Flash PAC n° 45 – Echos du Conseil Provincial du 23 au 28 avril 2018 (restreint aux confrères)
BURUNDI
Le gouvernement est déterminé à faire le référendum le 17 mai. Beaucoup de gens ont peur de l’insécurité qui précéderait ou accompagnerait le référendum. Cependant malgré la crise politique burundaise, il y a des rapatriements de réfugiés en provenance de la Tanzanie et du Rwanda, et le taux du dollar a légèrement chuté. On constate ici et là la carence de carburant. Militaires et policiers font des patrouilles plus que d’ordinaire. Quant à la situation de l’Eglise, nous avons eu la circulation d’un tract sur whatsapp qui met en exergue que le nombre d’évêques Hutu est énormément supérieur à celui des Tutsi. Pour ce fait, l’auteur du tract demande qu’on nomme de nouveaux évêques Tutsi pour créer un équilibre ethnique. Malgré ce constat, les évêques du Burundi sont unis.
LUBUMBASHI
Dans la région de l’ancien Katanga, comme dans l’ensemble du territoire national, en décembre et en janvier, il y a eu des marches ou tentatives de marches pour réclamer le respect de la Constitution et la tenue des élections ; comme pour la plupart de ces manifestations, il y a eu une violente répression. A l’église de Sainte Bernadette, on signale un affrontement entre certains membres de partis politiques et des policiers : lancement de pierres et coups de matraque. Tout a commencé à la sortie de la messe dominicale du 21 janvier 2018 quand les promoteurs de la marche ont commencé à crier des slogans pour pousser la foule des chrétiens à s’insérer dans le cortège ; immédiatement la situation a dégénéré et l’incursion de policiers est arrivée jusque dans l’église. L’arrivée de la Monusco a apaisé les esprits et le calme est revenu.
Dans les quartiers de la ville et surtout ceux de la périphérie, les vols organisés suivis parfois de viols et meurtres sont monnaie courante et on ne voit pas un réel engagement des autorités pour essayer de les éradiquer. Les principales routes autour de Kalemie sont devenues dangereuses à cause des groupes armés ; cela bloque la circulation routière.
L’événement majeur a été la célébration du jubilé des 25 ans d’ordination épiscopale de Mgr Jean-Pierre Tafunga du 31 janvier au 4 février 2018. La célébration principale s’est déroulée au stade T.P. Mazembe avec la participation de 20.000 chrétiens (stade rempli) et d’une quinzaine d’évêques. Malgré la situation politique tendue, tout s’est bien passé.
On annonce un autre événement de taille en 2020 : le Congrès Eucharistique National. L’effort actuel du diocèse de Lubumbashi est concentré sur la réalisation du Centre Pastoral commencé, avec la pose de la première pierre, en 2014.
GOMA
Le diocèse de Goma a réussi à mobiliser les jeunes pour la Journée Diocésaine des Jeunes et à impliquer les acteurs politiques pour la construction de la paix : il y a eu un dialogue direct avec le gouverneur de la province.
Le diocèse organise des journées de formation et des sessions pour les agents pastoraux, les fidèles, les secrétaires des paroisses, etc.
Les chrétiens sont bien engagés dans les activités du diocèse, dans la prise en charge de leurs paroisses et de leurs pasteurs.
Le curé de Karambi a été kidnappé le jour de Pâques puis libéré dans la nuit du 4 avril 2018 après versement d’une rançon. Le curé de Kitshanga a été assassiné le 2ème dimanche de Pâques dans l’une de ses succursales.
Un pasteur protestant s’attaquait à l’Eglise catholique dans son église et sur sa chaîne radio par des insultes, des paroles indignes d’un pasteur. Après plainte de l’Eglise catholique, ce pasteur a été arrêté et emprisonné en tant que semeur de troubles et incitateur à la haine. Il était aussi impliqué dans le kidnapping d’un musicien de Goma ainsi que dans l’escroquerie.
Les rapports entre l’Eglise et l’Etat sont conflictuels.
La marche organisée par le comité des laïcs du diocèse suite à l’appel de la CENCO n’a pas été soutenue par le diocèse. Pour l’Evêque, Goma est une zone de fracture qui a toujours connu des problèmes, des troubles auxquels personne n’a jamais pu trouver de réponses pour ramener la paix. De ce fait, il n’est pas prêt d’engager son diocèse dans un bras de fer avec l’Etat. La construction de la nouvelle cathédrale du diocèse est prise en partie en charge par la Première Dame du pays, ce qui met l’Evêque dans une situation délicate. Il ne peut que fermer les yeux sur les réalités politiques. Les constructions se sont arrêtées pendant plusieurs mois.
ITURI
A Mahagi, c’est une situation de peur et d’insécurité. Un nombre grandissant de déplacés cherchent à aller en Ouganda pour trouver un statut de réfugiés à l’étranger. Le coût de vie devient très élevé. Il y a beaucoup de déplacés dans le territoire de Mahagi vers la paroisse d’Angumu (Mahagi Port).
À travers des conférences, des visites des déplacés dans les camps, l’Eglise de Mahagi essaie d’être présente auprès des gens en leur donnant le goût de tenir bon dans les moments difficiles.
A Bunia il y a un climat de peur, de méfiance et de mécontentement à cause du grand nombre de déplacés et de gens tués pendant la crise. La population est déçue de ses responsables. De l’aide est apportée par l’Eglise (Caritas) dans certains camps de déplacés. Certaines familles ont ouvert leurs portes aux déplacés, ainsi que notre paroisse de Yambi (Pukpa). Le secteur intervient matériellement grâce aux soutiens financiers reçus de Rome. La paroisse s’implique aussi à travers les chrétiens qui sont proches de ces déplacés.
Pour le gouvernement, la situation est celle d’une guerre interethnique et pour l’Eglise, c’est une manipulation des gens pour faire croire à une guerre interethnique et le gouverneur serait derrière tout ça.
Actuellement, le gouvernement est en train de forcer les gens contre leur volonté, à rentrer dans leurs villages pour faire disparaître les camps des déplacés en ville mais en vain : les déplacés retournent aux camps les plus proches dès leur arrivée au village où ils ne se sentent pas du tout protégés.
Les consacrés du doyenné du Nord de Bunia se retrouvent à Bunia. Les paroisses de Lita, Jiba et Pimbo sont fermées. Fataki et Drodro sont remplies de déplacés, Mongbwalu et Bambu fonctionnent au ralenti.
Le dimanche des rameaux ont eu lieu les JDJ avec environ 8 000 jeunes autour de l’évêque qui leur a redonné courage et les a exhortés à ne pas se laisser voler leur liberté.
La paroisse de Yambi Yaya a 25 villages pour 14 000 chrétiens, elle a bientôt un an depuis qu’elle a été érigée par son Excellence Mgr Dieudonné Uringi. La construction du presbytère dans la paroisse évolue bien. Les travaux de construction de l’évêché continuent et suivent bon cours.
RWANDA
La vie semble aller après les élections présidentielles qui ont eu lieu en août 2017. Il y a eu quelques changements dans le gouvernement. Beaucoup de réunions dans le cadre socio-politique se passent à Kigali Convention Center. Beaucoup de routes sont macadamisées dans les quartiers de Nyamirambo et Kicyukiro, les routes sont élargies dans Kigali, on construit des écoles et des hôpitaux, on encourage les gens dans l’agriculture, le transport, la sécurité d’une manière générale.
De nouvelles constructions et quartiers continuent à pousser presque partout dans le pays mais aussi des anciennes maisons ou bâtiments sont détruits, soit qu’ils ne vont pas avec la vision 2020, soit qui ont été construits sans autorisation de bâtir validement donnée par l’autorité compétente.
Au plan économique nous sentons que la vie continue à devenir de plus en plus chère malgré que nous trouvions beaucoup de choses sur place. Beaucoup de conditions et de taxes sont imposées pour faire même des petits commerces ; chercher de quoi vivre pour les petites gens est difficile. Beaucoup commencent à quitter Kigali pour la campagne ou pour d’autres pays où ils peuvent faire le business sans payer beaucoup de taxes. On dirait que la ville de Kigali devient de plus en plus une ville pour les riches.
Début 2018, le gouvernement a fermé autour de 700 églises qui n’avaient pas de papiers officiels, d’endroit ni d’aménagement avec tout le nécessaire pour un lieu de rencontre et de prières.
L’Eglise du Rwanda a consacré cette année à la réconciliation et le diocèse de Kigali dans sa pastorale a pris l’option pour les enfants et les jeunes car ils sont l’avenir de l’Eglise.
L’Eglise a perdu l’évêque du diocèse de Cyangugu, Mgr Jean Damascène Bimenyimana décédé le 11 mars 2018.
Le 24 mars 2018 s’est ouverte l’année jubilaire des 100 ans des Sœurs Benebikira, fondées par notre confrère Mgr Jean Joseph Hirth.
La paroisse Saint Pierre se prépare à célébrer ses 15 ans de fondation cette année en juin. La paroisse compte maintenant 14 000 chrétiens catholiques baptisés et 25 CEB. Pour Justice et Paix, notre paroisse est parmi les deux paroisses qui ont été choisies comme modèles dans l’archidiocèse de Kigali. Elle prend l’orientation des cas familiaux et sociaux, pas politiques. Ainsi, avec ses moyens limités, la paroisse fait ce qu’elle peut pour la Caritas.
Le projet CML (Centre Missionnaire Lavigerie) a été présenté au bureau de l’urbanisme de la ville de Kigali pour approbation mais il n’a pas été approuvé en disant que selon le plan du secteur Muhima dans lequel se situe notre parcelle, cette parcelle est réservée pour faire le jardin Sainte Famille, un jardin public. Mais en décembre 2017, après un long dialogue avec les autorités civiles de la ville, le Maire et son vice, expliquant que nous sommes une congrégation missionnaire (et non pas des diocésains de la Paroisse Sainte Famille toute proche), ils nous ont demandé d’écrire une lettre d’appel demandant « the change of land use ». La lettre a été écrite et envoyée au Maire de la ville le 10/12/2017. Après cette lettre, le directeur avec celui qui est chargé de la technique au niveau de la ville, nous ont appelés pour nous dire qu’il faut revoir notre projet. Il s’agit de diminuer l’espace à construire jusqu’à 10 % et dans le reste faire un jardin pour le recueillement. C’est ainsi qu’au niveau du secteur Rwanda on s’est mis d’accord pour enlever du projet tous les bâtiments commerciaux pour rester avec la résidence, le centre de formation et la chapelle dans la partie du bas comme sur l’ancien projet. Le jardin reste mais n’est plus public, il est pour les Missionnaires d’Afrique. Affaire à suivre…
KINSHASA
Nous constatons une accalmie par rapport aux manifestations politiques. La population continue de souffrir. La misère (surtout dans les quartiers périphériques) gagne encore du terrain. Le Franc Congolais a perdu en valeur et les prix des denrées alimentaires sont en hausse. Une trêve a été marquée jusqu’en juin dans les marches organisées par le Comité Laïc de Coordination (CLC). Il y a également une ébullition au niveau des partis politiques avec des regroupements et des coalitions, en vue des élections du 23 décembre. Il y a un éveil des consciences sur la vie politique, de la population et aussi des jeunes. Certaines personnes doutent sur l’organisation effective des élections.
Deux formes d’escroquerie deviennent préoccupantes : le vol des ordinateurs et autres gadgets électroniques dans les petits taxis et les fausses accusations portées par des filles ou femmes contre de généreux conducteurs qui leur donnent un coup de mains sur un trajet.
L’Eglise de Kinshasa a reçu son coadjuteur : Mgr Fridolin Ambongo, le dimanche 11 mars 2018 en la Cathédrale Notre Dame du Congo. Deux des trois Evêques Auxiliaires de l’archidiocèse ont été nommés évêques titulaires dans deux diocèses. L’Eglise a soutenu les trois grandes marches organisées par le Comité Laïc de Coordination pour réclamer l’application intégrale des accords de la Saint Sylvestre 2016. Les trois marches étaient interdites et ont été violemment réprimées dans le sang avec des pertes en vies humaines. Suite aux marches, un climat d’insécurité s’était installé à Kinshasa avec des intimidations de catholiques, des arrestations de laïcs, de prêtres et de religieuses, des profanations de lieux de culte, une stigmatisation de l’Eglise Catholique… Le cardinal est sorti plusieurs fois de sa réserve pour condamner les violences et encourager les chrétiens pendant les moments de tensions. Lors de la messe des Rameaux au stade avec les jeunes, il les a invités à prendre leurs responsabilités face à la crise que traverse le pays. Certaines Eglises protestantes ont soutenu l’Eglise Catholique dans ses initiatives.
Le diocèse de Kisantu (diocèse d’insertion du Philosophât) est en synode diocésain du 2 au 7 avril 2018.
BUKAVU
On constate une montée de l’insécurité et de la criminalité. Des armes sont trouvées dans certaines maisons. En réaction, le gouverneur a décidé des bouclages réguliers et des contrôles plus intensifs, a invité la population à dénoncer les détenteurs d’armes, a promis des récompenses aux motards informateurs. Les motards sont autorisés à rouler de nuit à condition de dénoncer les bandits. La situation sécuritaire s’est calmée depuis. La paupérisation augmente. C’est la lutte pour la survie. On vit au jour le jour. Les bars remarquent une baisse de consommation.
Il y a prolifération d’écoles privées au détriment des écoles catholiques. L’Etat refuse d’agréer de nouvelles classes et ne paie pas les enseignants. Les primes pour les enseignants introduites par l’Eglise s’essoufflent par le manque de capacité des parents.
Dans l’enseignement supérieur, le taux réactualisé du dollar est source de révolte des étudiants. L’évêque a passé des mois de janvier et février difficiles.
Critiqué dans sa position par rapport à la marche du 31 décembre 2017, escorté à sa sortie de la cathédrale, il est loin de son peuple. « Je suis une personne traumatisée » a-t-il dit. Les marches des 31 décembre et 21 janvier ont été dispersées, empêchées. L’archidiocèse de Bukavu a initié une chaîne de prière pour la paix : chaque paroisse a sa semaine d’animation à tour de rôle.
Le CDJP (Comité Diocésain Justice et Paix) dénonce les injustices par son flash. Il a été attaqué par le gouvernement, accusé de provoquer le soulèvement de la population. Des tensions surgissent entre les religieux et l’administration suite au recouvrement des taxes foncières.
La communauté de la Ruzizi a connu plus d’insécurité avec l’augmentation des vols, un cambriolage chez le Père Raphaël Lubala et un autre chez le Père Emmanuel Lengaigne. Comme mesures de sécurité, un chien a été mis du côté des piroguiers et on envisage de planter des sisals épineux, mettre une grille, éclairer la nuit. La communauté a reçu la visite du Supérieur Général qui a été très ouvert. Le Provincial a fait une visite d’une semaine qui s’est bien passée avec de nombreux échanges, y compris avec la communauté chrétienne.
La DGM (Direction Générale des Migrations) construit sur le terrain de la Ruzizi. Un dossier a été préparé avec l’avocat du diocèse pour porter plainte contre cette occupation du terrain par la DGM.
MANIEMA
Le chef de guerre des Maï Maï Malaika Sheik Assani, a conduit un mouvement de revendication de l’exploitation d’une partie de la montagne à la société « Maniema Gold ». Les FARDC (Forces Armées de la RDC) ont été envoyées et une guerre de trois mois s’en est suivie. L’arrivée de la MONUSCO (Mission de l’ONU pour la Stabilisation du Congo) a été annoncée. Le gouvernement impose le silence face à la guerre de la province. Le directeur de radio OKAPI a été interpellé car il avait parlé de la guerre au Maniema. Les policiers, voire la DGM, retournent dans leur poste.
La crise sécuritaire a affecté quatre paroisses : Kabambare, Kibangula, Wamaza et Salamabila dans le territoire de Kabambare. Les populations n’y ont pas cultivé suite à la guerre. Et cela a provoqué une crise alimentaire. Le diocèse de Kasongo organise une quête spéciale dans toutes les paroisses le 27 mai 2018 pour soutenir ces paroisses.
La dégradation de la route limite les déplacements. Quand il pleut, la route devient de plus en plus impraticable. Cela renforce la crise économique. Les articles sont très chers et tardent à arriver. La sécurité n’est pas très bonne. La présence militaire qui devrait être source de consolation et de sécurité devient une source de peur et d’insécurité : viol, réclamations exagérées d’argent aux passagers, etc.
A Kindu, le nouveau gouverneur n’arrive pas à travailler car il n’est pas de la majorité présidentielle. La province est frappée par la polio et le choléra. Malgré l’engagement du gouvernement, la population refuse de collaborer pour la vaccination des enfants. Certains sont convaincus que les vaccinations tuent leurs enfants.
Sur le plan social, le tribalisme est fort présent : il y a beaucoup d’oppositions quand un responsable n’est pas de la tribu de telle ou telle ethnie.
Le diocèse de Kindu a accueilli le 11 février 2018 deux nouveaux prêtres. Le diocèse de Kasongo a célébré l’ordination presbytérale de l’abbé Marcel le 27 janvier 2018 à Kibangula alors qu’il venait de perdre un prêtre, l’abbé Didace Fundi à Kinshasa.
Face au tribalisme qui existe dans le diocèse, l’évêque continue à évangéliser les fidèles à s’accepter comme frères et sœurs à travers ses homélies, ses lettres pastorales : c’est pourquoi il propose comme thème pastoral : « Tout homme est mon frère, toute femme est ma sœur ».