Roger de Benoist est né le 2 août 1923 à Meudon (banlieue de Paris) dans une famille de tradition militaire. Benjamin de trois garçons, il fait ses études secondaires au Collège Stanislas de Paris. C’est dès sa confirmation, à l’âge de 11 ans, qu’il commence à penser à une vocation, qu’il prendra le temps de murir grâce à ses engagements au sein du scoutisme. A la déclaration de la guerre, il émigre d’abord vers Rennes, puis à Chateauroux. Toujours en recherche vocationnelle, il va passer un an à l’abbaye bénédictine d’En-Calcat. C’est là qu’il sent l’appel vers les Missionnaires d’Afrique qu’il rejoint à Thibar en septembre 1941 pour finir la philosophie entamée au monastère. L’année suivante, il arrive à Maison-Carrée pour son noviciat. Mais dès qu’il atteint l’âge de 20 ans il est mobilisé dans le régiment des Spahis marocains, avec lesquels il va faire la campagne d’Italie, avec la célèbre bataille de Monte Cassino et la libération de Rome, puis la remontée vers l’est de la France. Démobilisé le 24 août 1945, avec la Croix de Guerre, il rejoint aussitôt Maison Carrée pour terminer son noviciat, et poursuivre sa formation théologique à Thibar, où il prononce son serment missionnaire, puis à Carthage où il reçoit l’ordination sacerdotale le 1er février 1950.
Ses formateurs ayant noté ses qualités tant humaines, que spirituelles et intellectuelles, voire artistiques, les supérieurs décident d’utiliser ses nombreux talents dans le monde des médias. Il faut en effet rappeler que, depuis 1947, la Société était responsable d’un hebdomadaire: Afrique Nouvelle, édité à Dakar, qui avait une grande influence sur toute l’Afrique francophone. Il était temps de former des professionnels de la presse écrite et le jeune Roger fut envoyé se former à l’Ecole Supérieure de Journalisme de Lille, puis au Centre des Hautes Etudes sur l’Afrique, à Paris. Le 15 mai 1952, il débarque à Dakar et se met immédiatement au travail. Roger n’est pas un rédacteur de cabinet ; c’est un homme de terrain qui aime fréquenter les gens, et disséquer les soubresauts qui agitent l’Afrique des années cinquante. Il sillonne l’Afrique et rencontre les hommes de pouvoir ou d’influence, qu’ils soient au gouvernement ou dans l’opposition, quelles que soient leurs opinions. Roger, qui n’a pas peur d’une parole qui dérange, n’est pas en odeur de sainteté auprès de Mgr Lefebvre, alors Vicaire apostolique de Dakar et Délégué apostolique pour l’Afrique francophone, qui l’accuse d’être communiste. De son côté, le Gouverneur général du Sénégal, intente un procès au journal qu’il estime trop critique vis-à-vis de la politique coloniale de la France. Mgr Lefebvre ayant exigé le départ du directeur, le P. Paternot en 1952, puis de son successeur le P. Rummelhardt en 1954, notre Roger est amené à prendre la direction du journal. Il va y rester jusqu’en 1959, couvrant alors toute la période des indépendances, multipliant les contacts et les articles. Afrique Nouvelle devient une tribune privilégiée pour tous les acteurs de la marche vers l’indépendance, époque passionnante mais non sans danger pour un journaliste.
Il est alors nommé au Mali, d’abord en paroisse, à Kolongotomo, puis à Bamako où il anime l’activité culturelle de l’archidiocèse ainsi que le mouvement de la Jeunesse Agricole Chrétienne. Ce qui ne l’empêche pas de poursuivre ses engagements dans les médias.
En 1963 il est nommé à Paris, correspondant de la revue Vivante Afrique publiée à Namur. En même temps il prépare le lancement d’une revue d’information missionnaire commune aux Instituts Missionnaires de France, publiée en 1967, sous le titre de Peuples du Monde. C’est une époque où Roger parcourt le monde entier, toujours à la recherche de nouveaux contacts, en vue de nouveaux articles et de nouvelles photos. Brillant, très entreprenant, jamais à court d’idées, son provincial trouve parfois qu’il est un peu difficile à contrôler !
En 1968, il part pour Cotonou (Bénin) où le cardinal Gantin lui confie la pastorale familiale, les équipes enseignantes et les guides. Evidemment il va élargir son champ d’apostolat et ses contacts. Mais en 1972, son engagement dans l’éducation sexuelle de la jeunesse est mal perçue par certains, et il doit quitter le pays. Il traverse la frontière et prend résidence à Bobo-Dioulasso au Burkina. A la demande du cardinal Zoungrana, il entreprend la rédaction d’une biographie du P. Goarnisson, notre confrère-médecin. Le livre paraîtra sous le titre Docteur Lumière.
En 1973, il est de retour à Paris en vue de commencer une nouvelle carrière, celle d’historien. Il s’inscrit aux Hautes Etudes où il valide un diplôme sur la marche vers les indépendances en A.O.F., cela sans abandonner ses reportages à travers l’Afrique pour le compte de diverses revues comme Jeune Afrique, Peuples du Monde, Croissance des Jeunes Nations… Il passe aussi plusieurs mois à Rome pour travailler dans nos archives. En 1977, de nouveau à Dakar, il continue sur sa lancée et prépare sa thèse de doctorat sur L’Afrique Occidentale Française de 1944 à 1960. En 1985, il soutient sa thèse de doctorat d’Etat sur Les relations entre l’administration coloniale et les missions au Mali et au Burkina. Ces travaux seront publiés et deviendront des sources précieuses pour les africanistes. Travailleur acharné et méticuleux, il devient Directeur de recherche en histoire africaine à l’IFAN (Institut Fondamental de l’Afrique Noire Cheikh Anta Diop). Devenu une autorité en son domaine, il parcourt le monde, de colloque en congrès scientifiques. Il est membre de plusieurs Sociétés savantes comme le CREDIC et l’Académie des Sciences d’outre-mer. En 1994, il prend sa retraite d’enseignant et se consacre entièrement à la recherche et à l’écriture, publiant de nombreux articles et livres, depuis une biographie de Senghor, jusqu’à une histoire de l’Eglise au Sénégal et une histoire de l’Ile de Gorée. En 1988 il est promu Chevalier de la Légion d’Honneur (décoration française). En 1993 il est promu Officier de l’Ordre National du Lion (décoration sénégalaise) et en 1997 il recevra la médaille d’Officier de la Légion d’Honneur.
Mais Roger n’est pas étourdi par les honneurs et il ne se limite pas à l’érudition. Bien qu’isolé par rapport à la Société, il ne s’est jamais marginalisé et a toujours tenu à rester Père blanc à part entière. Quand les Pères blancs ont quitté Dakar, il a d’abord habité tout seul, puis il a pris résidence au presbytère de la cathédrale où il a consacré beaucoup de temps à des engagements pastoraux et missionnaires divers. L‘Abbé Augustin Ndiaye, alors curé de la Cathédrale, qui a assuré l’homélie lors de ses obsèques, a rendu un vibrant témoignage à ce fromager qui est tombé et dont la chute parcourt toute la savane, insistant non seulement sur sa qualité d’historien de l’Eglise locale, mais aussi sur son service de vicaire dominical, sa fidélité aux célébrations liturgiques, et sur sa présence aux gens : ‘il arrivait avant tout le monde à l’église et, s’étant habillé, il allait saluer les gens qui entraient…’ De son côté, Mgr. Benjamin Ndiaye, Archevêque de Dakar a envoyé un message où il exprime sa reconnaissance pour la façon dont Roger de Benoist s’est consacré de multiples façons au service de l’Eglise locale : Pour nous, Eglise du Sénégal, Famille diocésaine de Dakar en particulier, le souvenir du Père de Benoist ne peut-être que motif d’action de grâce et de louange à Dieu, qui a su faire de lui un instrument au service de l’évangélisation par la science et les médias.
En 2006, à l’âge de 83 ans, il rentre en France et rejoint la communauté de Bry sur Marne. Il y passe des années studieuses, recueillies et fraternelles, tout en restant très discret sur lui-même. Il continue à participer à des colloques, par exemple à l’UNESCO. Il reçoit de nombreuses visites de parents et amis, dont beaucoup de Sénégalais. C’est à l’hôpital St Camille qu’il décède le 14 février 2017. Les obsèques ont lieu à l’église paroissiale de Bry sur Marne en présence d’une nombreuse assemblée de ses parents, amis et connaissances.
F. Richard