Ghardaïa en Algérie : une paroisse différente ou comme n’importe quelle autre ? (PE n° 1084)

Je me fâche quand des confrères semblent insinuer que la vie paroissiale dans les pays à prédominance non-chrétienne serait tronquée, amoindrie, voire inexistante. A Ghardaïa en Algérie, nous vivons comme les toutes premières paroisses des Actes des Apôtres, sinon comme les « sept paroisses » ordinaires du livre de l’Apocalypse. Notre paroisse ressemble aussi à celles de nos confrères missionnaires d’Afrique de la province de l’Afrique du Nord et de certaines paroisses du Mali et du Niger. Mais pourquoi la paroisse de Ghardaïa ne ressemblerait-elle pas à toutes les autres paroisses tenues par des communautés de missionnaires d’Afrique ? Même s’il y a des différences de gradualité, de fréquentation et d’accents.

Une paroisse vit le mystère du Christ dans ses assemblées saintes, surtout dominicales, dans sa vie religieuse et spirituelle, dans la formation et l’accompagnement des laïcs pour la mission de transformation graduelle de notre monde en Royaume des cieux ; bref, dans l’optique de «Justice et Paix», de dialogue et d’écoute du monde en quête d’absolu. Autrefois on nous enseignait qu’il y a ‘assemblée sainte’ à partir d’Abel, le juste : «Ecclesia ab Abele». Cela veut dire que là où il y a innocence meurtrie (oppression, esclavage, injustice, etc.), que là il y a déjà «Eglise» : l’assemblée de ceux qui suivent l’Agneau.  Une paroisse comme la nôtre n’a qu’à se solidariser avec ces multiples «Abels en pleurs, en sang et en sueur» pour devenir de plus en plus «Eglise», avec les invités des places publiques et des carrefours.

Une bonne partie des fidèles de notre paroisse vit sa vie sacramentelle et spirituelle dans le cadre de sa propre communauté religieuse et missionnaire. Dans notre paroisse, ce sont les communautés des missionnaires d’Afrique et des Soeurs missionnaires de Notre Dame d’Afrique (Pères blancs et Soeurs blanches). L’évêque, père blanc et successeur d’ordinaires M.Afr. depuis le Cardinal Lavigerie, se joint à nos  communautés eucharistiques et participe aux offices communautaires. Le vendredi, jour férié en Algérie, nous célébrons l’eucharistie partiellement en arabe. Plusieurs migrants chrétiens, libres ce jour, y assistent. Parfois l’arrivée plus tardive de migrants chrétiens et non-chrétiens nous pousse à trouver un autre moment de la journée pour rassembler les migrants chrétiens présents pour un office linguistiquement et sacramentellement adapté. Après cela nous ‘tartinons’, parce que le curé est hollandais !

C’est le dimanche surtout que notre paroisse apparaît dans sa plus grande diversité pour les chrétiens vivant sur le territoire d’une douzaine de kilomètres carrés. On trouve alors l’évêque, si présent, les pères blancs avec le(s) stagiaire(s) et parfois des étudiants africains des universités algériennes, les Soeurs blanches, les laïcs qui sont souvent des engagés de la Délégation de la Coopération Catholique (France) et les migrants africains chrétiens des environs.

Les paroissiens ne sont pas seulement les fidèles, habitant le territoire de la douzaine de kilomètres carrés autour de la cathédrale, mais aussi la diaspora mouvante de Noumérate (25 km), Metlili (35 km), Mansoura (70 km), Zelfana (65 km), Oued Nichou (25 km), Berriane (45 km), Oued Soudan (55 km), Djelfa (300 km) où l’on cherche les modalités d’établir une aumônerie d’étudiants chrétiens et où, dans ce cadre, l’on devrait pouvoir obtenir l’agrément pour un lieu de culte ; finalement Laghouat (195 km), où il y a un pied-à-terre du diocèse et où rien n’empêche la tenue d’offices chrétiens mensuels, tenant prudemment compte du caractère de clandestinité des migrants africains.

La paroisse n’est pas seulement une communauté autour d’un bénitier. C’est une communauté de communautés, animée par le désir de transformer lentement mais sûrement la vie du monde non-chrétien autour d’elle en monde régi par les Béatitudes en vue du Royaume des cieux, règne de justice et de paix.

Fait partie de la paroisse de Ghardaïa l’effectif des collaborateurs de l’administration du diocèse (dont l’évêque en premier lieu), qui s’investit dans toutes les paroisses et communautés religieuses et missionnaires du grand diocèse du Sud de l’Algérie, Laghouat-Ghardaïa, souvent sans ministres ordonnés. Apparemment le personnel administratif des bureaux diocésains ne s’occupe pas directement ni tangiblement de la grande mission de l’Eglise de transformer ce monde en Royaume des cieux ; que ferais-je moi-même pour la pastorale des migrants chrétiens et l’œuvre de conscientisation et d’« empowerment » des migrants africains sans le travail ingrat de tous ces collaborateurs rapprochés de l’évêque ? Mais de fait, ils portent bien la chaleur et le poids du jour. Ils participent aussi activement à l’œuvre culturelle, une des options prioritaires du diocèse dans le cadre du CCDS (Centre Culturel et de Documentation Saharienne), aux cours de soutien scolaire et même, dans le cadre de la coordination des initiatives, aux actions pour les migrants africains.

Font partie de la paroisse de Ghardaïa les migrants africains chrétiens, individuels et/ou en petits groupes. Ceux qui sont à distance du culte de l’Eglise sont actuellement au nombre de cinq, mais cela fluctue. Dans les succursales, pour le moment, j’évalue leur nombre entre 40 et 50. Mon grand regret c’est que nos structures de travail missionnaire traditionnel nous empêchent d’être pleinement au service sacramentel et spirituel de ces missionnaires laïcs (migrants africains chrétiens sur le terrain, missionnaires malgré eux) qui sont les premiers évangélisateurs du monde des migrants et du monde du travail dans le grand Sud de l’Algérie. La force des paroisses Père blanc a toujours été la transformation du laïcat en communautés évangélisatrices dynamiques : des communautés qui font la différence, où qu’elles soient, et qui recrutent par leur attirance.

Johan Miltenburg, M.Afr.

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