Quand le tourisme banalise l’ exploitation sexuelle

Depuis trois ans, les Sœurs missionnaires de N-D d’Afrique travaillent dans la région côtière du Kenya, où elles tentent de sortir les jeunes enfants d’une exploitation sexuelle de plus en plus présente. Sr Redempta Kabahweza, SMNDA ougandaise, qui œuvre notamment dans le soutien psychosocial de ces enfants, nous donne son témoignage.

Sr Redempta console, rassure,
redonne courage.

La côte du Kenya est célèbre pour ses belles plages de sable blanc, ses palmiers, ses eaux chaudes de l’Océan Indien… Mais ces plages ensoleillées sont aussi une plaque tournante pour le tourisme sexuel européen, en particulier avec des jeunes mineurs. Une étude réalisée en 2006 par l’UNICEF estime qu’environ 10 000 à 15 000 filles âgées de 12 à 18 ans, vivant dans les zones côtières du Kenya, ont été exploitées sexuellement.

Ce qui explique une telle exploitation des enfants, c’est la pauvreté généralisée et l’acceptation du phénomène par la société. Le tourisme est l’un des secteurs économiques les plus importants du Kenya ; il représente 10 % du PIB du pays.

En 2015, face à cette situation, l’Église catholique a ouvert, à Malindi au Kenya, un centre appelé : “Centre d’Accueil Pape François”, pour les victimes de cette exploitation sexuelle. Là, les mineurs reçoivent l’aide dont ils ont besoin et un soutien pour traduire les auteurs en justice. Au quotidien, des enfants âgés de trois ans parfois, garçons et filles, rapportent des détails bouleversants sur les abus qu’ils ont subis, souvent commis par des proches.

Sr Redempta qui est la principale psychosociologue du centre, se souvient d’avoir arraché deux fillettes de 10 et 12 ans, des mains de deux touristes italiens qui avaient abusé d’elles pendant deux ans. Elle décrit le traumatisme durant l’entretien avec la plus âgée des deux.: « Je l’amenais dans la salle de rencontre, et une fois que je fermais la porte, elle commençait à trembler. Il était très difficile de la préparer à témoigner au tribunal car elle devait se remémorer toutes les horribles expériences qu’elle avait vécues. »

Lorsque nous avons rencontré Sr Redempta, elle nous a confié ses combats permanents et difficiles, face à la souffrance profonde des enfants, au récit des violences sexuelles et des expériences traumatisantes qu’ils ont vécues, mais aussi comment ellemême trouvait la force intérieure de continuer à se battre pour la justice.

Voix d’Afrique. : Vous êtes Ougandaise. Comment êtes-vous venue à Malindi, et au Centre d’Accueil Pape François ?

Sr Redempta : Quelques mois avant mes voeux perpétuels, l’évêque du diocèse catholique de Malindi, Mgr Barbara, a contacté notre Supérieure générale afin de lui demander de l’aide, pour la gestion du « Centre Pape François ». Certes, cette invitation du diocèse correspondait tout à fait à un aspect de notre charisme, qui consiste à porter une attention particulière à toute personne blessée, en difficulté, isolée de la société. Après plusieurs consultations, trois d’entre nous furent envoyées pour répondre à l’urgence de cette mission. Personnellement, je fus très enthousiaste de recevoir juste après mes voeux perpétuels, cette nomination en tant que psychosociologue. Je désirais vraiment travailler avec les enfants, et l’idée d’assumer le rôle de « conseillère » me réjouit beaucoup. C’était la première fois que j’allais mettre en pratique, mes compétences en “counseling” (accompagnement psychologique et social)

Sr Redempta joue avec les deux plus jeunes
survivantes d’abus sexuels.
Elles ont toutes les deux quatre ans.

V.A: Comment cela se passe-il avec les enfants ?

Sr R. : C’est une mission enthousiasmante, mais qui est loin d’être simple. Écouter ce qu’ils ont vécu, brise le coeur. Un exemple parmi tant d’autres : quand je suis arrivée ici, j’ai trouvé une fillette de deux ans et demi qui avait été agressée sexuellement à plusieurs reprises. Comment un être sain d’esprit, peut-il violer un bébé ?

V.A: Est-ce que l’écoute des expériences de ces enfants vous traumatise aussi?

Sr R. : Cela m’affecte bien sûr, comme toutes les personnes qui travaillent ici. Lorsqu’un enfant qui a été abusé est amené au centre, tous : travailleurs sociaux, infirmières ou encore les chauffeurs qui conduisent les enfants ici, en sont réellement touchés et la compassion se lit sur tous les visages. Néanmoins, nous travaillons en équipe pour arriver à prendre du recul face à ces situations dramatiques. Les enfants ont besoin de notre assurance, pour réapprendre la confiance.

V.A: Parmi toutes les personnes qui s’occupent des enfants, vous êtes celle qui écoute leurs expériences traumatisantes de la violence sexuelle. Comment faites-vous face?

Sr R. : Professionnelle de l’écoute, je cherche à redonner confiance à ces enfants en situation de souffrance psychique. Je m’efforce de les aider à reprendre contact avec tout ce qui réhumanise. Mais l’écoute peut prendre différentes formes : un enfant par exemple ne s’exprime pas forcément avec des mots mais plutôt avec des dessins ou avec des jeux. Ainsi, aujourd’hui, j’ai joué avec deux fillettes âgées de quatre ans qui sont arrivées au Centre dans un état très grave… L’une d’entre elles, par l’intermédiaire d’une poupée masculine, a pu confirmer que c’était son oncle maternel qui l’avait violentée, même si une déclaration de police indiquait qu’elle avait été impliquée dans un accident de circulation au cours duquel ses parties intimes auraient été meurtries ! Son examen à l’hôpital avait confirmé qu’elle avait été abusée sexuellement…

Au Centre, les fillettes les plus âgées
s’occupent des plus jeunes.

V.A: En plus du suivi de ces enfants, offrez-vous un autre soutien?

Sr R. : Parce qu’ils doivent être réintégrés dans leur famille après trois mois de séjour au Centre, je me rends chez eux pour parler à leurs proches et évaluer si le fait de ramener l’enfant à la famille constitue ou non un danger supplémentaire pour lui. Je dois aussi enquêter sur ceux qui les ont harcelés, c’est mon devoir. Je prépare également les enfants à témoigner devant un tribunal. Car les juristes ne peuvent pas faire avancer un dossier judiciaire avant que ne soit confirmée l’identification des suspects et que les enfants n’aient témoigné. Ainsi, l’une des enfants de quatre ans a déjà témoigné au tribunal au sujet du viol qu’elle a subi. Hélas, par la suite, les greffiers nous ont appelés pour nous dire que le dossier était incomplet et que l’enfant devait témoigner de nouveau. J’ai refusé, indiquant que l’enfant n’était pas prête à subir un 2e interrogatoire. J’ai l’intime conviction que quelqu’un a été payé pour faire disparaître ce dossier.

V.A: Qu’est-ce qui vous motive à continuer votre travail malgré la détresse que vous rencontrez parfois ?

Sr R. : L’évêque de Malindi, a vu ce « crime contre l’humanité » qui sévissait dans cette région et a estimé qu’il fallait faire quelque chose. Il a fondé le « Centre d’accueil Pape François », basé sur l’enseignement social de l’Église : « créer une société où tous les enfants vivent dignement et dans laquelle leurs droits sont protégés. » C’est la mission que s’est donnée le centre : venir en aide aux enfants qui sont soumis aux violences sexuelles. Cet objectif s’adresse à tous les enfants, sans distinction de race, d’origine ethnique, de croyance religieuse ou de sexe, pour leur permettre de se réaliser un jour, pleinement. Les Soeurs Missionnaires de N-D d’Afrique sont très engagées dans ce qui favorise la justice et la paix. Et parce que je suis aussi très attachée à cette mission, je veux que justice soit rendue à ces enfants. J’éprouve une grande joie pour chaque enfant qui peut retourner dans sa famille après des mois de soutien. Je veux continuer à les suivre, pour m’assurer qu’ils sont en sécurité et ne seront plus maltraités. Tous, ils me font confiance pour les protéger de leurs agresseurs, et je ne voudrais pour rien au monde les abandonner. Quand ils m’appellent “Soeur” et partagent avec moi toutes leurs peurs du monde extérieur, cela me convainc plus encore, que je ne peux qu’être là avec eux et pour eux.

Sr Huguette Régennass, SMNDA
Voix d’Afrique n° 119 – Juin 2018

Le futur de la Mission

La mission a-t-elle un futur ? Nous voulons parler ici de la Mission « ad extra » ; c’est-à-dire celle qui consiste à quitter son propre pays et à partir dans un autre pour y proclamer l’évangile. Bien des Sociétés ou Congrégations missionnaires se posent la question car nous devons regarder l’avenir avec réalisme.

En 1975, dans notre Société des Missionnaires d’Afrique, nous étions juste en dessous des 3000 membres ; et aujourd’hui, juste 43 ans après, nous ne sommes plus que 1210 soit une diminution de près de 50 %.

Et si nous y regardons de plus près parmi ces 1210, nous pourions distinguer alors 826 membres originaires des pays de « vieilles » chrétientés (Europe et Amérique du Nord) et quelque 380 membres originaires des pays de « jeunes » chrétientés, principalement africaines. Nous tous missionnaires, quelle que soit notre origine, nous sommes supposés quitter notre pays d’origine pour aller vers ceux et celles qui n’ont pas encore entendu l’Évangile.

P. B. en “vieilles” chrétientés

Nous nous réjouissons de ces 826 membres justes mentionnés. Mais nous sommes un peu tristes de considérer que la grande majorité d’entre eux ont plus de 70 ans d’âge et que seulement un nombre infime d’entre eux sont encore en Afrique.

Tous nos espoirs reposent donc sur nos 380 membres venant des jeunes chrétientés parmi lesquelles nous citons entre autres : les Congolais de RDC (82), les Burkinabè (53) ou encore les Zambiens (32). Alors, face à ces statistiques, notre question demeure : Quel est le futur de la Mission ?

Actuellement la Société des Missionnaires d’Afrique comprend au total 1210 Pères Blancs. Parmi ceux-ci, 826 membres originaires des pays de “vieilles” chrétientés (Europe et Amérique du Nord) ; la grande majorité d’entre eux ont plus de 70 ans d’âge.

Un colloque missionnaire en Irlande

Récemment, en février 2018, un colloque missionnaire en Irlande s’est penché sur cette question. Neuf représentants de différentes Sociétés missionnaires y participaient. Et parmi elles, nous avions le Père Stanley Lubungo, Supérieur Général des Missionnaires d’Afrique. Ces neuf sociétés y ont fait une constatation générale : chaque société missionnaire s’est enrichie de membres originaires de cultures différentes. Elles doivent donc faire face à la nécessité de vivre une réelle interculturalité (ce qui est différent de la multiculturalité).

Elles doivent se laisser imprégner par la variété des cultures qui les composent. Elles doivent chérir leur propre tradition ou l’identité culturelle tout en étant des témoins visibles de ce qu’elles vivent en communauté interculturelle. Ainsi, dans leur vie communautaire, il n’est plus possible d’avoir une seule culture “dominante” qui dicterait tout. L’influence de l’Église occidentale d’hier ne peut donc que diminuer.

C’est déjà ce que vivent les Maryknoll Sisters des États Unis qui n’ont maintenant que 393 membres et dont un nombre important est âgé de plus de 80 ans. Ou encore, nous avons l’exemple des Missions Étrangères de Paris (MEP) qui viennent de célébrer leur 300e anniversaire. Ils ne sont plus que 185 mais maintenant s’ouvrent au volontariat laïc. Depuis 2003, ils ont ainsi envoyé plus de 2000 personnes en mission. Quelques-uns d’entre eux ont ensuite rejoint les MEP pour un engagement définitif dans la prêtrise. Les Églises Occidentales n’ont plus le privilège d’alimenter les forces missionnaires de l’Église Catholique. Le charisme missionnaire est partagé entre toutes les Églises, vieilles tout autant que jeunes. À tel point que la journaliste qui écrivait à propos de ce colloque missionnaire, a intitulé son article : « La Mission devient de moins en moins occidentale ! » (The future of mission becomes less and less Western)

Une mission moins occidentale

« Une mission moins occidentale », c’est aussi ce qui apparaît quand nous constatons le nombre de prêtres que l’on peut qualifier d’étrangers et qui sont, momentanément ou de façon permanente, au milieu ou au service de nos communautés chrétiennes. Et de fait, il y a beaucoup de prêtres africains travaillant en Europe. Face à cela, il n’était pas rare d’entendre la remarque : « Nous les avons évangélisés. Ils peuvent bien maintenant venir aider nos paroisses. »

Bien sûr, dans nos capitales comme Paris et Bruxelles, nous trouvons de nombreux prêtres aux études dans nos universités. Il y en a d’autres qui, pour une raison ou une autre, ont préféré quitter leur diocèse d’origine. Mais il y en d’autres, peut-être pas assez nombreux, qui en accord avec leur évêque local, ont signé un contrat de “Fidei Donum” avec un diocèse de chez nous.

Tous les espoirs de croissance future des effectifs des Missionnaires d’Afrique reposent sur nos 380 membres venant des jeunes chrétientés. L’influence de l’Église occidentale d’hier ne peut que diminuer.

Les prêtres africains travaillent en Europe sur une base de partenariat

Ainsi, avec eux, pourrait se profiler un véritable partenariat entre les Églises d’Afrique et les Églises d’Europe. Les prêtres africains ne devraient pas venir pour remédier à nos manques de prêtres ; et en ce cas, ils ne seraient que des “bouches trous”. Non, ils doivent venir sur une véritable base de partenariat. Car ils ont leur manière propre de vivre l’Évangile. Et en cela ils peuvent nous interpeller. Ce sont donc les prêtres originaires des jeunes Églises qui à leur tour peuvent reprendre le flambeau de la mission ; même quand il s’agit de venir ici même, au milieu de nous, en Europe.

Jésus n’appartient à aucune culture

La Mission est une rencontre pour mieux découvrir Jésus Christ. Et Jésus n’appartient à aucune culture. Il est véritablement à tous et à toutes. Il a une dimension universelle. Il peut être au milieu de toute rencontre interculturelle. C’est là une dimension de la mission d’aujourd’hui. Elle peut se vivre autant dans nos Sociétés ou Congrégations missionnaires que dans nos communautés paroissiales où se retrou-vent des prêtres de toutes cultures.

Père Gilles Mathorel, M. Afr.
(Voix d’Afrique n° 119 – Juin 2018)

Il faut trouver des chemins de réparation avec les victimes…

Pédophilie aux Etats-Unis: pour le père Stéphane Joulain, “il faut trouver des chemins de réparation avec les victimes”

 

 

Ecoutez son interview par RCF

 

ou si vous voulez lire l’interview et l’écouter, allez directement sur le site de RCF.

Sud-Soudan : une indépendance ratée (Africana n° 179 – 2018/06)

Sud-Soudan : une indépendance ratée

Sept ans après la déclaration d’indépendance, la situation au Sud-Soudan est catastrophique : le cas évident d’un pays en faillite. Peut-être que l’enthousiasme n’a pas pris en compte les lacunes endémiques affectant le pays, mais l’idéal a aussi été trahi et battu par ses dirigeants.

Le Sud-Soudan était en guerre avec le Nord depuis 1955, un an avant l’indépendance du protectorat anglo-égyptien du Soudan. Depuis lors, le Nord et le Sud sont en guerre avec une rupture de 10 ans, entre 1972 et 1982, lorsqu’une paix fragile régnait entre les belligérants. Lorsque le référendum a eu lieu en juin 2011, qui était un choix entre l’unité et l’indépendance, 98,83 % des Sud-Soudanais qui se sont rendus aux urnes ont voté avec enthousiasme en faveur de l’indépendance. Le Sud-Soudan est devenu le pays le plus jeune de la planète. L’abondance de pétrole et d’autres ressources naturelles permettait d’espérer un développement rapide et continu, ce qui n’a pas eu lieu.

Manifestants lors du référendum qui a conduit à l’indépendance du Sud-Soudan.

Un peu d’histoire

L’information antérieure au XVIIIe siècle se fonde avant tout sur les traditions orales selon lesquelles les peuples nilotiques (Dinka, Nuer, Shiluk…) sont entrés dans le territoire actuel du Sud vers le Xe siècle, tandis que les Azande y sont entrés vers le XVe siècle ; et plus tard, le peuple Avungara. Peu à peu, ces peuples se sont progressivement installés jusqu’à ce qu’ils occupent leurs territoires actuels. Chacun d’eux s’est organisé politiquement et socialement selon ses propres structures jusqu’à ce que, en 1899, le Royaume-Uni et l’Égypte abolissent leur indépendance, établissant le Protectorat anglo-égyptien au Soudan. Le protectorat, bien qu’unique, était administré comme des territoires différents : le Nord était musulman et arabophone, tandis que le Sud était animiste et encourageait l’usage de l’anglais.

Propagande électorale avant l’indépendance

En 1953, les Britanniques et les Égyptiens ont décidé de donner l’indépendance au Soudan en tant que pays unique. L’Égypte espérait qu’après l’indépendance, le Soudan formerait une fédération avec l’Égypte, sécurisant ainsi les eaux du Nil. L’indépendance unitaire, cependant, a bouleversé de nombreux habitants du Sud ; ils étaient particulièrement bouleversés par le fait que Khartoum définissait le pays comme arabe et musulman. Ainsi, à partir de 1955, un an avant l’indépendance, une guerre civile a commencé, qui a duré jusqu’en 1972. Un accord de paix a été conclu à l’époque, donnant au Sud un gouvernement autonome, mais la découverte d’un pétrole abondant dans le Sud a accentué le désir de contrôle de Khartoum. Son président, Yaafar al-Numeiry, a dissous l’autonomie du Sud et a introduit la Charía, ou loi islamique, dans tout le pays, bien que le Sud ait été exempté d’observer certains de ses préceptes, comme l’interdiction de boire de l’alcool. Cela a déclenché le traité de paix signé en 1972 et a déclenché la deuxième phase de la guerre d’indépendance.

Un nouvel accord de paix entre le Gouvernement soudanais et l’Armée populaire de libération du Sud-Soudan, signé en janvier 2005, a mis fin à un conflit qui durait depuis 40 ans. Cet accord rétablissait le gouvernement autonome du Sud-Soudan et prévoyait un référendum en 2011, au cours duquel le peuple du Sud-Soudan déciderait de l’unité du pays ou de l’indépendance du Sud-Soudan. Le choix de l’indépendance a été écrasant et, le 9 juillet 2011, le Sud-Soudan a été proclamé indépendant. Malgré l’acceptation de l’indépendance du Sud par le Soudan, les tensions et les escarmouches entre les deux pays se sont poursuivies pour des intérêts opposés.

Le pays

Le Sud-Soudan dispose de ressources naturelles considérables, en particulier le pétrole. Un rapport de la Banque mondiale indique que les recettes pétrolières auraient été suffisantes pour réduire la pauvreté dans le pays et améliorer les conditions de vie de sa population. Aujourd’hui, cependant, il ne fait pas seulement partie des pays les plus pauvres du monde, mais son économie traditionnelle est complètement détruite par le nouveau conflit intestinal qui touche le pays. Le Sud-Soudan pourrait avoir une population d’environ 12 millions d’habitants. Je dis “peut-être” parce que quelques millions de personnes ont été forcées de se réfugier dans les pays voisins. Nous y reviendrons plus tard. Par groupe ethnique, les Dinka sont la plus grande communauté, avec quelque trois millions de membres.

Bien que la constitution actuelle de 2011 reconnaisse toutes les “langues autochtones” comme langues nationales, elle considère l’anglais comme “la langue officielle de travail dans la République du Sud-Soudan, ainsi que la langue d’enseignement à tous les niveaux de l’éducation”. L’arabe yuba (langue pidgin ou macaroni) est une lingua franca utilisée avec l’anglais. Les langues autochtones les plus parlées sont le bari, le dinka, le luo, le murle, le nuer, le pojulu et le zande. De plus, 60 autres langues sont parlées dans tout le pays.

En août 2011, l’ambassadeur du Sud-Soudan au Kenya a déclaré que le swahili serait introduit au Sud-Soudan pour remplacer l’arabe, orientant ainsi le pays vers la Communauté de l’Afrique de l’Est au lieu du bloc arabe. En juillet 2017, le gouvernement du Sud-Soudan a demandé aux enseignants swahili de se joindre à la Tanzanie pour introduire le swahili dans les programmes scolaires du Sud-Soudan, préparant ainsi l’adoption du swahili comme langue officielle.

L’indépendance du Sud-Soudan n’a pas conduit à la réconciliation de ses habitants.

Ressources

La situation économique du pays au moment de l’indépendance (2011) était encourageante.
Mais c’était un État pauvre, avec une infrastructure de base et une population en grande partie analphabète. Selon la Banque mondiale, seulement 27 % de la population âgée de plus de 15 ans est alphabétisée : 40 % des hommes et 16 % des femmes. La mortalité infantile et maternelle est élevée. Seulement la moitié de la population a accès à l’eau potable et 80 % n’ont pas accès à des installations sanitaires.

Toutefois, le Sud-Soudan dispose d’une base suffisante pour réaliser des progrès économiques considérables. Bien que son économie repose principalement sur le pétrole, elle dispose également d’autres ressources naturelles : minerai de fer, cuivre, chrome, zinc, tungstène, mica, argent et or. Le Nil Blanc traverse le pays et beaucoup de ses affluents y ont leurs sources, avec la possibilité de produire de l’énergie hydroélectrique. Elle possède également deux parcs naturels : Bandingilo et Boma.

L’une des richesses du Sud-Soudan est le bétail.

Les moyens de subsistance de base sont l’agriculture familiale à faible production (78 % de la population) et le pâturage en bobines. Le coton, les arachides, le sorgho, le millet, le blé, la canne à sucre, le tapioca, les mangues, les papayes, les bananes, les patates douces et le sésame sont cultivés. Elle produit également de la gomme arabique. Bien que le Sud-Soudan dispose de vastes étendues de terres agricoles et de pâturages inutilisés, il importe actuellement des denrées alimentaires de l’Ouganda, du Kenya et du Nord Soudan. La pêche est jusqu’à 37 mille tonnes par an. Selon la Banque mondiale, le secteur agricole ne représente que 15 % du produit intérieur brut.

Le pétrole, par contre, serait son plus grand atout pour l’instant. Le Sud-Soudan est le pays le plus dépendant du pétrole au monde. Il s’agit de la quasi-totalité de ses exportations et d’environ 60 % de son produit intérieur brut.

Infrastructures

Aujourd’hui, le Sud-Soudan dispose d’une route asphaltée de 192 km reliant Yuba à l’Ouganda ; le reste des routes sont des routes de terre. Elle compte également 248 km de voies ferrées à voie unique.

L’aéroport international de Yuba relie la capitale du Sud-Soudan avec Entebbe, Nairobi, Le Caire, Addis-Abeba et Khartoum. L’aéroport de Malakal est relié aux principales villes du pays.

Les communications téléphoniques sont réduites aux téléphones mobiles avec 2 853 000 connexions dans le pays. La presse compte sept quotidiens et un périodique. Quatre stations de radio et une station de télévision continuent de fonctionner, bien que la liberté d’expression soit très limitée.

Religion

Selon le recensement de 2011 et certaines études menées ultérieurement, entre 60 % et 70 % de la population professerait le christianisme. De ce nombre, 39,6 % sont catholiques ; 20,90 % sont des chrétiens non catholiques, appartenant à l’Église anglicane du Soudan, à l’Église copte et à plusieurs Églises protestantes. 6,20% professent l’Islam et le reste, soit environ 33%, professent les religions traditionnelles.

Le conflit et ses causes

Le conflit au Sud-Soudan a des composantes ethniques, mais ce n’est pas sa seule cause ; les ambitions politiques et l’accès aux richesses du pays, en particulier le pétrole, en font partie. Les nombreux accords de paix sont de courte durée sur le terrain.

A première vue, l’affrontement semble être un conflit ethnique, et c’est la version rapportée par les médias : Dinkas et Nuers, les deux tribus majoritaires, s’affrontent. Le chef de l’État, Salva Kiir, est Dinka, tandis que le vice-président de l’époque, Riek Machar, est Nuer ; leurs groupes ethniques respectifs les soutiennent dans le conflit. Cependant, l’explication réelle semble être plus complexe et, bien sûr, le contrôle du pouvoir et de la richesse du pays est, dans une large mesure, la raison de l’affrontement.

La corruption généralisée a rapidement été introduite dans le comportement des classes proches du pouvoir, au point que Salva Kiir les a accusés de détournement de 4 milliards de dollars. Peu après l’indépendance du Sud-Soudan, le ministre de la Culture, Jok Madut, a souligné plusieurs problèmes qui affligent le gouvernement : l’armée ne fonctionnait pas comme une force militaire disciplinée ; la société civile était gravement affaiblie ; la prestation de services du gouvernement était inadéquate, incapable d’assurer la sécurité et, finalement, l’unité politique s’est détériorée.

Le chef de l’Etat, Salva Kiir, a voulu remédier à la première de ces lacunes en essayant de réorganiser l’armée, mais sa tentative n’a pas été bien accueillie. Kiir avait laissé entendre que certains de ses rivaux essayaient de raviver de vieux désaccords. Pour les élections présidentielles de 2013, Riek Machar a annoncé sa candidature. Cela a conduit Salva Kiir à purger son gouvernement de la dissidence et, en juillet de la même année, à démettre Riek Machar et l’ensemble du cabinet de son poste de vice-président. Depuis lors, les tensions sont devenues apparentes et le style de gouvernement du chef de l’État est devenu autoritaire.

Le 15 décembre, sur ordre du général Paul Malong (l’homme de confiance du président), les soldats Dinka ont tenté de désarmer les soldats Nuer stationnés à Yuba. Ils ont résisté, mais la rébellion a été écrasée et les troupes affiliées au gouvernement, principalement Dinkas, ont tué autant de Nuer qu’ils ont pu trouver dans la ville de Yuba et ses environs. Le gouvernement Kiir a tenté de justifier le meurtre en disant que Machar et les soldats Nuer avaient planifié un coup d’état. Cette prétendue tentative de coup d’État a été rapportée dans la presse et acceptée par une grande partie de la communauté internationale.

Le résultat du massacre, qui pourrait faire plus de 6 000 victimes, a immédiatement conduit au soulèvement de tous les soldats nuer dans les différentes garnisons stationnées dans les provinces. Riek Machar, qui avait réussi à s’échapper, a pris la tête de la rébellion. Au fil du temps, d’autres groupes ethniques se sont dressés contre le monopole Dinka et le gouvernement Yuba, tandis que les soldats du gouvernement et les milices d’opposition massacraient ceux qu’ils considéraient comme des ennemis dans les villages. Des milliers de civils ont demandé l’asile au siège de l’ONU et dans les églises ; ceux qui pouvaient chercher refuge dans les pays voisins. Cette situation chaotique a affaibli le gouvernement et rendu plus difficile un dialogue possible pour la paix.

Riek Machar (à gauche) et Salva Kirr représentent les deux factions en guerre.

Cependant, le 17 août 2015, sous la pression de l’ONU et des Etats-Unis, qui continuent de considérer le régime en place comme légitime et Riak Machar comme coupable, un accord de paix a été signé entre les parties. Riek Machar, qui craignait pour sa vie, a demandé des assurances pour retourner à Yuba, où il était sur le point d’être tué le 8 juillet 2016. Fuyant à pied, il s’est réfugié en RD du Congo et a finalement été arrêté à Addis-Abeba, où il était venu dans l’espoir de trouver le soutien de l’Union africaine, qui y est basée. Depuis lors, il est assigné à résidence en Afrique du Sud, bien qu’il n’ait pas été jugé.

Contrairement aux attentes de la communauté internationale, qui a supposé que l’arrestation de Machar contribuerait à résoudre le conflit, la situation n’a fait qu’empirer. En décembre 2017, les différents groupes de candidats ont convenu d’une cessation des hostilités ; l’accord a été signé à Addis-Abeba le 23 décembre 2017 et devait entrer en vigueur le 24 décembre. Riek Machar, ancien vice-président et chef de la plus grande faction d’opposition, a ordonné à ses forces rebelles de cesser toutes les hostilités. Cependant, depuis la signature de ce pacte, le gouvernement et l’opposition n’ont cessé de s’accuser mutuellement de violations de l’accord.

Malgré tout, le président Kiir a lancé un processus de dialogue en mai 2018, dont la plupart sont ignorés par les candidats. Kiir a également annoncé des élections pour 2018, bien que l’Union africaine prévienne que dans les conditions actuelles de conflit, de telles élections seraient impraticables.

Les racines les plus profondes du conflit devraient se trouver dans les politiques coloniales du protectorat qui ont profité au Nord alors que le Sud restait sous-développé et sans éducation. Après l’indépendance, le Sud chrétien et animiste a continué d’être colonisé par le Nord musulman, avec plus de détermination lorsque le pétrole a été découvert dans le sud du pays.

The arms trade underpins the continuation of the war.

Le fait que le conflit soit motivé par des intérêts politiques et économiques est mis en évidence par le rôle primordial joué par le pétrole. Lorsque les combats ont commencé en décembre 2013, les combats ont été particulièrement violents dans les États pétroliers. Pour sa part, la communauté internationale n’ignore pas ces calculs. Le gouvernement du Sud-Soudan et les rebelles ont continué à s’armer sans embargo international sur les armes. L’intérêt pour le pétrole du Sud-Soudan de pays comme la Chine, la Russie et les États-Unis explique pourquoi il est si passif. La Russie et la Chine se sont montrées réticentes lorsque la possibilité de sanctions ou d’un embargo sur les armes a été mentionnée à l’ONU. Cinq pour cent des importations de pétrole de la Chine proviennent du Sud-Soudan, avec le gouvernement duquel elle a signé des accords de développement pétrolier bénéfique.

A cela s’ajoute le fait que les militaires du Sud-Soudan profitent des avantages du pétrole, malgré la famine dans le pays. Une organisation, qui se consacre à la traque de l’argent circulant autour des conflits armés et des crimes contre l’humanité, a montré comment un officier supérieur de l’armée du Sud-Soudan a 2,7 millions d’euros sur son compte personnel auprès de la Kenya Commercial Bank, un montant qui ne pourrait jamais s’expliquer par le salaire qu’il perçoit. Selon la même organisation, le Président et ses proches ont utilisé la compagnie pétrolière d’Etat, Nilepet, pour obtenir des fonds, en évitant les processus et les contrôles sur les dépenses militaires pendant le conflit civil. A tout cela s’ajoutent d’autres entreprises plus que douteuses.

Un des accords de paix qui a commencé par une prière.

Les violations des droits de l’homme et la corruption des hauts responsables de l’armée sont corroborées par l’article d’Alberto Rojas, publié dans le “El Mundo” le 25 août 2017.

Quel rôle joue l’ethnicité dans ce conflit ?

Il ne fait aucun doute que l’ethnicité joue un rôle dans ces affrontements. Au Sud-Soudan, l’appartenance ethnique est source de tensions et de divisions depuis longtemps : même pendant les longues années de lutte pour l’indépendance, le front de libération était divisé en factions ethniques : le Nuer, dirigé par Machar et le Shiluk, dirigé par Lam Akol, s’opposaient parfois l’un à l’autre au lieu de combattre l’armée du Nord. Ils en sont même venus à accepter les armes et l’aide économique du gouvernement de Khartoum, qui s’en servait pour affaiblir le mouvement politique et militaire de l’Armée populaire de libération du Soudan, dirigée par John Garang.

La guerre au Soudan a des composantes ethniques.

La trahison d’un grand idéal

Le conflit a causé plusieurs centaines de morts et près de trois millions de réfugiés et de personnes déplacées, ainsi qu’une grave famine dans tout le pays. Face à l’impuissance des pactes politiques, la société civile commence à exiger la fin de la guerre.

Le conflit, qui a commencé en août 2012 et qui se poursuit encore aujourd’hui, a provoqué 1 million 792 mille réfugiés dans les pays voisins et 2 millions de personnes déplacées dans le sud du Soudan, en plus de 5 millions de personnes en situation de grave insécurité alimentaire. Selon le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), l’Ouganda a été contraint d’accueillir 928 mille réfugiés du Sud-Soudan ; l’Éthiopie 320 mille ; la République démocratique du Congo 72 mille 300 ; le Soudan 400 mille ; le Kenya 70 mille et la République centrafricaine environ 2 mille. Le HCR estime qu’environ 60 mille Soudanais du Sud-Soudan fuient à l’étranger chaque mois.

Le nombre exact de victimes est inconnu, bien qu’il soit estimé à quelque 300 mille, la plupart pour cause de maladie et de famine, bien qu’environ 50 mille seraient victimes de combats et d’assassinats des deux côtés. Il faut ajouter à cela le viol indescriptible des femmes et le piétinement effréné des droits de l’homme.

Selon un rapport du HCR de 2016, lorsque les forces de Kiir et Machar sont entrées dans une localité “ennemie”, elles ont systématiquement martyrisé des civils et violé des femmes.

Selon une commission des droits de l’homme de l’ONU, la violence dans certaines régions du pays équivaut à un processus de nettoyage ethnique.

Sur les quelque deux millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays, 220 mille ont cherché refuge dans des camps de protection des Nations Unies au Sud-Soudan, protégés par la plupart des 12 mille personnes déplacées à l’intérieur du pays. Cela n’empêche pas les femmes d’être violées dans ces camps.

Les conflits et la sécheresse ont ajouté la famine à la souffrance de la population. Selon l’UNICEF, près de 5 millions de personnes dans tout le pays dépendent de l’aide alimentaire. Plus de 1,1 million d’enfants souffrent de malnutrition aiguë. La peur d’être attaqué empêche les familles d’aller à la ferme. En raison des pénuries alimentaires, l’inflation a atteint 800%, ce qui empêche les familles d’acheter de la nourriture.

Les Eglises, certaines organisations caritatives, comme l’International Mercy Corps, et les agences des Nations Unies (UNICEF, HCR, FAO et Programme alimentaire mondial) s’efforcent d’atténuer la situation catastrophique des populations du Sud-Soudan, mais les moyens à leur disposition sont clairement insuffisants. Les abus et les violations des droits de l’homme se perpétuent encore aujourd’hui.

Les enquêtes gouvernementales débouchent rarement sur des poursuites et des condamnations. Une cour martiale enquête sur les viols collectifs d’un groupe de soldats. L’issue de ce processus judiciaire reste à voir. Les enquêteurs de l’ONU affirment avoir identifié plus de 40 officiers de l’armée du Sud-Soudan soupçonnés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Il s’agit de huit lieutenants généraux et de gouverneurs de trois États.

Les troupes de l’ONU surveillent pour contrôler le conflit.

À la recherche de solutions

Il n’y a qu’une seule solution : la paix. Nous avons déjà mentionné les accords de “cessez-le-feu”, qui ont été jusqu’à présent inefficaces. Un dialogue national plus fort et des pressions internationales vigoureuses et soutenues doivent être établis pour parvenir à une solution politique au conflit.

L’ONG PeaceTech Lab Africa mène une campagne pour éradiquer le langage haineux qui enflamme les réseaux sociaux sur Internet. Un rapport d’experts de l’ONU (novembre 2016) a averti que ” les membres de toutes les parties au conflit, y compris les hauts fonctionnaires du gouvernement, ont utilisé les réseaux sociaux pour exagérer les incidents, diffuser des mensonges et des menaces cachées ou afficher des messages d’incitation à la violence. Une grande partie de la propagande haineuse est générée dans la diaspora et se propage à travers les réseaux familiaux et personnels : un SMS ou un simple appel téléphonique.

Bon nombre de Sud-Soudanais sont convaincus qu’il est de leur responsabilité de trouver une solution au conflit qui les afflige. Le 12 mai 2017, un groupe d’étudiants de l’Université de Yuba et d’activistes, se faisant appeler la Nouvelle Société, a organisé des manifestations contre les politiques gouvernementales. Selon le secrétaire général du groupe, qui parlait depuis Nairobi, des dizaines de participants ont été arrêtés et sont portés disparus. Il a également dénoncé la torture, qui est inconstitutionnelle et mérite la condamnation de la société civile. Le journal pro-gouvernemental “The Down” a justifié les arrestations comme étant politiquement motivées. Théoriquement, le droit de manifester est garanti par la constitution du pays.

Les militants d’AnaTaban – “Je suis fatigué”, en arabe – ont lancé Blood Shed Free2017, dans lequel ils utilisent des expressions artistiques telles que le hip-hop, la poésie et le graffiti, le théâtre participatif et les murales de rue pour mobiliser leurs compatriotes et promouvoir une culture de la paix. La campagne se déroule dans la rue et sur les réseaux sociaux. Ils veulent sensibiliser les jeunes et promouvoir le dialogue au lieu de la violence. Voici une partie du manifeste d’AnaTaban : “Nous en avons assez. Fatigué de la guerre et de toutes les souffrances qu’elle entraîne. Fatigué de rester assis pendant que notre pays brûle. Fatigué d’avoir un pays avec d’énormes ressources naturelles mais une économie effondrée. Nous en avons assez que notre précieuse diversité culturelle – 64 groupes ethniques – soit détruite par l’animosité tribale. Fatigué d’avoir une population qui meurt de faim, même si nous avons des terres fertiles. Nous sommes fatigués d’être utilisés pour nous entre-tuer au profit de quelques-uns.

Les conflits et le saccage rendent nécessaire l’aide extérieure.

Le manifeste ne saurait être plus explicite ou éloquent. Ils appellent à un cessez-le-feu permanent, à l’arrêt de la violence ethnique et à la fin de l’insécurité qui a transformé les routes en pièges meurtriers, ainsi qu’au respect des droits de l’homme et de la liberté de la presse, qui n’existe pas au Sud-Soudan. Ils insistent aussi pour être ceux qui règlent leurs différends : ” Si les Soudanais du Sud ne règlent pas leurs différends, personne ne le fera pour eux.

Plus précisément, quatre messages clairs sont envoyés à l’ensemble de la population, mais surtout aux jeunes :

  • Demandez pardon et accordez le pardon.
  • Régler les désaccords pacifiquement.
  • Acceptez la tolérance comme indispensable.
  • Chaque Sud-Soudanais a un rôle à jouer pour jeter les bases de la paix.

Contre la trahison d’un grand idéal et le désespoir qu’engendre la trahison, il y a ceux qui ne se résignent pas et qui sont encore capables d’attendre.

Bartolomé Burgos, M.Afr.
De “Africana” nr. 192, juin 2018 – M.Afr. Madrid
Traduction avec l’aide de www.Deepl.com

Sud-Soudan, l’espoir trahi – Editorial (Africana n°192 – 2018/06)

A titre d’essai, nous publions sur le site international, quelques articles de la revue des Missionnaires d’Afrique d’Espagne “Africana”. Nous utilisons pour ce faire l’excellent traducteur en ligne www.deepl.com. Merci de poster vos réactions.

Beaucoup d’entre nous sont préoccupés par la situation catastrophique au Sud-Soudan durant ces six premières années d’indépendance politique.

Le titre – “Sud-Soudan, l’espoir trahi” – du rapport de ce numéro, écrit par le Père Bartolomé Burgos, témoin oculaire depuis plusieurs années du désir d’indépendance des Soudanais du Sud, reflète parfaitement le sentiment de déception de beaucoup d’entre nous. Le premier voyage de ce jeune pays sur la voie de l’indépendance conduit à la conclusion que nous sommes face à un pays en faillite : une économie qui disparaît au profit de ceux qui font la guerre, une vie politique empoisonnée par l’ambition du pouvoir, une coexistence blessée par la haine ethnique, la famine, l’exode de plusieurs millions de personnes déplacées, la mort de 300 000 personnes et l’échec total de certains indicateurs de base du développement, tels que l’éducation et la santé. Bref, la trahison des espoirs de 12 millions de Soudanais du Sud.

Les causes de cette situation, comme toujours, sont complexes.
Notre rapport met l’accent sur les aspects ethniques, l’ambition de pouvoir, le faible développement politique, social et religieux du pays au cours des années qui ont précédé la déclaration d’indépendance. En ce qui concerne l’auteur du rapport, je pense personnellement qu’au Sud-Soudan, il y a toujours eu un manque de sentiment d’appartenance à une nation. Le sud du pays est constitué d’une multitude de groupes ethniques et de langues différentes, peut-être plus d’une centaine, conscients seulement de leur personnalité tribale. Les peuples du Sud n’ont jamais eu le même sentiment national. Certains groupes ethniques, comme les Dinkas et les Nuers, se détestent depuis des siècles. Cette hostilité ethnique est perçue même au sein des communautés chrétiennes, au point qu’il est parfois difficile de prêcher le précepte de l’amour dans certaines de leurs assemblées.

Cependant, il y a de l’espoir à l’horizon : la société civile est préoccupée par la nature endémique de la guerre dans le pays. Un mouvement, appelé “Ana taban”, qui signifie “je suis fatigué” en arabe local, exprime le sentiment de lassitude d’une grande partie de la société.

La célébration de la “Journée internationale Nelson Mandela”, promue par l’ONU le 18 juillet de chaque année, est un exemple d’un homme politique qui a combiné les vertus nécessaires à la bonne gouvernance : le sens du bien commun, la capacité de dialogue, le respect de l’égalité de tous, la recherche de la réconciliation et l’inclusion de toutes les sensibilités. Sans eux, il est impossible de vivre ensemble.

Agustín Arteche Gorostegui, M.Afr.
Madrid – “Africana” – n° 192 – juin 2018

Gerard Reynaert (1925-2018) (EAP Flashes – 2018/08)

Le P. Gerard Reynaert (1925-2018), populairement appelé “mukulu”, est décédé le 03.05.2018 à l’hôpital Nsambya de Kampala. Il a vécu 67 années de vie missionnaire, presque toutes en Ouganda. A 93 ans, il était encore économe local et chargé de l’accueil au centre de vocations de la maison Lourdel et aumônier d’une communauté de Petites Sœurs de Saint François à Nsambya. Ce qui suit a été écrit à son sujet dans l’Ordre de la Messe célébrant sa vie :

La fidélité et l’engagement de Gérard à l’apostolat jusqu’au dernier souffle de sa vie et de sa force restent pour nous un puissant rappel de la forte recommandation de notre fondateur, le Cardinal Lavigerie : “Mes chers enfants, vous n’êtes pas des explorateurs ou des voyageurs ordinaires… Vous êtes des apôtres et seulement des apôtres. Tous vos autres intérêts doivent découler de ce fait fondamental. Je vous en conjure, faites revivre en vous ces grandes pensées d’apostolat.”

Ce rappel est encore plus significatif dans le contexte du 150e Jubilé de la fondation des Missionnaires d’Afrique et des Sœurs Missionnaires de Notre-Dame d’Afrique (Msola). La foi du P. Gerard a été ” une foi terre-à-terre et pratique “. Ce n’est donc pas par hasard qu’il est décédé, le jour où nous célébrions la fête de saint Jacques, dont l’enseignement met fortement l’accent sur une telle foi : “La foi sans bonnes actions est morte”. (Jacques, 2:26)

Le mode de vie de Gérard correspondait bien à la vie que tous les Missionnaires d’Afrique sont invités à embrasser : ” Mode de vie simple “. Il était une véritable oeuvre biblique : “Nu, je suis sortie du ventre de ma mère, nu, je m’en vais partir.” (1:21) Il a quitté cette vie terrestre “nu” ; il n’a presque rien laissé derrière lui ! Quel message puissant et quel héritage dans un monde plein d’avidité de toutes sortes de choses terrestres ! Quel message puissant et quel héritage dans un monde où la “culture du grabbing” (se saisire, s’emparer de quelque chose) se développe chaque jour davantage ! En plaisantant, le P. Gerard parlait de lui-même comme “Ow’empisa ennungi” (quelqu’un qui a de bonnes manières). Puissions-nous aussi, malgré nos faiblesses humaines, toujours aspirer à être ‘abantu ab’ab’empisa ennungi’ (des gens de bonnes manières).

Le P. Gérard a été enterré à la paroisse de Nabulagala où il a célébré la messe jusqu’à sa mort. Les fidèles et quelques confrères ont veillé et célébré plusieurs messes tout au long de la nuit en priant pour Gérard. L’archevêque de Kampala, sa grâce le Dr. Cyprian Kizito Lwanga a célébré la messe des funérailles entouré d’une grande foule qui est venue faire ses adieux à jjaja (grand-père).

Qu’il repose en paix.

Ordinations sacerdotales (EAP Flashes – 2018/08)

C’est une année spéciale pour notre Secteur du Kenya. Ce n’est pas seulement l’augmentation du nombre de membres, mais aussi la bénédiction de Dieu qui se manifeste à travers l’ordination de trois confrères et d’un autre encore prévu dans un avenir proche. Tout a commencé à Meru, le 9 juin 2018 où Mgr Salesius Mugambi, évêque de Meru, a ordonné le diacre Robert Muthamia au sacerdoce. Robert Muthamia a été ordonné prêtre avec un autre prêtre des Conventuels franciscains et 6 diacres diocésains. Plusieurs confrères, un bon nombre de sœurs SMNDA et plusieurs amis (famille Lavigerie) ont fait le voyage à Meru pour soutenir Robert. L’évêque était si heureux de présenter Robert à la Société des Missionnaires d’Afrique et de l’envoyer en mission. Cependant, il nous a rappelé que Meru est aussi en Afrique. Le P. Robert Muthamia a célébré sa messe d’action de grâce à la paroisse de Kangeta d’où il vient.

Le 26 juillet 2018, toutes les routes mènent à Machakos où l’archevêque Anthony Muheria de l’archidiocèse de Nyeri et administrateur du diocèse de Machakos a ordonné nos diacres Simon Chege Njuguna et Nicholas Mulinge. Ils ont été ordonnés avec 4 diacres diocésains et 8 prêtres au cours d’une cérémonie longue et colorée. L’archevêque a profité de l’occasion pour promouvoir les vocations non seulement pour le diocèse mais aussi pour les congrégations religieuses. Lui aussi nous a rappelé non seulement de traire la vache mais aussi de ne pas oublier de la nourrir. Les missionnaires ont encore leur place dans l’Église locale.

We wish our new priests a happy and fruitful missionary life.
HONGERENI!!!!

Du stagiaire UWAGBOE Daniel Pio (EAP Flashes – 2018/08)

MOT DE REMERCIEMENTS de UWAGBOE Daniel Pio
Stagiaire à Kabanga, Tanzanie

Dans les écrits de William Arthur Ward, on peut lire : ” resentir de la gratitude sans l’exprimer, c’est comme préparer un cadeau sans jamais le donner “. J’écris à la suite de l’accident que j’ai eu le 11 juin 2018, qui m’a laissé avec une fracture ouverte au tibia droit et au péroné. D’abord, j’ai du subir une chirurgie de fixation externe et prendre divers médicaments pendant environ trois semaines pour traiter tous les marqueurs d’infection avant de subir une autre chirurgie, de fixation interne cette fois, le 9 juillet. Une ” tige intramédullaire en titane ” a été fixée dans mon tibia pour que je puisse marcher à nouveau et pour faciliter le processus de guérison. Même si je prends toujours des médicaments, je me rétablis et je me sens mieux jour après jour.

Je remercie tout particulièrement mon curé de paroisse, le prêtre Berthrand Dakyie, qui a veillé avec soin à ce que je reçoive les soins médicaux appropriés. Ses soins, sa préoccupation, sa motivation, sa patience et ses efforts pendant cette période de défi valent la peine d’être reconnus. A mes frères bien-aimés, Elvis Ng’andwe, Fidelis Damana, Ernest Osei et John Slinger ; ma vie restera empreinte de gratitude pour votre amour, vos soins et votre soutien envers moi. Je suis très reconnaissant pour votre amour, c’est le moins qu’on puisse dire, et à tous les Missionnaires d’Afrique de l’EAP et de ma Province d’origine Ghana/Nigeria ; pour leurs messages de bonne volonté et leurs prières. J’apprécie sincèrement votre fraternité. Thanks to you all / Merci à vous tous / Asanteni sana. (Envoyé le 28 juillet 2018).

Soyez des apôtres, rien d’autre que des apôtres (Lien EAP 2018/08)

Editorial

Pendant cette période, beaucoup de confrères partent en congé dans leur pays d’origine et reviennent rafraîchis pour poursuivre leur mission. Il y a aussi plusieurs ordinations qui ont lieu, ce qui signifie que nos jeunes confrères nous rejoindront bientôt dans la mission. La plupart de nos communautés recevront des stagiaires. Cela signifie que la plupart de nos communautés sont en train de se reconstituer et qu’ils discuteront de leur projet communautaire. Je trouve opportun de nous rappeler le Chapitre 2016 et ses lignes directrices pour notre vie et notre mission. Le document “New Wine in New Wineskins” de la Congrégation pour les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique note qu’avec le temps, certains enchevêtrements sont devenus de plus en plus complexes et paralysants pour la vie consacrée et ses institutions. L’état de changement accéléré risque de prendre au piège la vie consacrée, la forçant à vivre en urgence plutôt que de garder l’horizon en vue. Il semble parfois que la vie consacrée est presque complètement enveloppée dans la gestion quotidienne ou simplement dans la survie. Une telle façon d’affronter la réalité est préjudiciable à une vie pleine de sens et capable de témoignage prophétique. La gestion continue de situations d’urgence de plus en plus impérieuses consomme plus d’énergie qu’on ne le pense. Malheureusement, elle court le risque d’être complètement absorbée par la maîtrise des problèmes plutôt que par la conception d’itinéraires.”. (#8)

L’observation ci-dessus est vraie pour notre province où nous travaillons dur pour remplir la mission qui nous a été confiée avec le risque de nous sentir satisfaits de faire les choses routinières pour le troupeau déjà présent dans nos communautés chrétiennes. Nous avons peur ou semblons résister à prendre le risque de nous essayer aux nouvelles choses qui nous sont proposées, sous prétexte que nous sommes trop peu nombreux et trop occupés. Il est important de faire une pause dans notre activité missionnaire pour discerner si nous répondons vraiment aux questions que se posent les gens et le monde d’aujourd’hui. Un apôtre est quelqu’un qui est envoyé vers un peuple avec une mission, et notre fondateur nous a envoyés pour être apôtres et rien d’autre. Quelle est notre mission aujourd’hui ?

Pour découvrir la mission qui nous est confiée aujourd’hui, nous devons écouter le Chapitre 2016. Le Chapitre a observé que : “Les idéaux de vie communautaire et de travail d’équipe qui ont poussé beaucoup d’entre nous à devenir Missionnaires d’Afrique. Ces idéaux se sont avérés depuis le début être force, soutien et source de richesse pour notre apostolat. Le Seigneur lui-même a envoyé ses disciples en groupes (Lc. 10:1). Le Chapitre a loué Dieu pour cette grâce et nous engage à la faire fructifier au cours des six prochaines années, au service d’une mission vraiment prophétique, caractérisée par le souci de ceux qui sont rejetés par la société. Dans un monde moderne et changeant, le Chapitre nous invite à être créatifs dans notre approche et nos engagements missionnaires, en gardant à l’esprit la nécessité de nous adapter aux nouvelles réalités. Nous sommes invités à utiliser les outils d’aujourd’hui et les moyens de communication modernes utilisés par nos contemporains. Ce faisant, nous devons toujours nous rappeler que nous sommes des apôtres.”

Il est temps de remercier Dieu pour ce que nous avons fait jusqu’à présent, mais il est temps aussi de demander le don de son Esprit pour nous libérer de la peur paralysante et nous donner les moyens d’être plus audacieux dans l’ouverture aux nouvelles réalités qui nous sont proposées. Nous devons accorder une attention particulière aux “Périphéries Existentielles” en tant que critère essentiel pour notre projet communautaire. Ces périphéries se retrouvent partout où nous vivons et travaillons. Il faut aussi en tenir compte dans la proposition de projet apostolique à nos stagiaires et collaborateurs en mission. Je profite de cette occasion pour vous remercier tous pour le travail accompli en dépit de nos effectifs réduits. Prions pour que l’Esprit de Dieu continue à nous inspirer et à nous fortifier pour être de véritables apôtres prophétiques en Afrique de l’Est.

Aloysius Ssekamatte, M.Afr.
Provincial of East African Province

Témoignages après le décès de Herman Bastijns

Le Provincial délégué de Belgique a publié quelques témoignages reçus à l’annonce du décès du Père Herman Bastijns. Nous avons cru bon de vous les communiquer.


C’est avec émotion que nous recevons ici la nouvelle du décès inopiné de Herman. La nouvelle nous est parvenue juste au moment de la célébration eucharistique de la communauté à 18h15. Nous avons remercié le Seigneur pour sa présence parmi nous et pour sa contribution dans le cadre de la Société et au-delà. Au cours du repas qui a suivi, avec Stan, nous avons parlé de Herman, de son lien familial, des manières dont il nous a marqués, de sa place dans l’histoire de la Société. Ses contributions dans les domaines de la formation initiale et de la formation permanente ont enrichi de nombreux. Ses retraites ensuite et ses récollections diffusées sur le web également. Sa vie et son héritage sont un encouragement pour nous tous. En communion dans la prière, alors que nous pensons aussi aux siens.

Bien fraternellement,
André-Léon SIMONART, Maison Généralice – Rome


Bethlehem, 09/08/2018

Merci de m’avoir informé de la mort d’Herman. Il était l’un des formateurs lorsque je suis entré en contact avec les Pères Blancs à Louvain. Depuis lors, il m’a toujours inspiré par sa vie de prière profonde et son dévouement. Mes sincères condoléances.

 +Jan De Groef, M.Afr.


Je suis très touché par le retour vers le Père d’Herman Bastijns avec qui j’avais démarré le séminaire de la Ruzizi et que j’avais même eu pendant un  temps comme formateur à la Vital Decoster dans le passé. Il m’avait aussi préparé à lui succéder pour les sessions romaines il y a 8 ans. Il était devenu pour moi in frère, un ami et un conseiller spirituel. Je ne puis mesurer tout ce que le lui dois. Que le Seigneur l’accueille dans sa tendresse auprès de lui.

Fraternellement,
Bernard Ugeux (Bukavu)


Merci ! J’ai tout de suite transmis l’annonce à toutes nos sœurs. Voilà un décès qui en surprendra plus d’une, car Herman était bien connu de plusieurs ! Nous prions avec vous et avec les confrères de Varsenare. Deux décès en quelques jours, c’est dur à vivre ! Courage pour gérer tout ça…

Bien amicalement, Suzy Haderman (SMNDA)


Reçois mes condoléances pour le décès d’Herman Bastijns, le grand philosophe. J’ai passé une bonne année avec lui à Kahangala en 1989 et ai appris beaucoup de choses. J’ai apprécié ses talents intellectuels, matériels, liturgiques et spirituels. Je serai en union de prières avec vous lors de son enterrement.

 Fraternellement
Patrick Bataille, Délégué Provincial pour la France