Impératifs pastoraux pour un ministère pastoral juste et compatissant (PE n° 1090 – 2018/04)

Nous avons tendance à opposer la charité pastorale à la justice pastorale, au nom de la miséricorde, mais ce sont les deux côtés d’une même médaille : la pastorale du peuple de Dieu. Pour réfléchir à la justice pastorale, il faut d’abord que nous arrivions à une définition commune de ce que nous entendons par ‘justice’ et ‘pastorale’.

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Tous migrants, en recherche d’un sens à la vie et de paix (PE n° 1090 – 2018/04)

Le livre « Découvrir un sens à sa vie » de Viktor Frankl est un bon point de départ pour notre réflexion. Le message de l’auteur, survivant de l’holocauste et psychiatre, affirme que nous sommes tous engagés dans une recherche d’un sens à la vie. Cette recherche implique le désir d’accomplissement de soi et celui d’appartenance. Continue reading “Tous migrants, en recherche d’un sens à la vie et de paix (PE n° 1090 – 2018/04)”

Un mot sur le calendrier nécrologique (PE n° 1090 – 2018/04)

Depuis très longtemps, notre Société a développé une belle tradition de faire mémoire de ses membres décédés. Depuis le début de notre Société, beaucoup d’hommes ont répondu à l’appel du Seigneur et à l’invitation de Lavigerie à la mission africaine. Ils sont nos ancêtres à qui notre Société doit le présent, et nous avons tous noté que la liste alphabétique augmente rapidement. Continue reading “Un mot sur le calendrier nécrologique (PE n° 1090 – 2018/04)”

COMMUNIQUE OFFICIEL [PROT.: 18 0471] (PE n° 1090 – 2018/04)

Il est apparu qu’il y a une erreur malheureuse dans l’article 269 (édition 2018) des nouvelles Constitutions et Lois concernant les procédures à suivre lors de la Consultation pour le renouvellement du mandat d’un Provincial.

L’édition 2006 de la C & L disait: « … le Supérieur général organise une consultation auprès des missionnaires nommés à la Province concernée ».

Dans les années qui ont précédé le Chapitre de 2016, cet article avait été tacitement élargi pour inclure ainsi que ceux qui en sont originaires.

Le Chapitre de 2016 a été invité à se prononcer sur cet élargissement du collège électoral, et après débat, l’a rejeté à la majorité, et a confirmé le texte de l’article 269 tel qu’il se trouve dans l’édition 2006.

Nous ne savons pas comment la phrase «… ainsi que ceux qui en sont originaires…» s’est infiltrée dans le texte de la nouvelle édition des Constitutions et Lois. Je demande à tous les confrères de la supprimer.

Stanley Lubungo, M.Afr
Supérieur général.

Mon expérience d’études spécialisées dans un contexte de formation initiale (PE n° 1090 – 2018/04)

Il m’a été demandé de partager mon expérience comme confrère ayant été aux études, dans un contexte de maison de formation initiale (petit groupe de formation de 4ème étape). Quel lien établir entre l’expérience d’étudiant comme les autres étudiants à l’université, et comme étudiant et collaborateur à la formation ?

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Crise écologique (PE n° 1090 – 2018/04)

C’est un fait que la question de l’écologie concerne toute la planète vu que c’est un bien collectif. En fait, déjà son étymologie, «Ökologie» en allemand, ou “oίkoς” en grec, veut dire ‘maison’ (Terre Mère), nous donnant ce sens de communauté et de collectivité ! Notre responsabilité envers l’écologie s’étend donc aux générations futures.

Le réchauffement climatique n’est pas une histoire en l’air ; c’est une réalité à laquelle nous sommes exposés aujourd’hui, dans notre monde contemporain. Dans le livre de la Genèse, Dieu nous a donné pouvoir sur la création (cf. Gn 1,26-28), mais nous l’avons corrompue par le péché d’égoïsme et de cupidité. Au lieu de disposition, nous l’avons tournée en domination. «Nous en sommes venus à nous considérer comme ses seigneurs et maîtres, habilités à la piller à volonté. La violence présente dans nos cœurs, blessés par le péché, est aussi reflétée dans les symptômes évidents de maladies des sols, de l’eau, de l’air et de toutes les formes de vie» Laudato sí, n°. 2). La pollution, la déforestation, le démantèlement des sources naturelles d’eau, l’exploitation illégale et insensée des ressources naturelles, la manipulation génétique, la traite des êtres humains (qui est la troisième industrie lucrative, illégale et inhumaine, après l’industrie des armes et des stupéfiants), pour n’en mentionner que quelques-unes, font parties intégrantes des causes de la crise écologique.

Tout cela pose une question grave et urgente à notre style de vie aujourd’hui. C’est un appel à orienter nos styles de vie selon les principes de la sobriété, de la tempérance et de la discipline aux niveaux personnel et social. Il faut que les gens sortent de la mentalité de consommation et soutiennent des méthodes de production qui respectent la création, tout en garantissant les besoins de base pour tous. Ce changement de mentalité sera aidé par une plus grande conscience de l’interdépendance entre tous les habitants de la terre. La lettre encyclique du pape François sur le soin à donner à notre maison commune « Laudato si’ » (LS) indique la voie vers une solution de la crise écologique ! En effet, l’Eglise dans son ensemble parle avec une voix claire et forte sur la nature de l’homme (l’être humain) créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, et de sa place dans le monde, en passe de devenir une crise écologique. Clairement, Vatican 2 a marqué la réinsertion de l’Eglise dans l’histoire et la redécouverte du royaume de Dieu (malkuth shamayim) n’est pas étrangère à la réalité des choses terrestres.

En termes pratiques, cela signifie que la crise devient – si elle n’est pas déjà devenue – un des thèmes théologiques majeurs d’anthropologie théologique pleinement consciente de son rapport à Dieu. Il remet en question directement les rapports entre êtres humains (ce qu’est l’écologie sociale), et avec la nature (ce qu’est l’écologie physique). De ce point de vue, la crise écologique peut être perçue comme un aspect du gémissement de la création : « nous sommes bien conscients que toute la création, jusqu’à ce jour, a gémi dans les douleurs de l’enfantement » (Rm 8, 22). Ce gémissement est  déclenché par le péché d’égoïsme des individus et aussi de la société. L’harmonie et l’équilibre de la nature sont détruits ; elle n’est pas respectée selon l’ordre voulu par Dieu, la loi de Dieu : « cette sœur crie vers nous maintenant à cause du mal que nous lui avons fait par notre usage irresponsable et notre abus des biens dont Dieu l’a dotée» (LS, n° 2).

Au cours des décennies récentes, spécialement après Vatican 2, l’Église, théologiens aussi bien que philosophes, ont pris quelques initiatives pour remédier à cette chose grave qu’est la crise écologique. Par exemple, Alasdair MacIntyre a écrit «Après la Vertu» ; James Lovelock, «Gaia» et Stephen Hawking, «Une histoire brève du temps». Leur recherche et leurs écrits pour une solution à la crise écologique sont basés sur des modèles de développement enracinés dans une vision de relation, dans une attitude plus personnaliste et écologique envers le monde, envers la création. On en vient à réaliser qu’il y a un retour à la vérité de la vision biblique de l’humanité, à la compréhension de l’aspect relationnel de la réalité. Cette attitude relationnelle est une caractéristique structurelle de la vision chrétienne à tous les niveaux. L’être est relationnel.

Jardin des femmes avec le système «goutte à goutte» à Guéné-Goré, Mali

Cependant, dans l’Écriture, nous ne trouvons pas de définition de Dieu, de l’être humain ou du monde. Bien entendu, la bible n’est pas faite pour ça. Elle n’est pas un dictionnaire ! Mais il y a un certain nombre de récits où la multiplicité des relations entre Dieu, l’être humain et le monde est rapportée. Un être humain est compris comme étant un complexe de relations avec Dieu, avec ses semblables – hommes et femmes – et avec le monde, la création dont Dieu lui a demandé de se soucier. La nature est toujours vue en rapport à Dieu et à l’humanité. La vie de Dieu Lui-même est comprise comme vie de relations et source de relations. Dieu, comme Trinité, une communion de vie et d’amour, crée le monde comme ‘autre que lui’, comme une réalité distincte avec laquelle Il est en relation. En particulier, Il crée les êtres humains à son image. Cela laisse entendre que l’être humain n’est pas un individu, fermé sur lui-même ou elle-même, centré sur soi, mais une personne, comme un être de dialogue, qui atteint son épanouissement en relation avec les autres et avec la nature.

La dimension relationnelle exprimée dans les Écritures – entre Dieu et les êtres humains, entre Dieu et la création, entre les êtres humains et la création, et entre les êtres humains eux-mêmes – n’est pas limitée à l’esprit, mais est aussi manifestée dans sa corporalité. Le corps est le lieu de l’extériorisation de la communion, de la manifestation physique et spirituelle. La perspective biblique et écologique réduit à néant la théorie de la division, à savoir corps et âme, tête et esprit, êtres humains et monde, hommes et femmes, appréciée par quelques partisans, vieux et modernes, de l’individualisme. Cette perspective biblique et écologique récuse les frontières rigides entre être humain et nature, entre ce qui est «mien» et ce qui est «tien» ; l’esprit de «je, moi et moi-même» ; l’absolutisation de la propriété privée. L’esprit de « je me soucie de moi, je ne me soucie pas des autres», ‘à qui de droit’ !» Tout cela est source de crise écologique !

C’est précisément cette « corporéité » comme immersion dans le cosmos, qui révèle la dimension commune de solidarité humaine qui nous lie à la nature. En un sens, la nature est notre corps commun. Cela nous pousse à repenser notre attitude envers la création au sens de ‘Intégrité de la Création.’ Elle nous amène à entretenir des rapports avec elle (la création) en termes de réciprocité telle qu’elle est posée en termes de solidarité humaine. C’est ici que se trouve la grandeur de la vision de François d’Assise, adoptée par le pape François et clairement énoncée en «Laudato sí». Puisque tout est vraiment connecté, une écologie intégrale doit guider les décisions et les styles de vie de l’humanité et donc influencer la crise écologique à laquelle nous sommes exposés. Nous ne devrions pas oublier que, « nous sommes nous-mêmes poussière de la terre » (Gn 2, 7) : nos corps eux-mêmes sont faits de ses éléments, nous respirons son air et nous recevons vie et rafraîchissement  de ses eaux» (LS n° 2)

James Ngahy, M.Afr.

L’ouragan # moi aussi (PE n°1090 – 2018/04)

Qu’on l’appelle Irma, Maria, Katrina ou Harvey, un ouragan, ça dérange et je ne dis pas cela légèrement.

Depuis le 18 octobre, les différents milieux artistique, politique, sportif, religieux et le milieu des affaires, que ce soit dans notre pays ou ailleurs dans le monde, ressent les effets de ce séisme ! C’est une onde de choc qui traverse les cinq continents. C’est tout un débat qui a cours actuellement et je pense que personne ne pourra l’arrêter, car TOUT LE MONDE EN PARLE.

Que ce débat ait lieu, est-ce une bonne chose ?

J’aime beaucoup l’expression : « J’ai été rattrapé par ce devoir de vérité », que le cinéaste Jean Lemire emploie dans son livre, « L’Odyssée des Illusions », lorsqu’il traite de notre planète blessée par nos mauvais traitements. Comme dit le pape François : « Nous la traitons en prédateurs et non en protecteurs, cette planète ».

Nous pouvons, hélas, également agir de la même façon avec les personnes. Nous pouvons parfois considérer l’autre comme un objet, que ce soit un homme, une femme ou un enfant. J’exerce mon pouvoir sur l’autre, je me l’approprie, je me satisfais. La personne puissante, qui a beaucoup d’argent, qui a l’autorité, qui domine partout, on l’associe au succès. Cette image est dangereuse. Une personne très douée n’est pas dé-responsabilisée de violence sexuelle. Il ne faut jamais oublier les conséquences négatives sur les victimes.

Parfois, nous sommes effrayés par l’ampleur de la criminalité sexuelle. La dimension du problème fait réfléchir. Les cinq continents dénoncent des inconduites sexuelles. La violence sexuelle est peut-être parmi l’une des grandes faiblesses de la société mondiale incluant bien sûr notre société canadienne. Il faut faire l’effort de regarder.

Les agressions sexuelles peuvent vraiment blesser des personnes, on s’en souvient des années plus tard. Le tiers des femmes, dit-on, en seront victimes au moins une fois dans leur vie. Des hommes et beaucoup d‘hommes aussi en seront victimes, des enfants également, pensons à tout ce problème de pédophilie.

Cet ouragan a permis à plusieurs femmes d’oser révéler des blessures et les cicatrices qu’elles portaient depuis longtemps ; cela a également permis à plusieurs hommes de révéler ces agressions sexuelles subies lorsqu’ils étaient enfants.

Quand cela arrive, il est moins compliqué de fermer les yeux, de se taire, que de faire face à la réalité. Personne n’aime se faire considérer comme une victime et ça se comprend.

Il y a sûrement des lois qui existent pour condamner les agressions sexuelles ; également des politiques contre la violence. Les réseaux sociaux ont fait leur possible, ces dernières années, pour faire éclater la vérité en ce domaine. La vérité libère, c’est un fait.

Ce qui découle de cet ouragan du # MOI AUSSI # ME TOO n’est pas la condamnation des uns ou des autres, c’est peut-être un temps pour prendre du recul, pour essayer de comprendre, de chercher des moyens de changer la culture ou de trouver un moyen de contourner ce qui nous fait parfois mal agir.

La crise actuelle que provoque cet ouragan n’est pas que désastre ; elle comprend aussi une chance offerte à chaque personne de ne plus banaliser les violences sexuelles. Il y a des comportements à ne plus tolérer, des silences à ne plus garder

Qu’on le veuille ou non, l’expérience que nous traversons constitue en elle-même une transformation radicale. La révélation de notre faiblesse peut aussi nous apporter une nouvelle libération et le désir de voir advenir des choses nouvelles.

Elle peut aussi nous aider à devenir plus proche de nos valeurs, de nos convictions.

J’aime ces paroles que j’ai lues quelque part : « Il y a un savoir-être à développer pour aider à développer ce savoir-vivre ensemble sainement ».

Sœur Gabrielle Lepage, Smnda

Migrants « religieux catho », chez nous … (PE n°1090 – 2018/04)

Je suis en contact avec le monde des migrants en France, depuis l’an 2000 à Paris, avec surtout ceux qui attendent 10 ans dans la clandestinité,  avant d’espérer un titre de séjour – puis depuis 2012, à Lyon, avec l’accueil des demandeurs d’asile, qui eux sont plus protégés ayant un document officiel en attendant la réponse de l’administration – ce qui peut être très long. Tous ces étrangers viennent sans préparation à ce qu’ils vont vivre ici : souvent très affaiblis par le voyage, ils sont complètement déboussolés car ils ne sont pas reçus tout de suite, pensant trouver un pays de rêve… La nourriture, la façon de se saluer, de s’habiller, tout est nouveau pour beaucoup, sauf un peu pour ceux qui ont réussi à revenir après une expulsion.

Alors que, pour nous, membres de communautés religieuses tout est plus facile si un confrère vient d’un autre continent, il a eu de nombreuses années pour se préparer à la vie internationale ; de plus il n’aura pas de difficulté pour le logement et pour l’accueil dans nos grandes maisons, avec des confrères à sa disposition pour tout problème. C’est pourquoi, il doit être sans faute (comme ceux qui vont en Afrique ou ailleurs) pour bien parler la langue locale, s’adapter aux coutumes locales du moment qu’elles ne sont pas opposées ou trop éloignées de la façon de témoigner du message de Jésus… Prêtre en Tanzanie, je m’habillais, jamais en short, car c’était à l’époque, là où j’étais, la tenue des garçons des écoles primaires et ne convenant pas à un adulte. Je mangeais toujours la nourriture locale – avec bien sûr de temps en temps en communauté, un plat préparé par un confrère d’une autre culture culinaire ;  jamais je n’ai pris avec moi une boîte de conserve dans les villages, pour manger seul dans mon coin, comme je l’ai vu faire par un confrère européen. C’est à nous, de montrer que partout, toute personne, avec un peu d’effort peut vivre et s’intégrer dans une autre culture que la sienne, tout en gardant sa personnalité et faisant participer les autres à toutes les richesses du pays dont elle est originaire.

« Je crois qu’à partir du moment où l’on arrête de dire  « chez moi, on fait comme ça », on peut entrer en relation et découvrir les richesses d’un peuple. »

Sœur Amanda, Colombienne en France (La Vie, 03 août 2017)  

« L’arrivée de tant de frères et sœurs dans la foi, offre aux Églises en Europe une opportunité de plus pour réaliser pleinement sa catholicité …les migrants ont le devoir de connaître, respecter, assimiler aussi la culture, ainsi que les traditions de la nation qui les accueille. » pape François       congrès à Rome « repenser l’Europe » (28 octobre 2017)

On avait des émigrés qui partaient en coupant tous les ponts avec leur passé – on parle maintenant des migrants qui sont en contact permanent avec leur proches restés au pays et qui parfois retournent au pays de leurs ancêtres…  

Georges Paquet

Un bon pasteur, non pas un « faiseur de miracles » (PE n°1090 – 2018/04)

Il est vrai que Jésus a fait beaucoup de guérisons mais il n’est pas venu sur la terre pour commencer un groupe de guérisseurs ou de faiseurs de potions magiques : il y en avait suffisamment à l’époque (Lc 11,19) qui avaient beaucoup de succès ! Si Jésus guérissait les malades, c’était pour annoncer un Royaume, une nouvelle communauté proche des personnes et spécialement des plus démunis, souvent rejetées par le monde religieux. Jésus a souvent refusé que l’on parle de ses guérisons, qu’il fasse des choses extraordinaires (Mt 12,38-42) – ce qui n’est pas le cas de toutes les personnes qui ne pratiquent ce don que pour faire parler d’elles… Beaucoup de gens ne sont que de faux messies. Quand les foules ont voulu le faire roi (Jn, 6-15) Jésus se retira tout seul dans les collines environnantes, car pour lui le grand miracle, c’est « le pain de vie » (Jn, 6-58) et au verset 66, on lit que beaucoup l’ abandonnèrent… C’est pourquoi, demandons-nous : que puis-je faire quand je suis en présence de personnes malades, sans nourriture, exclues… pour ma part, je ne cherche pas à faire tomber la pluie (ceux qui la prédisent savent souvent regarder la nature, comme une suractivité des termitières, signe de pluie proche) moi, j’encourage les paysans a bien préparer leurs champs, quand la saison des pluies approche, au lieu de traîner dans les bistrots, d’employer des légumineuses qui enrichissent les sols, de reboiser, de ne pas planter que du maïs ( pour la bénédiction des graines, je m’assure toujours, avant de commencer la célébration, qu’ils ont amené des plants de maniocs, très résistants en cas de sécheresse). Quand je suis appelé par un chrétien malade, de quelque maladie que ce soit, même psychique, je crois qu’il est aimé, que j’ai à l’écouter et je peux lui donner le sacrement des malades, entouré de ses proches, de sa communauté – et nous lui imposons les mains, pas moi seul, mais nous tous. Et s’il se sent guéri, je ne veux pas passer seul pour un faiseur de miracles.

A chacun de se demander : quel sont les dons que j’ai reçus et comment vais-je les utiliser pour être proche de tous ceux de ma communauté, de mon voisinage quand « le Padre » n’est pas là ?

Extrait d’une lettre (en swahili) aux chrétiens d’Iboja – 1998

 

 

 

Georges Paquet

Vieillir ? (PE n°1090 – 2018/04)

Appartenant depuis quelques temps à la catégorie des «seniors»,  je risque quelques réflexions… que je souhaite beaucoup plus larges que ce que je peux dire de la seule maison de retraite où je réside (Maison Lavigerie à Pau-Billère).

Il y a parmi les séniors deux groupes principaux : ceux qui acceptent de plain pied de se reconnaître comme «vieux» et ceux qui ne l’acceptent pas du tout. Et il y a un troisième groupe dont je parlerai plus loin.

Ceux qui se reconnaissent «vieux». Il est plus élégant, en français, de dire «sénior» car en Afrique, c’est un honneur d’être vieux : en général, la société nous reconnaît de la sagesse et nous respecte ; en Europe, c’est plutôt un signe de décrépitude. Et nous, Européens, nous le sentons bien. Même si nous évitons de le reconnaître, les maladies et la fatigue de l’âge nous le rappellent ! Oui, certains le reconnaissent simplement : nous avons eu notre temps de pleine vitalité, et maintenant, c’est ralenti, mais c’est toujours la vie qui continue et va vers son achèvement normal, comme pour toute créature vivante. Avec le risque d’être passif, de laisser faire sans assumer notre situation.

En tant que membre d’un Institut à vie commune (les Missionnaires d’Afrique), l’idéal serait de prolonger dans la vie fraternelle ce temps qui nous reste à vivre. Et c’est possible tant qu’il y a suffisamment de confrères pour s’occuper de ceux qui sont plus handicapés. Cela est possible dans certaines congrégations féminines, surtout si elles ont suffisamment d’infirmières parmi leurs membres.

Mais pour nous missionnaires qui n’avons pas beaucoup de maisons en Europe, ce n’est pas possible. La solution qui s’impose (au moins en France), c’est d’avoir recours à un EHPAD. Comme le dit son nom (Etablissement Hospitalier pour Personnes Agées Dépendantes), c’est un hôpital : l’objectif principal en est de nous procurer des soins valables. L’organisation officielle de ce système soulage les responsables de l’institut, tant sur le plan financier que sur le plan de l’organisation pratique de la maison : selon le degré de dépendance des «résidents», la maison peut arriver à avoir un nombre égal d’accompagnants. Même si ces accompagnants (du médecin et du directeur jusqu’au balayeur) sont bienveillants envers les vieux missionnaires, cet ensemble ne constitue pas une communauté, et nous sommes loin de l’idéal que nous espérions trouver pour terminer notre vie !

Ces réflexions sont à prolonger dans le sens des structures et dans le sens des personnes.

Dans le sens des structures : quand une congrégation fait appel à un EHPAD, le but ne peut pas être uniquement d’être débarrassée des soucis de l’organisation matérielle (médicale, financière…) : il faut mettre en place un véritable accompagnement sur le plan de la vie spirituelle, sans que cela soit en concurrence avec la direction «hospitalière». Cette double direction est parfois difficile à vivre car les intérêts sont très différents !

Dans le sens de l’aide aux personnes, il y a une réflexion à faire. Je n’ai  pas participé à une session pour le 4ème âge, mais la fréquentation que j’ai de nombreuses congrégations me porte à souligner quelques points.

Dans notre vie de missionnaires (c’est la même chose pour les religieux actifs/ les religieuses actives), il y a des événements personnels qui nous obligent à regarder les choses en face : c’est l’affaiblissement de notre corps, c’est un résultat d’analyse, c’est une alerte à la suite de la réflexion d’un confrère… Même si cela nous surprend, il ne faut pas tricher : «je suis en train de faire un passage, je baisse». Voilà où j’en suis, que cela me plaise ou non ! Il appartient à moi de regarder cette situation en face.

Certains ont de la peine à le reconnaître. C’est le 3ème groupe dont je parlais au début.  Ils s’accrochent à ce qu’ils ont fait ; et, à juste titre souvent, ils en sont fiers. Mais cela les amène à se mentir à eux-mêmes et à mentir aux autres. Celui qui refuse qu’on lui interdise de conduire une voiture car il devient un danger public, celui qui mélange les comptes qu’on lui a confiés pendant 50 ans de fidèle service, celui qui guidait bien le chant de la communauté, mais maintenant chante faux sans s’en rendre compte, etc… Ce n’est pas nécessairement de l’orgueil, c’est l’incapacité de se rendre compte de son état actuel alors qu’il croit et veut être utile «comme auparavant».

Quel que soit le groupe dans lequel nous nous trouvons (encore actif, vraiment diminué, ou diminué sans le reconnaître), nous sommes appelés à regarder Jésus. Dans la perspective de notre vie avec le Christ, cette dernière étape nous fait penser que Jésus n’a pas connu la vieillesse. Mais il vient la vivre en nous : nous lui permettons de la vivre avec tant d’hommes et de femmes, à travers nous. Comme Lui, nous sommes en solidarité avec tous ceux et celles qui en sont à cette période de vieillissement, de diminution. Nous avons ici l’occasion unique de partager notre vie avec le Christ, avec les pauvres, avec les diminués. Il faut nous préparer à entrer dans cette perspective.

Teilhard de Chardin voyait dans la souffrance l’approche de Jésus :

« À toutes ces heures sombres, donnez-moi, mon Dieu,
de comprendre que c’est vous
qui écartez douloureusement les fibres de mon être
pour pénétrer jusqu’aux moelles de ma substance
pour m’emporter en vous ».

Et Teilhard termine :

« Ce n’est pas assez que je meure en communiant,
Apprenez-moi à communier en mourant »

« Cela puisse-t-il être notre perspective, sans tricherie ! »

On trouvera ci-dessous ce texte complet de Teilhard sous le titre « La communion par les diminutions », extrait du Milieu Divin.

 

 

 

 

Jean Cauvin

La communion par les diminutions

Mon Dieu, Il m’était doux, au milieu de l’effort, de sentir qu’en me développant moi-même, j’ augmentais la prise que vous avez sur moi.Il m’était doux encore, sous la poussée intérieure de la vie ou parmi le jeu favorable des événements, de m’abandonner à votre Providence.

Faites qu’après avoir découvert la joie d’utiliser toute votre croissance pour vous faire ou  pour vous laisser grandir en moi, j’accède sans trouble à cette dernière phase de la communion au cours de laquelle je vous posséderai en diminuant en vous.

Après vous avoir aperçu comme celui qui est un «plus moi-même», faites – mon heure étant venue – que je vous reconnaisse sous les espèces de chaque puissance, étrangère ou ennemie, qui semblera vouloir me détruire ou me supplanter.

Lorsque sur mon corps (ou bien plus : sur mon esprit) commencera à marquer l’usure de l’âge, quand fondra sur moi du dehors ou naîtra en moi du dedans le mal qui amoindrit ou emporte ;
A la minute douloureuse où je prendrai tout à coup conscience que je suis malade ou que je deviens vieux, à ce moment dernier surtout, où je sentirai que je m’échappe à moi-même, absolument passif aux mains des grandes forces inconnues qui m’ont formé ;  à toutes ces heures sombres, donnez-moi, mon Dieu, de comprendre que c’est vous (pourvu que ma foi soit assez grande) qui écartez douloureusement les fibres de mon être pour pénétrer jusqu’aux moelles de ma substance pour m’emporter en vous.

Oui, plus au fond de ma chair le mal est incrusté et incurable, plus ce peut être vous que j’abrite, comme un principe aimant, actif,  d’épuration et de détachement.

Plus l’avenir s’ouvre devant moi comme une crevasse vertigineuse  ou un passage obscur, plus, si je m’y aventure sur votre parole, je puis avoir confiance de me perdre ou de m’ abîmer en vous, et d’être assimilé par votre Corps, Jésus.

Ô énergie de mon Seigneur ! Force irrésistible et vivante, parce que, de nous deux, vous êtes le plus fort infiniment, c’est  à vous que revient le rôle de me brûler dans l’union qui doit nous fondre ensemble.

Donnez-moi donc quelque chose de plus précieux encore  que la grâce pour laquelle vous prient tous vos fidèles.

Ce n’est pas assez que je meure en communiant.

Apprenez-moi à communier en mourant.

Teilhard de Chardin