Education et culture de la paix

Ce sujet, éducation et culture de paix est très important et demeure très actuel dans l’Évangile que nous sommes appelés à annoncer à temps et à contre temps. Il fait partie de l’être de l’Église et de son agir dans le monde en tant que don du Christ Jésus. C’est sa façon de vivre et de rayonner la paix qu’elle devienne éducatrice de la paix et s’inculture dans les valeurs des cultures où elle est envoyée. C’est pour cela que nous, missionnaires d’Afrique, nous sommes à l’aise lorsque nous apprenons des langues locales, portes par lesquelles nous entrons dans les cultures locales pour y annoncer la Bonne Nouvelles et la Paix du Ressuscité !

Il faut revenir à combien de fois nous prononçons le mot « paix » au cours de nos célébrations liturgiques : ‘la paix soit avec vous’ ou bien la prière suivante « Seigneur Jésus Christ, tu as dit à tes apôtres : ‘Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix’ ; ne regarde pas nos péchés mais la foi de ton Église ; pour que ta volonté s’accomplisse, donne-lui toujours cette paix et conduis-la vers l’unité parfaite, toi qui vis et règnes pour les siècles des siècles ». Ensuite, nous nous donnons la paix du Christ. Nous vivons et donnons ce que nous avons reçu du Christ. Nous continuons de le vivre sous sa lumière avec notre mère, l’Église.

Ce que nous allons partager résume ci-dessous une expérience vécue lors des conflits interethniques post–électoraux au Kenya en 2008-2013. J’étais alors formateur dans notre maison de formation théologique à Nairobi/Balozi. Avec l’Association des psychologues du Kenya dont je suis membre, nous sommes beaucoup passés dans les camps de déplacés pour accompagnement psychologique et assistance matérielle. Nous étions supportés énormément par l’Église locale.

La religion chrétienne, actrice de paix à l’échelon mondial

À l’échelle mondiale, les acteurs religieux jouent un rôle important dans l’éducation à la paix, en rassemblant les gens pour la gestion des conflits. Ils ont une position légitime pour prêcher et enseigner, notamment en sensibilisant aux croyances religieuses des autres religions et en invitant à la tolérance au sein des communautés. Leur rôle est ainsi de favoriser le développement de la paix.

Deux éléments essentiels de la vie religieuse sont d’une importance capitale pour le rétablissement de la paix : l’empathie et la compassion ; la miséricorde puise dans ces attributs la force pour un rétablissement efficace de la paix.

Il existe un lien entre notre foi chrétienne et la paix. Certaines caractéristiques religieuses sont associées à la paix, par exemple lorsqu’un pays a un groupe religieux dominant. Le programme d’éducation individualisé obtient des niveaux de paix plus élevés dans les pays sans groupes religieux dominants et lorsqu’il y a moins de restrictions gouvernementales sur la religion.

La religion chrétienne mène aussi au développement. La religion affecte la prise de décision économique en établissant des normes sociales et en façonnant les personnalités individuelles. Les entreprises situées dans des communautés à forte religiosité ont tendance à adhérer à des normes éthiques propices à une économie stable.

La religion chrétienne est alors comme une clé importante dans le développement de la société. La religion remplit plusieurs fonctions pour la société. Il s’agit notamment de (a) donner un sens et un but à la vie, (b) renforcer l’unité et la stabilité sociales, (c) servir d’agent de contrôle social du comportement, (d) promouvoir le bien-être physique et psychologique, et (e) motiver les gens à œuvrer pour un changement social positif. Le dialogue œcuménique, interreligieux et interculturel peut y contribuer énormément.

Considérons les apports de la religion chrétienne à la société : elle renforce les individus, les familles, les communautés et la société dans son ensemble. Elle affecte considérablement les résultats scolaires et professionnels et réduit l’incidence de problèmes sociaux majeurs, tels que les naissances hors mariage, la toxicomanie et l’alcoolisme, la criminalité et la délinquance.

Le rôle de l’Église dans le maintien de la paix et de la sécurité dans la société est donc important. Elle a toujours enseigné à ses membres l’action de non-représailles, comme l’a enseigné Jésus lui-même ; cela aide à absorber la violence au lieu de mener à une escalade. Par conséquent, chaque cycle de violence provoquant la vengeance, qui à son tour provoque davantage de violences, est brisé par le simple acte de tolérance, de dialogue et d’éviter des représailles.

Les chrétiens sont donc ceux qui suivent et mettent en pratique l’enseignement du Christ dans tous les domaines de leur vie. L’un des sommets du christianisme, ou de la vertu chrétienne, est la paix. La Bible enjoint aux chrétiens de s’embrasser et de vivre en paix avec leurs voisins.

Réconciliation au Kenya durant la période post-électorale 2008-2013

Le processus de construction de la paix, de réconciliation et de restauration par l’Église a été lancé par la formation de la Commission de la Conférence épiscopale du Kenya parce qu’il ne pouvait pas être laissé entre les mains des seuls politiciens. L’Église a été appelée à un ministère de réconciliation et a exercé un mandat spirituel à la suite de la crise électorale. L’Église a surveillé de près le processus pour s’assurer qu’il vise véritablement à parvenir à la guérison nationale, et non à un simple blanchiment visant à balayer les injustices du passé sous le tapis pour des raisons d’opportunisme politique. L’Église a utilisé la chaire pour enseigner et prêcher un pardon et une réconciliation véritables et encourager les gens à participer à une gestion juste et globale du passé afin que la nation puisse véritablement être guérie de ses multiples blessures. L’Église avait la responsabilité permanente de guérir le traumatisme de la violence du passé entre ses propres membres.

Les réalités sociales au sein des sociétés furent prises au sérieux. Les conflits doivent être considérés comme des événements non isolés dans leur contexte social. Les techniques de rétablissement de la paix utilisées par l’Église au cours de la période post-électorale de 2008 à 2013 se sont concentrées sur les aspects structurels de la restauration ou de l’établissement de relations entre anciens rivaux.

Cette approche repose sur l’hypothèse selon laquelle des interactions égales entre les parties, ainsi qu’une restructuration économique et politique, conduit à de nouveaux liens de coopération qui stabilisent les relations pacifiques. L’Église s’est concentrée sur des éléments structurels tels que l’échange de représentants dans diverses sphères politiques, économiques et culturelles. Le maintien de canaux de communication formels et réguliers et une partie essentielle des actions structurelles promues par l’Église consistaient à traiter l’autre partie avec respect, justice, égalité et sensibilité à ses besoins et ses objectifs.

Par: François-Xavier Bigeziki, M.Afr.

Wilfried Langer R.I.P.

Société des Missionnaires d'Afrique

Le Père Ludwig Peschen, Délégué Provincial du secteur d’Allemagne,
vous fait part du retour au Seigneur du Frère

Wilfried Langer

le dimanche 5 mai 2024 à Hechingen (Allemagne)
à l’âge de 83 ans dont 57 ans de vie missionnaire
au Burkina Faso,  au Mali et en Allemagne.

Prions pour lui et pour ceux qui lui étaient chers.

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Vivre l’Ascension à Jérusalem

Le fait de situer l’Ascension du Seigneur Jésus au sommet du mont des Oliviers peut être lu comme l’accomplissement des traditions religieuses liées à ce mont. L’histoire et la géographie de Terre sainte nous aideront peut-être à comprendre pourquoi le mont des Oliviers est le gardien de la mémoire de ce mystère de notre salut.

Les textes bibliques nous parlent de deux lieux de l’Ascension de notre Seigneur. Après la résurrection, le Ressuscité donne rendez-vous à ses disciples en Galilée (Matthieu 28, 16). Les Actes des Apôtres placent le lieu de l’Ascension à l’est de Jérusalem au sommet du mont des Oliviers (Actes des Apôtres 1, 9-12).

La partie nord du mont des Oliviers est connue sous plusieurs noms : ‘La vigne du chasseur’ en arabe KARM ES SAYAD ; ‘La petite Galilée’ dans la tradition grecque ; VIRI GALILAEI (en latin : hommes de Galilée) allusion à la parole adressée aux apôtres selon Actes 1, 11 « Gens de Galilée, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? »

Pourquoi le mont des Oliviers et non pas le mont Sion ?

Le choix du mont des Oliviers n’est pas un hasard. Jésus s’approprie toute l’histoire de l’humanité pour l’amener à la perfection. Le mont des Oliviers est le gardien des traditions juives, chrétiennes et musulmanes.

Pendant la période du second Temple, le mont des Oliviers est appelé HAR HAMISHKHA, ‘mont de l’Onction’. Peut-être en souvenir de l’onction de Salomon, sacré roi en une cérémonie improvisée dans l’urgence près de la source de Gihôn dans la cité de David. La manière dont cette cérémonie est racontée dans le premier livre des Rois annonce déjà l’entrée solennelle de Jésus à Jérusalem le jour des Rameaux : « Ils (le prêtre Sadoq, le prophète Natân…) mirent Salomon sur la mule du roi David et descendirent à Gihôn. Le prêtre Sadoq prit dans la Tente la corne d’huile et oignit Salomon ; on sonna du cor et tout le peuple cria : « Vive le roi Salomon ! ». Puis tout le monde monta à sa suite ; le peuple jouait de la flûte et manifestait une grande joie, avec des clameurs à fendre la terre » (1 Rois 1, 38-40). Ce sera presque la même chose le jour des Rameaux : monté sur un ânon, Jésus viendra de Bethphagé de l’autre côté du mont des Oliviers ; il descendra ce mont, traversera la vallée du Cédron pour remonter le mont du Temple et entrer à Jérusalem. Et le peuple l’accompagnera en criant de joie « Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur… » (Marc 11, 9)

Mont de l’Onction à cause de la production d’huile d’olives. Les olives de cette montagne étaient utilisées dans la production d’huile. Cette huile qui servait pour oindre les rois et les prophètes et pour les célébrations liturgiques au Temple. Jésus est l’Oint de Dieu par excellence. C’est tout à fait normal qu’il monte au ciel où il est assis à la droite de Dieu le Père par le mont de l’Onction.

Le désir de beaucoup de juifs a toujours été d’être enseveli sur le flanc ouest de mont des Oliviers. Etre enterré en face du mont du Temple, c’est reposer sur une terre sûre pour le jugement dernier. Le prophète Zacharie annonce en effet qu’en ce jour qui achèvera l’histoire : « Les pieds du Seigneur se poseront sur le mont des Oliviers qui fait face à Jérusalem vers l’orient. Et le mont des Oliviers se fendra par le milieu, d’est en ouest, changé en une immense vallée… Puis le Seigneur mon Dieu viendra, et tous les saints avec lui » (Zacharie 14, 4-5). La prophétie de Zacharie parle « des pieds du Seigneur ». Et aujourd’hui dans le sanctuaire de l’Ascension du mont des Oliviers, on peut voir une pierre qui porte les traces du pied de Jésus au moment où il montait au ciel.

La tradition musulmane reconnaît aussi l’importance du mont des Oliviers. Dans la Sourate 1, il est fait mention du droit chemin au verset 6 : « Conduis-nous dans le droit chemin ». Ce terme « droit chemin » se dit « sirat » et a deux sens selon l’époque. Dans l’Islam ancien, il signifie droit chemin ou chemin à parcourir. Dans l’Islam du Moyen-Age, une importance spatiale y est ajoutée : le bon chemin est à associer avec le pont qui reliera le mont des Oliviers au mont du Temple à la venue du messie. La tradition musulmane rejoint ici la tradition juive mais avec une particularité : au jugement dernier, tous les fidèles de ALLAH qui sont enterrés au mont des Oliviers ressusciteront et devront traverser un pont érigé sur sept arches le reliant au mont du Temple. Les « justes » traverseront facilement le pont, tandis que les « mécréants » tomberont dans le Cédron. Ainsi nous trouvons des tombes de musulmans dans la vallée du Cédron, à l’ombre des remparts tout près de l’esplanade de la Mosquée Al Aqsa, autour de la porte Dorée, porte par laquelle selon la tradition juive, le messie devra passer pour entrer au Temple et prononcer le jugement.

Aujourd’hui ce sanctuaire de l’Ascension est géré et gardé par les musulmans. C’est un site très particulier, car il est utilisé comme mosquée et selon les occasions comme église chrétienne. A l’intérieur de la mosquée se trouve la pierre qui porte les traces du pied de Jésus au moment où il montait au ciel comme nous l’avons dit plus haut. Ainsi se rejoignent les traditions juives, chrétiennes et musulmanes au mont des Oliviers.

La fête de l’Ascension aujourd’hui

Jésus a choisi un mont où il y a des oliviers, un mont en dehors de Jérusalem, pas très loin de la cité sainte. Il n’a pas choisi le mont Sion qui est dans la ville. Il a gardé le symbole de l’olivier, arbre typique du bassin méditerranéen, arbre donné par Dieu à son peuple avec la Terre promise (Deutéronome 6, 10-12) L’olivier est comme cet arbre « qui donne du fruit en son temps, et jamais son feuillage ne meurt » (Psaume 1, 3). Il est aussi le symbole du juste et le symbole de la paix, car il est toujours vert et il ne donne son fruit qu’après des soins patients, c’est-à-dire après un long temps de paix. La tradition juive raconte que le rameau d’olivier apporté à l’arche de Noé par la colombe après la décrue des eaux du déluge venait justement du mont de l’Onction.

Fruit de l’olivier et du travail des hommes, l’huile d’olive est tout à la fois nourriture, parfum, remède et indispensable pour la lumière des lampes. Ce riche symbolisme est abondamment repris dans les sacrements de l’Eglise (CEC n° 1293 et 695), les sacrements qui nous font entrer dans les réalités d’en haut. C’est cela même la spiritualité de l’Ascension. Nos réalités terrestres, une fois sanctifiées par la présence et surtout par la bénédiction du Christ, sont élevées au ciel : « Celui qui vous a été enlevé, ce même Jésus viendra comme cela, de la même manière dont vous l’avez vu s’en aller vers le ciel » (Actes 1, 11).

Juifs, chrétiens et musulmans, tous croient que le messie reviendra. A la question d’un participant à la session, ici à sainte Anne de Jérusalem, à un rabbin sur la venue du messie, ce dernier a répondu : quand le messie viendra, nous lui demanderons si c’est la première fois qu’il vient au monde ou bien si c’est la deuxième fois.

Par: Grégoire Milombo, M.Afr.

Mémoire des Bienheureux Pères Blancs de Tizi-Ouzou

Comment les gens vivent-ils cette mémoire aujourd’hui ?

Fondée en 1874, 6 ans après la création de la Société, la communauté de Tizi-Ouzou reste notre plus ancienne communauté encore active. C’est dans cette communauté que nos quatre confrères Alain, Charles, Jean et Christian, Missionnaires d’Afrique, ont été assassinés le 27 décembre 1994. C’étaient des missionnaires courageux et zélés qui ont consacré leur vie jusqu’au bout ; ils sont désormais comptés parmi les plus grands martyrs de l’amour. Ils ont été béatifiés le 8 décembre 2018 à Oran, en Algérie, avec 15 autres personnes. C’étaient des personnes respectées en raison de leur dévouement à la mission et de leur amour pour l’Algérie et son peuple. Nous sommes conscients des privilèges, mais aussi des défis, de vivre dans cette même communauté.

Le sentiment de gratitude et de reconnaissance

Le 27 décembre 2024 prochain, ce sera exactement 30 ans que nos confrères furent assassinés au sein de leur domicile communautaire ; mais les gens continuent de parler d’eux comme si c’était hier. Nous savons bien que les Bienheureux Alain, Charles, Jean et Christian étaient fortement engagés au sein de la société algérienne ; cela se situait dans un contexte où les écoles et centres de formation pouvaient encore être sous la responsabilité de non-nationaux.

Charles Deckers, la figure la plus emblématique des quatre, a formé pas mal d’élèves qui sont passés par le centre de formation professionnel dont il avait la charge. Ces élèves, aujourd’hui des cadres et hauts responsables dans l’administration algérienne, ne cessent de rappeler qu’ils ont été formés par Charles Deckers ; quelques uns même sont déjà à la retraite. Certains d’entre eux sont écrivains et ont consacrés des dizaines de pages à Charles Deckers dans les ouvrages publiés à un certain moment de leur carrière. Ces personnes, nous les côtoyons toujours.

Charles Deckers a vraiment marqué la ville de Tizi-Ouzou par son service et sa générosité : du centre de formation professionnelle qu’il a dirigé sont sortis des centaines d’élèves devenus cadres dans la nation algérienne à tous les niveaux. Charles était connu et apprécié par la population, y compris celle des villes et des villages environnants. En 1972, sûr et fier de son enracinement dans la terre algérienne, il avait acquis la nationalité du pays.

Jean et Alain étaient engagés pastoralement dans les visites de familles, principalement dans les montagnes de la Kabylie. Nous recevons encore des témoignages de certaines personnes évoquant leurs souvenirs de famille, en lien avec ces Bienheureux.

Par contre, on n’entend pas beaucoup parler de Christian. C’était le plus jeune des quatre ; nous savons qu’il était à la base du projet de la bibliothèque qu’il n’a malheureusement pas vu naître. Cette bibliothèque est aujourd’hui fréquentée par des dizaines d’inscrits : professionnels algériens, étudiants et chercheurs en médecine, linguistique et autres matières, même si nous constatons une baisse d’inscriptions ces dernières années.

Célébration annuelle

Chaque 27 décembre, nous lançons une invitation pour commémorer l’anniversaire de leur assassinat ; nous avons toujours un feedback positif, en ce sens que de nombreuses personnes se rendent au cimetière en leur mémoire. L’Algérie est un pays qui célèbre ses martyrs ; nos confrères en font partie.

Nous avons l’impression que leur mémoire est toujours vivante avec tous ces témoignages de vie que nous ne cessons de recevoir. Les gens sont reconnaissants et n’oublient pas les actes concrets que nos Bienheureux ont posés. Le sentiment de gratitude s’exprime aussi dans le fait de garder des liens avec la communauté actuelle des Pères Blancs de Tizi-Ouzou.

Le défi de vivre dans les traces des Bienheureux

L’activité missionnaire de Tizi-Ouzou se poursuit depuis 1874 jusqu’à nos jours. Plusieurs générations se sont succédées. Même si les perspectives adoptées par nos prédécesseurs sont différentes de celles que nous avons aujourd’hui, notre présence reste tout de même digne d’appréciation, mais elle doit être redéfinie en fonction du contexte socio-culturel actuel et des besoins de ceux qui nous entourent.

Nous rencontrons souvent le défi de la comparaison. Certaines personnes ont tendance à vouloir comparer ce que les Bienheureux ont vécu et ce que nous, nous vivons aujourd’hui. D’une part, c’est un encouragement à faire de notre mieux, à imiter leurs traces, tout en sachant que les possibilités qu’ils ont eues ne sont pas les mêmes que celles que nous avons aujourd’hui. D’autre part, vouloir nécessairement comparer ce qu’ils ont vécu et notre vécu aujourd’hui nous oblige à vivre dans l’ombre de nos prédécesseurs.

En plus de cela, il y a aujourd’hui la question de l’origine des confrères sur place. Il y a 20 ans, les gens étaient encore habitués à ne voir que des confrères européens ; aujourd’hui nous sommes, depuis une dizaine d’année, d’origine africaine, et plus jeunes que nos prédécesseurs. Cela cause parfois des incompréhensions et des questionnements pour certains puisqu’ils relient l’appartenance des Pères Blancs à la question de la couleur raciale. On entend même certains dire qu’il n’y a plus de Pères Blancs ici à Tizi-Ouzou. C’est un défi que nous essayons de relever par notre dévouement à la mission et au patrimoine que nous ont légué nos anciens.

Nous relevons aussi ce défi grâce aux témoignages encourageants de certains anciens amis et élèves des Pères Blancs. Par exemple, il y a eu un témoignage frappant et encourageant d’un ancien élève des Pères Blancs, après la célébration du 29ème anniversaire : « J’ai vu le Père Philippe habillé en gandoura au cimetière ! Cela m’a rappelé les temps anciens où les Pères Blancs étaient habillés de cette gandoura. Tous étaient blancs. Mais en voyant le Père Philippe habillé en blanc, tout en n’étant pas blanc, j’ai compris alors pourquoi on les appelle Pères Blancs : pas à cause de la couleur de peau, mais à cause de cet habit blanc. Je souhaite qu’à la prochaine commémoration tous les Pères Blancs portent leur gandoura blanche. » Voici un autre témoignage, d’un ancien : « Cet endroit est un lieu de pèlerinage ! Nous venons faire mémoire de ceux qui ont donné leur vie pour le bien de tous et nous sommes contents de rencontrer les Pères Blancs qui vivent dans cette maison maintenant ; ils nous rappellent le dévouement des quatre Pères Blancs. »

De la commémoration des quatre Pères Blancs au souvenir des anciens Pères Blancs

Parmi ceux qui viennent aux commémorations, certains n’ont connu aucun de ces quatre Pères Blancs. Ils viennent aux commémorations des quatre Pères Blancs afin de se souvenir aussi des autres qui les ont précédés. Ainsi, il y a des noms qui reviennent dans les témoignages des uns et des autres : le pères Louis Garnier, Jean Robichon et Georges Rogé. Les trois reposent dans le cimetière chrétien de Tizi-Ouzou avec 3 de nos 4 Bienheureux.  

Par: Benoît Mwana Nyembo, M.Afr. & Philippe Dakono, M.Afr. 

Le soin du bien commun

Par l’intériorisation des règles relationnelles et rationnelles, la philosophie sociale nous présente l’homme comme un être exclusivement social. Pour Michel Tournier,  l’homme « porte en lui un complexe échafaudage ». De ce fait, l’homme a une vocation de se construire en construisant sa communauté, sa société et son environnement. A cet égard, pour repenser l’écologie en ce jour, l’homme doit prendre conscience de sa mission de défendre la vie humaine de la conception à la mort, et toutes les formes de vie sur terre. Il est cependant impérieux de mentionner qu’à l’ère actuelle, la terre fait face à plusieurs défis majeurs. Ceux-ci rendent les conditions de vie difficiles. Dans son encyclique Laudato Si’, le pape François souligne l’utilisation irresponsable de l’héritage de la création. Pour lui, la terre « crie en raison des dégâts que nous lui causons par l’utilisation irresponsable et par l’abus des biens que Dieu a déposés en elle » (LS n° 2). Ce cri se présente aujourd’hui sous de multiples formes : l’homme dévasté, opprimé, maltraité, incompris, jugé ; un environnement négligé. Il importe donc qu’en célébrant l’écologie, nous pensions et posions des actes palliatifs face à ces fléaux que subissent la terre, nos communautés et l’humanité entière. Pour y parvenir, la mise en pratique de deux éléments nous parait indispensable : faire tout pour la préservation du bien commun et désirer ardemment le changement de l’ordre actuel.

Tout faire pour préserver le bien commun

Dans une perspective écologique communautaire, vouloir faire du bien revient à établir un lien étroit entre le dire et le faire ; c’est aussi adopter un mode de vie et d’agir qui puisse mettre fin aux actes et pratiques irresponsables nuisibles à la terre, et par conséquent à l’homme. C’est également encourager les valeurs qui facilitent la vie, la cohabitation pacifique entre les hommes, et entre l’homme et la terre. Il s’agit en effet de mettre fin à la haine, à la dépravation des mœurs. Il est temps d’éprouver la soif de l’amour, de la justice et de l’équité sociale. C’est l’occasion de mutualiser nos énergies afin de combattre la pollution de la terre, nos différences sociales, intellectuelles, ethniques ou raciales. Il est aussi temps d’opter pour une méthode éprouvée dans l’exercice du bien couronné par: le partage, la charité, la solidarité, la confiance mutuelle, la sensibilisation au changement climatique ; tout cela en vue de rendre à la terre, à nos communautés, à notre société une place où il fait beau vivre.

Désirer ardemment le changement de l’ordre actuel

Le changement est un projet qui s’entend dans un contexte dynamique. Il ne commence toutefois qu’à partir du premier effort de l’homme, de par sa volonté de vouloir améliorer les choses. Il est possible que chacun de nous ait une vision de ce que doit être ce changement : qu’en est-il pour moi ? Il est fort probable que nous n’arrivions pas à exceller dans la vie non pas parce que nous en sommes incapables, mais plutôt suite au manque de confiance dans la matérialisation de nos idées et de nos projets. Il est donc temps d’employer nos forces, nos réflexions, nos capacités intellectuelles pour construire un avenir meilleur. John Masson dans son livre Imitation is limitation, affirme ceci : We cannot become what we need by remaining what we are (Nous ne pouvons devenir ce qu’il faut en restant ce que nous sommes).

Le changement exige un éveil personnel et communautaire. Si l’on veut vivre dans un environnement parfait ou dans une communauté témoin de l’amour et de la joie de l’évangile, l’on doit sans aucun doute se conformer aux exigences, aux objectifs et aux devoirs de notre communauté, dans le contexte des Missionnaires d’Afrique, c’est-à-dire nous conformer au projet communautaire. Le rêve de la majorité des missionnaires d’Afrique est peut-être de voir cette société s’améliorer positivement en répondant sans entraves aux besoins missionnaires. Célébrer  aujourd’hui l’écologie, c’est revoir notre manière de traiter nos frères. C’est penser à une nouvelle société avec des confrères renouvelés. C’est rendre nos communautés agréables pour tous. C’est aussi rendre notre petite Société une famille pour tous où chacun a une place et peut s’exprimer, agir, dénoncer et annoncer un lendemain meilleur. Mais il serait plus concret de voir chacun de ses membres se donner corps et âme pour cette fin ultime. Ce n’est pas pour rien que le cardinal Lavigerie insistait sur l’Esprit de Corps. Dans une de ses lettres, nous lisons : « Ma dernière recommandation, mes chers fils, la plus importante des trois, celle sans laquelle toutes les autres seraient inutiles, c’est la recommandation du vieil apôtre d’Ephèse : Filioli, diligite invicem. Aimez-vous les uns les autres. Restez unis, unis de cœur, unis de pensées. Formez véritablement une seule famille, ayez fortement dans le sens chrétien et apostolique de ce mot, l’esprit de corps. Défendez-vous, soutenez-vous, aidez-vous toujours les uns les autres. Que la discorde ne pénètre jamais parmi vous ; que vous soyez, sans cesse, prêts à défendre réciproquement comme un seul homme, contre tous les adversaires du dehors, vos personnes, en un mot que vous soyez non pas seulement unis, mais un” (Cardinal Lavigerie, le 11 novembre 1874).

Il sied de se demander aujourd’hui, combien se mettent réellement à cette quête ? Combien portent de faux témoignages afin de nuire aux autres ou bien de les décourager ? Combien se donnent pour relever  les autres ?                                                             

Par: Guscard Igunzi, (étudiant en théologie, Limete/ Kinshasa)

Le torrent qui descend du Temple

Récollection du mai 2024

Crédit image: Generative AI, https://firefly.adobe.com/

José Maria Sarasola Celaya R.I.P.

Société des Missionnaires d'Afrique

Le Père Manuel Osa, Délégué Provincial du secteur d’Espagne,
vous fait part du retour au Seigneur du Père

José Maria Sarasola Celaya

le mercredi 1 mai 2024 à Madrid (Espagne)
à l’âge de 85 ans dont 60 ans de vie missionnaire
au Burkina Faso et en Espagne.

Prions pour lui et pour ceux qui lui étaient chers.

Téléchargez ici le faire-part de décès du Père José Maria Sarasola Celaya

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Notre Dame d’Afrique, Mère de l’Espérance

La basilique Notre-Dame-d'Afrique, Algeria

Dans la litanie de la Sainte Vierge Marie, on invoque Marie mère de l’espérance. En effet, dans le quotidien de nos vies, pleines de hauts et de bas, de joies et de peines, de bonheur et de malheur, de bienveillances et de violences, de rires et de souffrances, s’il nous manque l’espérance, la vie peut facilement perdre son goût et son sens. Nous sommes alors perdus, désespérés. Pour ne pas perdre l’espoir, nous avons besoin de rester encrer en celui qui est la source de la vie, la source de l’espérance.

« Nous avons été sauvés, mais c’est en espérance » écrit saint Paul aux Romains (8,24) ; il nous le dit à nous aussi. « La rédemption nous est offerte en ce sens que nous a été donnée l’espérance, une espérance fiable, en vertu de laquelle nous pouvons affronter notre présent » (cf. Spe Salvi, 2007), notre présent, même un présent pénible, tel que des situations angoissantes de perte de vie, de souffrances dans les guerres, de conflits, de tensions comme nous les vivons ou voyons à Gaza, à l’est du Congo (RDC), en Ukraine, en Somalie, en Birmanie (Myanmar), au Soudan, dans la région du Sahel, au Yémen, dans les environs de la mer Rouge, pour ne mentionner que quelques cas actuels.

Au milieu de toutes ces situations désagréables (surtout quand on n’y peut rien par nos propres efforts personnels), seule l’espérance peut nous faire vivre. Comme toutes les mères qui, souvent, ont l’habitude de promouvoir la qualité d’espérance pour leurs enfants, ainsi Marie, Notre-Dame d’Afrique, et notre mère à nous tous, ne cesse d’intercéder pour nous durant ces temps qui nous semblent incertains.

Aujourd’hui, notre monde est tourmenté par un manque de leadership réel qui, au lieu de tout faire pour arrêter les guerres, la violence, les tensions et les conflits de tous genres, les attise plutôt, malgré les avancées technologiques qui devraient nous aider à mieux progresser et non à reculer en humanité. L’expérience de la foi nous montre que Marie « brille comme une lumière qui attire à Dieu toutes les nations » (cf. les lectures de la solennité de Notre-Dame d’Afrique, le 30 avril) ; ces nations qui marchent dans la lumière du Seigneur sous la protection de Maman-Marie, se laissent illuminer par Lui.

Expérience de  Madame-Afrique à Alger

Située sur les hauteurs de la commune de Bologhine à l’ouest d’Alger, sur un promontoire dominant la mer Méditerranée de 124 m. d’altitude, la basilique Notre-Dame d’Afrique est captivante ! Construite en 14 ans, cet édifice d’une architecture imposante  est surnommée « Madame Afrique » ou « Lalla Myriem » par les habitants du voisinage. Souvent, quand on demande la direction pour y arriver, tout est plus facile et plus compréhensible pour les habitants quand on dit « Madame Afrique ». Le gros œuvre de la construction de cette basilique historique a été réalisé sous l’épiscopat de Mgr Pavy, entre 1858 et 1866. Le cardinal Lavigerie a achevé les travaux en 1872, et confié sa reponsabilité aux Missionnaires d’Afrique (Pères Blancs).

Dans le passé, durant les années 1930, les pèlerins de presque toute l’Algérie et des environs, gravissaient la côte pieds nus, récitant le chapelet à haute voix, venant à Notre-Dame pour chercher la consolation, la protection, la guérison, faisant un vœu ou venant l’accomplir. Des pêcheurs y faisaient bénir leurs filets ; on s’y rendait pour apporter un don après une bonne récolte, pour y renouveler les promesses de baptême, pour faire bénir les jeunes enfants. Souvent, on offrait des bougies ou des bouquets de fleurs pour les jeunes épouses catholiques ou parfois juives, ou même musulmanes, adressant des invocations à Lalla Myriem, comptant sur son intercession en toute circonstance (cf. Homélie du père Patient Bahati, le 30 avril 2020, à Rome).

Aujourd’hui, comme autrefois dans le quotidien de la vie en Algérie, nombreux sont les quelques centaines de personnes qui fréquentent la basilique Notre-Dame d’Afrique chaque jour. Parmi eux, on voit des femmes stériles, des femmes enceintes, des écoliers venant pour réussir les examens du BAC ou autres concours, des personnes souffrantes dans leur corps ou dans leur âme, ou simplement  pour des  visites de courtoisie/de curiosité ;  ces gens viennent allumer une bougie et prier tranquillement en invoquant Marie dans un recueillement silencieux. Même si la majorité des personnes viennent d’Algérie, un bon nombre viennent d’ailleurs et se confient à l’intercession de la Vierge Marie, Notre-Dame d’Afrique, source de joie et mère d’espérance pour tous.

Les nombreux témoignages de prières exaucées et de grâces obtenues sont exprimés par les ex votos qui couvrent les murs de cette basilique vivante et priante, symbole du dialogue interreligieux qui a désormais institué une journée mariale annuelle. Sur ces murs, les nombreuses plaques de pierre qui y sont gravées en toutes langues et datant de toutes les époques, témoignent que Dieu n’oublie pas les supplications des âmes sincères et justes : il accorde toujours ses grâces innombrables.

Au-delà des grâces obtenues, en venant physiquement à Notre-Dame, des grâces innombrables sont aussi obtenues par tous ceux qui invoquent son intercession bien au-delà de la terre algérienne où est située la basilique. Marie intercède donc non seulement pour l’Afrique, mais aussi pour le monde entier. Elle veut le bien-être de tous ses enfants sans exception. Ceci est confirmé par ses différentes apparitions dans pas mal d’endroits au monde  : à Lourdes en France, à Guadaloupe au Mexique, à Kibeho au Rwanda, à Fatima au Portugal, à Zeitoun en Egypte, à Akita au Japon etc.)

Comme François Varillion nous le rappelle dans son livre ‘Humilité de Dieu’, « Dieu est pure gratuité » : Il nous communique sa grâce gratuitement sans calcul, souvent par l’intercession de la Vierge Marie, elle qui ne fait ni de différences ni de calculs entre ses enfants.

Marie, étoile de l’espérance, intercède pour nous

Marie, mère de Dieu, mère de l’Eglise et mère de l’humanité, ne cesse pas d’intercéder pour nous tous pour une espérance étoilée. Nous trouvons la meilleure illustration de Maman Marie comme étoile d’espérance dans la Lettre encyclique du pape Benoit XVI Spe Salvi (L’espérance nous sauve). Vers la fin de de cette belle exhortation, Marie est évoquée dans les termes suivants :

«  Par une hymne du VIIe-IXe siècle, donc depuis plus de mille ans, l’Église salue Marie, Mère de Dieu, comme « étoile de la mer »: Ave Maris Stella.  La vie humaine est un chemin.  La vie est comme un voyage sur la mer de l’histoire, souvent obscur et dans l’orage comme nous le voyons ces-jours-ci ; un voyage dans lequel nous scrutons les astres qui nous indiquent la route, à l’exemple des rois mages. Les vraies étoiles de nos vies sont les personnes qui ont su suivre les étoiles de la droiture, l’amour et la vérité, la justice et la paix, la réconciliation, pour ne mentionner que ces valeurs chrétiennes et humaines. Les vraies étoiles sont des lueurs  d’espérance. Certes, Jésus Christ est la VRAIE lumière qui illumine le monde même si le monde préfère des fois les ténèbres à la lumière du Christ. Jésus est non seulement la vraie lumière, mais aussi le soleil qui se lève sur toutes les ténèbres de l’histoire. Cependant, pour arriver jusqu’à Lui, nous avons besoin aussi de petites lumières des uns et des autres. Et quelle personne pourrait, plus que Marie, être pour nous tous l’étoile de l’espérance – elle qui par son « oui » ouvrit à Dieu lui-même la porte de notre monde ; elle qui devint la vivante Arche de l’Alliance, dans laquelle Dieu se fit chair, devint l’un de nous, planta sa tente au milieu de nous (cf. Jn 1, 14) ? »  (Spe Salvi, 2007, n° 49).

En conclusion, notre humanité en pèlerinage sur cette terre, notre maison commune, devrait s’inspirer de la sagesse des paroles de la quatrième prière eucharistique pour des circonstances particulières intitulée ’Jésus est passé en faisant le bien’. Cette prière profonde invoque Dieu à faire en sorte que l’Eglise soit « un vivant témoignage de vérité et de liberté, de justice et de paix, afin que l’humanité toute entière se lève pour une espérance nouvelle ». Puissions-nous nous laisser interpeler et inspirer par la profondeur de cette prière par l’intercession de la Vierge Marie, Notre-Dame d’Afrique, mère de l’espérance.

Par: Vincent Kyererezi, M.Afr.

Contribution pour une éducation environnementale et écologique

Des charbons écologiques et des chapeaux issus de la récupération des déchets

Après un séjour de sept mois, ici dans la province du Haut-Katanga, en ville de Lubumbashi, et plus précisément dans la commune de Katuba où se situe notre paroisse Sainte-Bernadette, j’ai eu à faire des constats lors de mes promenades, de mes tournées dans les communautés chrétiennes de base ou de visites aux malades et aux familles. Ces constats ne sont pas loin de ce qu’on l’on observe souvent dans les grandes villes : inondations pendant la saison des pluies, caniveaux ruisselant d’eaux usées, sales et nauséabondes ; ceux-ci sont à certains endroits bouchés par des bouteilles en plastique ; des fois même, ces eaux chargées de microbes sont utilisées pour nettoyer les véhicules. Les sachets et les ordures ménagères jonchent beaucoup de rues ; certains entassent les ordures devant leur maison comme une protection pour empêcher l’eau d’entrer dans leur maison ; d’autres attendent que ces tas d’ordures arrivent à une certaine hauteur pour mettre de la terre au-dessus afin que l’eau ne puisse pas pénétrer dans le sol. L’eau de la rivière Katuba a pris une couleur verdâtre ; de part et d’autre de ses rives, on voit des tuyaux de canalisation des douches et même sans exagérer, des toilettes. L’eau de cette rivière est encore utilisée pour arroser les légumes des jardins potagers aménagés aux environs. Tel est notre constat que nous qualifions de ‘‘voir’’.

Pour arriver à mieux préciser et à analyser nos constats, la paroisse a bénéficié des services d’une ONG locale dénommée AMA (Action Metanïa Africa). Cette dernière est spécialisée dans la gestion des déchets et de leur recyclage, en fabriquant du charbon écologique, des pavés hydrophobes avec les plastiques récupérés, des chapeaux, des sacs pour les minerais et beaucoup d’autres choses, bref, de donner une seconde vie aux déchets. Une équipe constituée d’une délégation technique de cette ONG, dirigée par la fondatrice, Mme Virginie Adallah et quatre personnes de la paroisse y compris moi-même, avait fait une descente sur terrain pour s’enquérir des réalités, en vue d’en juger pour arriver à aider la population.

Au cours de cette tournée dans le quartier, des propos ont été recueillis venant des habitants de la commune. Beaucoup d’entre eux considèrent leur situation comme une fatalité et se sentent oubliés par le gouvernement qui, selon eux, devrait s’occuper du ramassage des ordures ménagères et des immondices ; c’est pourquoi ils les jettent sur la voie publique. Nous leurs avons bien signifié que nous ne sommes pas là pour accuser qui que ce soit, mais plutôt pour nous aider nous-même. Des photos, vidéos et interviews réalisés nous ont aidés à préparer la deuxième phase de notre activité, le ‘‘juger’’.

Une conférence a ensuite été organisée sous le thème Contribution à une éducation environnementale et écologique. Ce thème a été dégagé suite à un entretien tenu avec la fondatrice d’AMA où je lui avais fait connaître l’existence d’une Encyclique du pape François intitulée Laudato Si, parlant de la sauvegarde de l’environnement. Ont été invités à cette conférence d’abord les agents pastoraux de notre paroisse, le bourgmestre et les chefs de quartier et des avenues, puis les pasteurs et responsables des nouveaux mouvements religieux et des Eglises du réveil et, enfin, certaines personnes ressources des quartiers qui entretiennent le devant de leur parcelle et maison. L’équipe Laudato Si’ de l’archidiocèse de Lubumbashi était aussi invitée à cette conférence. Certaines autorités comme le maire et le ministre chargé de l’Environnement se sont excusés, mais se sont fait représenter.

Après la prière et le mot de bienvenue du curé de la paroisse Sainte-Bernadette, le père Gautier Sokpo, la première conférence a été donnée par Mme Virginie Adallah, fondatrice d’AMA. Cette conférence a retracé les constats effectués lors de notre descente dans le quartier, et ensuite analysés et interprétés. Ceci a ouvert les yeux aux participants qui croyaient que c’est seulement l’Etat qui doit nettoyer nos quartiers et nos rues. C’était une invitation à tout un chacun de s’occuper du destin de nos quartiers en faisant ce qu’on peut faire pour les rendre propres, et ensuite inviter l’Etat et le gouvernement à faire leur part. Des techniques de tri de déchets ont été montrées en vidéos, surtout le système des trois ou quatre poubelles de différentes couleurs ; de même, la manière de récupérer les vieux habits et tissus pour en fabriquer des chapeaux. Elle a mentionné aussi les activités de leur ONG.

Après cette conférence, c’était le tour de la Sr Syvie, coordonnatrice de l’équipe Laudato Si’ de l’archidiocèse de Lubumbashi. Elle a présenté l’encyclique du pape François sur l’environnement et l’action de grâce qu’il invite le monde à rendre à Dieu pour ses créatures qui sont comme frères et sœurs et ont besoin d’être entretenues. Elle a fait cas des travaux de l’équipe dans les paroisses et les séminaires, et même dans les mosquées. La création de cette équipe a été voulue par Mgr Fulgence Muteba, archevêque de Lubumbashi. Depuis le lancement de ce mouvement, il ne peut pas finir ses homélies sans faire cas de la protection de l’environnement.

Notre activité était aussi organisée pour suivre cet élan donné par notre pasteur. La Soeur était venue avec des artistes qui ont chanté « les déchets sorciers » ou « kuloka » ou bien « Buchafu bulozi ». Par finir elle a déclaré que notre paroisse était une paroisse phare, à cause de l’organisation de cette activité ; son équipe la donnera comme modèle pour les autres. Les participants ont étonnés d’entendre que les déchets peuvent être recyclés.

Après ces interventions, les participants ont été invités à un travail de groupe où ils avaient à répondre à un questionnaire portant sur le soin qu’ils donnent à leur environnement. Lors de la mise en commun, une volonté de s’occuper de leur environnement est ressortie de leurs réponses. Ils avaient soif de voir se réaliser notre rêve d’ensemble de rendre le quartier propre. Ils ont demandé que cette conférence ne soit pas comme tant d’autres auxquelles ils avaient participé restées sans porter de fruits.

La prochaine phase de notre activité concernera aussi ‘‘l’agir’’. Pour ce faire, les participants à la conférence ont été invités à commencer déjà à leur niveau ce qu’ils peuvent faire ; ce ne sera qu’après que les plaidoyers se feront auprès du maire et du gouverneur pour le cas de notre quartier. Au programme des activités, mentionnons les visites des écoles pour sensibiliser les élèves à s’occuper de l’environnement scolaire, afin de les mettre sur ce chemin d’éducation environnementale. En plus des écoles, les centres de santé de notre zone de santé seront aussi visités en vue de les sensibiliser ; ce sera aussi le tour dans églises du réveil de notre quartier.

Par: Gautier Sokpo, M.Afr.

Un respect inconditionnel pour chaque personne

Quand on parle des droits de l’Homme à la lumière de l’évangile, c’est d’abord vers la figure de Jésus qu’il faut se tourner et à ce que nous en disent les évangiles. La première chose qui frappe dans de nombreux épisodes de la vie de Jésus, c’est l’accueil et le respect qu’il manifeste pour chaque être humain, adulte comme enfant. Il reconnaît, comme on nous le recommande, la dignité de chaque personne, créée à l’image de Dieu.

On sait qu’il appelle Dieu « Abba » (père) et donc que chaque être humain est pour lui fils et fille de Dieu, aimé de Lui. Comme le soulignent d’ailleurs ses adversaires, il ne fait acception de personne : « Maître, nous savons que tu es franc et que tu ne te laisses pas influencer par qui que ce soit : tu ne tiens pas compte de la condition des gens, mais tu enseignes les chemins de Dieu selon la vérité » (Marc 12, 14).

Bien plus, il prend facilement la défense de celui qui est opprimé, marginalisé, mis de côte, méprisé ou ignoré. Des épisodes,  comme celui de Zachée, nous montre même sa prédilection pour ce genre de personnes.

Il nous demande aussi de changer de regard pour que chacun adopte la même attitude que lui : un respect inconditionnel pour chaque personne. A cet effet, il va même jusqu’à donner en exemple aux adultes les enfants, aux hommes des femmes, aux justes (ou qui se pensent tels) des pécheurs, aux juifs des non-juifs. En cela, il révolutionne la religion et la culture ambiante où, comme pour nos sociétés, ce sont les hiérarchies, les organigrammes qui comptent. Pour lui, chaque personne a sa valeur et sa dignité, et il le manifeste et le déclare.

Son commandement est clair : « aime ton prochain comme toi-même ». Il explique : « Ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits, qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait… Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger et vous m’avez recueilli ; nu, et vous m’avez vêtu ; malade, et vous m’avez visité ; en prison, et vous êtes venus à moi » (Mt 25, 40.35-36). Jésus s’identifie à chaque personne.

Le Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise

Le Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, cette deuxième partie du catéchisme de l’Eglise, comme l’appelait le pape Jean-Paul II – deuxième partie souvent très mal connue et rarement enseignée dans la catéchèse – le souligne à sa façon : « la racine des droits de l’homme doit être recherchée dans la dignité qui appartient à chaque être humain « (n° 153). Le Compendium continue ainsi : « Ces droits sont universels, inviolables, inaliénables. Universels, parce qu’ils sont présents dans tous les êtres humains, sans aucune exception de temps, de lieu et de sujets. Inviolables, en tant qu’inhérents à la personne humaine et à sa dignité. Inaliénables, dans la mesure où ‘personne ne peut légitimement priver de ces droits l’un de ses semblables, quel qu’il soit, car cela signifierait faire violence à sa nature’ ».

Le numéro précédent du Compendium affirmait déjà : « Le Magistère de l’Eglise n’a pas manqué d’évaluer positivement la Déclaration universelle des droits de l’homme proclamée par les Nations Unies le 10 décembre 1948, que Jean-Paul II a qualifiée de véritable ‘pierre milliaire placée sur la route longue et difficile du genre humain’ » (n° 152).

Mon expérience

On sait l’importance aujourd’hui de cette Déclaration universelle presque partout dans le monde. Dans mon expérience d’engagement pour la Justice, la Paix et l’Intégrité de la création au Rwanda, j’ai vu comment, en se basant sur ces droits, nous pouvions nous mettre d’accord entre gens de tout bord. Par exemple, j’ai participé à la fondation d’une Association de défense des Droits de la personne et des Libertés publiques (ADL) et me suis engagé concrètement, avec des personnes d’autres Eglises et d’autres religions – ou sans religion – pour des actions communes qui ont eu un grand impact dans le pays jusqu’au génocide de 1994.

De même, par la suite, à Bruxelles, dans le cadre de Pax Christi, en lien avec d’autres associations et de nombreux autres réseaux à travers le monde, j’ai participé à la campagne    pour l’interdiction internationale des mines terrestres antipersonnel. Cette campagne a réussi : la Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, a été conclue le 18 septembre 1997, à Oslo, signée par 122 gouvernements en décembre, à Ottawa, et entrée en vigueur le 1er mars 1999.

Notre combat

Cette lutte contre la prolifération des armes est sûrement pour un chrétien et un M. Afr., une forme d’engagement fondamentale. Nous devons la continuer sans cesse, de même que celle pour l’abolition de la peine de mort dans tous les pays. Selon les statistiques de 2021, 106 Etats ont aboli la peine de mort pour tous les crimes, 8 l’ont abolie pour les crimes de droit commun, 50 respectent un moratoire sur les exécutions en droit et de fait, soit 164 Etats au total. En revanche, la peine de mort est toujours appliquée dans 54 Etats et territoires, dont certains pays d’Afrique. Nous avons encore du travail à faire en ce sens !

Je voudrais terminer en évoquant un autre sujet qui me tient à coeur : l’engagement pour la non-violence active et évangélique. Celle-ci commence avec la communication non-violente, méthode de Marshall Rosenberg, que beaucoup d’entre-nous connaissent ; mais elle va beaucoup plus loin.

L’on sait que les grandes injustices structurelles du monde ne peuvent être vaincues que par des campagnes et des actions non-violentes. J’aime donner en exemple le colonialisme (Gandhi), la ségrégation raciale aux Etats-Unis (Martin Luther King), le communisme (Lech Walesa et Jean-Paul II), l’apartheid en Afrique du Sud (Nelson Mandela), sans oublier l’esclavage : le cardinal Lavigerie n’est-il pas devenu fameux dans l’opinion mondiale surtout pour sa campagne anti-esclavagiste ? Seule la non-violence active, supportée par de grandes foules, a pu éradiquer ces fléaux qu’a connus l’humanité.

Finalement, n’est-ce pas l’attitude de Jésus et les paroles de l’évangile – comme celles du sermon sur la Montagne – qui ont inspiré les personnalités mentionnées et poussé des foules à l’action ?

By: Guy Theunis, M.Afr.