60ème anniversaire de la canonisation des martyrs ougandais

Namungongo 2019

Canonisation «Soyez saints comme votre Père céleste est saint» (1 P 1,15-17)

Cette année, nous célébrons le 60ème anniversaire de la canonisation des martyrs ougandais. Ils ont été canonisés par le pape Paul VI le 18 octobre 1964 à Saint-Pierre, à Rome. Nous remercions et louons le Seigneur pour le don de nos martyrs et les nombreux fruits que nous avons reçus et continuons de recevoir de l’histoire de leur vie, de leur martyre et de leur canonisation, en particulier des fruits spirituels et moraux.

L’Église catholique en Ouganda, dirigée par le diocèse de Nebbi, célébrera cet anniversaire le 3 juin 2024, sous le thème : « Moi et ma famille, nous servirons le Seigneur » (Josué 24, 15). Certains diocèses et provinces ecclésiastiques ont pris des dispositions pour célébrer cet anniversaire. Un exemple : la province ecclésiastique de Kampala (Masaka, Kiyinda-Mityana, Kasana-Luweero, Lugazi et Kampala) le célébrera le 15 novembre 2024 à Munyonyo. L’archidiocèse lui-même a organisé une pérégrination des reliques de Charles Lwanga et de Matia Mulumba dans toutes les paroisses de l’archidiocèse, sous le thème : « Nous, les baptisés, cheminons ensemble dans la communion, la participation et la mission, sur les traces des martyrs ougandais ».

Les saints de l’Église nous rappellent notre vocation commune en tant qu’êtres humains créés à l’image de Dieu (Gn 1, 27) et en tant que baptisés : « Soyez saints comme notre Père céleste est saint » (Lévitique 11, 44 ; 1 Pierre 1, 15-17). La visibilité de cette sainteté est dans les œuvres de miséricorde : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6, 36).

La canonisation des martyrs ougandais nous rappelle l’universalité (catholicité) de l’Église et de la sainteté. Elle nous rappelle que la « sainteté » n’est pas le monopole d’une race, d’une tribu ou d’une nationalité. Elle confirme l’enseignement de saint Pierre selon lequel : « Dieu ne fait pas de favoritisme, mais quiconque, de quelque nationalité qu’il soit, qui craint Dieu et fait ce qui est juste, lui est agréable » (Actes 10, 34-35 ; Romains 2, 11).

La journée du 18 octobre doit donc être célébrée chaque année comme un jour d’espoir pour que nous puissions nous aussi être saints comme notre Père céleste est saint. Les martyrs ougandais sont un signe de cette espérance.

Le chemin des martyrs vers la canonisation

Les martyrs ougandais ont été béatifiés en 1920, 34 ans après l’holocauste de Namugongo. Il a fallu attendre 44 ans pour qu’ils soient canonisés en 1964. Ces 44 années entre leur béatification et leur canonisation ont été une grande épreuve pour la foi des croyants, mais surtout pour ceux qui avaient été chargés de promouvoir la dévotion des martyrs et de prier pour des miracles par leur intercession.

Puis, tout d’un coup, Dieu a fait venir le pape Jean XXIII ! Il fut pape du 28 octobre 1958 au 3 juin 1963. C’est grâce à lui que le dossier des martyrs béatifiés, qui avait été mis de côté pendant près de quarante ans, a été rouvert en 1958 et que, dans les six ans, les martyrs ont été canonisés par son successeur, le pape Paul VI, le premier pape à visiter l’Afrique au sud du Sahara. Cette visite a eu lieu en Ouganda du 31 juillet au 2 août 1969.

Le moment de la canonisation des martyrs ougandais a été choisi par Dieu. C’était pendant le Concile Vatican II. C’était aussi l’époque où de nombreux pays africains devenaient indépendants. L’Ouganda lui-même a obtenu son indépendance en 1962. Dans l’homélie qu’il a prononcée lors de la canonisation, le pape Paul VI a déclaré : « L’Afrique est renée libre : L’Afrique est née à nouveau libre ». Ce message faisait écho à l’esprit de Vatican II, considéré comme l’occasion d’une renaissance de l’Église, « l’ouverture des fenêtres de l’Église pour laisser entrer de l’air frais ».

Alors que nous célébrons le jubilé de diamant de la canonisation de ces martyrs, nous devons nous demander dans quelle mesure le continent africain a connu une véritable renaissance au cours de ces soixante dernières années. Comment les martyrs ougandais/africains ont-ils été une source d’inspiration et un défi pour les  chrétiens, hommes et femmes, dans la promotion de cette liberté dont rêvait le pape Paul VI ? Sachant que ce rêve est loin d’être une réalité dans de nombreuses régions d’Afrique, comment pouvons-nous profiter de ce 60ème anniversaire de leur canonisation pour rêver à nouveau, avec le défunt pape Paul VI, aujourd’hui devenu saint, d’une véritable renaissance et d’une liberté de l’Afrique ?

L’Ouganda : Perle de l’Afrique et terre des martyrs

Les Ougandais sont souvent fiers de qualifier leur patrie de « Perle de l’Afrique », un titre qui lui a été attribué par Winston Churchill (1874-1965 ; ancien premier ministre du Royaume-Uni) lors de sa visite en Afrique en 1907. Ceux qui ont beaucoup voyagé et visité d’autres pays africains seront d’accord avec Churchill sur la beauté de notre pays. Le défi que les Ougandais doivent relever aujourd’hui est d’embellir leur pays. Malheureusement, il semble que nous fassions le contraire sur de nombreux fronts !

En 1963, l’année précédant la canonisation des martyrs ougandais, Sœur Marie André du Sacré Cœur (SMNDA) a écrit un livre intitulé : « Ouganda, terre de martyrs ». Un autre attribut précieux donné à notre mère patrie, l’Ouganda !

L’Ouganda, « la perle de l’Afrique », attire chaque année des milliers de touristes et le tourisme est l’une des principales sources de notre revenu national. Cependant, il ne fait aucun doute que l’Ouganda est surtout connu du monde extérieur grâce à ses martyrs noirs ! Trois papes sont venus dans ce pays, non pas en tant que touristes, mais en tant que pèlerins au pays des martyrs noirs ou des martyrs africains, comme ils les appelaient également.

Chacun de ces trois papes a « embrassé le sol de notre patrie pour y planter un baiser spécial de paix », en raison du sang des martyrs qui l’a arrosé ! Aujourd’hui, il n’y a pas de fête ou d’événement dans ce pays qui rassemble une foule aussi grande et aussi internationale que celle de la Journée des Martyrs, le 3 juin !

Méditant sur l’Ouganda, « Perle de l’Afrique et Terre des Martyrs », le pape François a dit ceci :

« L’Ouganda a été arrosé par le sang des martyrs, des témoins. Aujourd’hui, il est nécessaire de continuer à l’arroser pour de nouveaux défis, de nouveaux témoignages, de nouvelles missions. Sinon, vous allez perdre la grande richesse que vous avez. Et la « Perle de l’Afrique » finira par être exposée dans un musée. » (Lubaga, 28 novembre 2015)

Ce constat du Saint-Père est pour nous une véritable matière à réflexion et à prière !

La Guilde des martyrs de l’Ouganda

La Guilde des Martyrs de l’Ouganda (Association), fondée par l’évêque Henry Streicher, M. Afr., a été officiellement reconnue par Rome en 1930. C’est l’une des rares associations d’action catholique née sur le sol de l’Ouganda. Son objectif était de poursuivre la mission d’évangélisation des martyrs ougandais, en visant notamment à renforcer la vie familiale catholique et à réhabiliter la morale et les valeurs sociales.

Malheureusement, cette guilde est restée en sommeil pendant de nombreuses années et est inconnue de nombreux catholiques ougandais d’aujourd’hui ! Nous constatons ependant avec joie que ces dernières années, certains responsables d’Église et fidèles laïcs ont souhaité faire revivre cette association comme l’un des moyens d’impliquer les chrétiens dans la « nouvelle évangélisation ». Nous sommes encore plus interpellés et encouragés par les Chevaliers de saint Matia Mulumba au Nigeria, association très vivante et active qui tire son inspiration de son saint patron.

Chaque année, autour du 3 juin, un « GRAND INCENDIE SPIRITUEL » des martyrs ougandais brûle dans notre pays et à l’extérieur. Pendant cette période, les télévisions, les radios, les journaux, les homélies, etc. nous rappellent bruyamment l’histoire des martyrs ougandais. Mais qu’advient-il de ce grand feu après le 3 juin ? N’est-il pas triste de constater que ce feu s’éteint immédiatement après le 3 juin ?

En Luganda, nous avons un proverbe qui dit : « Oguliko omuseesa, teguzikira » (Le feu qui a un tisonnier [agitateur] ne s’éteint pas). Une partie de la mission de la Guilde des martyrs ougandais ressuscitée consisterait à veiller à ce que ce feu allumé autour du 3 juin reste allumé jusqu’au 3 juin suivant. Ses membres seraient les « pokers » (abaseesa) de ce grand feu annuel du 3 juin. La renaissance de cette guilde/association dans tous nos diocèses serait non seulement un souvenir très significatif de ce 60ème anniversaire de la canonisation des martyrs ougandais, mais aussi un cadeau précieux offert à ceux que nous appelons fièrement nos ancêtres dans la foi.

La canonisation : une source de joie, d’inspiration et de défi

Le message clé des réflexions faites par les différents Missionnaires d’Afrique sur les martyrs ougandais, leur martyre, leur béatification et leur canonisation, est bien exprimé dans ce proverbe Luganda qui dit : « Ne gw’ozaala akukubira eηηoma n’ozina » (Même votre enfant peut battre le tambour pour vous pendant que vous dansez). La canonisation des martyrs ougandais est pour nous, et pour l’Église en Afrique, une source de joie et d’inspiration, mais aussi un défi.

Le père Siméon Lourdel Mapeera, qui a bien connu ces martyrs, en a baptisé la moitié et les a bénis alors qu’ils quittaient Munyonyo pour Namugongo, a écrit ces mots lorsqu’il a reçu la dépouille de Charles Lwanga, cinq mois après l’holocauste :

« Nous prions pour que ces précieuses reliques de l’un des premiers martyrs ougandais nous inspirent et nous insufflent un nouveau courage et un nouvel enthousiasme pour travailler à la conversion de ces gens et nous rappellent que Dieu, s’il le veut, peut faire naître des enfants pour Abraham à partir de pierres (Mt. 3, 9) » (Nalukolongo – 4 novembre 1886).

Notre fondateur, le cardinal Lavigerie, avant même que la cause de leur béatification ne soit présentée à Rome, invitait nos prédécesseurs à « admirer et imiter leur courage ». À l’occasion de leur béatification en 1920, le supérieur général, Mgr Léon Livinhac, également père fondateur de l’Église catholique en Ouganda, écrivait : « La béatification des martyrs de l’Ouganda annoncera un renouveau spirituel notable dans la vie surnaturelle de notre Société ; le commencement, pour ainsi dire, d’une nouvelle ère de piété, de zèle, de générosité et de régularité, remarquable, par conséquent, par de saints travaux qui donneront une grande gloire à Dieu et lui apporteront des milliers d’âmes ». 

Puis, à l’occasion de leur canonisation en 1964, le Supérieur général, le père Leo Volker, écrivait : « Peu d’événements ont été chargés d’une telle signification pour la Société et toutes les Missions africaines… » Dans la même lettre, il reprenait mot pour mot la citation de Mgr Livinhac citée plus haut. Parlant de la joie que cette canonisation allait apporter aux missionnaires et à l’Église en Afrique, il a écrit :

« Néanmoins, cette joie abondera surtout dans l’Église africaine, et en particulier dans l’Église de l’Ouganda. C’est à juste titre que nous, les Pères Blancs, y aurons notre part, étant en toute humilité légitimement fiers que la divine Providence ait choisi d’utiliser notre Société pour faire naître dans la Foi les âmes de ces Martyrs. Notre joie nous apportera un courage renouvelé et une confiance accrue dans l’avenir de l’Eglise africaine. Si les chrétiens de la première génération, moins de sept ans après l’arrivée des premiers missionnaires, ont pu, avec la grâce de Dieu, verser leur sang pour la foi chrétienne, qui doutera des merveilles que la même grâce peut opérer aujourd’hui dans les âmes de leurs frères ?

Ces réflexions de nos prédécesseurs nous invitent, avec l’Église d’Afrique, à faire des martyrs la source de notre joie et de notre inspiration, mais aussi à voir en eux le défi d’être plus courageux et plus zélés dans notre travail missionnaire. À la veille de la canonisation, le père Leo Volker a fait remarquer que : « en toute humilité, il est légitime d’être fier que la divine Providence ait choisi d’utiliser notre Société pour faire naître dans la foi les âmes de ces martyrs ». Qu’est-ce que cette remarque implique aujourd’hui pour notre Société et notre Mission ?

Les Missionnaires d’Afrique en Ouganda ont le privilège d’être les gardiens de deux sites clés liés aux martyrs ougandais : Nabulagala où la majorité des martyrs ont commencé leur catéchisme et où quatre d’entre eux ont été baptisés : Joseph Mukasa Balikuddembe, Andrew Kaggwa, Mathias Mulumba et Luka Baanabakintu ; c’est aussi le lieu de repos de leurs pères spirituels, les missionnaires pionniers en Ouganda. Et Namugongo où le chef des « Abasomi » (chrétiens), Charles Lwanga, a été martyrisé et qui est aussi devenu le signe et le symbole par excellence de tous les martyrs ougandais. Dans l’Église, les privilèges s’accompagnent d’un fardeau de service et de responsabilité. Quel service et quelle responsabilité spécifiques ce privilège confère-t-il à notre Société en général et aux confrères qui y sont nommés ?

Par: Richard Nnyombi, M.Afr.

Namungongo 2019

Heureux les artisans de paix

JDPMC of Osogbo meets politicians for dialogue on women participation in politics

L’éducation ou la culture de la paix est une manière de mettre en pratique, jour après jour, des valeurs, des attitudes et des comportements aidant la société à se débarrasser de tout mode de vie qui conduit à la violence, au conflit, à la guerre, au tribalisme, au racisme.

Centres de justice, développement et paix

Au Nigeria, pour faciliter l’éducation et la culture de la paix, chaque diocèse a pris l’initiative de créer son centre de justice, développement et paix. C’est ainsi que le diocèse d’Osogbo, au sud-ouest du Nigeria, a aussi son centre de justice, développement et paix (Justice, Development and Peace Markers Centre, JDPMC).  Ce centre a pour mission de promouvoir la justice, le développement durable et la paix pour participer à la transformation du monde. Le coordinateur en est l’un des prêtres diocésains, assisté d’un autre prêtre, de 18 membres de staff, de cinq personnes chargées de l’administrations, de trois assistants et de quatre chauffeurs. Selon le rapport annuel 2023 du coordinateur, le centre ne s’est pas focalisé sur les seules élections inclusives et crédibles, la défense des droits des faibles, l’aide aux personnes vulnérables, la campagne contre la violence faite aux personnes vulnérables comme les handicapés, la promotion et le rôle de la femme à la gouvernance de l’État d’Osun, la promotion de la cohabitation pacifique, la promotion au développement rural et à la sécurité alimentaire, la campagne à l’enrôlement massif avant les élections 2023 et l’organisation de sessions sur place et dans les différentes communautés dans l’État d’Osun pour assumer la cohabitation pacifique et la sécurité.

Mais cette commission de justice, développement et paix a beaucoup œuvré pour la justice et les droits de l’homme. Par exemple, elle a reçu 43 plaintes de violence dont 70 % concernant la violence fondée sur le sexe ; elle est intervenue pour 17 prisonniers dans différents tribunaux ; 10 cas de criminels ont été conclus, 3 personnes ont été libérées de la prison ; elle est aussi intervenue pour la libération de véhicules et d’autres effets confisqués par la police ; elle a donné des conseils à des personnes dans différents coins du diocèse et de l’État d’Osun ; 7 cas d’abus d’enfants ont été poursuivis en justice ; des enfants arrêtés par la police nationale ont été libérés ; finalement, elle a établi des commission de justice, développement et paix dans différentes paroisses. 

Paix et développement sont inséparables

L’inséparabilité de développement de la paix ne s’explique-t-elle pas dans les citations de  Paul VI à l’ONU, à l’occasion du 20e anniversaire de l’organisation des Nations-Unies : « Plus jamais la guerre ! La paix nécessaire, condition inéluctable de l’humain, telle est la réalité supérieure qui émerge. ». Le pape a défini la paix comme le « reflet du dessein de Dieu pour le progrès de la société humaine sur la terre » (cf. Lucien Guissard, Vers la nouvelle histoire, La Croix du 6 octobre 1965).

Personne ne peut donc ignorer et réfuter que la paix et le développement intégral sont strictement inséparables. La paix est la clé du progrès ; il n’y a pas d’économie prospère sans la paix. L’éducation, le commerce, l’agriculture, la construction des infrastructures, comme éléments de développement, ne peuvent se faire que quand et où il y a la paix.

Attitudes pour la résolution pacifique des conflits

Jusqu’à quand enfin, ne cesserons-nous pas de réitérer le psaume : Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent (Psaume 85,11). Sans la vérité sur la racine des conflits, l’amour, la justice, il ne serait que question de « tourner autour du pot. » Pour la résolution des conflits, la médiation ou le dialogue doivent donc se baser sur les bienfaits de l’amour, de la justice et de la paix en vue de progresser dans la vie. À Ejigbo par exemple, pour résoudre les conflits entre individus, familles et groupes, nous les mettons ensemble afin de dialoguer pour qu’ils voient eux-mêmes les conséquences de la violence ; en même temps, nous les aidons à arriver au consensus dans l’amour et la vérité. Mais avant tout, nous les invitons à la simplicité, au respect, à l’amour, à la vérité, au pardon, à l’entraide mutuelle, au refus de la corruption, de la violence et de la manipulation de la jeunesse et à l’impartialité de la part des agents pastoraux.

Participation des Missionnaires d’Afrique à la paix

Dans notre secteur du Nigeria, je ne peux passer sous silence la contribution des Missionnaires d’Afrique à l’éducation et à la culture de la paix. Etant donné que la paix est liée au droit de tous les êtres humains et qu’elle les ramène à une vie digne, notre secteur participe à l’éducation de la paix en pratiquant le charisme de la Société ; nous conseillons fortement à nos communautés d’établir une commission de JPIC-ED dans nos paroisses, en collaboration avec celle du diocèse. Ainsi dans nos paroisses, nous avons toujours formé des groupes de justice, développement et paix dont les membres se rencontrent une fois par mois et remetent le rapport au conseil de la paroisse.  

L’évangile, outil principal pour promouvoir la paix dans le monde

La paix est au cœur de la foi chrétienne. L’évangile est le plus grand outil pour la promouvoir. Nous ne pouvons pas parler de Jésus sans parler de paix car le « Christ est notre paix » (Éphésiens 2,14) ; « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu » (Matthieu 5,9). C’est un appel et un défi que Jésus a lancé à tous les chrétiens. Jésus nous envoie comme ses disciples avec l’instruction que « dans toute maison où vous entrez, dites d’abord : ‘Paix à cette maison’ » (Luc 10,5). La première parole de Jésus ressuscité aux apôtres n’est que la « paix » (Luc 24,36 ; Jean 20,21). En Jean 14,27 Jésus affirme : « ce n’est pas à la manière du monde que je vous donne la paix » car elle éliminer le mal et la violence de ce monde jusqu’à la racine.

L’eucharistie, autre outil pour la culture de la paix

La paix de Jésus – non celle du monde – est toujours partagée lors de la messe. La célébration eucharistique est une éducation à la culture de la paix. Elle invite les participants à la paix dès le début : « La paix soit avec vous » et les renvoie à la fin dans la paix : « Allez, dans la paix du Christ ». Avant l’invitation à se saluer, le célébrant principal prie toujours ainsi : « Seigneur Jésus-Christ, tu as dit à tes Apôtres : ‘je vous laisse la paix ; je vous donne ma paix’…» ; « Que la paix du Seigneur soit toujours avec vous» ; « dans la charité du Christ donnez-vous la paix ».  Ainsi, la célébration eucharistique est une occasion pour inculquer la paix.

Par: Pierre Chanel Ulama, M.Afr.

L’éducation à la culture de la paix à travers des valeurs et mécanismes endogènes

Kôrêdugaw au Centre Sénoufo

Avec la multiplicité de ce que l’on propose aujourd’hui comme étant des valeurs de notre société, il n’est plus chose aisée de définir l’éducation. Avec la tendance actuelle de tout relativiser, sur quoi doit-on se baser pour déterminer l’éducation appropriée, ou encore pour distinguer le bien du mal ? Dans cet article, nous référant aux valeurs et pratiques du peuple sénoufo d’hier, nous proposons des valeurs et mécanismes endogènes comme possible voie d’inculquer la culture de la paix.

Les Sénoufo d’hier

Hier, au Mali comme ailleurs dans plusieurs communautés d’Afrique noire, l’éducation d’un enfant avait pour objectif de faire du jeune enfant un membre entier de la communauté, connaissant ses droits et devoirs envers la société. Cette période d’éducation s’appelle « l’initiation ». Pour le peuple sénoufo, l’initiation permet de transmettre à l’enfant des valeurs nécessaires pour son intégration dans son milieu de vie. On lui apprend l’histoire de son village, l’art de vivre, l’art de gouverner, la pharmacopée, la fabrication des instruments ou outils de travail et l’apprentissage des exercices servant à développer l’endurance. Autrement dit, l’initiation est pour le peuple sénoufo un contrat social établi entre la société et l’individu. C’est une sorte d’université où un membre de la société recevait l’illumination qui le transformait de son animalité (état présocial) à l’état d’homme (nature humaine).

De même, dans le but d’assurer la perpétuité et l’harmonie sociale de la communauté, chaque adulte a le devoir de participer à la formation intégrale de l’enfant. Ainsi, l’enfant sénoufo d’hier appartenait à toute la société et son éducation était une œuvre communautaire. Selon Holas Bohumil[1], l’initiation chez les Sénoufo consistait en la formation technique et philosophique des citoyens pour qu’ils soient dignes d’un ordre social fondé sur certaines valeurs. Pour Roland Colin[2], ce genre d’éducation était le système unificateur le plus complet assurant l’ordre social entre les générations, entre les sexes, entre les humains et les génies. Bref, on recherchait une formation holistique : l’éducation de « tout Homme et de tout l’Homme ». L’ultime but recherché par l’éducation d’hier était avant tout d’assurer l’harmonie, voire la paix, dans la communauté et entre les communautés.

Pour y parvenir, la société d’hier possédait des valeurs et mécanismes communs qui lui permettaient de distinguer le bien du mal et de construire une société apaisée. A titre d’exemple, chez les Sénoufo, le Grand Calao (Zhigban / Zhigbannawo en langue sénoufo) est l’oiseau symbole d’une éducation accomplie. Par sa vertu rituelle, le grand calao symbolise la fécondité, la sagesse et la sécurité. Par sa forme, chacun de ses membres constitue un creuset d’enseignements appropriés aux jeunes initiés :

-Sa grosse tête est symbole d’une « bonne mémoire » : le jeune initié doit savoir retenir les enseignements.

-Son bec fermé et posé sur le ventre symbolise la maîtrise de sa langue : le jeune initié doit savoir maitriser sa langue, être discret et faire surtout attention à ne pas dévoiler ce que l’on apprend dans le bois sacré.

-Ses ailes écartées montrent que le calao s’apprête à voler : c’est un conseil au jeune initié d’être toujours prompt au travail ; une manière de lui dire : ‘ne mendies pas, mais nourris-toi, toi-même !’

-Ses pattes droites sont des symboles de la droiture et l’honnêteté que l’initié doit s’approprier: il ne doit ni mentir ni voler ou encore commettre l’adultère.

Aujourd’hui

Le constat est amer. Force est de constater que nombre de jeunes d’aujourd’hui sont sans repères ! Ils sont en rupture avec leurs racines culturelles et valeurs sociétales. C’est l’origine de nombreux conflits qui fragilisent notre société actuelle. Ignorant les codes d’éthique, de citoyenneté et de patriotisme, les jeunes sont souvent victimes de manipulations idéologique et financière, facilement enrôlés dans le banditisme, la délinquance et des scènes d’extrémismes.

De nos jours, on assiste impuissamment au manque de valeurs et de mécanismes d’enseignements majestueux à l’image de ceux attribués au grand calao. Nous remarquons cependant que la situation de guerre et de conflits intercommunautaires au Mali a éveillé la conscience de plusieurs leaders religieux, politiques et coutumiers. Plus particulièrement, la société malienne devient de plus en plus consciente du fait que l’éducation efficace et le développement durable et respectueux de toute société humaine passent d’abord par l’apprivoisement de sa propre culture.

L’Église au Mali en général et la Société des Missionnaires d’Afrique en particulier ne sont pas restés en marge. Elles contribuent et participent à l’éveil des consciences et d’une culture de la paix et à la cohésion sociale, tout en ayant pour souci permanent la valorisation des mécanismes endogènes de nos cultures, notamment à travers le ministère de l’inculturation. Pour preuve, dans les plans stratégiques pastoraux de presque tous les diocèses du Mali, un accent particulier est mis sur la reconstruction de l’ordre social à partir des valeurs de nos propres cultures. C’est à la fois un appel à redécouvrir les valeurs de nos pratiques culturelles et un appel à des réponses éclairées par les valeurs évangéliques.

La société malienne regorge d’une richesse culturelle et des mécanismes endogènes inestimables qui peuvent être de véritables vecteurs de la consolidation de la paix et de la coexistence pacifique. Dans plusieurs communautés maliennes, par exemple, se trouvent des mécanismes endogènes comme le sinankunya (relation à plaisanterie), le maaya (l’humanisme), le jatigiya (l’hospitalité), le koreduganya (confrérie traditionnelle chargée de prévention et de gestion des conflits). Ce sont, entre autres, des voies et moyens, malheureusement déchirés par la violence qui ronge le Mali depuis plus de dix ans. L’Église est plus que jamais appelée à redécouvrir ces valeurs et mécanismes endogènes afin de proposer des pistes d’évangélisation plus accessibles à ses contemporains, notamment à la crème de notre société, qu’est la jeunesse.

Le Centre Culturel Sénoufo à Sikasso (CRSPCS), le Centre d’étude de langue (CEL) à Faladjé – Kolokani, l’Institut de Formation Islamo-chrétienne (IFIC) et le Centre Foi et Rencontre (CFR) à Bamako, fruits des initiatives des Missionnaires d’Afrique, sont parmi les plate-formes d’apprentissage et d’approfondissement de ces valeurs sociétales de la coexistence pacifique. L’existence de ces structures est non seulement un témoignage palpable de la volonté de l’Église de reconstruire l’ordre social bafoué par la violence, mais aussi de donner à la société malienne l’occasion d’approfondir sa connaissance de l’autre dans sa différence.

[1] Holas Bohumil, Les Senoufo (y compris les minianka), l’Harmatan, Paris, 1957

[2] Colin Roland, Kénédougou, visage du monde des Sénoufo du Nord au tournant de l’histoire. In : Sénoufo du Mali, Paris, Revue Noire Éditions, 2006, pp.80-87.

Par: Bruno Ssennyondo, M.Afr.

Centre Senofo et IFIC avec la Communauté musulmane à Sikasso
Calao

Un webinaire hybride sur les Martyrs Ougandais et l’impact de leur Canonisation sur la mission de l’Eglise en Afrique

Père Francis Bomansaan évêque du Diocèse de Wa, Ghana

Communiqué officiel

Comme officiellement annoncé ce midi, le Saint Père
a nommé notre confrère le Père
Francis BOMANSAAN évêque du Diocèse de Wa, au Ghana.
Au nom du Supérieur général, actuellement en réunion à Assise, du Conseil
général et de tous les confrères, nos sincères félicitations à Francis et
l’assurance de notre prière et de notre soutien fraternel
dans son nouveau service de l’Église.

Rome, 22 mai 2024

P. André-Léon SIMONART,
Secrétaire général.

La jalousie, un obstacle majeur sur le chemin de la paix

Le premier meurtre qu’a connu notre humanité fut causée par la jalousie. Caïn tue son frère. Le terme « péché » apparaît ici pour la toute première fois dans la Bible ! C’est significatif ! Le « péché originel » n’est pas celui d’Adam et Ève. Le premier péché s’est vécu entre humains. Le premier péché, c’est de laisser libre cours à la violence, née de la jalousie, de la non-acceptation de la différence.

Le méchant d’un bande dessinée lue durant mon enfance n’arrêtait pas de maugréer : « Je veux être vizir à la place du vizir ! » Et d’imaginer toute une série de méthodes pour y arriver. Moins dramatique cette réflexion d’un confrère : « Il m’a fallu attendre 27 ans de vie missionnaire avant d’être nommé curé, alors que lui… » Oui, et alors ? « Pourquoi lui est-il appelé aux études et pas moi ? » Notre imagination très prolifique nous entraîne trop souvent à notre insu sur la mauvaise piste. Nous n’avons pas toujours les bons éléments pour juger une décision prise par les responsables… ou par Dieu !  

Caïn et Abel, deux frères, mais bien différents. Au moment d’offrir à Dieu les prémices de leurs produits, les premiers fruits de leur travail, survient le drame : Dieu agrée l’offrande d’Abel mais rejette celle de Caïn. Dieu n’a pas rejeté Caïn, mais seulement l’offrande qu’il a faite. Caïn fait l’expérience de l’inégalité et réagit de manière forte : née de sa jalousie, la colère bouillonne en lui.

Dieu dit à Caïn de se reprendre. Mais Caïn est jaloux d’Abel, sans chercher à comprendre ; il ne demande pas à Dieu qu’il s’explique de son choix, mais il voit que son frère reçoit quelque chose que, lui, n’a pas. C’est à ce moment-là que naît la jalousie : désirer ce que l’autre possède, des biens, de la reconnaissance, du succès, des talents, en concevoir de la peine, et nourrir une envie et même de la haine à son égard, une haine qui peut conduire à de la violence. Selon l’auteur de la Genèse, cette violence naît du fait que l’homme ne supporte pas la différence, ce qu’il considère comme une inégalité, une injustice, dont Dieu même serait responsable.

Dans un enseignement en 2017, le pape François souligne que les inimitiés entre nous commencent par de bien petites choses, puis cela grandit et nous voyons la vie uniquement de cette perspective. Au point qu’ensuite, notre vie tourne autour de cela, et cela détruit le lien de fraternité. Ce qui est arrivé à Caïn peut nous arriver à tous, dit-il. C’est pourquoi il s’agit d’un processus qui doit être arrêté immédiatement. « Dans nos presbyteria aussi, dit-il, dans nos collèges épiscopaux, combien de fissures commencent ainsi ! ». Et dans notre Société ?

A la source de la jalousie

Le jaloux éprouve tout partage comme une inégalité et surtout comme une profonde frustration. Il ne désire rien, mais veut tout, surtout ce qui a été donné aux autres. Il ne désire pas spécialement recevoir, mais posséder. Il ne croit pas au don qui lui est fait, parce que l’autre est toujours en travers de sa joie.

Le jaloux refuse la vie qui lui est donnée. Il veut celle qui est donnée à l’autre. Comme il ne peut reconnaître cela, il se considère comme “rejeté”. Il ne reconnaît pas qu’il refuse la vie. Il justifie son refus par un rejet de l’autre et de lui-même par l’autre. Pour le jaloux, c’est la loi du “tout ou rien” qui joue. Si l’autre est vivant, c’est que je suis exclu de la vie. C’est “ou lui ou moi”.

La culture de la paix passe par une bonne connaissance de ce mal qu’est la jalousie

Nos rapports humains sont marqués par la jalousie. Nous sommes tous saisis par ce sentiment, même si c’est à des niveaux différents. La première chose à faire est donc de reconnaître la jalousie pour mieux la gérer. Nous ne pouvons rien contre la jalousie qui naît dans nos cœurs, ce « désir mimétique » (ce désir d’être comme l’autre, niant d’une certaine façon nos différences), qui nous vient hélas malgré nous. Nous pouvons cependant toujours « relever la tête » comme Dieu le propose à Caïn, c’est à dire prendre du recul sur ce que nous possédons et ce que possèdent les autres, comme biens, comme qualités, comme talents, comme histoire.

Permettez-moi ici de vous partager mon expérience personnelle. C’est au Chatelard, au cours d’une session sur la jalousie, que j’ai reconnu en moi une jalousie mortifère qui m’a fait revoir certaines attitudes de mon passé. J’ai compris l’origine de certaines tristesses, influencées par une grande imagination. J’ai peu à peu réussi à percevoir le moment où le mal avait tendance à prendre le dessus en moi : « Attention, Georges, tu sors de la réalité. Tu es dans l’imaginaire et tu deviens jaloux ! » Pour y échapper, j’ai aussi volontairement cherché à favoriser celui dont j’étais jaloux : « Vade retro, Satanas ! »

Le monde nous force à comparer et, bien souvent, pris par une imagination destructrice, à sortir de la réalité. Il me faut revenir à la réalité de l’humanité de l’autre que je jalouse. C’est un homme avec des dons, mais aussi avec des faiblesses. Et pour que l’autre ne m’empêche pas de vivre, je suis aussi appelé à découvrir mes propres richesses, découvrir ce qui me fait vivre.

Beaucoup de conflits entre états, frères ou confrères naissent d’une jalousie non gérée entraînée par une imagination destructrice. Pour sortir de cette impasse, il faut quitter le rapport imaginaire du « ou lui ou moi » pour intégrer le « lui et moi ». La sortie de la jalousie c’est l’altérité. C’est “et lui et moi”. Tu as le droit d’être heureux. J’ai le droit d’être heureux. Dans l’appréciation positive de nos différences.

Par: Georges Jacques, M.Afr.

Nourrir les rêves de lendemains meilleurs

Si pour certaines personnes la paix pourrait ne pas être un sujet préoccupant, tant les réalités de leur espace de vie semblent ne pas frustrer leur désir de bien-être, fort est de souligner qu’elle est un trésor difficilement trouvable pour bien des hommes et femmes, en l’occurrence ceux du Soudan du Sud, qui sont meurtris par des conflits fratricides et désastreux depuis des décennies. Ainsi, on ne saurait vivre, dans un tel environnent, sans se poser la question existentielle de l’éducation à la culture de la paix.

Cet état des lieux de la société sud-soudanaise laisse voir que l’éducation à la paix et la culture de la paix s’imposent à la société humaine en général, mais en particulier au Soudan du Sud  dans la mesure où on ne peut vivre épanoui sans la paix. En effet, éducation à la paix laisse sous-entendre un appel pressant à la responsabilité familiale, voire parentale. Il est donc question dans ce cas de figure, de faire de la recherche d’un environnement sain et épanouissant, non pas une option, mais une priorité. Dans cette optique, dans la cellule familiale et dès leur tendre enfance, toutes les valeurs humaines seront, avec un grand sens de responsabilité, imprimées dans la conscience des enfants qui, dit-on, sont des adultes en miniature. Ainsi, y aura-t-il de fortes chances que les enfants grandissent avec ce qui aurait été imprimé en eux comme valeurs: les valeurs humaines, les valeurs intellectuelles, les valeurs professionnelles et les valeurs spirituelles. Il apparaît ainsi que toutes les composantes de la société doivent être impliquées et prises en compte dans cette entreprise essentielle de l’éducation à la paix.

Il faut de plus comprendre que le bien être de toute société humaine se fonde et se perpétue grâce à la bonne conduite de ses filles et fils, eux-mêmes tributaires de l’éducation reçue. Cette éducation à la paix doit nécessairement être cultivée afin de se pérenniser dans l’espace et dans le temps. Cela suppose aussi la création et la promotion d’institutions fortes et humanisantes. Ce besoin est encore une urgence dans les pays désarticulés par les conflits armés comme le Soudan du Sud.

Le Soudan du Sud

Le Soudan du Sud, bien que jeune en tant qu’État indépendant, connaît une profonde déchirure sociale qui, dès sa naissance même, a mis à mal son unité sociale et nationale. Pendant longtemps marginalisé au plan de l’éducation, clé de l’épanouissement et du développement,  par les autorités du Soudan avant son indépendance, il demeure triste de voir que l’éducation scolaire est un luxe pour ce peuple. Ce manque d’éducation scolaire, dans un pays traumatisé par la guerre, constitue, à notre avis, une brèche vers l’accentuation de la violence. Ce manque favorise le narcissisme ethnique et l’esprit de vengeance. Malheureusement, loin d’œuvrer à l’éradication de la violence dans toutes ses formes, on assiste plutôt, impuissants, à une sorte d’amplification des conflits.

Pour ce qui nous concerne directement, il faut souligner que le diocèse de Malakal, en l’occurrence la région administrative de Jonglei où se trouve notre paroisse, est l’épicentre de la violence. Violence dans les églises pour des raisons de succession, vol de bétail, enlèvement et abus d’enfants, affrontements ethniques, conflits liés à l’appropriation de terres, mariages forcés, abus de femmes, de personnes vulnérables et d’étrangers. Le manque d’éducation semble, de loin ou de près, expliquer ce lancinant constat. Pour ce faire, notre pastorale a comme objectif prioritaire l’éducation à la culture de la paix.

Ainsi nous sommes convaincus que l’un des moyens adéquats pour briser les chaînes de la violence, pour promouvoir la paix et œuvrer à la réconciliation, c’est d’établir une école pour une éducation holistique. Mais en attendant d’avoir les moyens nécessaires pour la construction de l’école, nous agissons autrement. Dans notre démarche pastorale, tout est centré sur la paix. Par exemple, nous mettons à profit le temps de l’homélie pour parler aux cœurs désespérés, pour inciter à la fraternité, à un changement positif du regard posé sur autrui qui ne peut pas être une option, mais absolument une priorité, si l’on veut bien utiliser les chances d’apaiser les cœurs et d’assainir l’environnement dans lequel l’on vit.

De plus nous avons, en collaboration avec le diocèse et certains partenaires, organisé des sessions de guérison de traumatismes et autres fléaux qui minent la société sud-soudanaise. Nos paroissiens et nos voisins y ont pris part. Nous avons aussi organisé des sessions pour les jeunes. Enfin, nous avons initié la journée des enfants qui, malgré les moyens dérisoires, fut un succès. Pour ce qui concerne les enfants, en particulier, nous nous sommes résolus d’avoir un programme hebdomadaire avec eux et, depuis début décembre jusqu’à ce jour, nous constatons une affluence accrue. Le cas des enfants, nous l’avons voulu inclusif dans l’unique but de promouvoir la paix. À cet effet, les parents des enfants nous témoignent de leur gratitude pour notre contribution à l’éducation de leurs enfants, tout en nous demandant la construction d’une école qui, pour eux et pour nous aussi, serait le cadre idéal pour la réalisation d’un tel rêve.

Nul besoin d’insister qu’il y a un lien fort entre paix et développement durable. En effet, l’un ne saurait être une réalité sans l’autre. Ils sont même le point d’achoppement du vivre ensemble. De ce point de vue, la meilleure attitude à adopter et à inculquer, c’est le respect de la vie humaine et sa promotion car, dit-on, l’homme est une fin et non un moyen. C’est dans cette perspective que nous inscrivons notre pastorale. En effet, nous avons organisé des sessions pour promouvoir la paix et la justice, pour outiller les familles à être les cellules de base de la paix. De plus, pour la promotion de la paix, nous accueillons les enfants pour les chants et danses traditionnels et les jeunes pour le sport. Dans l’avenir, nous souhaitons avoir une école où la connaissance, le savoir-vivre et le savoir-faire seront transmis aux plus jeunes. Aussi, nous exprimons le besoin d’un centre de formation professionnelle pour les jeunes, afin d’opérer un changement de perspective : alors que l’oisiveté et le manque d’opportunités de nourrir des rêves de lendemains meilleurs les disposent à la violence, nous espérons que la formation professionnelle pourrait, au contraire, faire d’eux des acteurs pour la paix.

Nous sommes convaincus que l’éducation demeure un moyen sûr pour jeter les jalons du développement durable, de la promotion de la paix et de la vie humaine, comme c’est le cas au Soudan du Sud. Forts de cette conviction, nous saisissons cette opportunité pour demander à toute personne convaincue de la nécessité de l’éducation et de la formation des jeunes, de voler au secours de notre mission dans un pays désarticulé par les horreurs de la guerre, et où l’avenir non seulement de l’Église, mais encore de l’humanité est durement remis en cause. 

Par: Nare Mohamadi Jean Dieudonné, M.Afr.

Joseph Foucaud R.I.P.

Société des Missionnaires d'Afrique

Le Père Michel Girard, Délégué Provincial du secteur de France,
vous fait part du retour au Seigneur du Père

Joseph Foucaud

le dimanche 19 mai 2024 à Billère (France)
à l’âge de 91 ans dont 61 ans de vie missionnaire
en RD Congo et en France.

Prions pour lui et pour ceux qui lui étaient chers.

(plus…)

Roma Cura Roma : Les petites actions font la différence

Le 11 mai 2024, l’autorité municipale de Rome a organisé un nettoyage de la ville. Roma Cura Roma est un événement important de la ville dédié à l’entretien collectif des rues, des places, des parcs et des espaces verts. Parmi les nombreux volontaires qui ont participé à l’événement figuraient les Missionnaires d’Afrique résidant à la Maison généralice. Ils ont travaillé avec d’autres membres du groupe des pèlerins de la Via Aurelia, en particulier les Sœurs Maristes et les Sœurs Missionnaires de Notre-Dame d’Afrique (SMNDA).

De 9 h à 12 h, nous nous sommes rassemblés devant notre Maison généralice, avons mis ensemble les outils nécessaires et nous nous sommes dirigés vers les zones de travail indiquées. La zone choisie était le chemin qui mène à la station de métro Valle Aurelia (Via Pietro Ciriaci). Les escaliers devant la  Via Agostino Richelmy qui descendent sur la Via Anastasio II en direction de la poste, faisaient également partie de notre initiative (cf. https://www.romacura.roma.it/partecipanti/missionari-dafrica-padri-bianchi-via-aurelia-pilgrims/).

Le travail a pris plus de deux heures pour nettoyer la rue menant à la station de métro Valle Aurelia et celle qui va au bureau de poste. Notre initiative consistait à couper la végétation qui avait poussé pendant le printemps, ramasser les ordures, balayer le trottoir, déboucher les égouts, etc. Nous avons finalement collecté des sacs remplis de plastiques, de bouteilles de verre, de plantes, de feuilles sèches, etc. Tout ce qui était compostable a été apporté au compost dans notre jardin.

Les passants ont souvent été surpris de nous voir travailler. Cette fois, l’un d’entre eux a donné un bonus de 5 € pour acheter de l’eau à boire, car travailler au soleil peut être déshydratant. Les organisateurs de Roma Cura Roma sont toujours reconnaissants de notre générosité et du travail accompli. Des râteaux, des balais en plastique, des sacs en plastique et d’autres outils pour le travail ont été donnés et collectés à la Piazza Sempione, Rome.

 « Les petites actions font la différence », argumente une bénévole qui a participé à notre événement. Notre initiative est une réponse à l’appel du pape François à prendre soin de notre maison commune. Sa Lettre encyclique Laudato Si’ et son Exhortation apostolique Laudate Deum appellent à une conversion écologique radicale. Une métanoïa écologique implique d’écouter la clameur des vulnérables et de la terre. Comment ? En faisant des choses simples comme nettoyer certaines rues du quartier, réduire les déchets, suivre le nombre d’heures passées sur les dispositifs pour économiser l’énergie, planter plus d’arbres locaux et fruitiers, etc., dans l’espoir que de telles actions déclenchent une transformation personnelle et communautaire de mentalité.

Il convient de rappeler que l’année dernière, à peu près à la même époque, les Missionnaires d’Afrique avaient pris une initiative similaire. Comme indiqué précédemment, Roma Cura Roma (« Rome prend soin de Rome ») est une journée dédiée à l’entretien bénévole des rues, des places, des parcs et des espaces verts de la ville. elon ROMA, en cette 3ème édition du samedi 11 mai 2024, plus de 300 initiatives ont été enregistrées, rassemblant 16.000 participants.

Par: Prosper Harelimana, M. Afr.

Quand les justes se multiplient, le peuple est dans la joie

Contexte

Nous vivons de grands bouleversements qui affectent tous les tissus de la vie en société car, dit-on, les faits sociaux sont totaux et globaux ; par exemple, une crise économique peut déstabiliser la structure éducative, sécuritaire et peut compromettre le développement intégral, fondement de la paix. Ainsi devons-nous comprendre que parler d’éducation et de la culture de la paix revient à analyser le système éducatif hic et nunc et l’intégrer de manière efficiente à la formation des consciences, dans le respect des droits de l’homme, la promotion des valeurs qui garantissent la  justice pour tous les peuples, et la création de conditions économiques stables pour tous. Bref, veiller au développement intégral pour prévenir les crises susceptibles d’enfreindre les initiatives de paix.

Nous rappelons quelques programmes éducatifs tels que L’éducation aux droits de l’homme et à la citoyenneté (EDHC) en Côte d’Ivoire pour faciliter la transition vers une culture de paix ; The Truth and Reconciliation Commission créé en 1996 par Nelson Mandela pour la promotion de l’Unité Nationale et la Réconciliation, en Afrique du Sud ; La Commission Vérité et Réconciliation (CVR) initiée pour le soutien à la paix et réconciliation, lors du dialogue inter-congolais en avril 2002 ; El Centro de Justicia para la Paz y el Desarrollo (CEPAD) créé en 2006, au Mexique (Jalisco), pour l’accès à la vérité, à la justice et l’accompagnement des victimes de torture et des familles des disparus. Ces programmes éducatifs ont certainement apporté une contribution remarquable pour la promotion de la paix et l’intégration sociale. Leurs champs d’actions cependant sont souvent restés limités en raison des contraintes politiques et économiques.

La culture de la paix en péril

Les foyers de tension dans le monde inquiètent et interrogent. L’éducation a-t-elle les moyens de faire face aux défis pour la promotion de la culture de la paix ? L’éducation est d’abord une formation qui offre des fondements pour le vivre ensemble, la justice pour tous, les possibilités pour tous, la résolution des conflits pour garantir l’harmonie dans les sociétés. Couplée à la vérité, l’éducation devient une ouverture aux réalités du monde pour une véritable praxis sociale. Malheureusement, le constat est que l’éducation s’apparente davantage à une culture de l’information dépourvue de critique constructive. En d’autres termes, l’éducation se résume à la formation de professionnels pour le marché de l’emploi, au détriment d’autres valeurs d’intégration sociale. Nous faisons face à une éducation essentiellement tournée vers la production, laquelle devient la mesure de la réussite. Une telle éducation dont l’objectif principal est le gain, aura difficilement contribué au développement intégral et à la protection de la culture de la paix.

Un autre facteur qui fragiliserait la culture de la paix, c’est la crise économique. Le manque de ressources et d’indépendance financières font peser sur plusieurs communautés un risque de déstabilisation et d’implosion, comme par exemple, le phénomène des réseaux de ravisseurs. Les médias nous rapportent chaque jour des nouvelles des familles dont les membres sont aux mains de ravisseurs. C’est une affaire en expansion dans notre contexte de mission et dans plusieurs autres parties du monde. La multiplication de ces ravisseurs est une conséquence de la crise économique, des frustrations et frictions sociales. Bref, les structures d’injustice sont souvent à la base de cette rupture, au point de rendre difficile toute promotion de la culture de la paix.

Mentionnons encore la crise migratoire. Le Mexique est un corridor que plusieurs migrants utilisent pour entrer aux Etats-Unis. Des milliers de réfugiés venant des pays de l’Amérique Latine et de Haïti, se déplacent à pied et en train poussant jusqu’aux derniers recoins les limites de l’effort humain pour arriver à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis. C’est une traversée périlleuse, parfois sans succès. Ces réfugiés, écrasés par la misère, sont souvent victimes des cartels de la drogue et d’autres organisations criminelles pour des fins économiques ou pour des recrutements massifs.

Construction de la culture de la paix

Après avoir dépeint le contexte suivi de l’analyse de quelques faits qui pourrissent les efforts pour l’impulsion de la culture de la paix, voyons à présent les quelques actions entreprises au niveau de l’Eglise locale, au travers des religieux et laïcs engagés. Au niveau de nos deux communautés au Mexique, nous avons de petites cellules pour accueillir des personnes désireuses de parler, en leur offrant un cadre d’écoute. Ils sont nombreux à désirer nous parler. Nos candidats sont orientés pour aider en ce sens, avec quelques religieuses et laïcs engagés dans les structures d’accueil des réfugiés. Cette présence de nos candidats fait partie du cursus académique pour la formation aux valeurs humaines de service gratuit, de porter assistance aux personnes en situation difficile, de respect de la vie humaine, etc. Une fois l’an, une marche à laquelle participent les confrères, est organisée par la Commission Justice et Paix comme expression d’interpellation pour une vraie paix et une justice pour tous.

Avec la promotion des calendriers missionnaires que nous faisons dans plusieurs paroisses du diocèse, à partir du mois d’octobre jusqu’au mois de janvier, nous portons un message incarnant une approche missionnaire centrée sur l’interculturalité comme expression de vouloir vivre ensemble. Il faut souligner que la paix est une culture universelle nécessitant des acteurs pour la transmettre d’une génération à l’autre, à travers une formation désintéressée fondée sur les valeurs profondes de vérité, de liberté, de justice pour tous, etc. “Quand les justes se multiplient, le peuple est dans la joie ; mais quand le méchant domine, le peuple gémit” (Pr 29,2). Malgré la complexité des structures qui occasionnent les mouvements de réfugiés, les conflits intercommunautaires et les remous sociaux, nous devons garder l’espérance, car l’action des hommes de bonne volonté à travers la formation holistique, constitue une petite semence porteuse d’espoir. Les grands enjeux demain se joueront sur le respect des droits de l’homme et la paix.

Par: Raphaël Muteba, M.Afr.