Violence et insécurité, hier et aujourd’hui

La Foundation Panzi

«Homo homini lupus est» est un proverbe latin qui veut dire : “l’homme est un loup pour l’homme”. Si, dans le passé, les êtres humains se sont comportés comme des loups envers leurs semblables, ce comportement continue jusqu’à notre ère. La violence et l’insécurité qui se répandent à travers le monde en sont une illustration.

Qu’est-ce que la violence ?

Dans son rapport de 2002 sur la violence et la santé, l’OMS définit la violence comme « l’utilisation intentionnelle de la force physique, de menaces à l’encontre des autres ou de soi-même, contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque fortement d’entraîner un traumatisme, des dommages psychologiques, des problèmes de développement ou un décès ».

« La menace ou l’utilisation intentionnelle de la force physique ou du pouvoir contre soi-même, contre autrui ou contre un groupe ou une communauté qui entraîne ou risque fortement d’entraîner un traumatisme, un décès, des dommages psychologiques, un maldéveloppement ou des privations » (Pg. 5, Krug E, Dahlberg L, Mercy J.et al. Rapport mondial sur la violence et la santé. Genève : Organisation mondiale de la santé, 2002)

Les types de violence

Quand une personne attaque l’autre avec l’intention de nuire, on parle d’une agression. Quand elle tue l’autre, même pour des raisons légalement justifiables, on parle d’homicide.  Le brigandage, le pillage, le viol, l’abus sexuel des mineurs et des adultes vulnérables sont autant d’autres types de violence. La violence peut-être aussi psychologique, verbale et passive. La violence structurelle existe aussi. Selon Galtung, cette « violence se ‘construit’ dans une structure et se caractérise par l’inégalité dans l’exercice du pouvoir, et en conséquence conduit aux inégalités d’opportunités ». Le népotisme, un groupement politique, social, culturel ou ethnique, qui opprime ou exclue les autres fait partie de la violence structurelle.

La violence et l’insécurité

Quand la violence prévaut, elle crée la peur au point que les gens se sentent en danger ; on parle de l’insécurité. On pourrait donc déduire que l’insécurité est une conséquence de la violence. Les causes de l’insécurité sont multiples : une personne est socialement insécurisée quand son milieu de vie devient menaçant et dangereux. Par exemple Goma (en province du Nord-Kivu, R.D. Congo) est une ville insécurisée où, vers 21h, on ne voit presque plus de piétons ni de véhicules en circulation. Un ouvrier dont le travail est précaire et instable vivrait dans une situation d’insécurité. L’incertitude d’une prochaine nomination d’un confrère peut provoquer en lui une certaine insécurité. On note que la cause la plus sous-jacente dans la province précitée serait la guerre économique qui s’y vit depuis déjà plus de deux décennies.

La violence et l’insécurité affectent négativement les individus et leurs communautés. Elles provoquent des déplacements massifs des personnes, les isolent les unes des autres et créent le traumatisme, la dépression et éventuellement la mort.

Peut-on prévenir la violence ?

Il est possible de mettre en place des mesures de prévention de la violence comme la promotion des droits et des devoirs des personnes, des mesures contre la consommation nocive de l’alcool et l’usage de la drogue, surtout chez les jeunes. Réduire l’accès aux armes à feu et aux armes blanches, promouvoir l’égalité entre les sexes, éviter la convoitise, le pillage et l’extrait illicite des ressources naturelles par les systèmes mafieux et multinationaux contribueraient à créer des communautés et un monde non-violents.

Quelle place pour la non-violence et l’empathie ?

Si en ternes simples, l’empathie est la capacité de s’identifier à l’autre dans ses ressentis; et la non-violence l’abstention et l’exclusion de toute violence, ces deux concepts ont leur place dans les situations de violence et d’insécurité. Ainsi, refuser toute coopération, complicité et participation dans des actions violentes, dénoncer les propos et les actions violentes, promouvoir l’interculturalité et la paix peuvent promouvoir la non-violence. Se mettre à la place de l’autre, essayer de le comprendre sans le juger, se faire proche de lui, l’aider à exprimer ce qu’il ressent, avoir une écoute de sollicitude sont quelques comportements empathiques envers les victimes de la violence et de l’insécurité.

Quels programmes de lutte contre la violence et l’insécurité ?

Dans les sociétés déchirées par la violence et l’insécurité, on constate souvent la présence des ONG et celles des Nations-Unies qui tentent d’apporter des solutions à ces fléaux. Dans notre milieu et ailleurs, ces organisations sont parfois accusées de ‘créer’ les guerres et prétendre les terminer à travers leurs programmes. Dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu, des programmes de lutte contre les violences basées sur le genre (VBG) sont mis en place afin d’assurer une prise en charge sanitaire, morale, psychologique et l’intégration des victimes dans la société.

Les Médecins Sans Frontières, par exemple, se chargent entre autres des soins des blessés de guerre. La MONUSCO (Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation du Congo), la F.A.O, l’UNICEF, l’O.M.S, le H.C.R, le PNUD, etc. ont mis en place des programmes d’appui à la stabilisation et à la prévention des conflits, l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, l’assistance aux enfants et aux réfugiés, le développement, etc. Au niveau national, il existe aussi des projets comme le PRVBG (Projet de Prévention et de Réponse Basées sur le Genre), le parlement d’enfants pour assister les enfants victimes de la violence et des abus, et aussi juger leurs bourreaux.

Au niveau local, on peut citer la Fondation Panzi initiée par le Prix Nobel de la Paix, le Dr Denis Mukwege qui s’occupe de la santé maternelle et des mutilations génitales pratiquées sur les femmes violées. Il existe aussi des réseaux d’entraide chrétiens et des bureaux d’écoute comme la Caritas diocésaine, le centre Nyota à Bukavu, (où est engagé notre confrère, le père Bernard Ugeux), qui accueille des jeunes filles analphabètes et victimes des viols et des enfants délaissés, pour les aider à recouvrer l’estime de soi. Les patrouilles nocturnes des policiers et des militaires, l’éclairage public dans les quartiers et les avenues de la ville et ses environs sont autant de programmes de lutte contre la violence et l’insécurité.   

La paix est possible

La violence et l’insécurité sont des réalités qui demeurent avec et en nous. Elles ont été et restent encore la cause de beaucoup de maux dans la société. Elles peuvent cependant être évitées et éradiquées. La paix est possible ; une paix durable serait une solution à la violence et à l’insécurité.

Par: Jean-Paul Cirhakarhula, M.Afr.

Le Christ Jésus est ressuscité 2024

Mt 28, 1-7, Ravenne, Sant’Apollinare nuovo (493-526)

“Marie est venue au tombeau. Elle est venue au sein de la résurrection, elle est venue à la naissance de la vie, pour que le Christ naisse à nouveau à la foi du tombeau, comme il était né d’un sein de chair […] L’ange est descendu et a roulé la pierre […] non pas pour offrir un passage au Seigneur qui sortait, mais pour montrer au monde que le Seigneur était déjà ressuscité. Que l’ange descende et témoigne que le Christ est ressuscité aussi de nos âmes”. (Pierre Chrysologue). 

JOYEUSES PQUES

Violence et insécurité : un obstacle au développement, à la paix et à la prospérité

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La violence est un comportement qui blesse physiquement ou endommage quelqu’un ou quelque chose. La violence fait référence à la force utilisée pour soumettre quelqu’un contre sa volonté. La violence est une forme extrême d’agression contre une personne ou une querelle qui entraîne des blessures et la mort d’une personne. C’est un acte abominable et horrible, qui peut conduire au pire (blessure ou mort d’une personne). Gandhi, théoricien de la non-violence, a déclaré : “La violence ne doit pas être confondue avec la force ou le conflit. Il n’y a de violence que lorsque la force est en action”.

Le Mali traverse une crise profonde en raison de l’insécurité liée aux conflits qui entraînent des violences, telles les tensions intercommunautaires et intracommunautaires dans le pays. Les actes de violence contre la population civile continuent d’augmenter dans les différentes régions du Mali et les civils continuent de payer le plus lourd tribut aux conflits, à la violence et aux attaques des groupes armés qui causent d’importantes pertes en vies humaines et en biens.

Différents types de violence dans notre société actuelle

-Violence fondée sur le genre : de nombreuses formes de violence fondée sur le genre existent ; nous en faisons l’expérience dans nos communautés aujourd’hui.

-Violence physique : abus physiques tels que coups de poing, crachats, bousculades, gifles, morsures et même utilisation d’armes, etc.

-Violence sexuelle : elle revêt de nombreuses formes et peut se produire dans des circonstances très différentes. Il peut s’agir d’esclavage sexuel, de harcèlement sexuel, de traite à des fins d’exploitation sexuelle, de grossesse forcée ou de mariage forcé. 

-Violence à l’égard des femmes : celles-ci sont toujours victimes dans nos sociétés. L’excision, le mariage précoce et la violence conjugale sont des formes de violence à l’égard des femmes. Toutes ces formes de violence entraînent de nombreux problèmes de santé physique et psychologique dans la vie d’une femme. De nombreuses filles abandonnent l’école à cause de ces violences et d’autres types de violences à leur encontre. Il est important de savoir qu’existent dans notre société de multiples formes de violence auxquelles les gens sont confrontés et qu’elles ont de graves conséquences sur les individus, les familles et les communautés.

-Violence inter- et intracommunautaires : il existe une violence entre agriculteurs et éleveurs. Il s’agit d’un conflit territorial entraînant la destruction de vies et de biens dans nos communautés aujourd’hui. Il y a aussi des attaques armées contre les personnes, les villages et les infrastructures publiques, qui continuent de compromettre la protection des civils et causent de nombreuses pertes en vies humaines.

La violence sous toutes ses formes constitue un obstacle au développement durable, à la paix et à la prospérité d’un pays. Les conflits territoriaux entraînent la destruction de vies et de biens. Existe aussi la violence verbale et morale qui provoque la haine.

A Nioro du Sahel

Ici, dans notre région de Nioro du Sahel, nous connaissons la violence entre les groupes ethniques et aussi entre différentes communautés. L’islam est la religion dominante dans la région ; de nombreuses personnes suivent également les religions traditionnelles africaines. Ils peuvent aussi suivre des cultures et des traditions qui nuisent aux individus et à la société dans son ensemble. Cette violence est à l’origine de la déstabilisation du pays ; elle provoque la pauvreté et le chômage dans la société. Il semble que la société ne veuille pas, ou n’accepte pas, certaines de ces cultures, ce qui cause des dommages physiques et psychologiques aux individus et à la société dans son ensemble. Certains chefs religieux et parents semblent encore soutenir des pratiques telles que l’excision et le mariage précoce des enfants.

Ces pratiques continuent d’exister, même si elles diminuent lentement. Nous nous en rendons compte lorsque nous, en tant qu’Église, participons à différentes sessions organisées par certaines ONG et par les projets du gouvernement qui promeuvent et abordent les questions de la violence et de l’insécurité. Dans nos villes et nos villages, les violences telles que les mutilations génitales féminines et les mariages précoces causent de nombreux problèmes de santé physique et psychologique aux jeunes filles. Ces différents types de violence peuvent être à l’origine d’une déstabilisation des communautés et du pays dans son ensemble.

Cela peut entraîner une insécurité économique empêchant le pays de se développer.

Attaques par des groupes armés

Les conséquences humanitaires des attaques dans les villages, des tueries, des enlèvements, des récoltes brûlées dans les champs et des incendies de granges et de maisons, ainsi que les vols de bétail, sont nombreuses. Dans un tel climat d’insécurité, il est difficile de penser à l’économie et à la stabilité du pays. Dans la région, quelques ONG tentent, de temps à autre, de ramener la paix et de sensibiliser les communautés aux conséquences de la violence. Les violences inter- et intracommunautaires et les attaques d’hommes armés inconnus contre la population, les villages et les infrastructures publiques, continuent de compromettre la protection des civils et de causer de nombreuses pertes en vies humaines. C’est le cas dans de nombreux villages et régions du Mali ; beaucoup de personnes déplacées sont des enfants et des femmes.

Face à cette situation, les survivants de ces attaques fuient massivement leurs villages vers des lieux jugés plus sûrs. Ce déplacement forcé fait d’eux des victimes de la famine. Le gouvernement intervient en suivant la loi du pays. L’augmentation des attaques dans les villages provoque ensuite des déplacements forcés. Le nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays augmente de jour en jour en raison de l’insécurité persistante dans le pays. La situation est complexe pour mener des activités de médiation, réconcilier les différentes communautés, renforcer la cohésion sociale et favoriser le retour du personnel des services sociaux de base. Les champs, les greniers et les maisons sont incendiés par des groupes d’hommes armés. De temps à autre, des ONG apportent une aide humanitaire sous forme de céréales, de matériel agricole et d’aide morale.

La région de Nioro du Sahel est principalement un désert sec. La saison des pluies y est courte. C’est pourquoi les récoltes sont insuffisantes. Ce problème est à l’origine de l’insécurité économique de la région. Des hommes armés inconnus attaquent et volent les bus de transport. Cela empêche les gens de se déplacer d’un endroit à l’autre. Il y a des conflits territoriaux qui conduisent à la violence des paysans contre les éleveurs, violence entre groupes ethniques, etc.

La violence entraîne des pertes en vies humaines et en biens. Les mariages d’enfants et les mutilations génitales féminines constituent un problème majeur dans la région. De nombreuses jeunes filles mineures quittent l’école et mènent une vie à laquelle elles ne sont pas encore préparées. Ces conflits et cette violence provoquent une grande insécurité économique dans la région et constituent un obstacle au développement du pays.

En réalité, il est difficile pour les gens de vivre en paix tant que les choses ne fonctionnent pas. Il est évident que de nombreuses personnes ne sont pas en paix ; mais elles n’ont pas le choix. Certaines perdent des membres de leur famille à cause de la façon dont les autres les maltraitent.

Par: Gidey Mekonnin Girmay, M.Afr.

Réunion des stagiaires de la province d’Afrique australe (SAP) à Lusaka

« Pas de douleur, pas de gain », « pas de sacrifice, pas d’opportunité », « pas de discipline, pas de résultats »

Le 26 février 2024, les stagiaires de la province d’Afrique australe (SAP) se sont réunis à FENZA (Faith and Encounter Centre Zambia) à Lusaka, en Zambie, pour une réunion d’une semaine. Il s’agissait d’une rencontre de partage d’expériences de stage dans leurs différentes communautés et apostolats. Au cours de la messe d’ouverture, le célébrant principal a invité les stagiaires à réfléchir à leur rôle dans l’apostolat. Il a insisté sur le fait que le principe « pas de douleur, pas de gain », « pas de sacrifice, pas d’opportunité », « pas de discipline, pas de résultats » l’a guidé tout au long de ses années de mission. Le père Martin Onyango a dynamisé les stagiaires par son émouvant sermon.

Huit stagiaires venaient du secteur du Malawi, trois du secteur du Mozambique et douze du secteur de la Zambie. Le partage, guidé par les pères Martin Onyango et Marcellin Mubalama, a été enrichissant. La réunion a commencé par un mot de bienvenue du père Benjamin Itungabose M.Afr., délégué du secteur de Zambie. Il a encouragé les stagiaires à faire preuve de créativité et d’innovation pour répondre aux exigences de l’apostolat. Des groupes ont été formés selon les secteurs pour partager. Plus tard, l’ensemble du groupe s’est réuni pour écouter le rapport de chaque groupe.

Les stagiaires ont partagé la joie commune du zèle apostolique. Ils ont tous témoigné avoir reçu un accueil chaleureux de la part des gens dans leurs lieux d’apostolat. « Les chrétiens sont si bons ; ils nous soutiennent et nous encouragent. Malgré les difficultés linguistiques, ils nous comprennent et nous accueillent avec joie », ont-ils remarqué. Beaucoup de stagiaires ont rapporté qu’ils parcouraient des centaines de kilomètres pour atteindre les différentes succursales en traversant des rivières, des forêts, des vallées et des collines. Cela a renforcé leur zèle pour devenir des Missionnaires d’Afrique.

Les conflits dans les communautés d’accueil ont cependant fait l’objet d’une plainte générale. Les stagiaires continuent d’être victimes de communautés instables avec des conflits qui ont un impact négatif sur eux : « Nous constatons des conflits dus au fait que les confrères viennent de différents pays avec leurs propres stéréotypes et préjugés”, ont-ils déclaré. C’est pourquoi nous devrions tous en être conscients et prendre des mesures pour lutter contre ce « virus » qui ronge nos communautés », ont-ils ajouté.

Votre vocation doit être enracinée en Jésus-Christ, celui que nous servons

Le provincial de la SAP a fait part aux stagiaires de la situation financière actuelle de la Société des Missionnaires d’Afrique. Il a salué les efforts qu’ils font dans leurs différentes communautés pour contribuer à leur fonctionnement et à la réduction des coûts. Il a reconnu avec tristesse que dans presque toutes les provinces de la Société, il y a eu des scandales liés à l’argent. Le provincial et les responsables de secteur sont en train de mettre en place des moyens pour mettre fin à ces problèmes. Le provincial a conclu par des paroles d’espoir : « Nous mettons en place différents projets afin d’assurer l’autosuffisance de notre province. Nous avons actuellement des actifs qui représentent beaucoup d’argent investi, mais nous avons moins de liquidités. Nous faisons tout notre possible pour assurer la transparence et la responsabilité de ce que nous possédons en tant que province ». Il a conseillé aux stagiaires que leur détermination à poursuivre leur vocation ne dépende pas de la situation financière de la Société, mais qu’elle soit plutôt enracinée en Jésus-Christ, celui qu’ils servent.

Les stagiaires ont fait une sortie : ils ont visité la nouvelle maison provinciale à IBEX. Le jour de clôture, un forum ouvert a été organisé, au cours duquel ils ont fait des suggestions pour améliorer la période d’expérience apostolique. Ils ont, par exemple, proposé que les membres des communautés d’accueil envisagent de se présenter une fois que le stagiaire a été accueilli. Ils ont également demandé aux responsables de province et de secteur de rédiger des lettres de nomination et de clarifier les canaux de communication avec les stagiaires pendant leur année spirituelle.

Ils ont terminé cette réunion en remerciant le provincial d’avoir permis la tenue de cette réunion : « Malgré tous les défis financiers auxquels la Société est confrontée, vous avez étendu votre solidarité à un niveau supérieur et vous nous avez permis de nous rencontrer. Une réunion comme celle-ci fait d’une pierre plusieurs coups. Elle renforce nos liens, nous permet d’apprendre les uns des autres et donne du moral à notre vocation de missionnaires », a déclaré leur représentant. Et d’ajouter : « Nous vous remercions infiniment et vous souhaitons à tous la bénédiction de Dieu ».

Par: Justus Wednesday, Stagiaire

Séance de travail sur les religions traditionnelles africaines : la voie à suivre

Fifth day of the Working Session on African Traditional Religions at Kungoni Centre, Malawi

De gauche à droite: Mathew W. Banseh (Centre for Social Concern (CfSC)), Bernhard Udelhoven (Lumimba parish) Zambia, Ignatius Anipu (Institut de Formation Islamo-Chrétienne (IFIC)) Mali, Philip Meraba (Faith and Encounter Centre, Zambia (FENZA)) Zambia, Anselme K.A. Tarpaga (Assistant général) Rome, Prosper Harelimana, Rome, Brendan O’Shea (Kungoni Centre of Culture and Art, Malawi), Malawi, Bruno Ssennyondo (Centre de Recherche pour la Sauvegarde et la promotion de la Culture Senoufo (CRSPCS)) Mali

Les Missionnaires d’Afrique ont conclu leur session de travail sur les religions traditionnelles africaines (RTA) à Kungoni, au Malawi ce vendredi 22 mars 2024. Ce fut une semaine de partage d’expériences, d’idées, connaissances et de perspectives pour l’avenir. Une question se pose. Quelle est la prochaine étape ? Une réflexion intense sur les RTA a conduit à cinq axes d’intervention : (1) l’animation des confrères, (2) la formation initiale, (3) la création d’une synergie entre les centres et les paroisses, (4) la recherche et les publications, et (5) la visibilité et la communication.

Le premier domaine d’intérêt ciblera les points suivants : sessions et ateliers, constitution d’un répertoire de questions préoccupantes grâce à la technologie moderne, et création de groupes centraux (commissions) pour enrichir les activités pastorales conformément aux RTA. Le deuxième domaine encouragera les candidats en formation à faire des recherches et à étudier intentionnellement les questions contemporaines relatives aux RTA. Il nourrira également les talents des candidats, encouragera l’enseignement de la philosophie et de la théologie africaines. Il a l’intention d’introduire des sessions sur les RTA dans notre système de formation, de revoir le Vade-mecum de Stage sur les RTA pour aider les stagiaires à approfondir des sujets spécifiques. Le troisième domaine permettra de s’assurer que la technologie moderne est bien utilisée pour stocker et partager des matériaux sur les RTA. Il s’abonnera à Jstor, Ebscom et à d’autres sites académiques pour une recherche de qualité. Il doit s’appuyer sur l’expertise nécessaire à la mise en valeur de nos centres. En outre, il visera à améliorer la collaboration entre les centres tels que Kungoni, FENZA, IFIC, etc., et les paroisses. Il renforcera le professionnalisme dans nos centres, éclairera les jeunes générations dans le domaine des RTA et autonomisera le personnel grâce à des programmes de renforcement des capacités. Les quatrième et cinquième domaines promouvront les publications académiques sur les questions relatives aux RTA, créant une plate-forme où les publications des Missionnaires d’Afrique sur les RTA peuvent être facilement accessibles. Il veillera à ce que les sites Web de nos différents centres soient reliés au site Web principal de la Société. Il encouragera le partage des événements sur les RTA qui se déroulent dans nos différentes zones de mission.

Les activités mentionnées ci-dessus impliquent de la créativité, du dévouement et du travail d’équipe. Ils appellent également à un suivi et à une évaluation rigoureux. Regarder en arrière pour évaluer nos performances et nos activités reste un exercice fondamental à réaliser en permanence. Il sera réalisé par nous-mêmes et, si nécessaire, avec l’intervention d’experts. Tout est fait pour accomplir, respecter et promouvoir ce que notre fondateur, le cardinal Charles Lavigerie, nous a exhortés à faire. Il nous a fortement conseillé de chérir la langue, la culture et la tradition des gens. 

Par: Prosper Harelimana, M.Afr.

Transmettre des compétences pour mieux comprendre les Religions Traditionnelles Africaines

Qua­trième journée de la session de travail sur les religions traditionnelles africaines au Centre Kungoni, Malawi

Comprendre les religions traditionnelles africaines (RTA) implique la volonté d’être avec les gens. Il exige également un travail académique rigoureux, avec des méthodes scientifiques reconnues.  Les méthodes de recherche et la technologie moderne sont des outils nécessaires pour explorer et mieux comprendre les RTA. Quels types de compétences ?

Notre discussion d’aujourd’hui a porté sur la manière d’utiliser les compétences pratiques, les méthodes de recherche et la technologie moderne. Nous avons besoin de ces compétences pour découvrir, comprendre et faire connaître le patrimoine culturel ancré dans les RTA. Les compétences pratiques se concentrent sur les actions (humaines) des personnes, c’est-à-dire leur comportement et les actions qui affectent ou sont affectées par de grands moments de la vie, telles que les pratiques au moment de la naissance et de la mort, l’observation des expressions religieuses et culturelles dans les moments heureux ou tristes, etc. Les méthodes de recherche étudient les modèles de pensée et de compréhension du bien et du mal en Afrique, la cosmologie, l’herméneutique, la théodicée, ce que signifie être une « personne humaine » (concept « Ubuntu »), etc. Des méthodes rigoureuses mettent en évidence des lacunes en matière de recherche, c’est-à-dire ce qui n’a pas été découvert, résolu ou exploré, dans le domaine des RTA. La technologie moderne aide à créer un répertoire du patrimoine culturel africain. Il y a tellement de matériaux sur les RTA qui doivent être bien conservés selon les normes modernes. La technologie est un outil pour préserver ce que nous avons déjà. Il est également utilisé pour découvrir ce que nous ne savons pas encore.

Les premiers missionnaires avaient des compétences impressionnantes. Ils nous ont laissé un héritage. Nous avons beaucoup appris d’eux. Il est temps de transmettre progressivement aux jeunes générations ce que nous avons reçu et ce que nous savons sur les RTA. « Le bonheur n’est pas parfait tant qu’il n’est pas partagé. » Partageons ce que nous avons, ce que nous savons et ce que nous chérissons du patrimoine africain. Ceux qui sont nés à notre époque ont soif d’identité et d’authenticité. Sommes-nous prêts à les aider à découvrir qui ils sont vraiment ?

Par: Prosper Harelimana, M.Afr.

Vers un plan stratégique consolidé pour la rencontre et le dialogue avec les Religions Traditionnelles Africaines (RTA)

Troisième journée de la session de travail sur les religions traditionnelles africaines au Centre Kungoni, Malawi

Les Religions Traditionnelles Africaines (RTA) incarnent les valeurs spirituelles, sociales et morales nécessaires pour vivre une vie meilleure et digne, tant au niveau individuel que sociétal. Les Missionnaires d’Afrique en sont conscients. Ils y voient une grande opportunité d’enrichir leur action pastorale. Comment accéder aux valeurs des gens ? Cette courte réflexion se propose d’apporter quelques éléments de réponse.

Tout d’abord, nous devons apprendre la langue locale. La discussion d’aujourd’hui nous a fait comprendre que l’apprentissage de la langue et de la culture des gens est une porte d’entrée vers le domaine de leurs croyances et de leurs valeurs. Grâce aux interactions quotidiennes, on a accès à ce que les gens apprécient et respectent le plus. Par exemple, l’interaction avec les jeunes révèle leurs aspirations et leurs idéaux pour l’avenir. De cette façon, on découvre ce qui les motive et les interpelle. S’il le faut, on peut trouver avec eux des réponses à leurs préoccupations, spirituelles, mentales et psychologiques.

Deuxièmement, en tant que missionnaires, nous devons aller vers les gens et passer du temps avec eux. Être avec et pour les gens est une autre avenue à chérir. Un missionnaire en apprend davantage sur les gens lorsqu’il est solidaire avec eux dans leurs joies et leurs luttes quotidiennes. Il y a des événements qui aident à découvrir et à comprendre les valeurs traditionnelles et culturelles des gens. Par exemple, assister à des événements importants tels que les mariages, les cérémonies de baptême, les fêtes des récoltes, les funérailles, les cérémonies de réconciliation, etc., restent des moyens clés pour découvrir, comprendre, apprécier et respecter les traditions et les coutumes des gens. De tels événements ouvrent un enrichissement mutuel entre l’Évangile et les traditions des peuples.

Enfin et surtout, nous devons nous laisser former par les gens et leur mode de vie. Parfois, nous nous inquiétons de ce qu’il faut offrir et enseigner aux gens. Laissons-nous former par les cultures des peuples ? Prenons-nous le temps d’être fascinés par leurs chants, leurs danses, leurs poèmes, leurs artefacts, leurs mythes, leur vision du monde, leur compréhension de l’origine de la vie et de l’au-delà ?

Pour vivre efficacement cette proximité avec les gens, nous avons besoin d’un plan stratégique. Il clarifiera les manifestations contemporaines des RTA qui appellent notre attention. Il indiquera aussi ce que nous pouvons réellement faire en tant que confrères dans nos paroisses, nos maisons de formation, nos centres culturels et sociaux. Il a l’intention d’ouvrir une fenêtre pour des recherches et des publications rigoureuses qui nous enrichiront, nous et les personnes que nous sommes appelés à servir. 

Par: Prosper Harelimana, M.Afr.

Trouver une Compréhension Commune des Religions Traditionnelles Africaines

Deuxième journée de la session de travail sur les religions traditionnelles africaines au Centre Kungoni, Malawi

Après avoir découvert en profondeur les croyances culturelles des tribus Chewa, Ngoni et Yao, aujourd’hui, notre discussion a porté sur notre compréhension des Religions Traditionnelles Africaines (RTA). Le Dr Rodian Munyenyembe de l’Université de Mzuzu s’est concentré sur «la compréhension et l’engagement dans les configurations contemporaines des Religions Traditionnelles Africaines». Ignatius Anipu, M.Afr. a parlé de «l’engagement des Missionnaires d’Afrique avec les Religions Traditionnelles Africaines ».  

Le Dr Munyenyembe a mis l’accent sur quelques pistes pour un dialogue fructueux telles que «la sensibilité culturelle, la patience et la persévérance, la clarification des idées fausses, la contextualisation de l’Évangile, l’éducation et l’apprentissage, et le fait d’être des bâtisseurs de ponts». Dans sa présentation, Anipu a mis l’accent sur certains domaines cruciaux ou prioritaires pour un dialogue constructif avec les RTA. Il a fait valoir que l’apprentissage de la langue et de la culture locales de la population, la pratique d’un dialogue diversifié avec les RTA, la promotion de la vie humaine, la promotion de la réconciliation et de la consolidation de la paix, etc., sont des conditions préalables à une véritable rencontre avec les RTA.

Les confrères ont eu le temps de poser des questions, de faire des commentaires et d’offrir leurs idées raisonnées en lien avec les sujets présentés. Il a été remarqué que la Société des Missionnaires d’Afrique a contribué et a encore beaucoup à offrir dans le domaine de la rencontre avec les RTA. Cependant, il existe encore des lacunes conceptuelles et missionnaires : ne pas avoir une nomenclature unifiée des RTA, négliger les croyances traditionnelles et les valeurs culturelles, détacher la rencontre et le dialogue avec les RTA de la pastorale paroissiale ordinaire, ne pas prêter attention aux réalités du «monde invisible» qui affectent la vie quotidienne des personnes, etc. Associer les RTA à ce qui est mauvais, mystérieux ou dangereux pour la vie chrétienne est un autre défi qui attire l’attention. 

Dans les prochains jours, les participants tenteront de trouver des solutions durables aux problèmes déjà identifiés. À la fin de la semaine, une feuille de route aura été élaborée pour améliorer l’efficacité et l’efficience missionnaires en matière de rencontre et de dialogue avec les RTA.

Par: Prosper Harelimana, M.Afr.

Les Missionnaires d’Afrique ouvrent une session de travail sur les religions traditionnelles africaines au Centre Kungoni, Malawi

Lundi 18 mars 2024, les Missionnaires d’Afrique ont ouvert une session de travail d’une semaine sur les religions traditionnelles africaines (RTA) au Centre Kungoni, au Malawi. Des confrères de Rome, du Mali, de Zambie et du Malawi sont réunis pour travailler et partager leurs expériences. Dans son allocution d’ouverture, Anselme Tarpaga, Assistant Supérieur général chargé de la Rencontre et du Dialogue (RD), a souhaité la bienvenue aux participants et les a remerciés d’avoir épargné leur temps pour la session. Il leur a rappelé que l’objectif de la session est de réexaminer les recommandations du 29e Chapitre général sur les RTA. Il s’agit également d’un suivi des suggestions qui ont été faites lors de la réunion en ligne du 17 juin 2023 sur la RD.

C’est l’occasion de créer une synergie entre le Centre de la culture et de l’art de Kungoni, au Malawi ; Centre Sénoufo de Sikasso, Mali ; Institut de Formation Islamo-Chrétienne (IFIC), Bamako, Mali ; Foi et Rencontre Zambie (FENZA) ; et Centre pour les préoccupations sociales (CfSC), Lilongwe, Malawi. Les confrères investis d’une connaissance et d’une compréhension considérables des RTA et d’autres experts partagent des idées sur la manière de promouvoir l’interaction entre la foi chrétienne et les RTA. Tout est fait pour promouvoir une culture du dialogue, de la cohésion sociale et de la coexistence pacifique.

Il convient de noter que le Centre de culture et d’art de Kungoni fait partie de la mission Mua, fondée par les Missionnaires d’Afrique en 1902. Claude Boucher Chisale, M.Afr., a fondé le centre dans les années 1970. Il abrite un grand patrimoine culturel des tribus Chewa, Ngoni et Yao. Des gens de tous horizons visitent le centre pour en apprendre davantage sur la culture, la langue et d’autres événements importants de l’histoire du Malawi. On s’attend à ce que la session apporte de nouvelles idées qui améliorent l’interaction entre l’Évangile, l’identité des personnes, leur richesse et les valeurs traditionnelles qui sont parfois négligées. 

Par: Prosper Harelimana, M.Afr.

Avez-vous rejeté le Sud-Soudan en bloc? Votre âme même se révolte-t-elle contre elle?

Sud-Soudanais déplacés par la guerre (2013). Crédit image: https://www.flickr.com/photos/eu_echo/

Lorsqu’en 2021, ma nomination au Sud-Soudan a été connue, j’ai reçu quelques messages allant de souhaits de prière inspirants à des commentaires éprouvants sur le Sud-Soudan. Quelqu’un a écrit : “Il y a tellement de violence dans ce pays ; j’aimerais que tu n’aies pas à y aller”. Un autre a demandé avec regret : “Pourquoi êtes-vous toujours nommés dans des pays déchirés par la guerre? Vous quittez le Mali, un pays troublé, pour aller dans un pays pire encore. Vous passez de la poêle à frire au feu”. Un ami musulman a raillé : “Ce pays ne devrait pas exister ; pourquoi y aller ?”. Plus sérieusement, un autre a dit : “Les gens de ce pays ne sont pas bons, ils te tueront”.

En réfléchissant à ces commentaires, j’ai décidé de faire tout ce qui était en mon pouvoir pour éviter d’entendre d’autres réflexions de ce genre, de peur que les pires choses ne soient dites pour m’effrayer. J’étais déterminé à sauvegarder ma paix intérieure et à me libérer des griffes de l’anxiété. Heureusement, dans une mesure appréciable, j’ai réussi à ne pas me laisser perturber par les avertissements effrayants que ces commentaires signalaient, car les petits échos de violence qu’ils contenaient m’échappaient. Cependant, au fil des jours, plus je me renseignais sur le Sud-Soudan en vue de mon éventuel voyage, plus les commentaires s’imposaient comme une évidence. Dans la plupart des documents que j’ai lus, la violence, la guerre, les conflits, l’insécurité, la pauvreté et la souffrance étaient les sujets récurrents. En approfondissant mes recherches, j’ai découvert que le Sud-Soudan, bien qu’étant le pays le plus jeune du monde, était, selon le classement de l’indice mondial de la paix, “le pays le plus dangereux d’Afrique et le quatrième endroit le moins sûr du monde”.

Lorsque je suis finalement arrivé au Sud-Soudan, la réalité sur le terrain était plus éloquente que la somme de tout ce que j’avais appris jusqu’alors. La vague de violence et ses terribles conséquences sont criantes. Le récit des témoins oculaires et des victimes survivantes fait état de la peur, du chagrin, du désespoir, de l’incertitude et d’une grande souffrance. Lors de ma première rencontre avec Mgr Stephen Nyodho Ador, l’évêque du diocèse de Malakal auquel nous appartenons, il a déploré le poids des destructions subies par le Sud-Soudan à la suite des terribles violences qui l’ont frappé entre 2013 et 2016. En se référant spécifiquement à sa ville natale et au siège de son épiscopat, il a déclaré que “Malakal est en ruines”.

Comme le prophète Jérémie

Ce n’était pas exagéré ! En effet, la violence et la guerre ont laissé les villes de Malakal, Renk, Wedakona et d’autres encore, dans une terrible désolation. Si l’on se rendait dans ces villes en 2013 ou 2014, les scènes horribles auraient pu nous amener à nous lamenter comme le prophète Jérémie : “Si je vais à la campagne, je vois des gens tués par l’épée ; si je vais à la ville, je vois des gens torturés par la faim ; même les prophètes et les prêtres errent dans le pays, à bout de forces. Tu as rejeté Juda ? Ton âme se révolte-t-elle contre Sion ? Pourquoi nous as-tu frappés sans espoir de guérison ? Nous espérions la paix, mais rien de bon ne s’est produit ! Pour le moment de la guérison, rien d’autre que la terreur !” (14, 18-19).

Cette plainte du prophète peut sembler exagérée. Néanmoins, elle donne une image mentale vivante du niveau de violence et des conséquences horribles dont le Sud-Soudan a souffert peu après son indépendance en 2011. La joie de l’indépendance et de la liberté a été de courte durée. Les gens espéraient la paix et la prospérité, mais en quelque sorte, “rien de bon n’en est sorti”. Ils espéraient un moment de guérison, mais la terreur a frappé à la place ! On ne peut que s’interroger : “Seigneur, as-tu rejeté le Sud-Soudan ? Ton âme même déteste-t-elle son existence ?”

Un jeune homme d’Akobo, l’une de nos étapes, a raconté que quelque part à la périphérie de la ville, gisaient de nombreux crânes que lui et un prêtre avaient découverts au cours d’une promenade. Il m’a proposé de l’accompagner pour voir, mais j’ai décliné son invitation, de peur que les paroles du prophète ne s’accomplissent à mon oreille : “Si je vais dans la campagne, c’est là que gisent ceux qui ont été tués par l’épée”. Né de luttes courageuses et de grandes souffrances, le Sud-Soudan n’a pas encore atteint son sabbat ni trouvé son véritable repos. Comme Ramah, il pleure sans consolations, parce que la violence a usurpé la paix de ses enfants et les a plongés dans une insécurité perpétuelle.

Qu’est la violence au Sud-Soudan ?

La violence est un concept aux multiples facettes et, en tant que tel, aucune définition unique ne peut être absolue. Dans le contexte du Sud-Soudan, j’ai tendance à penser que toute définition connue de la violence est applicable. L’Organisation mondiale de la Santé définit la violence comme « l’utilisation intentionnelle de la force physique, de menaces à l’encontre des autres ou de soi-même, contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque fortement d’entraîner un traumatisme, des dommages psychologiques, des problèmes de développement ou un décès ». Je trouve que cette définition est la plus appropriée, car chaque élément qu’elle contient s’applique à toute forme de violence prise au hasard au Sud-Soudan. J’observe cependant que cette définition n’est pas encore comprise par une majorité de personnes qui confondent la violence avec la bravoure, ou plutôt qui interprètent à tort la violence comme un acte de bravoure justifié.

Dans certaines cultures, par exemple, le passage à l’âge adulte justifie les razzias de bétail, d’enfants ou de femmes, car cet acte confirme que le jeune est suffisamment “courageux et responsable” pour prendre sa place dans la société. Il va sans dire que la violence n’est pas perçue comme quelque chose d’intrinsèquement négatif. En fait, ce que la plupart des cultures considèrent comme de la violence n’est pas encore compris de cette manière par d’autres cultures.

Les différentes facettes de la violence et leurs causes sous-jacentes

Il existe autant de types de violence que de causes sous-jacentes. Il existe une lutte pour la domination ethnique/tribale et économique entre les groupes ethniques. Cette lutte est motivée par leur désir caché d’accéder au pouvoir politique et à la gouvernance. De là naît la violence politique, tribale/ethnique. L’indépendance, l’identité culturelle, la liberté religieuse, entre autres, étaient les objectifs primordiaux de tous les Sud-Soudanais bien intentionnés avant l’indépendance. Après l’indépendance, il semble y avoir eu un changement progressif de vision, d’idéaux et de valeurs. L’esprit de nationalisme et de patriotisme semble céder la place aux intérêts ethniques. Il semble désormais important de savoir qui dirige et qui est dirigé, d’où les luttes incessantes pour le pouvoir politique. Il existe également d’autres formes de violence communautaire et ethnique qui ne sont pas directement motivées par un désir de pouvoir politique ultime. Cette violence éclate entre les communautés principalement sur la base d’intérêts territoriaux, agricoles et autres intérêts socioculturels. Les tribus se livrent constamment à des raids meurtriers réciproques pour s’emparer du bétail, des enfants et des femmes. Le prix élevé de la fiancée, l’infertilité perçue dans certaines tribus et l’insuffisance des pâturages pour le bétail sont considérés comme des causes sous-jacentes de cette catégorie de violence. Le niveau d’insécurité créé par ce type de violence augmente malheureusement à un rythme alarmant. La plaque tournante de ce type de violence est l’État de Jonglei, qui est le territoire ecclésial des Missionnaires d’Afrique de la paroisse Saint-Paul. 

À l’heure où j’écris ces lignes, je suis informé de source sûre que plus de vingt personnes ont été tuées lors d’un violent affrontement entre deux tribus à Duk, l’une de nos antennes. À la violence communautaire s’ajoute la violence subtile et systématique des meurtres par vengeance, dont la cause est, selon moi, le dysfonctionnement de la culture et de la religion. Il y a aussi la violence domestique ou sexiste, dont les victimes sont principalement des femmes et des enfants. La violence interpersonnelle est également un phénomène courant, car les individus, le plus souvent dépassés par les effets d’autres formes de violence, subissent des attaques, des abus, des menaces, ou évacuent simplement leur colère les uns sur les autres. En tant que berger, je suis blessé par mes brebis blessées à cet égard. Pourtant, je dois rester leur berger.   

La violence collective persistante (guerre) de ces dernières années a entraîné une forte prolifération des armes au Sud-Soudan, ouvrant la voie à la poursuite du cycle de la violence. En raison de l’accès facile aux armes, les groupes armés se multiplient et exercent une violence sporadique sur la population. 

Les effets de la violence

Les effets de la violence sont multiples. La violence a laissé de nombreux Sud-Soudanais traumatisés, émotionnellement engourdis et agressifs. Le saccage des villages et des villes a retardé et continue d’entraver le développement des infrastructures du pays. Le diocèse de Malakal, par exemple, a perdu plus de 30 voitures et d’autres biens ecclésiastiques de valeur au cours des violences de 2013. Les effets désastreux de la faim et de la famine, dus à la baisse de la productivité économique sont étroitement liés à cette situation. Chaque fois que la violence éclate, elle gèle les activités économiques, ce qui entraîne une pauvreté persistante. Sur le plan social, la violence a aliéné certains groupes, tribus et individus. Il est inutile de préciser que les pertes massives de vies humaines et les déplacements de population provoqués par la violence ont également entraîné une recrudescence des familles dysfonctionnelles, une situation qui entrave le bon développement des enfants. La violence a privé de nombreuses familles de leur figure paternelle, car trop souvent les hommes périssent au cours des affrontements. Il faut également souligner que la violence affecte négativement la foi et la morale des gens, car certains, à la suite d’expériences amères, perdent espoir en Dieu et en l’humanité. Pour certains, il est facile d’ôter la vie à un être humain. Cela montre la profondeur de l’irreligiosité et de la décadence morale que la violence peut provoquer.

Que fait-on pour réduire la violence et guérir les victimes ?

Au niveau national et international, des efforts sont déployés pour lutter contre la violence au Sud-Soudan. Jusqu’à présent, l’accord revitalisé d’Addis-Abeba de 2018 sur la résolution du conflit dans la République du Sud-Soudan a donné quelques résultats positifs, même s’il reste encore beaucoup à faire. Une paix fragile règne dans tout le pays. La visite œcuménique de paix du pape François et de ses pasteurs alliés au Soud-Sudan a contribué de manière significative à la guérison nationale, à la construction de la paix et à la restauration de l’espoir dans le pays.

Existent également de nombreux programmes de soutien gérés par de nombreuses organisations et institutions non gouvernementales locales et internationales, dont certaines visent à réduire la violence par la consolidation de la paix, l’éducation, les soins de santé et d’autres activités similaires. Elles proposent également divers systèmes de soutien humanitaire axés sur l’hébergement, l’alimentation, l’accompagnement, la guérison et la réhabilitation des victimes de la violence.

L’Église du Sud-Soudan est également en première ligne pour aider les victimes de la violence. Le diocèse de Malakal, par exemple, rend un immense service à des milliers de victimes fuyant la violence du Soudan voisin en leur offrant un transport gratuit pour rejoindre Malakal depuis la ville frontalière de Renk. En tant que nouvelle communauté des Missionnaires d’Afrique, notre humble devoir apostolique est de soutenir les efforts de l’Église locale en apportant notre “tout à tous”. Dans cet océan de violence, nous nous présentons consciemment comme des “témoins du Royaume”, car nous savons que celui à qui appartient le Royaume est au milieu de son peuple. Nous rompons le pain chaque jour en priant pour le peuple. Concrètement, alors que nous sommes encore en train de trouver nos repères en tant que communauté nouvelle, nous cherchons d’abord à nous lier d’amitié avec les gens. Cela nous permettra de gagner leur confiance et, à partir de là, de vivre ensemble comme des frères et sœurs. Pour l’instant, en raison du manque de ressources à notre disposition, nous nous contentons de faciliter l’organisation de cours sur la guérison des traumatismes, la promotion de la justice et de la paix, l’autonomisation des femmes, etc.

Parmi nos nombreux projets pastoraux, le réveil de la foi et l’éducation à la transformation sont prioritaires. Nous sommes convaincus, sans l’ombre d’un doute, que seule une bonne éducation associée à une foi ferme peut briser la chaîne vicieuse de la violence et apporter le développement, car les gens périssent par manque de connaissances ; ils sont à la traîne par manque d’état d’esprit positif. Nous sommes certains que le Seigneur n’a pas totalement rejeté le Sud-Soudan, et vous non plus !

Par: Cletus Atindaana, M.Afr.