Le Frère Léon Lwanga, compagnon des premiers missionnaires en Ouganda (PE n° 1091 – 2018/05)

Souvenons-nous avec reconnaissance du Frère Léon Lwanga qui, dès le début de son contact avec les premiers missionnaires en Ouganda, fut un ‘auxiliaire’ et une figure marquante au tout début de l’évangélisation de son pays natal dans des conditions souvent difficiles et particulièrement défavorables. Il a en effet aidé les missionnaires à y poser les bases des premières communautés chrétiennes. Il est absolument impensable que nos premiers confrères missionnaires d’Afrique en Ouganda, au moment de paraître devant le roi Mutesa le 27 juin 1878, aient pu s’imaginer que l’un des membres de la garde royale s’attacherait très bientôt à eux. Et pourtant tous nos confrères missionnaires qui ont passé à Alger, dans les années 1890, se souviennent du Frère Léon Lwanga, Ougandais, fils d’un chef de la presqu’île Baganga, membre de la garde royale qui a fourni les premiers catéchumènes. Les pages et les membres de cette garde royale étaient de jeunes nobles placés au service du roi pour apprendre le métier des armes et rendre service au palais.

A la question d’un missionnaire, s’il avait vu Stanley (1875), le Frère Léon Lwanga a répondu : « Oui, je prenais déjà part à une expédition contre les Bavuma, mais je ne maniais pas encore la lance ». Léon Lwanga devait avoir une quinzaine d’années lorsque Stanley passa en Ouganda. Il doit donc être né vers 1860. Encore enfant, il quitte la case paternelle et s’attache au service du roi Mutesa. Une étude sur la vie de Léon Lwanga donne le sentiment que pour lui le contact avec les premiers baptisés et les missionnaires (1880), crée en lui un espace auquel il s’attache et qu’il n’a jamais remis en cause. Léon Lwanga non encore baptisé, se joint aux missionnaires vers 1882.

En octobre 1884, le roi Mutesa meurt et le nouveau Kabaka, Mwanga, son fils, lui succède et est intronisé roi à 18 ans. Léon sera témoin que ce jeune roi deviendra un persécuteur. Il est baptisé en 1885, probable- ment par le P. Lourdel, au cours d’une période d’incertitude juste avant les persécutions de 1885–1887, époque pendant laquelle l’Ouganda devient terre des martyrs. Il reçoit le prénom de Mgr Livinhac, Léon, dont il devient le fidèle compagnon. « Léon Lwanga des premiers néophytes de l’Ouganda, fut l’un des plus fidèles serviteurs des missionnaires dans la période qui suivit la persécution de 1886 » est-il noté dans les Chroniques de la Société.

Le 6 juin 1886, trois jours après l’holocauste de Namugongo, Léon Lwanga est confirmé par Mgr Livinhac lui-même. Connaissant son cou- rage et son dévouement à toute épreuve, les missionnaires lui confient la périlleuse mission d’aller recueillir les ossements de Charles Lwanga qui venait d’être brûlé à Namugongo le 3 juin 1886. Les précieux restes sont trouvés et rassemblés de nuit par Léon Lwanga et Baazilio Kamya, puis apportés aux missionnaires installés à Nalukolongo près du palais royal. Le même jour, une dizaine de catéchumènes viennent se faire baptiser. Le père Lourdel les encourage dans leur foi face aux supplices. A cause de la situation très tendue dans le pays où Mwanga ne cesse de tracasser les chrétiens, ces derniers se sentent obligés de prendre la fuite pour pratiquer plus facilement leur foi. Léon, lui aussi, se décide de prendre la même route ; c’est ainsi que nous le retrouvons avec le père Ludovic Girault, supérieur de la mission de Bukumbi et responsable du pro-vicariat de l’Unyanyembe (1888), en voyage pour fonder la mission de l’Usambiro. A la demande de ce père Girault, Léon accepte avec empressement de se joindre aux jeunes chrétiens et de les emmener pour servir de noyau à la nouvelle fondation.

Frère Léon Lwanga, portant une lance dans un jeu de rôle.

Une révolution éclate dans le pays en septembre 1888 ; elle finit en conflit armé. Les guerres de religion opposent les musulmans aux chrétiens et les différentes Églises chrétiennes entre elles. Les chrétiens chassés de leur pays se réfugient alors dans les montagnes de l’Ankole. Le 10 octobre 1888, les missionnaires, après avoir été dépouillés du peu qu’on leur avait laissé, sont emprisonnés par des chefs musulmans. Leurs missions sont incendiées. Finalement, ils sont expulsés du pays et atteignent la mission de Bukumbi.

Ils désirent se mettre en relation avec leurs chrétiens et néophytes réfugiés. Mgr Livinhac appelle Léon Lwanga et lui demande de se charger de l’importante et dangereuse mission de tenter d’approcher les néophytes et les chrétiens réfugiés pour les encourager et les soulager. Léon, l’homme dévoué et audacieux, accepte sans la moindre hésitation et se met en route, accompagné de deux hommes sûrs.

Dans cette mission risquée, ils se heurtent à des obstacles sérieux de la part des partisans de l’usurpateur Karema, fils de Mwanga. Ils doivent revenir sur leur pas précipitamment pour échapper au pire. Le danger étant trop proche, ils se dispersent et Léon ne revit plus ses compagnons qui probablement ont été saisis et mis à mort. Après avoir supporté des privations et des fatigues inouïes, c’est grâce à l’aide d’une tribu hospi- talière qu’il rentre à Bukumbi et se présente devant Mgr Livinhac après une absence de plusieurs semaines. Depuis ce jour, Léon Lwanga ne s’est plus séparé de lui.  

Quand peu de temps après, Mgr Livinhac prend la route, accompagné du père Chantemerle et du Frère Amans, l’insécurité de la guerre les oblige à s’arrêter à l’île Sese. Ils profitent de ce contretemps pour fonder la mission de N.-D. du Bon Secours. C’est en ce temps précaire, en sep- tembre 1889, que Mgr Livinhac reçoit la nouvelle de sa nomination à la charge de Supérieur général de la Société des Missionnaires d’Afrique, avec l’ordre de partir sans retard pour Alger. Le 25 mai 1890, jour de la Pentecôte, Mgr Livinhac ordonne évêque, dans l’humble chapelle de Kamoga, le père Jean-Joseph Hirth, désigné pour le remplacer dans sa charge de responsable du Vicariat apostolique du Nyanza Méridional.  Le 6 juin 1890, Mgr Livinhac quitte définitivement Kamoga et prend le chemin de la côte, accompagné du père Hauttecoeur et d’un petit groupe de jeunes Baganda : voyage de six mois en caravane à partir du lac Victoria jusqu’à l’océan Indien, 1.200 kilomètres à pied à travers l’intérieur du continent, forêts vierges et savanes interminables jusqu’à la côte. A cause de l’insécurité des routes intérieures, il se fait accompagner par une escorte armée dont le chef est Léon Lwanga. Il compte sur le courage et la vigilance de ces hommes et surtout de leur chef quand la caravane doit traverser le territoire de la grande tribu des Banera, contre laquelle l’explorateur Stanley avait eu à lutter. De fait, la petite caravane est poursuivie pendant quelque temps par une bande mal intentionnée.  

Léon se porte courageusement à la rencontre de ces dangereux malfaiteurs capables de faire pleuvoir toute une ondée de flèches sur les pacifiques voyageurs. Dans d’autres circonstances il se met à palabrer avec les chefs locaux pour obtenir le passage, assurer la continuité de la caravane pour enfin arriver à la côte, à Bagamoyo, puis à l’île de Zanzibar célèbre pour ses cocotiers et ses girofliers, ses bananeraies et les plantations de canne à sucre. A Zanzibar, Mgr Livinhac écrit au cardinal La- vigerie au sujet de ces quatorze jeunes Baganda dont fait partie Léon Lwanga : « Ils sont tous bien disposés et assez jeunes pour pouvoir être instruits et devenir des aides des missionnaires. Ils me demandent de les amener en Europe où ils espèrent recevoir une instruction qu’ils ne trouvent pas dans leur pays si troublé… » Le cardinal Lavigerie répondra favorablement. Il voulait présenter les jeunes Baganda au Congrès antiesclavagiste qui allait se réunir à Paris. Suite à cette heureuse nouvelle, la caravane reste unie et les voyageurs se préparent à embarquer pour la deuxième partie de ce grand voyage, la traversée en mer jusqu’à Marseille.

Le 19 septembre 1890, ils débarquent à Marseille avec les quatorze jeunes voyageurs baganda, juste à temps pour participer au Congrès antiesclavagiste et son lancement le lendemain à Paris. Ce fut « comme un coup de théâtre de la Providence ».  Le dimanche 21 septembre, date fixée pour l’ouverture du congrès à l’église de Saint-Sulpice à Paris, une première rencontre a lieu entre les jeunes Baganda et le cardinal Lavigerie. Le soir de ce même jour, le cardinal Lavigerie officie pontificalement avec Mgr Livinhac aux vêpres en cette même église, en présence d’une foule curieuse de voir le premier apôtre et évêque de l’Afrique équatoriale avec les jeunes chrétiens ougandais.

Après le congrès, le groupe de voyageurs toujours en « caravane » semble avoir pris des « ailes ». Passant par Lyon et Marseille, tous vont à Rome où le pape Léon XIII les reçoit en audience le 10 octobre 1890, avec une tendresse particulière de bon pasteur. Le cardinal Lavigerie les présente au Saint-Père qui lui demande à quelle profession ces jeunes africains étaient destinés. Après les renseignements donnés par le cardinal, le pape manifeste le désir d’orienter vers les études ecclésiastiques certains d’entre eux qui en ont la vocation. Cette visite touche particulièrement Léon Lwanga et l’affermit dans sa résolution de se consacrer au service de Dieu comme missionnaire dans la famille de son ami et père, Mgr Livinhac dont il veut rester le compagnon et serviteur fidèle. Mgr Livinhac visite encore le Vatican, amenant toujours avec lui les qua- torze Baganda.

Dans la « capitale de tous les chrétiens », Léon écrit une longue lettre adressée à ses amis en Ouganda et tout particulièrement à Gabriel Kintu, le grand général, et à Cyprien Mutagwanwa, le grand intendant des cuisines royales et à son frère Caroli Buuza. Parmi eux se trouvait aussi Paoli Nalubandwa, le tout premier des baptisés ougandais : « Bien chers amis, (-) Nous allons quitter Rome. Six iront à Malte ; Pauli, Caroli et les autres, Léon, Yohana, iront à Alger pour étudier. Priez pour nous, nos chers amis, nous prierons pour vous. C’est moi, Léon, qui a écrit toutes ces paroles. Priez beaucoup pour moi. Je désire être Frère. Demandez à Dieu de m’aider. Vous savez que je suis porté à la colère ; demandez pour moi la douceur de Jésus-Christ. Je pense souvent à vous, en enten- dant la messe et en récitant le chapelet… » (Archives Rome). Qui étaient ces ‘amis’ auxquels Léon Lwanga adresse sa lettre ? Il s’agit ici de certains parmi les quatre privilégiés qui reçurent les premiers le baptême le samedi saint 27 Mars 1880, après seulement 4-5 mois d’instruction. Parmi eux, nous trouvons Paoli Nalubandwa, son frère Petro Ddamulira et Yosefu Lwanga. Parmi ces premiers convertis se trouvent quelques fonctionnaires et quelques pages de la résidence royale. Le 14 mai 1880, quatre autres adultes, Fouké Jean Marie, Mathieu, Boniface et Jacques, reçoivent eux aussi le baptême. Ces baptêmes ont eu lieu avant la levée du soleil comme au temps des catacombes. Très vraisemblablement, les amis du Frère Léon Lwanga se trouvent parmi les tout premiers baptisés d’Ouganda dont quelques futurs martyrs qui, par leur responsabilité de chrétien et leur enseignement ont joué un rôle important dans les premières petites communautés de néophytes et catéchumènes. Malgré le zèle de ces récents baptisés et l’assiduité des catéchumènes, des menaces pesaient sur l’avenir de l’Eglise ougandaise.   A ce moment des persécutions, les missionnaires se résignent à quitter le pays, croyant bon d’attendre un temps meilleur. Le 8 novembre 1882, ils s’exilent volontairement au Bukumbi, sur la rive sud du lac Victoria, près de Mwanza dans l’actuelle Tanzanie. Durant la période d’absence des missionnaires (1882-1884), les jeunes baptisés continuent à instruire à leur tour, se soutenant mutuellement et priant ensemble. Ils ont appris l’importance du baptême pour obtenir le salut éternel ; aussi n’hésitent- ils pas à administrer le baptême aux mourants. Le 12 juillet 1885, les missionnaires sont de retour dans le pays, accueillis par la population qui n’a rien oublié de leurs bienfaits.

Après leur visite à Rome, le groupe des quatorze Baganda se divise en deux. Six partent pour Malte pour des études de catéchistes-médecins, les autres sont envoyés au petit séminaire de Saint-Eugène, près d’Alger, et deviennent ainsi les premiers séminaristes ougandais. Quant à Léon Lwanga, il prend la route vers Alger avec Mgr Livinhac et le père Hauttecoeur et y rejoint le postulat des Frères où, peu après, il est admis à suivre les exercices comme postulant.

En novembre 1890, Léon est admis au noviciat sous la direction de celui qu’il connaissait depuis le début de sa rencontre avec les missionnaires, le père Girault, responsable en Ouganda à cette époque de tout le groupe missionnaire sur place durant le temps que le père Livinhac était en Europe pour son ordination épiscopale. Une anecdote nous raconte, avec un brin d’émotion qu’à l’époque, en caravane avec le père Girault sur une route dangereuse au sud de Nyanza, Léon avait bondi sur le chef d’une troupe de guerriers, l’avait désarmé et amené au père Girault. Celui-ci, préférant garder la situation calme, le fit relâcher et lui donna même un petit cadeau. La caravane put ainsi continuer sa route, mais pas sans danger : un petit groupe de ceux qui l’avaient arrêté dé- chargèrent leurs fusils sur le missionnaire, sans l’atteindre heureusement.

Le 29 mars 1891, Léon Lwanga est jugé digne de revêtir l’habit missionnaire. Le même jour, à Rubaga, Mgr Hirth, successeur de Mgr Livinhac, préside les baptêmes solennels : cinquante catéchumènes sont baptisés  et confirmés, dont la vieille maman du Frère Léon : « Le jour où Frère Léon recevait l’habit blanc et s’est revêtu de gandoura, burnous et chéchia de la Société dans la chapelle de la Maison généralice à Alger, le même jour, sa vieille maman fut baptisée et confirmée par Mgr Hirth, successeur  de Mgr Livinhac, à la ‘Cathédrale’ de la mission de Rubaga en Ouganda » (Chroniques).

Le noviciat ne fut pas facile pour cet homme de 30 ans, habitué depuis sa jeunesse à porter les armes au nom de sa patrie et de son honneur propre, appelé à prendre part à des opérations militaires et à de longues expéditions laissant derrière elles des ravages dans les royaumes voisins et à revenir avec des troupeaux importants. Mais la défense de la monarchie a été pour lui le seul motif de sa prise d’armes.

Frère Léon Lwanga avec deux confrères

La vie du jeune Léon Lwanga était celle d’un garde royal, d’un soldat du roi, célèbre par son énergie, sa persévérance et sa fermeté, n’ayant pas froid aux yeux et ne reculant devant aucun danger… Tout cela, ne l’a cependant pas empêché de devenir un modèle de régularité, de sobriété et de grande piété et même de loyauté, comme noté dans sa nécrologie : « Avec un courage exceptionnel, il se mit à l’œuvre pour se former pour devenir lui aussi missionnaire d’Afrique et Frère. Pour lui il ne s’agit pas d’abord d’un appel à faire quelque chose, mais davantage à être, être missionnaire dans un amour qui veut imiter Jésus qu’il avait accueilli en lui depuis si peu de temps ».

Voici d’autres citations le concernant que nous trouvons dans le diaire de Maison-Carrée : « Le noviciat des Frères compte un postulant noir : Léon, le chef de la Caravane qui a ramené Mgr Livinhac à Zanzibar. Espérons que ce ne sera pas le dernier et que les intrépides Baganda ne reculent pas plus devant une règle religieuse qu’ils ne l’aient fait devant la persécution et le martyre » (6 novembre 1890) ; « Pâques. ‘Haec dies quam fecit Dominus’. Alléluia partout, mais surtout chez les Frères. Cinq d’entre eux, les Frères Jean, Salvador, Octave, Arcade et Hilaire ont fait leur serment. Deux ont pris l’habit. Une nouvelle recrue arrivera dans quelques jours de St. Laurent d’Olt et puis le Frère Léon, notre premier Frère noir. A la grand-messe, revêtu de l’habit blanc qui contraste avec la couleur de son visage, il portait la houlette du premier Vicaire Apostolique  de l’Ouganda. Cet honneur lui revenait bien » (29 mars 1891). Après son noviciat, il reste à Maison-Carrée et travaille surtout à la reliure des livres. Il est aussi moniteur auprès des missionnaires nommés pour l’Ouganda. Il leur apprend les premiers rudiments du luganda. Le 25 mars 1894, il est admis à se lier à la Société des Missionnaires d’Afrique par un serment d’abord temporaire. Au bout de neuf ans, le 31 octobre 1903, le Frère Léon prête serment sur les évangiles de « se consacrer désormais et jusqu’à la mort, à l’œuvre des missions d’Afrique ». Par sa fervente piété et son attachement au célibat, il fait naître une attitude positive à l’égard des Africains dans la mentalité des futurs missionnaires.

« Sorti du paganisme depuis peu d’années et habitué avant sa conversion à vivre au gré de ses caprices, Léon se met courageusement à l’œu- vre et devient un modèle de dévouement et d’attachement à la sainte religion, un modèle d’une vie consacrée à Dieu. A sa foi la plus vive, il joint un amour ardent pour Dieu, le Seigneur et sa Mère. Il accomplissait avec grand soin ses exercices de piété. »

La vie du Frère Léon Lwanga fut, parmi ses confrères, un signe de l’évangile proclamé d’abord par le témoignage de remerciements vis-à- vis de Dieu et de la communauté dans laquelle il vivait, un témoignage de la grande valeur de fidélité déjà manifestée du temps où, en Ouganda, il était le compagnon de Mgr Livinhac.

Léon était vif d’esprit et intelligent ; il étudia le français sans trop de peine et arrivait à parler correctement. Très attaché à la Société, il se serait exposé pour elle à n’importe quel danger pour défendre un confrère. Chaque année, à la veille de la fête de St Charles, dans sa chambre, devant le portrait du cardinal Lavigerie, un bouquet de fleurs témoignait de sa profonde vénération et d’un affectueux respect envers celui qui avait envoyé en Ouganda les premiers missionnaires. Le Frère Léon Lwanga, missionnaire d’Afrique, Ougandais, a travaillé 12 ans à la Maison-Mère à Alger.

Fin 1904, on découvre qu’il est atteint de tuberculose osseuse. La maladie dure toute une année ; elle lui cause d’atroces souffrances. Il les unissait dans sa prière à celles de notre Seigneur. Malgré une opération, il meurt le 1er mars 1906, à l’âge de 46 ans, au sanatorium St. Joseph à Maison-Carrée, après avoir porté courageusement sa maladie.

Jusqu’au plus profond de son cœur, il portait en lui la foi, l’espérance et la charité par une audace de croire que nous sommes destinés au bonheur garanti par Dieu, une vérité présente en lui soutenue par les souve- nirs du temps des grandes épreuves auxquelles il a été mêlé quand ses amis martyrs sacrifièrent leur vie pour le Christ.

Kees Maas, M.Afr.

«L’intelligence en éveil» (1 P 1, 13) (PE n° 1091 – 2018/05)

Quand j’étais enfant, on nous faisait réciter les trois actes de foi, d’espérance et de charité. La seule mention de « réciter » m’horripile ! En ces temps-là, cette sorte d’éducation à la prière était si commune qu’il n’est pas étonnant que tant de gens en aient perdu la foi. Foi et rabâchage ne vont pas ensemble. Sans compter que l’acte de foi fait plus appel à l’obéissance aveugle qu’au discernement nécessaire. En effet, cet acte pose que : « Mon Dieu, je crois fermement tout ce que l’Eglise catholique croit et enseigne… ». Qui, aujourd’hui, se satisferait d’un tel acte de foi ?  

Quand je suis arrivé en Afrique, j’ai vite compris qu’il me fallait apprendre ces mêmes prières en langue locale pour ne pas paraître ignorant et ridicule au milieu de nos gens… Quand, un jour, j’ai fait une remarque en communauté, faisant part de mon malaise vis-à-vis de ces mêmes prières qu’on demandait à nos gens de dire matin et soir, on me rétorqua qu’il fallait laisser aux gens le plaisir de dire « leurs » prières. Mais justement, elles n’étaient pas « leurs » prières mais des prières qu’on leur avait imposées, importées et formulées au mépris de toute inculturation et contextualisation.

A l’opposé de ces actes récités, de foi, d’espérance et de charité, saint Pierre, dans sa première lettre, appelle les croyants à être « toujours prêts à la défense contre quiconque vous demande raison de l’espérance qui est en vous. Mais que ce soit avec douceur et respect…» (1 P 3, 15-16). Passer d’une foi qui récite à une foi personnelle qui fait appel à l’intelligence et au cœur est une des grandes urgences de l’Eglise. Sans doute ce travail est déjà en bonne voie auprès des catéchumènes, des jeunes catéchisés et des néophytes… L’Afrique n’est pas à l’abri d’une perte de la foi si on continue à ignorer son aspiration profonde à une foi qui prend à la fois la tête et les tripes, et qui se manifeste en paroles et en actes.  

Jean-Pierre Sauge, M.Afr.

Respecter et s’occuper des présents ; aller vers ceux qui ne sont pas là (PE n° 1091 – 2018/05)

De plus en plus, j’entends un discours d’autoflagellation en ce qui concerne la transhumance des chrétiens catholiques vers les Églises indépendantes et « l’échec » de notre pastorale surtout quand on la compare au « succès » des Églises de réveil, des Églises pentecôtistes et autres évangéliques… Si seulement c’était une saine autocritique… Oui, j’aimerais que ce soit une véritable autocritique qui tienne compte des paramètres objectifs correspondant à chaque lieu, à chaque situation, pas à des apparences qui cachent souvent des terribles drames et surtout beaucoup de misères humaines.

Je commencerais par un portrait-robot des paroisses dans la plupart de nos missions en Afrique subsaharienne. Bien souvent ces paroisses couvrent un territoire subdivisé en communautés chrétiennes de base. L’estimation de la population dépend d’une région à l’autre. Chaque communauté chrétienne de base a son organisation autour d’un leadership qui est en lien direct ou indirect avec le conseil paroissial. La communauté de base assure certains ministères selon la capacité de ses membres ; ainsi elle peut s’occuper de l’instruction chrétienne des enfants, du service de la charité auprès des malades et des pauvres, de la consolation de ceux qui sont éprouvés, de la prière et du partage de l’évangile hebdomadaire et aux temps forts de la vie de l’Église. L’idée est d’y vivre une vraie fraternité à l’image des premières communautés chrétiennes évoquées dans les Actes des apôtres.

C’est l’ensemble de ces communautés, menant une vie chrétienne localisée dans leurs quartiers respectifs, qui se retrouve dans les célébrations dominicales de la paroisse pour célébrer le Christ. Ainsi, certaines paroisses urbaines ont jusqu’à cinq célébrations eucharistiques dominicales. Ce qui n’est pas peu… et que l’on verra rarement dans les Églises de réveil dont nous vantons parfois la « vivacité ».

Salvador Muñoz-Ledo lors d’une veillée pascale à Bunia

Qu’est-ce que l’Église catholique a de particulier et qu’elle peut faire valoir dans le domaine de la pastorale ? Quelles sont les forces sur lesquelles elle peut s’appuyer pour mieux faire, pour vivre en phase avec son époque et avancer ? Ces questions invitent à poser un regard objectif sur tout le dispositif que l’Église a élaboré au cours des années pour encadrer les fidèles chrétiens à tous les niveaux. Je ne souhaiterais pas répondre à ces questions dans ce présent article ; je préfèrerais les laisser aux soins de chaque communauté ou groupe qui cherche à approfondir son agir pastoral.  

Néanmoins je signale, en passant, que rares sont les organisations religieuses ou pastorales qui ont une littérature aussi fournie que celle de l’Église catholique dans des domaines variés (liturgie, spiritualité, pastorale, éducation, catéchèse, doctrine, etc.)

Lointaine est l’époque où l’Église jouissait d’un certain « absolutisme » de la pensée, un « monopole de la vérité »… Aujourd’hui, ce qui est très bien d’ailleurs, elle est bien obligée de faire face à ses erreurs du passé et du présent, à se laisser interpeller par une société qui conçoit la réalité autrement (parfois sans Dieu), à vivre la confrontation directe avec ceux qui ont choisi de vivre d’autres valeurs que celles qu’elle prône. L’Église d’aujourd’hui est appelée à l’humilité dont elle s’est toujours faite le héraut.    

Cette contradiction « frontale », couplée à la culpabilité qui résulte de la prise de conscience des erreurs entretenues et l’horreur des fautes commises dans son parcours, amène parfois l’Eglise à se recroqueviller et adopter des attitudes extrêmes : l’autojustification intempestive et l’autoflagellation. La solution ne se trouve certainement pas dans ces deux précipices.  

Je proposerais plutôt une démarche dans laquelle l’on « juge l’arbre à ses fruits » … sachant qu’il peut arriver que certains fruits pourrissent dans l’arbre, ce qui n’enlève pas à l’arbre sa capacité à produire de bons fruits. Quelle a été l’intention du « fondateur de l’Église » ? Quel a été son rêve pour l’humanité ? Comment l’Église catholique a-t-elle essayé de vivre cette volonté de son « fondateur » ? En faisant quoi dans le monde ? L’Église, à sa fondation, avait-elle l’assurance absolue de ne jamais commettre des erreurs et des fautes ? Avait-elle été prévenue, dans les Écritures, de cette possibilité de se tromper ?

Tout en gardant le sens des responsabilités, les hommes et femmes d’Église ne doivent pas perdre de vue la liberté et surtout la responsabilité de chaque fidèle dans ses choix existentiels. Vous pouvez instruire une personne pour l’amener à l’obtention des sacrements ; mais vous n’avez aucun pouvoir sur le choix de cette personne de vivre ou pas sa foi selon les instructions de l’Église qui l’a pourtant accompagnée dans son cheminement. Il peut s’avérer qu’une personne fasse un choix contraire à ce que vous avez prévu et souhaité. Est-ce que tout est perdu pour autant ? Ce serait oublier que les « voies du Seigneur sont insondables ».

Et si nous faisions le choix de respecter ceux qui sont là, sans nous épargner l’effort et la foi de nous « déployer » pour aller chercher les personnes laissées en arrière ? Je me rappelle certaines réunions programmées et approuvées : à l’heure de la réunion il n’y a que 5 personnes sur 30 qui sont présentes. Certaines personnes diraient : « il n’y a personne, alors reportons la réunion »… mais un leader responsable va considérer la bonne volonté et l’effort de ceux qui se sont présentés, parfois malgré de nombreuses occupations.  

Du début à la fin de sa vie publique, le Seigneur a sillonné la Palestine pour annoncer le Règne de Dieu, la Bonne Nouvelle. C’est de lui que l’Église a appris le zèle missionnaire. Le pape François n’a de cesse de rappeler à l’Église qu’elle a vocation d’être une communauté « en sortie », à l’instar de Jésus, pour rencontrer les gens de son temps dans leurs situations réelles et leur annoncer la Bonne Nouvelle à travers des attitudes et des actions qui relèvent les personnes. Le Seigneur prenait aussi le temps de s’occuper de ceux qu’il avait appelés pour être avec lui, ceux qui marchaient avec lui.

Gauthier Sopko avec un groupe de jeunes à Bunia

Le défi pastoral, à l’heure où les Églises se vident dans certaines contrées, serait d’animer la communauté chrétienne dont nous nous occupons afin de l’aider à prendre conscience de sa dimension missionnaire, de façon que ce ne soit pas uniquement le curé, l’aumônier, le diacre, le « serviteur de Dieu », qui courre après « ceux qui ne viennent pas », mais que ce soit toute la communauté chrétienne qui se mette « en sortie », à la rencontre de leurs frères et sœurs qui ont lâché prise d’une façon ou d’une autre, ou qui ont été offusqués par certaines attitudes rencontrées dans la communauté de foi qu’est l’Eglise, pour leur témoigner l’amour de Dieu et leur rappeler que le Christ les veut toujours avec lui. Ce serait alors toute l’Eglise qui sera « en sortie » ; mais pour en arriver là, il faut savoir bien s’occuper de « ceux qui viennent », ceux qui sont disponibles pour le Seigneur.  

Les Églises locales devraient prendre leur courage à deux mains et aborder de façon pertinente et innovante les besoins réels des fidèles chrétiens de tous âges. Tout cela exige beaucoup de vérité et d’humilité, ce qui est un peu comparable au cheminement de l’apôtre Pierre. La mission de l’Église, à l’intérieur et à l’extérieur, a encore un avenir ! « Et moi, je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes du séjour des morts ne prévaudront point contre elle. » (Mt 16,18-19).  

Freddy Kyombo, M.Afr.

“Régionalité et fraternité incarnées… vision en dents de scie” (PE n° 1091 – 2018/05)

Le passé qui revient et le passé qui ne revient jamais constituent un moment de notre vie qui évoque des souvenirs et des sentiments résonant sans cesse, comme une onde, dans les lointains recoins de notre existence. Par exemple, le bonheur d’un exploit réussi ou de la reconnaissance pour avoir entraîné des frères ou des soeurs dans une démarche de don de soi qui débouche sur une foi incarnée dans la prière, le témoignage et l’engagement pour le bien dans la justice. Ce moment de notre vie a eu aussi ses démons. Leur laideur nous hante quelquefois l’esprit au point d’enclencher le sentiment de révolte face aux échecs et limites humaines. Heureusement, par la grâce divine, nos échecs et nos limites humaines nous replongent dans la spiritualité de l’humilité pour bien savourer et célébrer la miséricorde de Dieu et la joie du soutien fraternel dont la bienfaisance a fait ses preuves.  

Dans la durée nous nous acheminons vers une vision missionnaire incarnée et de plus en plus radieuse résultant d’un discernement holistique et continu. A cet effet, je salue la mémoire de nos aînés qui ont discerné et té- moigné de la vision incarnée du missionnaire-disciple et pour qui les sou- venirs de régionalité et de fraternité exhalent encore le sentiment de fierté et d’espérance. Heureux êtes-vous, pour avoir entraîné d’autres jeunes dans cette vision répondant, eux aussi, au même appel du Christ. “Vieillissants, vous fructifiez encore… parabéns !”

Dans le passé lointain, les vocations missionnaires venaient de la région du monde occidental. Ce fut l’époque de revendication de la tradition chrétienne. Après, il y eut une remarquable diminution des vocations missionnaires et aujourd’hui nous observons une espèce de froideur et de désintéressement vis-à-vis de la foi catholique. Alors que dans un passé récent, la région du monde africain a commencé à vivre son âge d’éclosion missionnaire. En Afrique, il y a encore un enthousiasme vis-à-vis de la foi catholique. Mais une question mérite tout de même d’être posée ; combien de temps cette expression missionnaire enthousiasmée va t-elle durer ? Cela prendra certainement quelques temps encore avant que ne commence le refroidissement vis-à-vis de la foi catholique et la diminution des vocations missionnaires comme ailleurs. Les signes précurseurs sont en train de changer la donne avec l’avènement des mouvements pentecôtistes, des Églises de ‘réveil’, de certaines religions orientales (avec l’arrivée des Chinois, Indo-Pakistanais, etc.), des sociétés secrètes qui recrutent beaucoup parmi les jeunes africains, vu aussi les perspectives de stabilité et de croissance macro-économique à l’horizon plus ou loin lointain, etc. Cet avènement est en train de provoquer un choc culturel mais nous devons nous attendre à d’autres bouleversements mineurs ou majeurs dans un avenir plus ou moins lointain avant de commencer à enregistrer la baisse des vocations missionnaires. Rien n’est statique rappelons-nous. Considérant les changements à l’horizon et s’inscrivant dans la vision d’une mission incarnée, nous pouvons sérieusement envisager partout où nous sommes implantés des mouvements de “laïcs amis des missionnaires d’Afrique”, aussi bien au niveau local qu’international. Nous pouvons aussi envisager, dans un futur plus ou moins proche, l’implantation des communautés d’animation missionnaire dans d’autres régions du monde, par exemple, à Madagascar, en Corée du Sud, en Indonésie, etc. Le modèle indien qui a été un investissement à long terme et tout récemment le modèle brésilien sont en train de porter leurs fruits, sans oublier à chaque région sa réalité et sa particularité !

Raphaël Muteba Ndjibu, M.Afr.

Souvenirs d’un aumônier d’école secondaire (PE n° 1091 – 2018/05)

J’ai été aumônier d’une école secondaire en Zambie de Pâques 1975 à janvier 1982. Voici comment s’est passée ma nomination à ce poste.

Ce jour-là, je voyageais de Chilonga, la paroisse où j’étais prêtre assistant, vers l’évêché du diocèse de Mbala (qui n’existe plus, une partie – au nord – ayant passé à l’archidiocèse de Kasama, l’autre partie – à l’ouest – étant devenue le diocèse de Mpika). De Chilonga à Mbala il faut compter plus 400 km ; c’était, en ce temps-là, une piste gravillonnée. La densité du trafic était minime… Au milieu de nulle part, je vis arriver un véhicule qui me semblait pressé. On eut juste le temps de se recon- naître ; il s’agissait du Père Régional de Zambie. En fait, il venait me voir à Chilonga pour me demander d’aller remplacer le P. M. Merizzi qui venait d’être nommé assistant régional ; jusque-là, Mike avait été aumônier de Lwitikila Secondary School. Ayant fait quelques études en catéchèse et ayant déjà travaillé avec des jeunes, j’acceptais sans trop d’appréhension. Je repartais aussitôt vers Mbala où je me rendais pour prendre part à une assemblée presbytérale. Je ne me souviens pas si le Régional poursuivit sa route ou rebroussa chemin vers son bureau à Kasama mais je me souviens que lorsque ce fut à mon tour d’être au bureau du Régional j’ai fait de nombreuses consultations et nominations en pleine brousse, au gré de mes visites aux confrères et des tournées des missionnaires !

L’école secondaire Lwitikila

L’école secondaire de Lwitikila, était (est encore) en fait un pensionnat pour jeunes filles appartenant au diocèse de Mpika, et tenue (en ce temps-là) par les Sœurs du Sacré-Cœur de Jésus et du Cœur Immaculé de Marie de Chigwell (Londres). En arrivant à cette école, on ne me cacha pas qu’il ne me serait pas facile d’y être vite accepté. C’était une institution de plus de 500 jeunes filles de 12 à 18 ans. En fait, les choses se passèrent assez bien ; ces filles comptaient sur la bienveillance de l’aumônier en un endroit où la discipline était plutôt stricte. Mais 500 jeunes filles ! Quelques confrères me demandaient comment je me sentais au milieu de ce monde ! Je crois qu’ils s’inquiétaient un peu pour ma santé mentale et morale. Il me semble me rappeler que je répondais quelque chose comme ceci : « elles sont trop nombreuses pour être un problème ! »  (Mais quand même,… mieux valait ne pas être trop sûr de soi !).

Assez vite après mon arrivée à cette école, un groupe de ces filles vint me trouver pour me demander de reprendre les bénédictions du Saint-Sacrement le dimanche soir ; celles-ci avaient été abandonnées quelque temps plus tôt. Je refusais. Je refusais  parce que je pensais que cette dévotion n’était pas ce dont ces jeunes avaient réellement besoin. Je les invitai à être créatives et à trouver quelque chose de significatif pour la fin de la journée, le dimanche… J’oubliai vite et leur demande et ma réponse jusqu’à ce qu’un dimanche soir, me rendant à l’église (il faisait déjà noir) je remarquai qu’il y avait des lumières dans le sanc- tuaire. Je m’approchai et découvris une trentaine de filles assises par terre, autour de l’autel, chacune avec une bible et une bougie allumée… Il s’agissait d’un moment de partage qui se renouvellera chaque dimanche quand l’école était en session… Ce jour-là, je me retirai sur la pointe des pieds pour ne pas troubler ce moment de prière libre de toute contrainte ou formalisme.

Le staff de l’école secondaire de Lwitikila

L’enseignement religieux

En ces temps-là, être aumônier d’une école secondaire voulait dire faire partie du corps professoral. Le corps professoral était composé de laïcs volontaires provenant d’Irlande et du Royaume-Uni, et aussi de quelques Zambiens, hommes et femmes, fraîchement sortis des écoles normales ou de l’université. C’était un groupe dynamique, jeune, enthousiaste. Comme membre de ce corps, je devais enseigner au même titre que les autres professeurs. Bien évidemment, j’enseignais les cours de religion avec l’aide de quelques Sœurs et de quelques laïcs. Le cours de religion que je trouvais en arrivant à cette école était un cours de Connaissance de la Bible (Bible Knowledge) qui était reconnu comme branche d’examen pour l’obtention du certificat Cambridge. Je fus vite fatigué par ce genre d’enseignement (en fait, les Actes des apôtres), travail purement académique de mémorisation sans trace de formation (humaine ou autre)… Avec un groupe d’aumôniers d’écoles secondaires nous avons décidé de partir à la recherche d’un autre cours plus adapté aux jeunes et plus vivant.

Bien heureusement, un nouveau cours venait d’être produit au Kenya ; c’était un cours remarquable par sa méthodologie et son contenu. Pour le cours secondaire inférieur, il s’agissait de « Grandir en Christ » (Developing in Christ) ; pour le cours supérieur, « Vivre en Christ » (Living in Christ). Mais les livres étaient au Kenya. Avec l’aumônier de l’école voisine et le soutien efficace de feu Père Frank Carey qui travaillait pour le ministère de l’Education, on a décidé d’aller les chercher nous-mêmes, chacun avec son pick-up : 2 tonnes de livres, c’est-à-dire assez d’exemplaires pour lancer le cours dans trois ou quatre écoles. Partis tôt le matin, nous arrivions à Nairobi à la tombée de la nuit ; le lendemain, chargement des livres et un peu de repos ; le surlendemain, retour à Lwitikila où nous sommes arrivés dans la nuit noire. Quelle aventure, avec le passage de 3 frontières : Kenya, Tanzanie, Zambie. Mais, nous étions encore jeunes, la vue ne faiblissait pas encore et le dos ne faisait pas encore trop mal. Et puis, il y avait la fierté d’avoir fait un safari utile à la mise en route d’un nouveau cours d’éducation religieuse.

Le culte dominical

L’école de Lwitikila était une institution catholique mais l’admission ne suivait en rien la confession des élèves. La proportion était plus ou moins 50-50 : une moitié de catholiques pour une moitié de protestants ou autres. Le dimanche, les catholiques avaient leur messe tôt le matin, tandis que les autres (UCZ, Église Unie de Zambie) avaient leur culte en fin de matinée sous la présidence de leur pasteur qui venait de la ville voisine… Un dimanche avant midi, je me trouvais dans l’enceinte de l’école. J’y visitai les groupes qui avaient leurs réunions hebdomadaires : Jeunesse Chrétienne Étudiante, Groupe de Vocations, Groupe biblique, chorale… Nous entendîmes soudain des hurlements provenant de la salle où s’était rassemblée la communauté protestante. Bruits de vitres cassées, portes enfoncées, filles qui s’enfuyaient de tous côtés, et même sautant par les fenêtres. Que s’était-il passé ? Peut-être un serpent s’était-il introduit dans la salle ? Rien de ça ! Il s’était passé que le pasteur qui, habituellement, venait présider au culte avait donné sa place, ce jour-là, à un ministre pentecôtiste. Quand celui-ci commença à pousser des cris pour son exercice d’exorcismes et sa séance de guérison, les filles qui n’avaient pas l’habitude de ces choses, commencèrent à paniquer et bientôt à prendre peur. D’où le pandémonium…

Quelques jours plus tard, mais sans rapport à cet événement, l’administration de l’école renvoyait chez leurs parents une quinzaine d’élèves. C’était des « born-again » qui refusaient d’être présentes aux heures d’étude et préféraient s’adonner à leurs exercices religieux. Ces born-again étaient une vraie peste et entravaient la bonne marche de l’école. Quant à notre ministre pentecôtiste, on ne le revit jamais. Peut-être, voyant la réaction des filles, avait-il pris peur lui aussi; ou peut-être avait-il juré de ne jamais revenir à cette institution catholique qui avait causé la défaite de ses pouvoirs guérisseurs.

Autres activités

Et quoi encore ?… Le gouvernement de Zambie avait demandé que chaque école ait une unité de production. L’école de Lwitikila décida qu’on creuserait des étangs pour l’élevage de poissons. Nous avions une rivière à proximité. J’avais la charge de ce gros travail. On eut quelques bons résultats : deux ou trois repas pour toute l’école avec du poisson frais. Hélas, on dût abandonner le projet bien vite : des loutres avaient remonté la rivière et saccageaient les étangs… Et encore : deux attaques de l’école par les garçons de l’école secondaire voisine (15 km !). Comme souvent dans ces cas-là les filles avaient insulté les garçons. Pas question pour eux de laisser passer ça ! Et enfin, les fêtes, les célébrations. Il y a à Lwitikila une grande et belle église. Pour des occasions spéciales, toute l’école s’y rassemblait. J’avais demandé à la maman d’un de nos confrères qui enseignait les sciences domestiques à l’école de couper dans des tissus locaux (Fitenge) les uniformes des servantes à l’autel, des lectrices et des acolytes. Elles avaient belle figure dans leurs longues « aubes » aux couleurs fortes et aux dessins africains. Il y avait des processions, des danses ; il y avait surtout 500 filles qui, quand elles chantaient toutes ensemble avec enthousiasme pouvaient vous faire ressentir des émotions intenses. Un chant en anglais avait toujours du succès : «The Lord of the Dance.»

« Danse, donc, où que tu sois! Je suis le Seigneur de la danse, avait- il dit ! »

Quelques mois après avoir quitté cette école, j’étais nommé assistant régional pour la Zambie. Passer d’une école de 500 filles à une bande de 150 ou plus de Missionnaires d’Afrique n’était pas une chose évidente. Mais j’avais appris (et enseigné) que la vie était changement et que pour vivre pleinement il fallait avoir changé souvent… Au cours de mes pérégrinations comme assistant régional puis régional, je rencontrais parfois d’anciennes élèves. Certaines étaient déjà mères de familles, d’autres Sœurs Professes ; ces retrouvailles étaient toujours joyeuses. On avait oublié les moments de frustrations ;  ne restait que l’estime mutuelle et quelque chose comme de l’amitié.

Jean-Pierre Sauge, M.Afr.

La persécution de l’Eglise en R.D. Congo, défi pour sa mission (PE n° 1091 – 2018/05)

La question de l’insécurité des agents de l’Eglise en R.D. Congo est devenue une préoccupation de toutes personnes de bonne volonté. Notre cher pays, la République Démocratique du Congo, devient de plus en plus impatient et menaçant pour l’Eglise catholique. Les prêtres, les religieux et religieuses et toutes personnes de bonne volonté s’interrogent sur l’avenir de l’Eglise catholique et de sa mission en R.D. Congo. Les accusations, les arrestations ; les attaques et les enlèvements de prêtres nous rendent mal à l’aise, on vit dans l’inquiétude totale et dans la peur. Et pour les jeunes en formation, les séminaristes « propédeutes », c’est un défi total pour la vie à laquelle ils aspirent.

Ici dans la province du nord Kivu, nous avons eu des expériences très touchantes et décourageantes pour les jeunes en formations et pour les religieux et religieuses étrangers. Beaucoup s’interrogent s’il faut rester ou quitter. Nous ne pouvons pas oublier les inquiétudes de nos parents, nos confrères et nos amis qui ne cessent de nous appeler et de nous écrire jour et nuit pour savoir l’état de la sécurité ici au Nord Kivu. Certains événements touchants que nous avons vécus ici au Nord Kivu ont marqués d’un sceau notre vie.

Quelques événements marquants

Nous ne pouvons pas donner la liste de tous les événements que nous subissons ici en R.D. Congo ; en voici certains. Une chapelle de la paroisse Cathédrale de Goma qui se trouve à quelques mètres de notre communauté du Foyer Godefroid Ngongo, a été profanée par des inconnus, pendant longtemps est restée désacralisée. Les fidèles de cette succursale ont alors utilisé l’une de nos salles de Foyer Ngongo pour la prière matinale et la messe. Pour nous c’est une manière de s’entraider avec l’Eglise locale. À la paroisse Notre Dame d’Afrique (Katoy Goma, paroisse gérée par les pères missionnaires d’Afrique), presque chaque dimanche il y a des annonces sur les enlèvements d’enfants par des gens inconnus. Le 21 janvier, à la cathédrale de Goma les chrétiens ont prit la fuite après avoir entendu les bruits de jeunes manifestants à la fin de la première messe. La police a jeté des gaz lacrymogènes, une bombe est tombée sur le presbytère ; la police a tiré aussi quelques balles réelles sur le presbytère et en l’air ; il y eut beaucoup de blessés et plusieurs se sont évanouis à cause du bruit. Les autres messes n’ont pas eu lieu en ce dimanche là. Je me rappelle bien ce jour-là, je revenais de Katoy la paroisse notre Dame d’Afrique où j’avais célébré la première messe de 6h00-8h00 quand j’ai entendu les tirs de balles. J’ai eu peur ; je priais Dieu que j’arrive à la maison en sécurité.

Le diocèse de Beni-Butembo, toujours dans la province du Nord- Kivu a connu plusieurs kidnappings de prêtres. Le 22 janvier 2018, à la paroisse de Bingo dans le territoire de Beni des hommes armés non identifiés ont kidnappé l’abbé Robert Masinda et deux ingénieurs agronomes dont Mr Dieudonné Sangalas et Augustin Nyuza. Deux autres prêtres, les abbés Jean-Pierre Akilimali, et Charles Kipasa venaient d’être kidnappés à la paroisse de Bunyuka le 17 juillet 2017 ; sans oublier les pères assomptionnistes Jean-Pierre Ndulani, Edmond Kisughu et Anselme Wasukundi enlevés de la paroisse de Mbau en territoire de Beni le 19 octobre 2012 et dont nous n’avons toujours pas de nouvelle jusqu’à présent. La situation que nous traversons est déplorable. Nous avons la grande responsabilité de protéger nos brebis. Oui ! C’est dans des situations pareilles qu’on vit les Écritures saintes : « Voici que je vous envoie comme des brebis au milieu des loups ; montrez-vous donc prudents comme les serpents et candides comme les colombes. » (Mt 10, 16).

Relations Église – État

La relation entre l’Eglise catholique et le gouvernement n’est pas bonne. L’Eglise poursuit sa mission prophétique de dénoncer le mal et de former les consciences de ses fidèles. Oui ! Chacun de nous doit donner le meilleur de soi, idées, conseils mais surtout prier pour que le gouvernant qui a, lui, le devoir d’aimer et d’écouter son peuple, puisse gouverner correctement ; tel est le devoir du bon catholique. Mais comment allons-nous nous donner dans un pays où nous ne sommes pas écoutés ? Où les gouvernants dirigent le pays comme des étrangers sans se soucier de rien. Ils ne se sentent pas concernés par les problèmes du pays. Les 4 et 5 février 2018 les peuples Hema et Lendu se sont entretués en Ituri (Bunia) sans pitié ; 23 morts et des nombreux blessés. Les tueries quotidiennes continuent à Butembo-Beni, où même des agents de la MONUSCO sont tués : 14 soldats Tanzaniens ont été tués en 2017 par des gens armés. Ce sont des cas très inquiétants pour nous. Les gouvernants pansent à la légère la blessure du peuple, en disant : « Paix ! Paix ! » alors qu’il n’y a point de paix. C’est vraiment honteux ; nos leaders devraient avoir honte, mais ils ne sentent plus la honte : « Nous espérions la paix : rien de bon ! Le temps de la guérison :voici l’épouvante » (Jr 8,15).

Ici en R.D. Congo, les prêtres, les religieux et les religieuses étaient bien respectés par les agents de sécurité comme la police D.G.M et les autres personnes de bonne volonté. Mais aujourd’hui ce n’est plus le cas. Etre prêtre catholique signifie faire partie de l’opposition. Les anti- président actuel, les antis-démocratie. Nous sommes mal vus par beaucoup d’autorités de l’Etat. Quand nous conduisons nos voitures nous sommes souvent arrêtés plusieurs fois par les agents de la circulation ; il font toutes sortes de contrôle avec une agressivité intolérable. Des sectes avec leurs pasteurs passent toute la journée en train d’insulter l’Église catholique, les évêques, les prêtres et les religieuses/religieux toutes sortes d’insultes. Ici à Goma il y a une station de radio d’une secte qui passe sont temps à accuser l’Église catholique et ses agents. Nous sommes réduits à rien, meurtris jusqu’aux os. Partout les gens nous demandent pourquoi nous ne réagissons pas à ces hommes qui nous insultent jour et nuit ? Mais nous avons choisi la méthode du roi David devant les insultes de Shimeï. Dans le dialogue entre Abishaï et David nous avons ces belles paroles : « Abishaï, fils de Ceruya, dit au roi : « Faut-il que ce chien crevé maudisse monseigneur le roi ? Laisse-moi traverser et lui trancher la tête ». Mais le roi répondit : « Qu’ai-je à faire avec vous, fils de Ceruya ? S’il maudit et si Dieu lui a ordonné : Maudis David, qui donc pourrait lui dire : Pourquoi as-tu agi ainsi ?» David dit à Abishaï et à tous ses officiers : « Voyez : le fils qui est sorti de mes entrailles en veut à ma vie. A plus forte raison maintenant ce Benjaminite ! Laissez-le maudire, si Dieu le lui a commandé. Peut-être Dieu considérera-t-il ma misère et me rendra-t-il le bien au lieu de sa malédiction d’aujourd’hui ? » (2S 16, 9-12).

Prions pour l’Eglise du Congo, prions pour les missionnaires et pour toutes personnes de bonne volonté pour qu’il y ait une bonne compréhension entre l’Eglise et l’Etat en vue de construire un pays habitable pour tous.

Elias Kapange, M.Afr.

Une rencontre d’espérance (PE n° 1091 – 2018/05)

Au Kenya, le dimanche est un week-end ! Mais le dimanche 11 mars 2018 n’était pas un week-end comme les autres. Vers la fin de la journée, tout à coup, les nuages se sont amoncelés ; il a commencé à pleuvoir comme à Gravelotte. Le froid s’est installé et le temps a changé ! Néanmoins toutes les routes ont mené à Karen, chez les Soeurs Dimesse. Nous étions 24 Missionnaires d’Afrique (y compris le provincial de l’EAP) venus de différentes provinces : SAP, PAO, SOA, EPO, PAC, EAP, Ghana-Nigeria et Maghreb, pour cette rencontre historique.  Historique, oui, parce qu’elle fut la première rencontre de son genre à rassembler les animateurs vocationnels et les recteurs des nos propédeutiques en vue de voir d’où nous venons, où nous en sommes et vers où nous voulons aller. Quand Didier Sawadogo, notre Assistant général, venu de Rome pour nous aider à réfléchir ensemble, a pris la parole d’ouverture, tout de suite le mot « Espérance » est sorti comme un fil conducteur ; celui-ci nous a guidés tout au long de cette semaine fraternelle. « La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux… » (Mt 9, 37). Il ne faut jamais se lasser de chercher les ouvriers pour la moisson du Seigneur, a réitéré l’un des animateurs présents. Ainsi nous entamions notre semaine d’échanges fructueux et fraternels.

Rencontre des animateurs vocationnels et des recteurs des propédeutiques des Missionnaire d’Afrique

Avec un programme bien chargé, nous avons commencé par les rap- ports de chaque province concernant l’animation vocationnelle. Bien que différents, tant pour le fond que pour la forme (car les réalités ne  sont pas pareilles), les rapports de chaque province et de chaque propé- deutique étaient particulièrement édifiants. À la suite des rapports, nous avons traité le document « A vin nouveau, outres neuves » présenté par Didier Sawadogo. C’est un document du Vatican qui aborde quelques défis que rencontrent les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique. Sorti après différentes rencontres de consacrés à l’occasion de l’année de la Vie consacrée, ce document vise à éclairer le discernement des congrégations religieuses face aux appels actuels et aux défis de notre temps.

Pour nous, il nous encourage à revoir les critères de discernement pour l’animation vocationnelle, discerner la qualité du vin nouveau et à emprunter de nouveaux chemins plus adaptés à nos contextes ; autrement dit, être des ‘outres neuves’ pour le ‘vin nouveau’ que le Seigneur ne cesse d’appeler pour sa moisson abondante. Avec ce bon document, bien déchiffré, « il y eut un soir, il y eut un matin » ; ce fut notre premier jour du travail.

Par la suite, avec les dynamiques de petits et grand groupes, nous avons traités plusieurs questions : l’animation vocationnelle et la colla- boration avec l’Eglise locale, avec les Sœurs Missionnaires de Notre Dame d’Afrique (SMNDA), les ordinations de nos confrères, le jubilé de 150 ans de notre Société, la collaboration entre l’animation vocationnelle, les propédeutiques et la première étape de formation. A la fin de la journée, nous avons travaillé le document sur la préparation du Synode des jeunes prévu pour octobre 2018. Présenté par Bob Tebri, notre secrétaire à la Formation initiale, le document traite les questions de la foi et du discernement vocationnel des jeunes. Quelles indications pour l’animation vocationnelle dans nos provinces ? Il faut comprendre les jeunes qui se présentent pour pouvoir les aider à bien discerner leur vocation. Avec ce document bien élaboré, « il y eut un soir, il y eut un matin » ; ce fut notre deuxième jour de travail.

Ensuite, nous nous sommes penchés sur la question du test psychologique de nos aspirants. Olivier Soma, notre confrère psychologue de formation, nous a ouvert l’esprit concernant la psychologie comme un outil clef dans le discernement vocationnel de nos jeunes frères. Ce jour là, la formation humaine, les critères d’admission ont été mis sur la table en petits et en grand groupes. Avec la psychologie bien expliquée, « il y eut un soir, il y eut un matin » ; ce fut notre troisième jour de travail.

Par la suite, les questions telles que les relations entre l’animation vocationnelle et les propédeutiques, les programmes de ces dernières, la collaboration entre l’animation vocationnelle et les propédeutiques ont été débattues en petits et en grand groupes. Avec ce travail bien fait, « il y eut un soir, il y eut un matin » ; ce fut notre quatrième et dernier jour sur l’animation vocationnelle.

Comme l’écrivait le pape François : « Devant la pénurie des vocations, nous faisons parfois les diagnostics des riches : riches du savoir des sciences anthropologiques modernes qui, avec leur masque de suffisance absolue, nous éloignent de l’humble prière de supplication et de demande au maître de la moisson »  

Nous ne sommes ni très riches financièrement, ni très riches spirituellement, ni en nombre, au point de nous contenter des chiffres des vocations actuelles, quand bien même le Seigneur a été si généreux avec nous ces derniers temps (avec 39 premières nominations cette année). Donc, ne cessons pas de lui rendre grâce pour sa générosité et continuons de le supplier et d’œuvrer pour plus de vocations Missionnaires d’Afrique !

C’est dans ce contexte de reconnaissance de la bonté du Seigneur envers notre Société, avec un regard appréciatif que nous avons fait cette rencontre historique dite d’Espérance. Elle eut lieu à Nairobi du 11 au 16 mars 2018 dans une ambiance fraternelle, assidue et joyeuse ! Merci à tous ceux et celles qui ont veillé à ce que cette rencontre historique soit une réussite !

Vincent Kyererezi, M.Afr.

Rencontre des stagiaires de la province d’Europe (PE n° 1091 – 2018/05)

« Ayez un esprit du corps », nous a appris Lavigerie. L’un des défis que nous lance la vie quotidienne c’est ce soutien mutuel de nos joies et peines. Ah ! Si l’on était non seulement unis mais un ; n’est ce pas le souhait de tout être humain dans sa vie sociale, religieuse voire politique ? A notre niveau de formation chez les missionnaires d’Afrique, ce soutien mutuel s’est concrétisé par une rencontre des stagiaires de la province d’Europe et leurs accompagnateurs. Six membres y ont pris part : Georges JACQUES (Assistant provincial et responsable des stagiaires au sein de la province), Bernard DELAY (Coordinateur des sta- giaires dans le secteur de la France), Jésus ZUBIRIA (Délégué provincial et Coordinateur des stagiaires dans le secteur d’Espagne), Jonas YAMBA (2ème année de stage en Espagne/Roquetas de Mar), Moses ARIHO (1ère année de stage en France/Marseille) et Emile KIMEMBE (1ère année de stage France/Toulouse). Réunis à Madrid, du 4 au 6 Avril 2018, cette rencontre s’est déroulée en trois temps. D’abord le temps de prière, ensuite le temps de partage d’expériences apostolique et enfin le temps de détente. Quel est l’impact des cultures de nos milieux de stage sur notre vie spirituelle, sociale et apostolique ? Qu’avons- nous appris ? Comment étions-nous accueillis dans nos secteurs et communautés ? Quelles perspectives pour le futur ? Telle fut, en gros, la problématique majeure de notre rencontre. Cet article donne juste une vue générale. D’abord nous parlerons brièvement de l’accueil au sein de la communauté. Ensuite nous parlerons de nos entretiens. Et enfin nous parlerons de notre temps de détente.

L’accueil au sein de la communauté

Il est un élément très fort et remarquable quand on arrive dans la communauté de Nuestra Senora De Africa : un sens de l’accueil presque inné. Cette attitude chaleureuse, cet esprit de partage de leurs expériences missionnaires, ce bon sens de l’humour, cette joie communautaire qui de- vient contagieuse, cet esprit du corps pendant les services communautaires, etc. ont rendu notre séjour non seulement paisible mais aussi un encouragement dans notre cheminement vocationnel. On se croirait devant les auteurs de cette parole : « A ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jean 13, 35). Oui, nous avons vu et cru. Il nous serait donc ingrat de ne pas dire merci à toute la communauté.

Notre rencontre a débuté dans la matinée du 4 avril par une récollection sur le thème : « gérer ma liberté ». Animé par Georges JACQUES, ce temps de réflexion nous a rappelé la liberté de Jésus qui s’inscrit dans l’obéissance de la volonté de son Père. Depuis l’aube de l’humanité, disait-il, l’homme a de la peine à gérer sa liberté. Loin d’être un cadeau empoisonné de Dieu aux hommes, elle est un grand signe de confiance et de son amour. Etre libre, ce n’est pas faire ce que je veux, mais vouloir ce que je fais, dit-on ! Etre libre, c’est me reconnaître comme un être limité et ainsi faire le choix de la complémentarité dans le respect des différences. A titre personnel, il nous a été rappelé que c’est au cœur de nos limites que s’inscrit notre liberté. Alors, les reconnaître et les aimer semble un atout dans notre vie.

Rencontre des stagiaires de la PEP avec leurs encadreurs à Madrid

Les entretiens

Pas de temps à perdre ! L’après-midi de la même journée était donc dédié à une présentation globale d’abord des secteurs d’Espagne et de France, ensuite de la province d’Europe et enfin au partage de nos expériences apostoliques, lequel partage prendra fin dans l’après-midi du 5 Avril. Temps d’écoute mutuelle, de soutien et d’enrichissement. C’était pour nous un temps fort ! Est-il de merveille plus belle qu’un échange libre, sincère et riche ? Est-il de temps d’encouragement plus touchant que le partage des différentes difficultés dues au changement social, climatique, linguistique pour certains ? Oui, nous nous sentions bien réconfortés par le partage de l’un et de l’autre. Par ailleurs, nous avons aussi parlé de quelques points pratiques en ce qui concerne notre formation. A titre illustratif : le rapport de stage, la déclaration d’intention, la retraite annuelle et les vacances locales.

Notre temps de détente

Le temps de détente n’a pas été mis aux oubliettes. Nous avons eu l’opportunité de visiter la cathédrale de Madrid, le palais royal, le stade Santiago Bernabéu du Real Madrid, et d’une manière particulière le projet des missionnaires d’Afrique, Africa Fundación Sur. En vue de nous féliciter pour ce beau temps vécu ensemble, une soirée dinatoire était au rendez-vous au musée du Jambon.

Visite du stade du Real Madrid

Une joie vécue et partagée avec ses pairs s’intensifie, mais une difficulté vécue et partagée avec ses contemporains s’adoucit, dit-on. Cette  rencontre des stagiaires organisée au sein de la province en notre faveur nous a apporté une grande joie et pleine satisfaction. Nous nous souviendrons de ces expériences de chacun d’entre nous parce que porteurs d’une grande richesse. Nous nous souviendrons de cette confiance qui nous a caractérisés. Nous nous souviendrons des conseils de nos accompagnateurs. Nous nous souviendrons de ce bel accueil dans la communauté. Tout n’a pas été dit, mais au moins tout reste gravé dans nos cœurs. Saint Jean ne dit-il pas : « Jésus a fait encore beaucoup d’autres choses ; si on les rapportait en détail, je ne pense pas que le monde entier pût contenir les livres qu’il faudrait écrire » (Jn 21, 25).

Jonas Yamba, Moses Ariho et Emile Kimembe

Accueil et accompagnement des jeunes confrères (PE n° 1091 – 2018/05)

Une facette de notre vie missionnaire comporte des allées et venues, des bienvenues et des adieux. Entre les arrivées et les départs, nous sommes appelés à construire une communauté, par un style de vie simple, un esprit de fraternité et de partage, une communion de prière et une collaboration apostolique missionnaire. Cette réalité revêt un caractère unique lors de l’arrivée des jeunes confrères dans leur lieu d’apostolat après le serment, et cela non seulement pour les nouveaux arrivés mais aussi pour les confrères qui les reçoivent.

L’accompagnement des jeunes confrères débute bien avant leur arri- vée. Dès l’annonce de leur nomination à une communauté et lieu d’apostolat, il est important de lui souhaiter la bienvenue et lui dire que nous avons hâte de faire connaissance. Il est opportun de lui décrire brièvement les membres de la communauté, le lieu et le type d’apostolat exercé. Ainsi le jeune confrère devient en mesure de partager cette information avec parents et amis. Il se sent bienvenu et déjà des liens commencent à se tisser. Il reçoit le goût de se rendre sur place et de participer à la vie de la communauté et à l’apostolat. De plus cette communication procure un point de départ pour l’insertion du jeune confrère.

Jean Lamonde avec John Biju et Pascal Durant

Souvenons-nous que l’arrivée d’un jeune confrère transforme la com- munauté d’accueil. Celui-ci possède ses propres qualités, ses dons, ses forces ainsi que ses limites et faiblesses. Il n’est pas une pièce nouvelle de rechange et il n’accomplira pas son apostolat exactement comme celui qui vient de partir.

L’accueil des jeunes confrères

Comment accueillir et accompagner un jeune confrère ? Sur quels points insister ?  

D’abord préparer sa chambre et l’accueillir dès les premiers instants. Passer du temps avec lui. Ainsi chacun parle un peu de lui-même, de sa vie, de sa famille et de son apostolat. Ces rencontres sont cruciales pour établir des liens d’amitié et les dynamiques de collaboration missionnaire. Elles aident les membres de la communauté à faire le point sur leur vécu missionnaire (vie de communauté, prière, apostolat et ses priorités, etc.) et à apporter les ajustements nécessaires. Ainsi l’accueil et l’accompagnement d’un jeune confrère fournissent à la communauté l’occasion d’une relecture et d’un renouvellement.  

Cette démarche est exigeante, plus que de répondre : « Ici, ça ne se fait pas comme cela, et tu verras pourquoi plus tard ». Moi aussi, j’ai été accueilli et initié comme jeune confrère et souvent j’ai ressenti le besoin de poser mes questions. Et parfois, la réponse du confrère « expérimenté » était tout simplement : « Je ne sais pas. Je pense qu’en procédant de cette manière, notre témoignage missionnaire sera plus fructueux ». Réponse humble et honnête sans prétention.

Comment former une communauté ?

Ce procédé ne se construit pas automatiquement et la communauté est invitée à prendre les moyens nécessaires pour le mettre et le garder en marche. La prière est le premier moyen car elle nous soude au Sei- gneur et nous unit. Les conseils communautaires hebdomadaires en constituent un bon instrument car ils aident la communauté à formuler clairement un projet communautaire qui tienne compte de toutes les dimensions de notre charisme missionnaire, prière personnelle et communautaire, vie communautaire, apostolat et ses priorités, détente, formation permanente, etc. La tenue du conseil augmente le partage des informations et favorise la confiance et l’estime mutuelle. Il ne s’agit donc pas que de solutionner des problèmes mais bien de bâtir une communauté et une équipe. D’ailleurs les meilleurs conseils communautaires sont ceux menés lorsqu’il n’y a pas de situation urgente à gérer, ni d’événements immédiats à organiser, car ils permettent une discussion en profondeur sur les différents éléments fondamentaux de la mission, sur la mentalité et situation des gens que nous servons, sur les rapports que nous entretenons entre nous-mêmes et avec nos collaborateurs, etc.

La solidarité fait partie de notre style de vie simple et ne se limite pas qu’à renflouer la caisse d’entraide. Elle inclut la disponibilité d’être « dérangé » par le confrère qui veut vérifier quelques mots de sa nouvelle langue de vie ou s’informer sur son apostolat. Un soutien amical en temps de maladie est toujours le bienvenu.  Comme il est bon de s’entendre dire : « Tu es fatigué, repose-toi; aujourd’hui je prends ton safari ».

Mes réflexions

Les premières années de vie missionnaire s’avèrent une expérience fondatrice. Elles renferment suffisamment d’informations au sujet de toutes les dimensions de notre vie (prière, contact avec les gens, vie communautaire, vie apostolique, conseils évangéliques, gérance de la soli- tude, etc.) pour permettre une bonne relecture du vécu missionnaire dès les débuts de notre engagement. Toutes les dynamiques d’engagement et d’évitement, de croissance et de régression s’y sont manifestées. Et comme elles sont encore récentes, il est alors plus facile de les fortifier ou de les rectifier selon les besoins personnels et ceux de la mission. La retraite annuelle et les récollections sont très bénéfiques dans ce cheminement.  

Finalement l’essentiel est que chacun soit heureux dans sa communauté comme homme et comme missionnaire, qu’il puisse mettre joyeusement tous ses dons au service de la mission et qu’il grandisse en fidélité et en amour avec son Seigneur et les personnes qui leur sont confiées et avec qui il vit.  

Jean Lamonde, M.Afr.

L’accompagnement et l’intégration des jeunes confrères (PE n° 1091 – 2018/05)

Le Petit Echo m’a demandé de partager avec les confrères mon expérience dans l’accompagnement et l’intégration des jeunes confrères. Dans cet article, en plus du partage de mon expérience dans ce domaine, j’indiquerai quelques facteurs qui peuvent aider les jeunes confrères à être davantage résilients dans la mission.   

Lorsque j’ai été nommé Assistant provincial de la PAC (province d’Afrique Centrale) de 2009 à 2013, les deux provinciaux (d’abord Emmanuel Ngona, et ensuite Mgr Placide Lubamba) avec qui j’ai eu à collaborer m’avaient confié, entre autres, l’accompagnement des jeunes confrères de la province. Comme équipe provinciale, nous avions fait de l’accompagnement des jeunes confrères une priorité. Nous étions conscients que les premières années de mission après la formation initiale constituaient une transition qui présente certes des opportunités de grandir sur le plan personnel et dans le service de la mission, mais aussi des risques liés aux difficultés à maintenir un juste équilibre entre les exigences du travail pastoral, la vie communautaire, la vie spirituelle, la détente et les relations à l’extérieur de la communauté. De plus, les tensions socio-politiques, l’instabilité et l’insécurité qui prévalait dans les pays de la région (malheureusement, cet état de fait reste encore d’actualité) exigeaient que nous prêtions davantage attention aux jeunes confrères qui arrivaient dans la province.

Lorsqu’un jeune confrère était nommé à la PAC, avant que ce dernier n’arrive dans sa communauté, le provincial ou l’assistant provincial visitait la communauté. Durant une telle visite la question de l’accueil et de l’intégration du jeune confrère était discutée. L’expérience montre que revisiter le projet communautaire à l’arrivée d’un nouveau membre et le fait de tenir des conseils communautaires réguliers sont des moyens très utiles qui favorisent l’intégration aussi bien dans la communauté que dans la pastorale.

D’autres moyens utilisés pour accompagner les jeunes confrères étaient, entre autres, la rencontre des « confrères en premier terme de mission », la session annuelle de formation à l’intention des jeunes confrères, les visites dans les communautés et les communications informelles. Dans cet article, je m’attarderai surtout sur la rencontre des « confrères en premier terme de mission » et la session annuelle de formation à l’intention des jeunes confrères.

La rencontre des « confrères en premier terme de mission » a lieu tous les trois ans. Elle rassemble les confrères en première, deuxième et troisième année de mission. Cette rencontre dure une bonne semaine, et est organisée autour de quatre grands moments.

Le premier grand moment de la rencontre est consacré au partage et à l’écoute des expériences personnelles des participants. Chaque partage était suivi de questions de clarification ou de mots d’encouragement de la part des autres participants. La prière des laudes, des vêpres et l’eucharistie quotidienne sont des moments privilégiés où les expériences partagées sont aussi présentées à Dieu.

Le deuxième grand moment est consacré à l’approfondissement de certains thèmes qui émergent des partages, et qui sont jugés dignes d’intérêt pour le groupe.

Le troisième grand moment est consacré aux visites : visite de quelques lieux d’espérance (paroisses ou centres où des hommes et des femmes travaillent à être des témoins d’espérance auprès des plus démunis et marginalisés) ; visite des communautés des confrères ; et visite à l’Ordinaire du lieu si les circonstances le permettent.

Le quatrième et dernier grand moment de cette rencontre est consacré à l’évaluation de la rencontre. Tout se termine par une sortie de détente.

Si la rencontre des « confrères en premier terme de mission » constitue un moment important, l’accompagnement des jeunes confrères ne saurait se résumer à cette rencontre. C’est ainsi que chaque année, nous organisions une session de formation à l’intention des jeunes confrères de la province. Les confrères qui étaient dans leur premier terme de mission tout comme ceux qui étaient dans leur second terme de mission participaient à cette session qui avait souvent lieu juste après la retraite annuelle. Selon la nature du thème et la disponibilité du facilitateur, la session pouvait durer de trois à cinq jours. L’objectif de ces sessions annuelles était double. D’une part, elles étaient une occasion de formation permanente, et d’autre part elles permettaient aux jeunes confrères de se retrouver, de partager d’une façon informelle leurs expériences, de s’encourager mutuellement ou de se lancer des défis quand il le fallait. Ceci était une forme d’accompagnement qui se faisait entre jeunes confrères. Ma présence durant ces sessions et les rencontres individuelles avec l’un ou l’autre était également une opportunité de cheminer avec eux.

Le premier terme de mission est un moment d’enthousiasme et de ferveur pour le jeune confrère qui, après plus d’une dizaine d’années de cheminement, a enfin l’occasion de vivre pleinement les valeurs évangéliques et missionnaires qu’il a longtemps nourries et mûries durant le temps de la formation. Au même moment, les premières années de mission ont leurs défis qui sont liés, entre autres, au fait d’avoir un nouveau rôle et de nouvelles responsabilités aussi bien dans l’Eglise que dans la société, au fait de ne plus être dans une maison de formation avec des programmes bien établis, au fait de se retrouver dans un nouveau contexte socio-économique et politique, au fait d’apprendre à vivre avec de nouveaux confrères, au fait d’avoir à apprendre la langue du milieu, et j’en passe. Face à tous ces défis, qu’est-ce qui peut aider le jeune confrère à mieux intégrer ces nouvelles expériences ? Il me semble que construire la résilience peut être un début de réponse à cette question.

Qu’est-ce que la résilience ? La résilience se définit comme étant la capacité humaine à affronter l’adversité, à la surmonter, à en tirer les leçons, et mieux, à être transformé par l’adversité. Même si nous avons des niveaux de résilience variés, chaque personne peut développer ses capacités à être résiliente. Voici cinq facteurs (l’ordre ici n’est pas selon leur importance) qui peuvent favoriser la résilience chez les jeunes confrères.

Rencontre des confrères en premier terme de mission à la PAC

Le premier facteur qui peut favoriser la résilience a affaire avec une perception positive de soi. Cela signifie une certaine confiance en soi, une vision positive de soi, la capacité à reconnaître et accepter ses succès personnels, la capacité à valoriser ses expériences positives, la capacité à reconnaître et accepter ses échecs et à se résoudre à apprendre de ses erreurs, et enfin la capacité à savoir être reconnaissant.

Le deuxième facteur qui peut favoriser la résilience concerne la capacité à entretenir des relations interpersonnelles significatives. Des relations saines et significatives nous permettent de partager avec les autres ce que nous vivons (nos joies, nos peines, nos peurs et nos espoirs). De telles relations accroissent aussi notre sens d’appartenance, nous permettent de recevoir des autres et de devenir aussi sensibles aux besoins des autres. Les recherches en psychologie montrent que lorsque les sentiments et les fortes émotions que nous expérimentons ne sont pas partagés avec quelqu’un, le risque est grand de développer des maladies telles que la dépression, d’avoir des comportements autodestructeurs  ou encore de sombrer dans la dépendance à des substances telles que l’alcool. D’où la nécessité d’avoir aussi un accompagnateur avec qui partager ses expériences.

Moment d’action de grâce

Le troisième facteur qui peut promouvoir la résilience chez les jeunes confrères est la vie spirituelle. Ici la prière personnelle et communautaire, la méditation quotidienne et l’ouverture à recevoir et à donner le pardon sont autant d’expériences qui aident à grandir dans l’assurance de la  fidélité de Dieu, même dans les moments les plus troubles.

Le quatrième facteur qui peut favoriser la résilience est l’espérance. L’espérance n’est pas à confondre avec l’optimisme. L’optimisme peut déformer la réalité pour la rendre plus belle et conduire à caresser de faux espoirs qui seront déçus. En revanche l’espérance se base sur ce regard d’amour sur les réalités du monde, à la lumière de la foi. L’espé- rance nous permet d’oser envisager l’avenir avec Dieu quelles que soient les épreuves du présent.

Le cinquième et dernier facteur important dans la construction de la résilience est la capacité à trouver un sens, une cohérence à sa vie. Des motivations extrinsèques dans le ministère telle la recherche du succès, de la célébrité, du pouvoir, d’un certain rôle social ou de l’argent sont illusoires et ne procurent pas la joie et le bonheur recherchés.  En revanche, c’est dans la simplicité, la proximité avec les gens, le don de soi, l’esprit d’humilité et de service que l’on peut toucher la vie des gens auxquels nous sommes envoyés. Pour paraphraser Mère Teresa de Calcutta, « nous ne sommes pas appelés à réussir – nous sommes appelés à être fidèles ».

Visite à Mgr Kaboy, évêque de Goma

En plus de ces facteurs qui peuvent rendre les jeunes confrères davantage résilients dans la mission, il n’est pas superflu de mentionner ici l’importance d’adopter un style de vie qui favorise une meilleure santé en faisant régulièrement des exercices physiques, en ayant une alimentation équilibrée, et en exerçant de la discipline et de la modération dans la consommation de l’alcool ou des boissons trop sucrées.

En guise de conclusion, il me semble évident que l’équipe provinciale et la communauté d’accueil ont un rôle important à jouer dans l’accompagnement et l’intégration d’un jeune confrère. Toutefois, il appartient au jeune confrère d’être davantage responsable de sa vie s’il veut faire de sa vocation missionnaire une expérience significative qui donne vie non seulement à lui, mais également aux personnes auxquelles il est envoyé. Face à l’adversité, le fait d’adopter une posture de victime en blâmant les supérieurs, les autres membres de la communauté ou de tierces personnes n’aide certainement pas à s’en sortir. Dans les moments de crise, la capacité à reconnaître sa part de responsabilité et le courage de demander une aide appropriée afin de pouvoir rebondir signifient aussi être responsable.

Olivier T. Soma, M.Afr.