Les initiatives de résolution pacifique des conflits au diocèse de Mahagi-Nioka (Ituri-R.D. Congo)

Le fait de traiter un sujet dans la paix, dans le calme et sans la moindre forme de violence, correspond à la gestion pacifique des conflits. Cela traduit une volonté des différentes parties impliquées, de traiter une situation dans la tranquillité et la sérénité, sans agressivité. Nul n’ignore la fièvre d’insécurité et des perturbations socio-sécuritaires enregistrées et vécues ici et là, sur l’étendue du territoire national en RD Congo, particulièrement dans la province de l’Ituri. Dans cette province, on n’arrive pas à asseoir une paix durable. Ces guerres et conflits armés à répétition ont occasionné plusieurs dégâts tant humains que matériels, ainsi qu’une grande fracture sociale entre les communautés. 

En effet, de juin 2020 à nos jours, le diocèse de Mahagi-Nioka est préoccupé, à travers la Commission diocésaine Justice et Paix, par la crise qui sévit dans cette province de l’Ituri en général ; spécialement dans les territoires affectés par les conflits armés ethniques, suite aux exactions commises par la milice CODECO et ses alliés, ainsi que par d´autres groupes armées. L’Ituri se porte très mal depuis plus de 20 ans. Il y a toujours des signes faisant craindre un retour brutal de la violence et du désordre du passé. Il vaut donc la peine de consolider les acquis positifs de la période qui a suivi ce conflit armé, et de travailler davantage pour minimiser les risques de retour de la violence. Telle est la situation que la population de l’Ituri vit en ces jours.

Oui, l’insécurité est présente dans le diocèse de Mahagi-Nioka et dans certains milieux. Des situations de frustration entre les communautés et le conflit foncier opposant les groupements et la chefferie, les écoles et les populations riveraines, les Eglises et les grands concessionnaires… ont secoué par moments et par endroits, beaucoup d’autres chefferies voisines et les paroisses se trouvant dans la circonscription du diocèse. En un mot, la situation sécuritaire n’est pas rose dans la province de l’Ituri.

Les facettes du conflit

Le conflit a plusieurs facettes : problèmes fonciers, identitaires, complexes, etc. Le conflit se manifeste d’une façon cyclique (environ tous les 5 ans), par des affrontements à l’arme blanche entre les membres des deux communautés : massacres, pillages et incendiés, etc. Par le passé, les affrontements étaient vite matés par le pouvoir en place, mais aujourd’hui, c’est une autre facette plus complexe. Le dernier conflit qui a démarré en 2017, a vite pris des allures nouvelles jamais vues par le passé.

Dans le domaine de la pacification et réconciliation entre les communautés, les manifestations des conflits sont visibles, telles que :

  • Méfiance entre les communautés, surtout dans les territoires de Djugu-Mahagi ; chaque communauté pense toujours que l’autre prépare une attaque : Walendu Watsi et Anghal II ;
  • Complexe de supériorité et d’infériorité entre les communautés ;
  • Les migrations de la communauté (personnes déplacées internes) posent toujours un problème très sensible dans les territoires de Djugu et Mahagi ;
  • Les conflits entre agriculteurs et éleveurs, liés à la divagation des bêtes d’élevage présentes dans les territoires affectés par les conflits ;
  • La présence des extrémistes dans certaines communautés ne favorise pas la réconciliation avec les autres ;
  • La récupération politicienne de certains problèmes ne favorisent pas non plus la réconciliation entre les communautés, etc.

On peut dire que les perceptions négatives, la non-acceptation des autres, des personnes déplacées, et surtout la manipulation de certains extrémistes sont à la base des tensions entre les communautés. Un dialogue franc entre les communautés et des médiations autour des problèmes qui les opposent seraient les voies de sortie vers la réconciliation.

Comment ces conflits se manifestent-ils dans le diocèse de Mahagi-Nioka ?

Dans le diocèse, plusieurs types de conflits fonciers et autres existent, notamment des conflits entre agriculteurs et éleveurs, des conflits entre les concessionnaires et les agriculteurs, des conflits entre les concessionnaires (grands troupeaux) et les autres éleveurs des pâturages collectifs, des conflits de limites administratives entre les familles et les clans, au sein d’un même village ou quartier ainsi qu’au sein d’une même chefferie ou secteur, des conflits d’occupation illégale entre les communautés religieuses et les communautés environnantes, des conflits de vente illégale de terrain (stellionat). Tous ces cas sont présents dans et autour des Eglises et des grandes concessions.

Les conflits fonciers sont encore entiers et constituent une grande menace pour la paix durable dans le diocèse. Des nouveaux conflits sont nés, surtout liés aux limites des entités administratives. Au stade actuel, toutes les tentatives de résolution de ces conflits par les voies de médiations et de dialogues servent juste à calmer les tensions. Les solutions durables ne proviendront qu’à travers une campagne de concertation pour la réconciliation et un sérieur dialogue lors de la semaine de la Paix.

Ces événements et d’autres qui ont marqué le chemin des personnes les années passées, nous renseignent qu’il est important de prendre soin les uns des autres par des initiatives afin de construire une société fondée sur des relations de fraternité. C’est dans ce cadre que Mgr Sosthène Ayikili Adjuwa, évêque du diocèse, organise chaque année « des dialogues » à travers la Commission Justice et Paix, rencontres de pacification à l’intention des chefs coutumiers, des notables et des autres couches de la communauté, afin de discuter, d’échanger sur les causes des conflits sévissant dans la région. Ces initiatives ont toujours eu des impacts visibles dans les communautés affectées par les conflits de tout genre.

Les délégués de la Commission de Pacification du territoire de Mahagi (CPM), réunis autour de l’évêque ont adopté par consensus, un projet de mécanisme transitoire pour la pacification et l’administration du territoire de Mahagi, sous la présidence de Mgr Sosthène. Mue par une telle détermination de voir aboutir la paix, la Commission de Pacification a pour mission de  diagnostiquer toutes les formes de misères engendrées par les conflits armés. Tels sont l’implication et l’engagement de l’Eglise catholique dans la résolution pacifique des conflits.

Par: Francisco Ostos Palma, M.Afr.

Michel Grelet R.I.P.

Société des Missionnaires d'Afrique

Le Père Michel Girard, Délégué Provincial du secteur de France,
vous fait part du retour au Seigneur du Père

Michel Grelet

le jeudi 25 juillet 2024 à Billère (France)
à l’âge de 95 ans dont 68 ans de vie missionnaire
en RD Congo et en France.

Prions pour lui et pour ceux qui lui étaient chers.

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Jean Deschildre R.I.P.

Société des Missionnaires d'Afrique

Le Père Michel Girard, Délégué Provincial du secteur de France,
vous fait part du retour au Seigneur du Père

Jean Deschildre

le dimanche 14 juillet 2024 à Billère (France)
à l’âge de 91 ans dont 64 ans de vie missionnaire
en Italie, au Rwanda et en France.

Prions pour lui et pour ceux qui lui étaient chers.

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Si tu veux la paix, sois familier des conflits

 Dans les relations humaines, les conflits semblent inévitables. Ils sont omniprésents et font partie de la vie quotidienne. Nous sommes dans une société où tentation de conflit et désir de paix sont étroitement liés. Étant donné que le conflit est naturel et qu’une vie sans conflit n’existe presque pas, il est important, voire essentiel, pour l’homme de prendre conscience de l’existence du conflit dans la vie quotidienne. Tout ce qui touche les relations humaines peut être source du conflit. Ce peut être au sein d’une famille, d’une communauté, ou entre deux individus. Le conflit est donc normal, en ce sens que l’homme est un être de relation. Il peut détruire, comme il peut construire l’unité des personnes ou d’une communauté humaine. Voilà pourquoi il est très important d’étudier tous les paramètres du conflit en vue d’aboutir à un consensus qui soit bénéfique à tous.

Le conflit comme facteur déstabilisateur

Qui dit conflit fait référence aux disputes, à la colère, à l’affrontement, au désaccord, à la violence, à la tension, à l’absence d’harmonie, à la confrontation, à la crise, etc. Considérant tous ces dérivés, on peut affirmer que cet élément déstabisateur vient troubler la quiétude d’un homme, d’un peuple, d’une communauté, d’une nation. Mal géré, il a un impact dévastateur pouvant affecter le tissu social, les relations interpersonnelles ou la personne humaine elle-même. L’un des aspects négatifs le plus évident est la destruction qui engendre des expériences douloureuses. Il peut surtout être source de démotivation et avoir des effets néfastes quand un climat de suspicion et de méfiance règne.

Le conflit comme facteur constructif

Bien que les conflits soient souvent associés à des conséquences néfastes, comme il a été mentionné ci-dessus, certains observateurs soutiennent qu’ils peuvent également être une source de bienfaits. Le conflit peut être un lieu de socialisation où on apprend à vivre ensemble en reconnaissant que l’autre est différent de soi. Aussi favorise-t-il la remise en question personnelle et mutuelle. Il devient ainsi source du développement personnel. Il peut être une opportunité pour mieux vivre ensemble et restaurer l’harmonie et la cohésion. Au Niger, en janvier 2015, nous avons été témoins d’une situation de conflit que nous avons vécue dans la foi et l’espoir d’un lendemain meilleur. Il s’agit de l’attaque anti-chrétienne dont l’Église-famille du Niger a été victime. Révoltés contre une publication faite par Charlie Hebdo caricaturant le prophète Mohamed, certains musulmans ont décidé de se venger en brûlant des églises, hôtels et débits de boissons. C’est ainsi que nous avons assisté, impuissants, à la destruction d’une quarantaine d’églises, toutes pillées et parties en flamme. Cette expérience vécue nous a permis de renouveler notre amitié et notre fraternité à l’ensemble de la communauté musulmane du Niger. Même si nos églises ont été brûlées, notre foi est restée intacte et renouvelée. Nous sommes restés fermes et unis dans la prière pour que l’amour soit plus fort que la haine et la violence.  

Quelques facteurs déclencheurs du conflit

Les sources de conflit sont variées et complexes. Les différences culturelles et politiques, la religion, l’idéologie, les inégalités socio-économiques et le style de communication peuvent jouer un rôle significatif dans l’escalade des conflits. En effet, la divergence du contexte culturel fait que l’interprétation d’une attitude, d’un comportement, d’un geste, etc. n’a pas forcément la même connotation d’une communauté à l’autre, d’un individu à un autre. Une compréhension approfondie de ces dynamiques est essentielle pour la prévention et la résolution des conflits.

Engagement de l’Église dans la résolution pacifique des conflits

Dans le cas du Niger, le message des évêques résume le rôle et la place de l’Église dans la résolution pacifique des conflits : « Nous, les Évêques de l’Église catholique, en communion profonde avec nos communautés durement éprouvées par les événements inattendus et tragiques que nous avons subis sans en comprendre les raisons, nous venons renouveler notre amitié et notre fraternité à l’ensemble de la communauté musulmane de notre pays… Notre cœur n’a jamais cessé d’être animé par des paroles fortes de Jésus : « aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient » (Lc 6, 27-28) » .

L’Église joue un rôle primordial dans la médiation, la réconciliation et la promotion de la paix. Ses leaders ont souvent servi de médiateurs neutres dans les conflits, facilitant le dialogue entre les parties en conflit. Leur autorité morale et leur capacité à transcender les divisions politiques et sociales, ont pour la plupart du temps contribué à créer un espace sûr pour la négociation. Il est du devoir de ces leaders de le rappeler aux fidèles et de les inviter à suivre l’exemple de Jésus en pardonnant aux autres, même lorsque cela semble difficile ou impossible. Cela implique le renoncement à la colère, à la rancune et à la vengeance. Ils n’oublieront surtout pas de les inviter à la vigilance et à la responsabilité pour ne jamais céder à la pression des influences externes peuvant fragiliser les relations et le vivre ensemble pacifique.

Que faire en tant que témoin de l’évangile pour la prévention et la résolution des conflits ?

Dans sa lutte contre l’esclavagisme, notre fondateur le cardinal Charles Lavigerie disait : « Je suis homme, l’injustice envers d’autres hommes révolte mon cœur. Je suis homme, l’oppression indigne ma nature … ». En tant que Missionnaires d’Afrique et témoins de l’évangile, nous ne devons pas rester indifférents aux conflits, ni les fuir. Nous devons développer les initiatives visant à préserver la cohabitation pacifique, le respect réciproque de nos convictions et la convivialité qui ont toujours caractérisé notre société. Il nous revient de nous engager dans le dialogue pour comprendre davantage que nos diversités religieuses et ethniques sont des richesses qui doivent contribuer à la consolidation de notre unité car « ce qui nous rassemble est plus fort que ce qui nous divise ».

Par: Innocent Habimana, M.Afr.

Conflits : défis et opportunités de vivre le témoignage prophétique

Qui de nous n’a pas vécu des conflits au sein de nos communautés ? Nous sommes loin d’un état paradisiaque de paix absolue. D’après mon expérience, le thème du conflit provoque facilement un malaise. Il renvoie à des réalités quotidiennes que nous vivons. Ne pas vouloir percevoir les conflits, ne pas en parler, les ignorer ou encore se précipiter à retourner à un état de tranquillité apparente, sans vraiment gérer ces conflits de manière constructive, sont des attitudes et des habitudes que nous observons, notamment dans nos milieux religieux. Il n’est alors pas surprenant que les conséquences se répercutent sur notre vie communautaire et que des confrères continuent à mijoter leurs frustrations et leurs mécontentements.

Des conflits latents

Suite aux formations interactives et participatives sur la gestion, la prévention, la résolution et la transformation des conflits que j’ai pu organiser avec des religieux et religieuses de différents Instituts, ma sensibilisé aux conflits communautaires s’est progressivement développée, façonnée et intensifiée au cours des 20 dernières années. Je découvre en moi un regard éveillé et alerté qui aperçoit rapidement des conflits latents, cachés et sous-jacents. Plusieurs confrères m’ont déjà fait la remarque que je « crée » des conflits. Créer n’est pas le mot juste, car il s’agit plutôt de rendre visible ce qui est caché. Il est dommage que nous ne parlions pas, ou pas suffisamment, de ces conflits latents. Nous ne saisissons pas ces opportunités pour renforcer et consolider notre vie communautaire. Nous n’offrons pas assez de conditions favorables au sein de la communauté pour en parler avant que la situation ne pourrisse, ne devienne trop explosive et, dans certains cas, n’éclate violemment. Nommer un conflit, l’aborder en communauté, s’écouter mutuellement, faire attention de ne pas confondre l’objet du conflit avec le confrère en face, chercher ensemble des solutions et se mettre d’accord pour transformer la situation d’une façon constructive, ce n’est pas un rêve. Selon mon constat personnel, c’est une pratique que nous n’apprenons pas assez pour la vivre continuellement dans nos communautés.

L’interculturalité

Je me demande si certains malaises ne proviennent pas de nos représentations du conflit. Pour ma part, je perçois un conflit comme une opportunité de changement, une chance de transformation continue. Une communauté qui maintient à tout prix la tranquillité et le statut quo se prive de grandir et d’avancer ensemble. N’oublions pas que dans le conflit, la divergence ou la dispute, s’opère toujours en même temps une forme de mise en relation, une rencontre avec l’autre, selon Georg Simmel. Parce que nous ne sommes pas indifférents l’un à l’autre, nous vivons des moments conflictuels. D’ailleurs, lorsque nous voulons bâtir des communautés interculturelles en vue du témoignage prophétique, de nombreux malentendus interculturels apparaissent inévitablement. Alors, je me pose la question : si nous, Missionnaires d’Afrique, mettons-nous suffisamment le paquet sur le processus d’apprentissage et d’acquisition des compétences interculturelles. L’enjeu est que chacun de nous puisse s’outiller solidement afin que nos conflits soient gérés, résolus et même transformés d’une façon constructive. Vivre ensemble ce processus de transformation consolide la confiance mutuelle, motive, stimule et encourage à s’impliquer pleinement dans la vie et le projet communautaire. Le processus de la transformation du conflit fortifie donc les relations entre les confrères et renforce l’esprit d’appartenance et d’identité commune.

A Bruxelles

Récemment, j’ai aperçu une affiche intéressante lors de mes promenades dans la commune d’Etterbeek à Bruxelles. La commune offre un service de médiation interpersonnelle aux résidents. Lorsqu’il y a des conflits entre voisins, causés par exemple par le bruit, la pollution, des habitudes et des modes de vie différents, les parties en conflit peuvent faire appel aux médiateurs/trices. Il s’agit de tierces personnes, plutôt neutres, qui offrent leurs compétences et facilitent la recherche d’une solution qui convient le mieux aux parties en conflit. Au sein de l’Église, au sein des Instituts religieux, la médiation n’est pas encore assez développée. C’est bien dommage, car dans nos communautés, ces médiateurs/trices peuvent être une alternative intéressante, surtout lorsque le conflit entre confrères s’aggrave et risque de bloquer les relations. Dans de tels cas, le provincial lui-même ou son délégué sont notamment appelés à intervenir avec force.

Dans nos engagements missionnaires

Le thème de la médiation me permet maintenant d’aller au-delà de nos communautés de Missionnaires d’Afrique. J’aimerais focaliser davantage notre regard sur nos engagements missionnaires.

Lors du dernier Chapitre général, nous nous sommes fixés des priorités missionnaires : « être envoyé dans les zones de fractures, aux périphéries du monde et de l’Eglise », notamment auprès des migrants, et témoigner dans « un monde de plus en plus polarisé où le tribalisme, le racisme, le fondamentalisme religieux et la cupidité divisent les personnes » (Actes Capitulaires 2022, p.21). Ces priorités nous conduisent inévitablement dans des contextes et des situations conflictuels.

Prenons l’exemple de la migration. En Europe, plusieurs élections se préparent, y compris celle de l’Union européenne. Il est sûr que le thème de la migration et de l’asile est utilisé pour polariser, attiser des ressentiments, propager des stéréotypes racistes et xénophobes, provoquer des émotions négatives et des colères contre les migrants, et faire escalader des conflits même par la violence. La réflexion suivante de Klaus Kraemer est révélatrice. Selon lui, les conflits de répartition face à l’inégalité économique au sein d’une nation, ne se dirige pas contre le « haut » (riches, privilégiés), mais contre les étrangers et les immigrés, c’est-à-dire vers le « bas » et vers l’« extérieur ».

Que ferons-nous face à ces conflits latents et ouverts ? Comment réagissons-nous ? L’Église catholique nous sollicite à accueillir, protéger, promouvoir et intégrer les migrants et les réfugiés (François, Journée Mondiale du Migrant et du Réefugié, 2018). En ce qui concerne l’intégration, notons que la pratique de la médiation sociale, en particulier la médiation interculturelle, a un potentiel énorme afin de contribuer à la construction de la cohésion sociale et de la paix sociale. D’ailleurs, nous sommes appelés à promouvoir la fécondation réciproque des cultures (Jean Paul II, Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié, 2005), à reconnaitre mutuellement les richesses, les possibilités et les limites des cultures (Fratelli Tutti, 147), et à vivre la culture de la rencontre (Fratelli Tutti, 215). A travers nos engagements interculturels nous vivons pleinement et authentiquement la Mission inter gentes en contribuant à la paix, la cohésion sociale et la fraternité universelle.

En même temps, nous sommes interpellés à veiller à ce qu’existe un cadre politique dans lequel les décideurs garantissent l’accueil et la protection des migrants. En conséquence, nos votes aux élections sont extrêmement importants, en particulier dans des sociétés de tendance de tribalisation et de recours désespéré à un régime public autoritaire, sous la forme d’un État nationaliste qui défend les intérêts de la tribu, selon l’analyse de Gaël Giraud.

J’aimerais conclure avec une parole sage de Vinicius De Moraes : « La vie, c’est l’art de la rencontre, même s’il y a tant de désaccords dans la vie » (Fratelli Tutti, 215). Que nos différences puissent coexister en se complétant, en s’enrichissant et en s’éclairant réciproquement ; voilà un souhait pour nous tous (Fratelli Tutti, 215).

Par: Andreas Göpfert, M.Afr.

André Fransen R.I.P.

Société des Missionnaires d'Afrique

Le Père Yvo Wellens, Délégué Provincial du secteur de Belgique,
vous fait part du retour au Seigneur du Père

André Fransen

le mercredi 3 juillet 2024 à Varsenare (Belgique)
à l’âge de 93 ans dont 70 ans de vie missionnaire
en Italie, en RD Congo, au Rwanda et en Belgique.

Prions pour lui et pour ceux qui lui étaient chers.

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Mission et conflit : des choix quotidiens à faire

L’expression “si vis pacem para bellum” me vient à l’esprit lorsque je pense à la “résolution pacifique des conflits”. En effet, vivre est en soi un combat et exister implique volonté, liberté et choix. Ces trois éléments essentiels s’affrontent constamment dans l’existence d’un être humain, en conflit avec lui-même et avec son milieu social. Mais cela peut être évalué objectivement par une âme qui aspire au bien. C’est pourquoi, guidé par l’Ecriture, la doctrine de l’Eglise et la morale africaine, on peut étudier, évaluer et proposer ce qui est bon en cas de conflit en nous, dans notre communauté, à l’extérieur de nous… et dans la mission.

Troisième chèvre dans l’enceinte

Nous vivons dans un ancien Centre Emmaüs partiellement rénové, à Nakpanduri. Nous avons un gardien de nuit qui veille sur notre propriété et sur les animaux domestiques errants de nos voisins. Souvent, des moutons et des chèvres viennent dans notre enceinte pour chercher de l’eau, des feuilles vertes ou des herbes.

Un soir, une chèvre est entrée pendant le dîner. Je suis sorti, je l’ai chassée et j’ai demandé à notre gardien d’être vigilant. La deuxième est entrée alors que nous étions sur le point de dormir. Vers 3 heures du matin, une troisième chèvre est entrée et le gardien a commencé à lui jeter des pierres. Le souffle des pierres, ses propres beuglements et les bêlements m’ont réveillé. Cette nuit-là, j’ai lutté pour rattraper mon sommeil avant la messe du matin. Plus tard, je lui ai demandé “qu’est-ce qui est le plus compliqué : jeter des pierres sur une chèvre qui lutte pour sa survie, ou garder la porte fermée”. Il m’a regardé et est parti en silence.

Pour moi, la question a toujours été la suivante : “Devons-nous sans relâche être des pompiers ou des prévenir ?” Cette même question s’est posée lors d’une session sur le plaidoyer et le lobbying pour les acteurs de paix communautaires, organisée par notre commission diocésaine Justice et Paix. Sommes-nous assez prophètes pour parler, avertir et essayer de prévenir avant qu’un conflit n’éclate ?  

Quelques observations

L’événement décrit ci-dessus n’est pas un cas typique de conflit-confrontation, car nous avons des problèmes plus complexes dans notre paroisse, en particulier en ce qui concerne la chefferie et les conflits fonciers. Il n’en reste pas moins que cet événement peut déboucher sur un conflit grave s’il n’est pas traité à la racine. Dans le cas du gardien, les conséquences immédiates seraient : son licenciement, un conflit dans notre communauté familiale (priver de sommeil des confrères qui ont passé toute la journée sous le soleil en apostolat), un conflit dans l’entourage puisque les animaux errants ne sont pas considérés comme un problème. Si cela dégénère, nous serons convoqués au palais du chef, ce qui n’est pas bon pour notre réputation. Ce petit incident peut donc déclencher des frustrations et rendre la vie difficile.

Dans le même ordre d’idées, une femme a été accusée d’être une sorcière dans un poste de notre paroisse. C’est tellement courant ! Comme le veut la tradition, elle a été emmenée au sanctuaire pour être examinée. D’autres sont emmenées chez les pasteurs. Habituellement, ils accusent d’autres femmes. Il est arrivé ensuite que toute la paroisse soit gravement touchée parce que nous avons été contactés tardivement, en fait juste pour éteindre le feu. Nous avons commencé à rendre régulièrement visite à la communauté, à l’accusée et à l’accusateur. Grâce aux prières et à la proximité, la situation a été maîtrisée. Bien que le catéchisme, les instructions et les sermons soient préventifs, il y a plus à faire ; car la tradition, la “prophétie” et les affaires entrent en conflit les unes avec les autres au détriment de nos mères. 

La voie à suivre ?

Il n’est pas facile de connaître les véritables causes d’un conflit avant de le gérer. Même lorsqu’elles sont connues, de nombreux facteurs rendent la résolution épineuse. Ainsi, la méthode voir-juger-agir, avec une certaine dose de philosophie Ubuntu, est d’une grande aide pour éviter un conflit.

Envoyés en mission en tant que disciples du Christ, nous devons “prendre la parole pour ceux qui ne peuvent se défendre, pour les droits de tous ceux qui sont dans l’indigence ; prendre la parole et juger avec équité ; défendre les droits des pauvres et des nécessiteux (Pr 31, 8-9). Il y a toujours une urgence à agir. N’est-ce pas ce qui a guidé Lavigerie lorsqu’il a dit : “Je suis un homme et rien de ce qui est humain ne m’est étranger” ?

Sainte Thérèse d’Avila disait : “Le Christ n’a pas d’autre corps que le vôtre et le mien”. Dès lors, comment trouver la paix si nous craignons de toucher là où ça fait mal et donc de l’empêcher ? Comme l’a dit le pape Benoît XVI, “l’engagement pour la justice, le travail pour l’ouverture de l’intelligence et de la volonté aux exigences du Bien, est tout à fait intéressant pour l’Église”. 

Pour moi, c’est une nécessité ; cela doit être fait sans compromis “à travers une implication active mais humble dans la dynamique de la société africaine, et ainsi, nous pourrons vivre et proclamer Jésus-Christ comme l’ultime libérateur”.  C’est ce à quoi nous nous attelons chaque jour à travers notre implication dans le plaidoyer et le lobbying qui ne peut se faire sans un dialogue constant et des sacrifices (de soi, de temps et de moyens). Sinon, nous serons toujours là pour éteindre le feu qui brûle… encore et encore !

Conclusion

Entre la prévention d’un conflit et sa gestion, il y a un pas. Mais, si nous restons positifs, un conflit peut être un felix-culpa dans la mesure où nous apprenons de nos erreurs et acquérons ainsi de nouvelles stratégies constructives en tant qu’individus, communauté, village, Société et Eglise au sens large. Pour cela, nous nous efforçons toujours de croître et de construire la communauté. Il y a donc un lâcher-prise pour la réalisation d’un projet commun, donc une parfaite gestion des conflits inévitables.

Pour le reste, comme j’aimerais être le dernier réfugié éternel, pour avoir goûté au conflit à toutes les étapes de ma vie ! Eh bien, il se peut que je doive encore y faire face longtemps, en tant que missionnaire ! Que Dieu demeure avec nous, car nous sommes en guerre (Ph 6, 12).

Par: Venant Bukuru, M.Afr.

Déclaration de Kigali, juin 2024

Karl Hermes R.I.P.

Société des Missionnaires d'Afrique

Le Père Ludwig Peschen, Délégué Provincial du secteur d’Allemagne,
vous fait part du retour au Seigneur du Père

Karl Hermes

le jeudi 27 juin 2024 à Trier (Allemagne)
à l’âge de 85 ans dont 58 ans de vie missionnaire
en Zambie et en Allemagne.

Prions pour lui et pour ceux qui lui étaient chers.

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Session de formation sur la protection des mineurs et la sauvegarde des personnes en situation de vulnérabilité, Kigali, 10e jour

Notre dernière journée de formation a été très pratique. Nous avons, dans la matinée, pris le temps avec Stéphane Joulain de faire une étude de cas et une mise en scène de comment nous pouvons faire face à des abus éventuels. Un temps de travail en groupes nous a permis de partager sur les façons dont nous comprenons les situations qui se présentent à nous.

A la suite, Lowrent Kamwaza nous a présenté comment élaborer un plan stratégique dans le ministère de la sauvegarde. En nous inspirant de son plan stratégique comme coordinateur pour la Société à la sauvegarde des mineurs et personnes en situation de vulnérabilité, il nous a recommandé à chacun de travailler son plan stratégique de secteur/province pour partir avec des actions concrètes à mettre en œuvre dans notre ministère de sauvegarde.

Nous avons conclu cette session de formation par des recommandations à présenter au Conseil Général et aux provinciaux, à porter par les délégués à la sauvegarde et à proposer à nos différents secteurs/provinces. Nous nous sommes engagés par une déclaration finale (Déclaration de Kigali) à vivre ce ministère de sauvegarde.

La protection est notre engagement

Par: Alex Manda, Clément Kpatcha, Guy Sawadogo, Lowrent Kamwaza (News Team)