérie, mais aussi de France et d’ailleurs, gravissant la côte pieds nus, récitant le chapelet à haute voix. Les pèlerins cherchaient auprès de Notre-Dame d’Afrique la consolation, la protection, la guérison, faisaient un vœu ou venaient l’accomplir : des soldats s’y recueillaient avant d’entrer en campagne, pour prier «la Mère du Dieu des armées», des pêcheurs faisaient bénir leurs filets, des femmes musulmanes adressaient des invocations à Lalla Meryem. On s’y rendait pour apporter un don après une bonne récolte, pour y renouveler les promesses de baptêmes, pour faire bénir les jeunes enfants. Sur l’esplanade, des hommes prenaient le frais, d’autres offraient une bougie ou un bouquet de fleurs et emportaient de l’eau bénite, les jeunes épousées catholiques et parfois juives y déposaient leur couronne de fleurs d’oranger. Alors qu’aucun miracle n’est a priori à l’origine de la fondation du sanctuaire à cet endroit, l’histoire cependant, l’associe au lieu de la libération de plusieurs esclaves chrétiens, par l’intercession de la Vierge. [Calixte de la Providence, 1892]. Les exvotos de la Basilique Notre-Dame d’Afrique, dont la plupart, adressent un remerciement de certaines personnes à Notre-Dame d’Afrique, pour avoir vu leurs vœux se réaliser grâce à son intercession, nous disent beaucoup sur l’ampleur de cette dévotion à celle que les Algériens appellent, Madame l’Afrique ou Lalla Meryem. Cela est encore visible sur les visages des anciens qui en ont été des témoins directs. Aujourd’hui encore, bien des gens viennent pour se confier à son intercession, en allumant une bougie ou en faisant une prière silencieuse. Ce sanctuaire demeure un lieu privilégié, comme le faisait Lavigerie, pour des rencontres, des dialogues et des partages avec les musulmans.
Cette dévotion à Notre-Dame d’Afrique, tire son origine, comme toutes les dévotions mariales, dans la reconnaissance de la place de Marie dans le dessein de Dieu, depuis l’expérience de la première communauté chrétienne. Tout d’abord, la résurrection, a fait découvrir aux premiers disciples, que Jésus était vraiment Dieu, et à partir de là, ils ont constitué les récits de son enfance, et cette contemplation de l’enfant-Jésus-Dieu, éclaira la place de Marie dans la mission de Jésus : Elle est la Mère de Dieu. Et comme nous l’avons entendu, sous la croix, Jésus rappelle à Marie et à nous, qu’elle est aussi, notre mère. Elle va alors rester avec les apôtres, présence maternelle au milieu d’eux, certainement les accompagne, les encourage, les conseille lors de leur mission, comme en fait une mère à ses enfants puisque sous la croix, Jésus le lui a demandé de faire. Marie, en enfantant donc Jésus, n’a pas fini son rôle comme en ferait un personnage de théâtre, qui doit aller derrière le rideau et laisser les autres jouer leurs rôles, mais, elle continue à enfanter, à faire grandir et à conseiller ceux que Jésus lui a donnés comme fils et filles. Il était donc nécessaire qu’on lui reconnaisse la même tâche maternelle, pour les missionnaires qui devaient apporter la Bonne Nouvelle en Afrique, pour les Africains et pour tous les musulmans qui l’honoraient déjà comme Mère du Prophète. Puisqu’elle nous a été aussi offerte pour mère sous le nom de Notre Dame d’Afrique, qu’elle nous accompagne, nous Africains, nous Missionnaires d’Afrique, dans notre tâche de proclamation de la Bonne Nouvelle au monde africain. Qu’elle veille sur l’Afrique, qu’elle intercède pour tous ses enfants à travers le monde entier et surtout en ce moment où tout enfant apeuré aurait intérêt à aller chercher refuge et sécurité dans les bras de sa maman.
Patient Bahati, M.Afr.